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 pas de cérémonie pour l’OAS à Louvroil






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  pas de cérémonie pour l’OAS à Louvroil


lundi 26 septembre 2005


Une association militant pour la mémoire des anciens de l’OAS voulait organiser une cérémonie en l’honneur de Roger Degueldre à Louvroil.

Devant la réaction ferme de la maire, l’ADIMAD devait renoncer à son projet : il n’y a pas eu de dépôt de gerbe en mémoire de Roger Degueldre, à Louvroil, le mercredi 6 juillet 2005.

[Première publication, le 4 juillet 2005,
corrigée le 26 septembre 2005].]


Annick Mattighello, maire de Louvroil (Nord), s’oppose à l’initiative d’une association militant pour la mémoire des anciens de l’OAS. [1]

L’association veut organiser une cérémonie en l’honneur de Roger Degueldre  [2], originaire de Louvroil, dans le Nord, et ancien chef des commandos Delta de l’OAS  [3]. Il a été condamné à mort en juillet 1962 pour crime et haute trahison.

L’an dernier, une cérémonie s’était organisée dans la clandestinité à Louvroil, mais cette année, l’association de sauvegarde de la mémoire de anciens de l’OAS a décidé de demander l’autorisation pour que la manifestation se déroule devant le monument aux morts de la ville en toute légalité.

La maire communiste de la ville, Annick Mattighello, ainsi que la Ligue des droits de l’Homme, ont alors d’emblée manifesté leur opposition à ce projet et ont demandé au préfet de ne pas autoriser cette cérémonie en l’honneur d’un ancien soldat de l’OAS.

Annick Mattighello se dit en rage de voir que certains remuent toute la douleur des victimes de l’OAS, quant à la LDH, elle estime que cette cérémonie est une véritable provocation dans une ville où la population d’origine maghrébine est nombreuse.

Louvroil : la réhabilitation des assassins de l’OAS mise en échec

[Liberté-hebdo n°657 du 8 au 14 juillet 2005]

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au monument aux morts autour de la maire de Louvroil pour empêcher le dépôt de gerbes à la gloire des assassins de l?OAS. - 26.3 ko
Une cinquantaine de personnes s’étaient rassemblées au monument aux morts autour de la maire de Louvroil pour empêcher le dépôt de gerbes à la gloire des assassins de l’OAS.
 

Nous sommes en mai 1961. Le putsch des généraux qui voulaient prendre le contrôle de l’Algérie et même " marcher sur Paris ", a échoué. Profitant de la complaisance de l’Espagne franquiste, quelques insurgés en fuite et autres fanatiques de l’Algérie française, activistes ou idéologues, se réunissent à Madrid pour créer l’OAS. L’Organisation Armée Secrète, avec à sa tête le général Salan, entend agir contre la décolonisation par tous les moyens. Recrutant aussi bien parmi les militaires professionnels en cavale que les militants d’extrême-droite, les Vichystes mal repentis ou les néo-nazis de " Jeune nation ", l’OAS va effectivement déployer toute la gamme des attentats et des crimes : plasticages aveugles, exécutions ciblées au révolver ou au couteau, ratonnades, attaques de banques pour se procurer de l’argent, en Algérie, mais aussi en France où règne bientôt un climat de guerre civile. Les gares, les mairies, des journaux comme l’Humanité, Le Monde, France Soir ou, à Lille notre journal Liberté, des sièges du PCF, du PS, du Secours populaire, du Mouvement de la Paix sont plastiqués. Journalistes, personnalités, parlementaires comme le député communiste du Nord Gustave Ansart sont menacés de mort. Certains sont assassinés. C’est en réaction à l’attentat visant l’appartement d’André Malraux, le 7 février 1962, qui rendra aveugle une petite fille de 4 ans, Delphine Renard, qu’est organisée le 8 février, à Paris, une manifestation sauvagement réprimée sur ordre du Préfet Papon : on relèvera 8 manifestants tués au métro Charonne.

L’OAS : une idéologie raciste et fasciste, et des centaines de meurtres

Le 19 mars 1962 à Evian, un accord de cessez-le-feu est, enfin, signé entre le gouvernement Français et les représentants de l’Algérie nouvelle. Il est massivement approuvé par référendum, le 8 avril : 90,7 % de Oui. L’OAS se lance alors dans la politique du pire. Le maire d’Évian, Camille Blanc, est tué dans l’explosion d’une bombe. Le commandant Kubaziak qui avait refusé de livrer la base aérienne de Blida aux généraux putschistes d’avril 1961, est assassiné à Aix en Provence, à coups de couteau devant sa femme et ses enfants [4]. 62 dockers d’Alger sont tués par une voiture piégée. Et les tueries vont ainsi se multiplier, dont seront victimes y compris des soldats français du contingent. L’OAS est finalement démantelée à la fin de l’été 1962. Sa politique de la terre brûlée n’aura fait que creuser irrémédiablement le fossé entre Algériens et pieds noirs qui n’auront alors plus d’autres solutions que de fuir ce qui était aussi leur pays.

Une stèle à Marignane

C’est cette OAS de sinistre mémoire, avec son idéologie raciste, fasciste, et son cortège de crimes et d’exactions qu’une association, l’ADIMAD, dirigée par un élu lepéniste, Jean-François Collin (conseiller municipal de Hyères dans le Var), tente actuellement de réhabiliter en faisant passer les activistes d’hier pour des victimes. Mardi, au cimetière de Marignane (Bouches-du-Rhône) les militants de l’ADIMAD érigeaient en catimini une stèle en hommage à l’OAS avec la complicité du maire de la ville Daniel Simonpieri (ex MNR et FN), qui leur avait cédé une parcelle de terrain. Dans la foulée, ils devaient, ce mercredi, avec le soutien du Cercle national des combattants affilié au FN, déposer une gerbe au monument aux morts de Louvroil dans le Nord à la mémoire de Roger Degueldre, l’un des quatre dirigeants de l’OAS à avoir été condamnés à mort et fusillés. Et pour cause, ce déserteur de l’Armée française, Louvroilien de naissance, était le chef des commandos Delta qui commirent les actions les plus sanglantes de l’OAS et tentèrent de tuer, à plusieurs reprises, le général De Gaulle.

Une interdiction de dernière minute...

La pugnacité de la maire communiste de Louvroil, Annick Mattighello, soutenue par de nombreuses organisations, n’aura pas été de trop pour que le Préfet de région consente à interdire la manifestation de l’ADIMAD. Signé le matin même de cette manifestation, c’est à dire le mercredi 6 juillet, l’arrêté préfectoral n’aura été remis en main propre à la maire de Louvroil que le jour dit à 11 h 30... A. Mattighello avait déjà pris, pour sa part, un arrêté municipal dans ce sens, menaçant même de s’opposer " physiquement si nécessaire " au dépôt de gerbe " à la gloire des assassins de l’OAS ". L’initiative des militants d’extrême-droite a été mise en échec dans le Nord. Seul un élu [5] de Louvroil a été aperçu à distance du monument aux morts devant lequel une cinquantaine de personnes s’étaient rassemblées pour dire leur indignation et rappeler leur attachement à la démocratie. Parmi elles, des représentants du PCF, des Verts, de la CGT, de la CFDT, du MRAP, d’ATTAC, de la LDH, des anciens combattants de l’ARAC et de la FNACA. Et bien sûr la maire de Louvroil qui a fait part notamment du message adressé par la fille de Marcel Basset, l’un des six inspecteurs des centres sociaux, créés par Germaine Tillon, assassinés en Algérie (le 15 mars 1962 à El Biar) dans la cour des locaux où ils travaillaient, par les commandos dirigés par Roger Degueldre.

Le révisionnisme historique encouragé par la loi du 23 février 2005

Mercredi matin à Louvroil, on évoquait aussi beaucoup la loi du 23 février 2005 imposant désormais à l’Éducation nationale d’enseigner " les aspects positifs " de la colonisation, et qui continue de susciter l’indignation de nombreux historiens. Une loi sur laquelle s’appuie évidemment l’ADIMAD pour banaliser son action de réhabilitation de l’OAS. Les années passant, il est parfois plus facile de réécrire l’histoire, voire de l’effacer. Est-ce un hasard si un journal local de l’Avesnois annonçait dans son édition du 1er juillet, sans prendre davantage de précautions : " l’hommage au soldat Degueldre... ce prestigieux officier du 1er REP, frappé en pleine gloire et héroïquement pour sa parole donnée à l’Algérie française et son combat pour la France "... ?

Jean Louis BOUZIN et Jan PAUWELS


[1] Source : FR3, le 4 juillet 2005 à 11:04.

[2] Né en 1925, le lieutenant Roger Degueldre a été fusillé le 5 juillet 1962 au fort d’Ivry. Engagé dans l’armée à la Libération et passé à la Légion, il gagna ses galons en Indochine puis en Algérie. Déserteur le 22 avril 1961 lors du putsch des généraux à Alger, il devient le responsable des "commandos Delta" de l’OAS qui exécutent assassinats et actes de terrorisme. Degueldre fut condamné à mort par la Cour militaire de justice le 28 juin 1962.

[3] L’OAS, Organisation de l’Armée Secrète, a été créée par des militaires pour s’opposer à la politique de de Gaulle concernant l’Algérie. L’OAS agit en organisant des attentats en Algérie et en France pour s’opposer à l’indépendance de l’Algérie. Mais quand cette dernière devînt inévitable, l’OAS pratiqua la politique de la terre brûlée. Le terrorisme aveugle de l’OAS contribua au départ d’Algérie de la grande majorité des pieds-noirs.

[4] Lors du putsch d’avril 1961, le commandant Kubaziak avait armé les soldats du contingent dans son unité pour résister à une éventuelle attaque des rebelles contre la base. Jacques Delarue, policier chargé de la lutte contre l’OAS raconte (« l’OAS contre de Gaulle », éd. Fayard) que Kubaziak a été tué « dans des conditions abominables, de huit coups de poignard, puis achevé à coups de pistolet, sous les yeux de sa femme, dans sa maison d’Aix-en-Provence, le 24 juin 1962 ». Six hommes formant un commando « spécial » de l’OAS sont venus l’assassiner « en pyjama, chez lui à sept heures du matin, pendant que dans une chambre voisine les trois enfants du commandant Kubaziak entendaient toute la scène, maintenus en respect par un des membres du commando ». [Note de la LDH de Toulon, d’après un article de L’Humanité du 17 avril 1996.]

[5] La version initiale de ce texte était la suivante : « Seul un élu FN de Louvroil a été aperçu ... », mais, le conseil municipal de Louvroil ne comportant aucun élu FN, il ne peut s’agir que d’un conseiller municipal d’opposition. [Note de LDH-Toulon, en date du 26 septembre 2005.]



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