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dimanche 31 août 2003


Il s’est assis, il a parlé, je l’ai écouté.
Cet homme avec qui j’ai mangé à l’hôtel.
On était seuls, les seuls clients.
Il avait besoin de parler, j’avais besoin d’écouter.
Il m’a raconté son histoire, cet homme. il étais assez vieux, à la retraite. Le poids des ages sur le visage. Le poids des ans, celui de la tristesse.
Il m’a raconté sa femme malade. La maladie incurable, celle qui bouffe la vie sans laisser d’espoir. Celle qui fait partir l’autre ailleurs, mélange les ages, fait oublier les prénoms mais pas les visages.

Tu étais au téléphone de nouveau ce soir là, et je t’ai raconté ce vieux.

Je t'ai raconté comment il est resté auprès d’elle longtemps, des années. Des années à la voir partir dans un autre monde, à la regarder l’oublier. Et lui, à rester auprès d’elle, sans jamais la quitter, sans jamais la quitter des yeux.
Je t'ai raconté pourquoi au bout de ces années, il n’en pouvait plus, il se sentait fatigué. Fatigué de ce travail qui n’en était pas un de surveiller la femme de sa vie. Fatigué de vivre pour elle et même pas avec elle. Et même l’inavouable, fatigué par elle.
je t'ai raconté qu'il a voulu prendre ce qu’il s’appelait des vacances.
Je t'ai raconté qu'l a cherché une personne pour reprendre la surveillance pendant son abscence. Puis il est parti. En vacances. Voir la mer. Voir la montagne. Voir ses amis disparus depuis sa propre disparition.
Je t'ai raconté qu'au milieu de ses vacances, son téléphone sonne, lui qui ne sonnait plus depuis si longtemps.
je t'ai raconté qu'elle était décédée, comme ça d’un coup, sans prévenir, sans annoncer. Il est retourné chez lui, il l’a enterrée.

La vie est une salope hein ? C’est quand il était pas là qu’elle l’a quitté.
...
Il l’a surveillé des années sans interruption, puis au moment où il va se promener, elle le quitte.
Peut être qu’elle ne voulait pas qu’il la voie partir.

C’est peut être qu’on ne peut quitter quelqu’un pour de bon que lorsqu’il est absent.

Tu n’as rien dit, rien répondu. Il n’y avait rien à répondre. Je n’avais rien à ajouter. Tu as raccroché au bout du silence.
J’ai fait des cauchemard cette nuit là.

Dans le métro, une jeune femme s'asseois à mes côtés, l'allée entre nous.
nous sommes les deux seules personnes à avoir un livre dans a rame.
Elle se tourne vers moi, regarde mon livre Alcools, puis me sourit. Elle lit une vieille une vieille édition de Yourcenar, dont je ne reconnais pas le titre. Je luis souris à mon tour.
Elle se lève et va s'asseoir quelques rangées plus loin.
Je crois que je ne suis pas armé pour comprendre certaines choses.

Plus loin, terminus. Un homme dors, il se fait piéger.
Sur le quai, je vérifie le forfait, et souris.
je me rend compte que je ne l'ai pas réveillé, juste pour le voir se faire piéger, juste pour le plaisir d'en sourire, ça ajoute à mon amusement.

Raconte moi une histoire.
Non, écris moi une histoire plutôt.

samedi 30 août 2003


C'est une des ces journées où tu décides de ne pas exister. Tu ne sors pas de chez toi. Tu n'entends pas ta voix. Tu ne répond pas au téléphone. Tu ne vas pas où tu devais aller.
Une journée de silence.
Une journée à lire et écouter.
Des fois, tu en as besoin.

Le malheur avec le malheur, c'est qu'il y en a toujours un pour en cacher un autre. (...)
Le malheur avec le malheur, c'est qu'on ne peut pas s'occuper de tous. On doit ignorer, fermer les yeux. Lequel choisir ? Comment les choisir tous ? Lequel doit m'émouvoir ? Lequel doit m'indigner ?


D. Mermet, Là-bas si j'y suis - Carnets de route

De retour à l’hôtel, dans la moiteur chaude de la salle de bain, nu, je me suis scruté dans le mirrior. Je vieillissais. Les années sans activité physique commençaient à se voir. J’avais l’impression que le stress, l’angoisse avaient marqué ma peau, je la trouvais triste, je ne l’avais jamais vraiment aimée. Ca faisait longtemps que je ne m’étais pas regardé comme ça, je me suis senti mal à l’aise.

L’hôtel était vide, ou quasiment. J’ai choisi une table près de la fenêtre, pour pouvoir continuer de m’évader un peu.
Un homme est entré. Vieux, il était là depuis quelques jours, je l’avais déjà remarqué. Il s’est approché de moi. Visiblement il avais envie de parler à quelqu’un. Son visage semblait usé, je regardais ses rides. J’ai pensé à ma peau que je regardais tout à l’heure. Il m’a demandé s’il pouvait s’asseoir ici, en face moi. J’avais envie d’écouter quelqu’un.
Il s‘est assis.

vendredi 29 août 2003


Dans la nuit elle t'a raconté que parfois elle s'amusait à répondre à des interviews imaginés. Elle journaliste qui posait des questions auxquelles elle répondait. Des faux entretiens qu'elle faisait en vrai. En imaginaire.
J'ai ri, un peu moqueur.
J'ai pas osé lui dire que moi aussi.

C'est étrange de lire ce que j'ai écris cité par d'autres. A chaque fois je relis, j'ai l'impression de relire un bout d'inconnu.

Elle a raccroché. J’ai posé le téléphone. Je me suis allongé.
La nuit est passé vite, le sommeil serein.
A la fenêtre il pleuvait toujours, je croyais que ça n’allait jamais s’arrêter.
Je me suis assis sur la plage, la tête sur les genoux. J’entendais la pluie battre le ciré jaune, emprunté à l’hôtel. J’étais seul sur la plage. Le grondement incessant de l’océan.
J’écoutais l’écume.
Je regardais.
Le vent froid qui cingle et qui fait mal au visage. L’eau, le sel, le sable, les larmes qu’on ne peut pas voir qui se perdent. J’ai regardé le vent assez longtemps.
Le corps douloureux de froid, je me suis levé, j’ai fait quelques pas. J’ai regardé autour, la nature folle, la ville au loin sur la côte qui brillait.
Je me suis demandé quelle il y avait dans cette ville. Quels gens vivaient. Quels amours. Quels drames. Quels morceaux de sordide.
Je me suis rassis, j’ai regardé les vagues de nouveau. J’ai souris.
Le visage gelé, je suis rentré à l’hôtel.

Tu te demandes si c'est judicieux de passer autant de temps à écrire ces quelques lignes, alors que tu pourrais lire tant de pages que tu n'as pas encore lues.

jeudi 28 août 2003


De même que les (je voulais)

Tu aurais pu mettre tous les (pas) entre parenthèses.

Je voulais pas pleurer.
Je voulais pas crier.
Je voulais pas dormir à ce moment là.
Je voulais pas dire ces mots.
Je voulais pas m'en aller.
Je voulais pas que tu t'en ailles.
Je voulais pas partir.
Je voulais pas comprendre.
Je voulais pas voir.
Je voulais pas faire des listes.
Je voulais pas t'écrire.
Je voulais pas que tu me comprennes.
Je voulais pas de cette musique.
Je voulais pas ne pas vouloir.
Je voulais pas penser que.
Je voulais pas me souvenir.
Je voulais pas y passer la nuit.
Je voulais pas ne pas y penser.
Je voulais pas être dérangé.
Je voulais pas finir.

Juste que la question se pose à cause de ce Monsieur, alors je la lui rend.

- Où es tu ?
J'ai laissé le silence s'installer. Je n'avais pas envie de répondre. J'ai expliqué que j'avais démissionné, rendu mes clefs, et pris le train jusqu'ici. Je lui ai dit que j'étais triste, mais que je me sentais bien. En tout cas, bien mieux. Je lui ai dit que j’étais dans un hôtel, que je voyais la mer de ma fenêtre et qu’il pleuvait. Je ne lui ai pas dit où était l’hôtel.
Je lui ai dit qu’elle était partie avant que je parte moi même, je n'avais plus de compte à lui rendre.
Je le lui ai dit.
Je me sentais froid.
C'était cruel. Des sanglots ravalés de nouveau. Je ne me suis pas senti coupable. Je n'avais pas à l'être. Je voulais juste oublier l'avant, l'oublier elle aussi.
J'ai raccroché.
Le téléphone s’est remis à sonner aussitôt. C’était elle de nouveau. Elle voulait savoir pourquoi. Je ne savais pas trop quoi lui dire. Je ne savais pas vraiment pourquoi, j’avais conscieusement évité la question.
Juste que un jour un peu comme les autres, tu t’asseois pour faire ce que tu fais depuis des années, puis tu te demandes si c’est bien ce que tu veux faire de ta vie, et la réponse t’apparaît comme évidente. Tu la connais depuis des lustres mais tu n’avais jamais voulu l’entendre. Ce qui était quasiment normal te semble soudain insupportable. Tu cherches à faire semblant un moment, mais tu n’y arrives même plus. Tu te rends compte que tu as fais semblant depuis tout ce temps, tant de temps. Alors tu ne quitte pas, tu romps.
Tu t’es juste posé cette simple question “Mais qu’est ce que tu voulais faire quand tu seras grand ?”
Et tu te rend compte que tu ne t’es jamais écouté répondre à cette question. Et tu rend ton tablier, sans préavis, sans te raccrocher à ce qui te tenais. Tu t’en vas.
Tu comprends ?
Elle raccroche.

"Les pires détresses que j'ai connu n'appartiennent non à ma vie réelle, mais à mes songes"
A peu près retranscript de la radio, donc à peu près de Clément Rosset.

Cette musique brillait comme un collier autour de ton cou.

Regarde toi dormir. Tu as l'air apaisé quand tu dors.

mercredi 27 août 2003


Tu crois que tu me fais peur à me regarder comme ça ?


Le monde à l'air d'être de plus en plus loin, tu ne le vois plus qu'en tout petit. Tu écoutes cette berceuse chantée tout doucement. tu as envie de te laisser aller.

Ces gens qui partent au bout du monde alors qu'on a même pas fini la discussion qu'on a commencé le jour où on s'est rencontré, il y a quelques années.

Tu aimes bien cette histoire.

Une boule dans l'estomac.

mardi 26 août 2003


- Je ne peux m'empêcher de penser que la vie est une sorte d'année scolaire, tu comprends, et qu'à la fin on va tous recevoir notre bulletin, plein de révélations étonnantes. Le Témoin, embrassant toute notre existence d'un seul coup d'oeil, nous dira :"Bon, eh bien, vous avez écouté le Quinquette de Schubert soixante trois fois, vous avez mangé sept cent quarante et un bagels au sésame..." Non, hein ? Oh, Stella...comment se résigner à l'idée qu'il n'y aura jamais aucun Jugement d'aucune sorte ? Ni Premier, ni Dernier, ni jour d'expiation, rien du tout ?
- C'est dur, je sais bien, dit Stella, avalant sa dernière goutte de thé au lait et faisant tinter sa tasse en porcelaine dans la soucoupe. Mais au fond, ajouta-t-elle, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de Démerdeur suprême qu'on est obligé de rester dans la merde


Nancy Huston - Instruments des ténèbres

lundi 25 août 2003


Comme ce n'est pas pour moi un anniversaire de quoi que ce soit, je pense que c'est le moment idéal pour en parler. Je ne sais pas trop pourquoi, je me suis interdit de parler d'ici ici. Alors qu'écrire sur l'acte d'écrire a toujours été une partie intégrante de mon activité d'écriture. Certainement parce qu'il y a un certain risque d'écrire en rond, stérilement. Et que cette partie de l’écriture ne mérite pas d’être exposée, c’est de la cuisine interne. Si j’osais, je dirais que c’est la recette que le chef ne dévoile pas (j’ai osé).
Je ne sais pas exactement pourquoi j'ai commencé à créer cet espace. Et j’ai préféré écrire sur écrire avec parcimonie, retenue, attention, surtout très peu.

Je sais juste que j'ai longtemps eu l'envie de faire lire les quelques lignes que j’écrivais sur un cahier à d'autres personnes que celles qui me connaissent bien, celles que je connais bien.
L'idée d'un espace web était présente depuis bien plus longtemps que cet endroit, celui-ci n'est né que grâce à la rencontre avec cet outil, qui fonctionne comme un cahier à l’envers, et presque en mieux, parce que j’arrive à me relire, ce qui n’est pas toujours vrai sur du papier, et en plus, il n’y a pas de rature. Si cet outil n'avait pas existé, cette page n'aurait certainement jamais vu le jour non plus non plus, j'aurais été bien trop flemmard pour l'inventer moi même.

Je n'attend pas grand chose de cet espace, ou plutôt je ne sais pas quoi en attendre. Ce n'est pas un journal intime, ou pas que, ni principalement. Ce n'est pas une oeuvre de fiction, ou pas que, ni principalement. Dire que je n'écrirais que pour moi serait un mensonge, je n'expose pas pour ne pas être lu. Dire que j'expose simplement serait un mensonge aussi, je suis parfois intimiste, mais je n’en attend pas une hypothétique thérapie.

Ce lieu est juste l'endroit où un obsédé de la pudeur joue à s’exposer. J’aimerais que ce lieu ne soit qu’une scène, où je serais comédien. Mais je sais que parfois c’est un lieu où le comédien n’est plus vraiment acteur, c’est juste le texte qui change, il n’a plus vraiment de texte, alors il se raconte. C’est aussi un lieu où je montre parfois les autres, d’autres qui m’ont touché, des bouts de livres, des bouts de vie, des bouts d'imaginaires.

Cette dissonnance entre l’intime supposé et le fictionnel espéré me trouble. Il semble admi de façon quasi (inconsciente?) que ce qui se trouve sur un carnet web doit être intime et vrai ou bien informatif et vrai, et ce qui est mensonge ou fiction n’ai pas lieu d’être s’il n’est pas annoncé. Il n’est pas question pour moi de me dévoiler totalement, même si je le fais parfois. il n’est pas question pour moi de n’écrire que fiction. Je ne préviens jamais de la nature d’une entrée. Réelle, imaginée, vécue, vue, reconstruite. Quelle importance. Et même, comment poser la limite ?

Quand je passe une demie heure pour trouver la tournure de phrase qui me convienne pour raconter une chose intime, n’est-elle pas construite finalement ? Quand j’écris d’un jet une scène inventée, n’est-elle pas plus réelle, spontanée ? Je ne sais pas.

Donc je raconte une histoire, des histoires, avec des bouts vrais, des bouts inventés, je ne dis pas lesquels. Mais les deux font partie de moi. Est-ce que de savoir que les quelques lignes qui vous ont touché sont fictives les rendent moins touchantes ?
Je ne sais pas, je n’ai pas vraiment de réponse en ce qui me concerne. mais je me sens en porte à faux quand on me demande la suite d’une histoire dont je ne connais pas la fin, parce qu’elle n’existe pas, ou pas encore. Je me sens aussi en porte à faux quand des personnes ont l’air de croire que je raconte ma vie, alors que pas vraiment. Désemparé surtout. Ma vie, je crois que je ne pourrais pas la raconter comme ça, devant tout le monde. Disons que l’ambiguité peut aller tant que les lecteurs sont suffisament lointains pour ne pas vraiment exister. Quand vous prenez corps, par vos interventions, vos carnets personnels, où même vos existences vraies dans ma vie à moi, j’ai l’impression de trahir d’une certaine façon, et ça me met mal à l'aise. Une solution aurait de tout écrire en "il", ou même en "vous", en "tu". Je n'y arrive pas vraiment. Et puis ma vie n'est pas tellement passionnante dans le fond.

En l’état actuel de mon égo, je ne peux pas vraiment faire autrement que de rester caché sous cette ambiguité. Et j’expose ce que je veux, c’est l’expression de mon ego aussi, bien réelle.
C’est pour ça que j’ai voulu prévenir que l’écriture était mensonge.
Des fois je préfère simplement la question, je n’ai pas vraiment de réponse.

(1)


Ca faisait quelques jours que j'étais dans cet hôtel. Une chambre avec vue sur la mer. Je n'étais pas sorti de la chambre depuis mon arrivée. il pleuvait des cordes. Je me contentais de regarder par la fenêtre, et d'écouter ces bruits d'eaux, si différents.

J'étais fatigué, je ne voulais voir personne.

Mon téléphone a sonné, j'avais presque oublié sa présence. C'était elle.
Elle se demandait où j'étais.

(2)


Elle se demandait mais n'osait pas demander. Ses premiers mots étaient hésitants, cette hésitation des paroles des personnes qui sont chères et qu'on a pas vu depuis longtemps, ces paroles qui ont peur de blesser de trop bien nous connaître.

Je savais qu'elle voulait savoir, je ne voulais pas l'aider à le demander. J'étais parti sans explication, ce n'était pas pour lui expliquer sans qu'elle me le demande.
Des paroles insignifiantes au début. J'étais plus ému que je n'aurais voulu l'être d'entendre sa voix. J'avais l'impression de na pas avoir entendu de voix connue, de voix aimée depuis longtemps. Quelques jours en vérité. Quelques semaines peut être.
Je n'écoutais pas tellement ce qu'elle disait, j'écoutais juste sa voix, un peu rauque de trop de tabac et d'inquiétude.

Puis ce silence qui m'a ramené à la conversation.

Je savais que la question allait arriver et que j'allais répondre en partie.
Je regardais par la fenêtre, il pleuvait toujours.
Elle m'a raconté cet homme qui avait abandonné son travail, rendu les clefs de son appartement, vendu sa voiture et ses meubles, et qui est parti sans donner d'explication ni d'adresse. A personne. Sans préavis. J'étais en train d'oublier cet homme là justement. Je lui en ai un peu voulu de me le rappeler.
- Tu sais tout, tu m'as tout raconté, qu'est-ce que tu veux que je te dises de plus ?
J'ai entendu des larmes ravalées. Foutue fierté.
- Tu es où ?

(3)


- Où es tu ?

J'ai laissé le silence s'installer. Je n'avais pas envie de répondre. J'ai expliqué que j'avais démissioné, rendu mes clefs, et pris le train jusqu'ici. Je lui ai dit que j'étais triste, mais que je me sentais bien. Je lui ai dit que j’étais dans un hôtel, que je voyais la mer de ma fenêtre et qu’il pleuvait. Je ne lui ai pas dit où était l’hôtel.
Je lui ai dit qu’elle était partie avant que je parte moi même, je n'avais plus de compte à lui rendre.
Je le lui ai dit.

Je me sentais froid.

C'était cruel. Des sanglots ravalés de nouveau. Je ne me suis pas senti coupable. Je n'avais pas à l'être. Je voulais juste oublier l'avant, l'oublier elle aussi.

Le téléphone s’est remis à sonner aussitôt. C’était elle de nouveau. Elle voulait savoir pourquoi. Je ne savais pas trop quoi lui dire. Je ne savais pas vraiment pourquoi, j’avais conscieusement évité la question.
Juste que un jour un peu comme les autres, tu t’asseois pour faire ce que tu fais depuis des années, puis tu te demandes si c’est bien ce que tu veux faire de ta vie, et la réponse t’apparaît comme évidente. Tu connais la réponse depuis des lustres mais tu n’avais jamais voulu l’entendre. Ce qui était quasiment normal te semble soudain insupportable. Tu cherches à faire semblant un moment, mais tu n’y arrives même plus. Tu te rends compte que tu as fais semblant depuis tout ce temps, tant de temps. Alors tu ne quitte pas, tu romps.

Tu t’es juste posé cette simple question “Mais qu’est ce que tu voulais faire quand tu seras grand ?”

Et tu te rend compte que tu ne t’es jamais écouté répondre à cette question. Et tu rend ton tablier, sans préavis, sans te raccrocher à ce qui te tenais. Tu t’en vas. Tu comprends ?

Elle a raccroché.

(4)


Elle a raccroché et j’ai posé mon téléphone. Je me suis allongé.
La nuit est passé vite, le sommeil serein.
A la fenêtre il pleuvait toujours, je croyais que ça n’allait jamais s’arrêter.
Je me suis assis sur la plage, la tête sur les genoux. J’entendais la pluie battre le ciré jaune, emprunté à l’hôtel.
J’étais seul sur la plage. Le grondement incessant de l’océan.

J’écoutais l’écume.

Je regardais.

Le vent froid qui cingle et qui fait mal au visage. L’eau, le sel, le sable, les larmes qu’on ne peut pas voir qui se perdent. J’ai regardé le vent assez longtemps.
Le corps douloureux de froid, je me suis levé, j’ai fait quelques pas sur le sable. J’ai regardé autour, la nature folle, la ville au loin sur la côte qui brillait.

Je me suis demandé quelle sorte de vie il y avait dans cette ville. Quels gens vivaient. Quels amours. Quels drames. Quels morceaux de sordide.

Je me suis rassis, j’ai regardé les vagues de nouveau. J’ai souri.
Le visage gelé, je suis rentré à l’hôtel.

(5)


De retour à l’hôtel, dans la moiteur chaude de la salle de bain, nu, je me suis scruté dans le mirrior. Je vieillissais. Les années sans activité physique commençaient à se voir. J’avais l’impression que le stress, l’angoisse avaient marqué ma peau, je la trouvais triste, fatiguée, tirée, un peu molle. Je ne l’avais jamais vraiment aimée. Ca faisait longtemps que je ne m’étais pas regardé comme ça, je me suis senti mal à l’aise.

Je me suis rhabillé, sorti manger.

L’hôtel était vide, ou quasiment. J’ai choisi une table près de la fenêtre, pour pouvoir continuer de m’évader un peu.
Un homme est entré. Vieux, il était là depuis quelques jours, je l’avais déjà remarqué. Il s’est approché de moi.
Visiblement il avais envie de parler à quelqu’un. Son visage semblait usé, je regardais ses rides. J’ai pensé à ma peau que je regardais tout à l’heure. Il m’a demandé s’il pouvait s’asseoir ici, en face moi. J’avais envie d’écouter quelqu’un.

Il s‘est assis.

(6)


Il s’est assis, il a parlé, je l’ai écouté.
Cet homme avec qui j’ai mangé à l’hôtel.
On était seuls, les seuls clients.
Il avait besoin de parler, j’avais besoin d’écouter.
Il m’a raconté son histoire, cet homme. Il étais assez vieux, à la retraite. Le poids des ages sur le visage. Le poid des ans, celui de la tristesse.
Il m’a raconté sa femme malade. La maladie incurable, celle qui bouffe la vie sans laisser d’espoir. Cellle qui fait partir l’autre ailleurs, mélange les ages les années, les personnes, celle qui fait oublier les prénoms mais pas les visages.

Tu étais au téléphone de nouveau ce soir là, et je t’ai raconté ce vieux.

Je t'ai raconté comment il est resté auprès d’elle si longtemps, des années. Des années à la voir partir dans un autre monde, à la regarder l’oublier. Et lui, à rester auprès d’elle, sans jamais la quitter, sans jamais la quitter des yeux.
Je t'ai raconté pourquoi au bout de ces années, il n’en pouvait plus, il se sentait fatigué. Fatigué de ce travail qui n’en était pas un de surveiller la femme de sa vie. Fatigué de vivre pour elle et même pas avec elle.

Et même l’inavouable, fatigué par elle.

Je t'ai raconté qu'il a voulu prendre ce qu’il s’appelait des vacances.

Je t'ai raconté qu'il a cherché une persone pour reprendre la surveillance pendant son abscence. Puis il est parti. En vacances. Voir la mer. Voir la montagne. Voir ses amis disparus depuis sa propre disparition.
Je t'ai raconté qu'au milieu de ses vacances, son téléphone sonne, lui qui ne sonnait plus depuis si longtemps.
Je t'ai raconté qu'elle était décédée, comme ça d’un coup, sans prévenir, sans annoncer. Il est retourné chez lui, il l’a enterrée.

Puis il est revenu, finir ses vacances, oublier, il ne savait pas vraiment lui même. Je crois qu’il ne pouvait simplement plus rentrer dans sa maison vide.

La vie est une salope hein ? C’est quand il était pas là qu’elle l’a quitté.

...

Il l’a surveillé des années sans interruption, puis au moment où il va se reposer, elle le quitte.
Peut être qu’lle ne voulait pas qu’il la voie partir.

C’est peut être qu’on ne peut quitter quelqu’un pour de bon que lorsqu’il est absent.

J’étais en train de pleurer au téléphone, sans rien ravaler. C’étais la première fois que tu m’entendais pleurer sûrement.

Tu n’as rien dit, rien répondu. Il n’y avait rien à répondre. Je n’avais rien à ajouter. Tu as raccroché au bout du silence.
J’ai fait des cauchemard cette nuit là.

(7)


Des cauchemards, un seul cauchemard en fait, qui s’est répèté. Je n’en avais pas fait depuis mon départ. Et celui-ci était différent de ceux d’alors. Je me suis réveillé plusieurs fois. Toujours la même histoire, toi qui partais en lambeaux et moi de l’autre côté du téléphone qui attendais que tu raccroches, sans dire un mot. Je me suis réveillé bien avant le jour. J’entendais la pluie qui ne tombait plus. Les bruits habituels se trouvaient orphelins de l’un d’entre eux. Je croyais que ne me rendormirais plus.
J’attendais, les yeux ouverts à fixer le noir.
Le sommeil a fini par revenir, sombre pourtant.
Réveillé à nouveau, j’ai ouvert les volets, et vu le soleil.

J’ai regardé toute cette lumière étonné, ravi qu’elle soit là pour mon dernier jour dans cet hôtel.
Je suis retourné à la plage, me suis assis au même endroit que la veille, la pluie en moins. Je n’étais plus seul. L’eau restait à sa place.

Une petite fille avec son ballon sur la plage, m’a approché avec son ballon à la main, “tu joues avec moi”. C’était un ordre. J’ai ri.
Je me suis rendu compte que c’était la première fois que je riais depuis mon départ. J’ai joué.
Tu t’appelles comment ?
Elle est où ta femme ?
Tu as des enfants ?
Ils s'appellent comment ?
Tu t’appelles comment ?

(8)


J’ai ruminé ces questions dans le train un moment, celles qui me ramenaient à moi, celles qui me ramenaient à ma vie.
Tu as une femme ?
Il sont où tes enfants ?

J’ai décidé de prendre un train de nuit, pour me réveiller dans une ville différente, voyager sans le temps du voyage.
Le train s’est mis en branle, et j’ai cru un instant que c’était la gare qui partait, comme souvent. Puis le bruit du train a ramené mes sensations à la réalité. La gare, la ville, la mer s’en allaient.
J’ai toujours aimé le train, surtout ceux qui ne vont pas trop vite.

Je n’ai pas trouvé le sommeil, je me suis mis à la fenêtre pour regarder ces fragments de paysages que la nuit laissait entrevoir, deviner. Ces morceaux de monde qui passent dans l’autre sens, vers cet inconnu dont je venais. J’avais voulu éviter le voyage, mais je le préferais souvent à la destination.
J’ai fini par m’endormir, dans une position inconfirtable, la tête contre la vite. Peu d’heures plus tard, je me suis réveillé en même temps que la lumière, engourdi, les vertèbres endolories, bougeant difficilement la tête. Je suis sorti à la première gare qui s’arrêtait avant que le soleil ne se lève vraiment. Il était tôt, la ville n’était pas encore réveillée.

Je suis entré dans le bar de la gare, il venait d’ouvrir accueillant ces gens de passage avant d’aller travailler. J’ai commandé un café, trouvé un paquet de cigarette dans mon manteau que j’avais oublié. Je me suis rendu compte que je n’avais pas touché une cigarette depuis mon départ. J’en ai allumé une, que je n’ai pas trouvé agréable, un sale goût, que le café faisait à peine passer.

Je suis sorti. La ville n’avait pas encore l’odeur de ville. elle était encore dans sa nuit. J’ai marché, pour aller à sa rencontre.
Je savais que je n’allait pas l’aimer.
Je savais que j’allait y rester quelques jours.

Simple envie de tout effacer et de repartir à zéro.
De pouvoir refaire les même erreurs. D'en faire d'autres surtout.

Mais alors, de qui as tu peur, à part de toi même ?

Puis tu te poses des questions, la nuit surtout, parfois en regardant le plafond, parfois en écoutant de la musique fort, parfois tu évites en cherchant l'ivresse auprès des amis et de l'alcool. Parfois tu voudrais juste dormir tout le temps pour ne pas penser.
Tu sais bien que tu te poses encore une fois en réaction et que ça ne fait pas avancer.
Tu n'as aucune idée de là où tu veux aller.
Tu sais juste que tu ne te sens pas bien là où tu es.

Evidemment, quand elle commence comme ça, la journée risque d'être fort longue.

Ca commence comme ca, tu es devant ton écran sur ton lieu de travail, à écrire des lignes et des lignes tout à fait indigestes, le système devra ceci, le système devra cela, tu te dis que tu pourrais peut être en faire des paroles pour une chanson.
Puis tu relis ce que tu viens d'écrire, et un léger sentiment d'abattement tente de t'abattre. Tu sais que si tu cherches un sens, c'est foutu, tu ne pourras plus faire semblant d'y croire. Mais tu n'as plus envie. Tu relis tes lignes Le système ceci, le système gnagna. En fait, fondamentalement, ce système t'indiffère à un point inimaginable. Tu t'en fous. Tu rêvasses un peu. Puis tu finis ton document.

Ca continue avec cette réunion, où tu regardes les autres, tu les regardes simplement, comme si tu participais à un film muet, que tu trouves même un peu burlesque. Tu n'écoutes rien, c'est un film muet, il n'y a rien à écouter. Tu as quand même cette impression que ces deux là ont l'air de s'intéresser à ce qu'ils font, d'y croire, d'y trouver un objectif, au moins pour leurs journées. Tu regardes, admiratif.
De temps en temps on te fait intervenir, tu essaies de t'en sortir comme tu peux, tu ne sais même pas de quoi on parle depuis dix minutes. Juste prendre un air inspiré, ou dubitatif, faire semblant de réfléchir, puis lacher que "le sujet mérite certainement plus ample réflexion, mais qu'en l'état je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit". Tout le monde à l'air de te croire, tu ne sais pas trop si ça te désole ou si ça t'amuse.

Je veux juste pas y aller.
Je veux pas aller travailler, je ne veux plus passer 10 heures par jour à faire une activité qui m'indiffère et m'est vaguement désagréable. Ca me fait penser à un bouton de moustique : ca gratte et c'est un peu désagréable, mais ça n'empêche pas de vaquer à ses occupations. Une petite insignifiance un petit peu gênante.
J'ai l'impression de me gratter la moitié de mon temps éveillé.
Merde.
Je vais être en retard.

Je suis toujours stupéfais de l'importance que se donnent certaines personnes. Peut être que si elles connaissaient le sens du mot insignifiance pourraient elles me laisser écouter le bruit des gens qui s'agitent en silence.

dimanche 24 août 2003


Tu lui as trouvé son sourire mutin et sa voix tout à fait charmants. Mais tu ne faisais pas partie de son jeu ce soir là.

samedi 23 août 2003


C'est une erreur, un malentendu.

jeudi 21 août 2003


Tu as essayé d'écrire sur un cahier de nouveau.
Et tu n'arrives même plus à te relire tellement tu écris mal.

Et l'on se sent tout seul, peut-être, mais peinard

Léo Ferré

Le sage ne craint pas les illusions.

Des fois, tu ferais mieux de te taire.

La nuit écoute le silence, regarde les ombres, se sent bien.
La nuit raconte des choses que le jour ne dévoile pas.
Peut être que cette nuit là des amis ont été trouvés, cachés dans le noir.

"Ce qui m'exaspère dans l'écriture, c'est son caractère successif. Je ne parle pas de l'ordre chronologique (je suis évidemment libre de me servir de flashes-back si je le veut), mais du simple fait dêtre obligée d'écrire l'histoire d'une phrase à la fois - on voudrait créer à la manière de dieu - tout, d'un seul coup, dans un fabuleux éclat d'énergie - le big-bang, le minuscule foetus, la chose qui est, dans l'instant, et qui peu à peu se diversifie, se spécialise, s'étandant dans tous les sens à la fois.... Le roman est d'une linéarité enrageante. Imagine t'on dieu en train de fabriquer Adam comme les enfants jouent au pendu : d'abord la tête, ensuite le cou et les épaules, puis un bras, puis l'autre ? ou en train de créer une galaxie étoile par étoile ? Même la Création telle que la génèse la décrit est absurdement laborieuse, absurdement humaine : le premier jour il fit ceci, le deuxième jour celà... grotesque !"


Nancy Huston, Instruments des ténèbres


C'est un leurre la confession. C'est toujours faux.
Il commence, Je suis un homme malade, je suis un homme méchant, je ne sais mê^me pas où j'ai mal... et il continue, il part dans tous les sens, il ne peut pas s'arrêter.
Les mots s'enchainent, tous les mots, un mot en appelle un autre, tous les mots se valent, aucun mot n'a de poids, il continue, un mot, un autre, une idée, une autre, c'est angoissant, il est tombé dans un trou, rien n'a d'intérêt, rien n'a de sens, moi j'ai éprouvé ça, tout le monde peut éprouver ça, on peut penser n'importe quoi, rien ne tient, tout se vaut.
Il est en proie au langage, il est la proie du langage, il est dans le vide, tous les mots sont pareils, 2 et 2 font 4, pourquoi pas 5, je t'aime, je t'aime pas. Rien ne tient.
Dans l'histoire on comprend qu'il est tombé dans ce trou, dans ce langage vie, parce qu'il est coupé de toute parole vivante.
Il n'a personne a qui parler, il refuse d'avoir à qui parler, un interlocuteur.
Il s'est enfermé dans sa propre tête.
Peu à peu on apprend que dans le passé il a trahi la confiance d'une jeune femme. Ce crime le hante, mais à son insu. Il ne met pas en rapport son malheur, sa folie, et ce crime.
Il est en proie à ce langage vide, à ce langage fou parce qu'il a tué la parole.
Il a détruit la parole possible, le lien.
Si une parole n'est pas adressée, elle ne tient pas, tout se vaut, c'est du langage vide, du baratin.
Votre phrase m'a tiré de mon sous sol à moi, de mon souterrain.
Elle m'était adressée à moi, de mon souterrain.
Elle m'était adressée à moi.
Un silence.Mais si on y pense, ce métier que vous faites, c'est un drôle de métier.
Je veux dire, il y a un risque.
Est-ce qu'un autre m'aurait dit la même chose, ou une aussi bonne ?


Leslie Kaplan, Le psychanalyste

mercredi 20 août 2003


Le quotidien s'avère un peu poussif et répétitif à l'usage.
On devrait jamais revenir de vacances.

mardi 19 août 2003


J'ai vu le soleil se lever avant d'aller me coucher.

A Marseille, un mégot par terre, cerclé de rouge à lèvre.

jeudi 14 août 2003


Ca avait l'air beaucoup mieux avant que je ne l'écrive.

mercredi 13 août 2003


Je regardais une ligne, la tienne, tes reins.
Je la dessinais du doigt.
Ta peau.
Tu lisais, allongée sur le côté, le dos tourné.
Moi je ne pouvais pas lire, avec ta courbe si prêt de moi.
Je te dessinais du bout du doigt, avec retenue, je voulais pas abimer l'instant.
Je me suis dit que tu ne pouvais pas voir mon dessin de toi, j'ai voulu te le raconter.
Je n'ai pas trouvé les mots. Il ne viennent pas les mots quand il y a la voix.
Alors je n'ai rien dit, j'ai juste continué à dessiner en silence.
Je n'ai pas trouvé de mot.
Tu lisais.
Je t'ai embrassé l'épaule nue.

Il avait un petit sourire ironique en permanence au coin des lèvres. Il semblait que rien ne pouvait le toucher vraiment.
C'était agaçant.
J'étais admiratif.

J'étais allongé dans l'herbe. Je regardais les nuages passer. J'écoutais le vent bruisser.
J'étais bien.
Il n'y avait plus de temps.

Il s'est enfermé, puis a perdu la clé.
Maintenant, il s'ennuie.

Lui m'a trouvé pathétique.
L'autre m'a trouvé du panache.
Moi j'hésitais entre les deux.
je ne sais toujours pas.

mardi 12 août 2003


Il voulait passer pour un dandy.
Un moment, il a presque réussi à faire illusion.
Ce matin, je l'ai lu et j'ai compris, il est juste pédant.

Je me souviens, un moment, j'avais pensé aller travailler un temps en Russie. Je n'y suis pas allé parce que je n'ai pas vraiment cherché parce que je suis un couard dès qu'il s'agit de partir un peu au loin.
Aujourdhui, je regrette. Depuis une, (deux, trois ?) semaines. J'ai l'impression que c'est une éternité.
Je rêve de Sibérie.
Le pire, c'est que je suis incapable de penser à rien d'autre. Toute cette foutue chaleur me bouffe toutes mes pensées.
En sortant du RER, j'ai eu l'impression qu'il faisait presque frais dehors, ça a duré trentes secondes.

Je me souviens le froid, quand respirer serre les poumons, quand respirer devient visible.

Je me souviens ce froid que j'ai connu une seule fois, celui où il faut inspirer par la bouche et expirer par le nez, celui où le visage n'a plus aucune sensation au bout de trois minutes dehors, celui où en crachant par terre on peut etendre un bruit légèrement cristallin, celui où il ne faut sous aucun prétexte toucher un morceau de métal à main nue, celui où de toute façon il ne vous viendrait vraiment jamais à l'idée d'être à main nue, celui où il faut vraiment être un touriste pour entamer une bataille de boule de neige tellement on le regrette vite, celui où je n'ai jamais pu prendre de photo parce que le mécanisme de l'appareil était gelé, celui où, arrivant à Moscou, il fait -15°, et où vous retirez votre manteau tellement il ne fait pas froid.
C'était pas en Sibérie, mais pas très loin.

- Et bien, qu'est-ce que tu en penses de cette mission ?
- Je sais pas trop. Je me sens un peu le cul entre deux chaises à vrai dire...
- Oui, je comprend. Pour être honnête, je suis même pas certain qu'il y ait des chaises.

lundi 11 août 2003


Qui donc réparera l'âme des amants tristes

Qui donc ?


L. Ferré

Tu te sens un peu comme si tu trouvais éternellement une excuse pour retarder le moment où tu devais vivre vraiment.
Je suis pas prêt.
J'attend un truc.
Après ça.
Quand j'aurais fini de payer le canapé.
Comme si tu ne voulais pas te laisser vivre.
Et puis en attendant, le temps passe.

dimanche 10 août 2003


Et je ne me définis vraiment pas comme Juive, pas du tout. Ces histoire d'identité, j'ai toujours trouvé ça pénible, et même dangereux.
- Comment ça, dit Simon.
- Vous savez aussi bien que moi où ça mène les questions d'identité, dit Marie qui subitement se mit à crier. On exclut les autres, on se referme sur soi.
- L'identité, di Simon, ce n'est pas une affaire de sang ou de sol, comme ils disent. Mais dans et par quels récits on s'est constitué.
- Bah, dit Marie.
- Il ne s'agit pas d'une origine physique, biologique, géographique, dit encore Simon, une origine qui existerait en soi, sans parole. Mais de que l'on vous a annoncé là-dessus, et des récits que vous vous inventez à partir de là. D'où vous venez, et comment.
Ce sont des repères, ajouta Simon.
Marie ne dit rien.


Leslie Kaplan, "Le Psychanalyste"

jeudi 7 août 2003


Schwarzenegger vs Larry Flint.
On cherche un scénariste et un réalisateur.

Voulez-vous enregistrer les modifications effectuées : oui/non/annuler.
Et tant de fois j'ai l'impression de faire le mauvais choix.

mercredi 6 août 2003


Je l'ai regardée, elle, dans sa robe et sa transparence.

(vide)

J'ai rêvé d'une brise légère.
D'un matin froid.
D'un paysage blanc.

Et toi, qui aborde tout ces sujets de façon si brutale, si directe.
Et moi qui louvoie, qui toune autour et espère en dessiner les contours à force de simplement les effleurer.

mardi 5 août 2003


C'était un clown. Il avait l'air triste quand il était sérieux.

lundi 4 août 2003


- mais pourquoi tu fuis tout le temps comme ça, pourquoi tu pars tout le temps avant tout le monde ?
- euh... je t'expliquerais tout ça, mais là, il faut que j'y aille.

En voiture, l'air chaud qui brûle la main qui pend à la fenêtre. La radio qui parle et qui semble absurde. Elle fait du bruit, un bruit, moins fort que le moteur cependant. C'est impossible d'écouter, il reste juste des brides de mots, des bouts de phrases.
Des pensées qui se bousculent sans arriver à prendre une forme bien cohérente. De la tristesse et un sourire en même temps. De l'angoisse, et de la sérénité. De l'incompréhension et le sentiment que ce n'est pas si grave.
La radio fait du bruit, l'entendre sans l'écouter. Voir la route sans la regarder. Pleurer sans larmes. C'est un peu l'errance. L'angoisse sans peur. De l'errance sur une ligne droite.
Tu essaies d'écouter l'avenir.
Il se tait, il reste silencieux.
La route passe et elle à peine visible.
Du coton.
De l'attente surtout, sans peur, mais sans savoir quoi.

L'impression que les mots se font plus durs, plus acerbes, tranchants. Je ne suis pas certain d'aimer.

Une erreur, simplement.

Si vous ne comprenez pas comment c'est possible, c'est que vous ne savez pas rêver.

Je cours après le temps.
Et je suis en retard.

On était assis à la table du petit déjeuner, au soleil. On était deux, le troisième était parti un moment.
On a parlé de lui justement.
On a dit des choses.
On s'est demandé ses choix, on a essayé de lui expliquer.
Il est revenu, on a parlé d'autre chose.
Je me demande ce qu'ils se sont dit lorsque je n'étais pas là.

Tu me racontais une histoire.
Tu me regardais comme si tu attendais une réponse à une question qui te brûlais les lèvres, mais que tu n'osais pas poser.
Une autre fois, je t'aurais aidé.
Aujourd'hui non.
Si tu veux savoir, tu demandes. Je n'ai plus envie de faire semblant de te comprendre sans que tu ne dises rien.

dimanche 3 août 2003


J'ai vu, dans une voiture garée sur le trottoir, un homme parler à son volant.
J'ai vu, assis sur une chaise dans le jardin des tuileries, une jolie jeune femme au travers de mon livre. Je lui ai trouvé un visage étrange, mais beau. Elle a lu un article découpé d'un journal, puis elle est partie.
J'ai croisé une dame qui m'a dis bonjour en me croisant, en souriant, j'ai trouvé que c'était rare.
J'ai vu des amis.

samedi 2 août 2003


Je suis entré dans librairie, pour flâner, pour voir des livres.
J'étais seul dans la librairie.
La libraire m'a laissé un moment, puis m'a demandé si je préferais continuer à me promener ou si j'avais besoin d'elle.
J'ai bien aimé cette idée de me promener au milieu des livres.
Du coup, j'en ai acheté, bien que je me sois juré de ne plus le faire tant que ma pile de livres en attente ne descende pas en dessous d'un mètre.
La libraire s'en va en vacances ce week-end, avec une valise entière de livres.

vendredi 1 août 2003


Peut être que ça peut toucher n'importe qui, n'importe quand.
C'est ça qui est effrayant.