ANNONCE: SOUTENANCE DE THESE

Vendredi 12 avril 2002, Karim RESSOUNI-DEMIGNEUX, soutiendra sa thèse en Histoire de l'art, préparée à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales sous la Direction de Daniel Arasse, sur le thème :
"Le corps de saint Sébastien : charme, dévotion et image au Moyen-Age et à la Renaissance"

La soutenance, publique, aura lieu à 15h, à la Sorbonne (entrée par le 17 rue de la Sorbonne, 75005 Paris), Salle Louis Liard.


CI-DESSOUS, VOUS TROUVEREZ EN LIGNE :

LA CHAIR ET LA FLECHE
Le regard homosexuel sur saint Sébastien tel qu'il etait representé en Italie autour de 1500.
Karim RESSOUNI-DEMIGNEUX

Mémoire de Maîtrise en Histoire de l'Art

Préparé sous la responsabilité de Catherine Roseau (Université Paris 1)
et avec les conseils de Daniel Arasse (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales).
Soutenu à l'Université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), en octobre 1996.
Voir aussi, chez votre libraire: Karim RESSOUNI-DEMIGNEUX, "SAINT SEBASTIEN", Editions du regard (Collection "L'art du regard"), Paris, 2000 (à commander chez votre libraire)
et dans l'attente, un superbe multi-médiatique saint Sébastien qu'on s'agite, une oeuvre d'Alexis AMEN (n'hésitez pas à télécharger les plugs-in requis: c'est simple et ne dure pas plus d'une minute ou deux)

Pour correspondre avec K Ressouni-Demigneux, envoyez-lui un courrier électronique.

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Sommaire :

  • Introduction

  • 1. Une image de dévotion

  • 1.1. Protéger contre la peste
  • 1.2. Une figure apollinienne
  • 1.3. La nudité
  • 2. Une image érotique

  • 2.1. Parcours fléché
  • 2.2. L'arc d'Éros
  • 2.3. Une cible
  • 2.4. Le sexe du saint
  • 3. Une érotique homosexuelle

  • 3.1. Un trouble féminin
  • 3.2. Qui est qui ?
  • 3.3. Entre tolérance et répression
  • 3.4. L'androgynie
  • 3.5. Quelques peintres, quelques oeuvres
  • Conclusion

  • Bibliographie

  • a/ Sources
  • b/ Etudes
  • Liste des illustrations
  • Notes
  • Remerciements


  • Introduction

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    La couverture d'un ouvrage récent[1] rapportant les débats entre un homosexuel et un prêtre est illustrée par une reproduction du panneau du Polyptyque de la Miséricorde de Piero della Francesca représentant saint Sébastien (ill. 1). Ce choix a dû paraître évident aux auteurs et à l'éditeur, tant le corps de saint Sébastien est aujourd'hui l'un des emblèmes d'une homosexualité occidentale structurée par vingt siècles de christianisme. On retrouve son image réinvestie aussi bien par des cinéastes militants comme l'anglais Derek Jarman (Sebastiane, film réalisé en 1977) que par des photographes comme Pierre et Gilles, qui ne dissocient pas leur travail de leur vie de couple (ill. 2). De manière plus folklorique, les associations composant la vitrine de la communauté homosexuelle récupèrent tout à la fois l'image canonique de saint Sébastien (ill. 3) que sa trace historique, puisque son éventuelle et lointaine existence est enrôlée dans un imposant et documenté Calendrier des saintes et des saints Lesbiennes, Gay, Bisexuels et Transsexuels réalisé dans un esprit très sérieux, avec force notes et bibliographies[2].

    Ces quelques exemples semblent indiquer qu'une réflexion sur la réception contemporaine des oeuvres du passé mettant en scène le martyre de saint Sébastien, ne peut négliger l'existence d'une lecture homo-érotique. Y a-t-il, au sein de ces images, matière à justifier cette lecture ? Certainement. Pour autant, il ne s'ensuit pas que ces éléments à partir desquels un regard contemporain oriente sa vision aient été dès l'origine destinés à cet usage.

    Cette tension entre les intentions qui président à la création de l'oeuvre et sa réception est au centre de la problématique élaborée par Hans R. Jauss à propos de l'oeuvre littéraire :

    <<L'oeuvre littéraire n'est pas un objet existant en soi et qui présenterait en tous temps à tout observateur la même apparence; un monument qui révélerait à l'observateur passif son essence intemporelle. Elle est bien plutôt faite, comme une partition, pour éveiller à chaque lecture une résonance nouvelle qui arrache le texte à la matérialité des mots et actualise son existence...>>[3]

    L'ensemble d'éléments qui conditionnent la réception de l'oeuvre d'art correspond, selon une terminologie que Jauss emprunte à l'épistémologue Karl Popper, à l'horizon d'attente du récipiendaire :

    <<Selon Popper, la démarche de la science et l'expérience pré-scientifique ont en commun le fait que toute hypothèse, de même que toute observation, présuppose certaines attentes, "celles qui constituent l'horizon d'attente sans lequel les observations n'auraient aucun sens et qui leur confère donc précisément la valeur d'observations">>[4].

    Dans le cadre d'une étude de l'oeuvre d'art, la prise en compte de cet horizon d'attente apparaît comme essentielle, car dès son origine,

    <<l'oeuvre [...] nouvelle est reçue et jugée non seulement par contraste avec un arrière-plan d'autres formes artistiques, mais aussi par rapport à l'arrière-plan de l'expérience de la vie quotidienne. La composante éthique de sa fonction sociale doit être elle aussi appréhendée par l'esthétique de la réception en termes de question et de réponse, de problème et de solution, tels qu'ils se présentent dans le contexte historique, en fonction de l'horizon où s'inscrit son action>>[5].

    La méthodologie que Jauss propose doit permettre, en tenant compte des horizons d'attentes successifs auxquels l'oeuvre d'art est confrontée, de capter in fine les composantes intrinsèques qui justifient le regard nouveau que l'on est amené à porter :

    <<Déjà l'accueil fait à l'oeuvre par ses premiers lecteurs implique un jugement de valeur esthétique, porté par référence à d'autres oeuvres lues antérieurement. Cette première appréhension de l'oeuvre peut ensuite se développer et s'enrichir de génération en génération, et va constituer à travers l'histoire une "chaîne de réceptions" qui décidera de l'importance historique de l'oeuvre et manifestera son rang dans la hiérarchie esthétique. Cette histoire des réceptions successives, dont l'historien [...] ne peut se dispenser qu'en s'abstenant de s'interroger sur les présupposés qui fondent sa compréhension des oeuvres et le jugement qu'il porte sur elles, nous permet tout à la fois de nous réappropier les oeuvres du passé et de rétablir une continuité sans faille entre l'art d'autrefois et celui d'aujourd'hui, entre les valeurs consacrées par la tradition et notre expérience actuelle...>>[6]

    Dans le cas de saint Sébastien la réception homo-érotique contemporaine concerne tout autant le récit de sa vie, tel qu'il est véhiculé par la tradition, que les images que son martyre a suscitées.

    Ainsi, en 1911, Gabriele d'Annunzio écrit un livret mis en musique par Debussy et créé au théâtre du Châtelet[7]. Ce texte, très documenté, est basé sur le manuscrit du Mystère de saint Sébastien joué par les habitants de Lanlevillar en 1567[8]. Le morceau de bravoure de la pièce est le moment de la sagittation du saint et d'Annunzio s'amuse à rendre ambigu ce face à face entre un homme nu, attaché, et ses virils soldats :

    <<Il faut que chacun tue son amour pour qu'il revive sept fois plus ardent. O Archers, Archers, si jamais vous m'aimâtes, que votre amour je le connaisse encore, à mesure de fer ! Je vous le dis, je vous le dis : celui qui plus profondément me blesse, plus profondément m'aime [...] Celui qui ajuste mieux que tout autre le plus âpre de ses dards et qui le décoche de telle force (son haleine toute entre ses dents, les empennes contre l'oeil, le pouce à la tempe) qu'il blesse l'écorce de l'arbre me perçant de toute la hampe. Celui-là, certes, je saurai qu'il m'aime. Qu'il m'aime à jamais>>[9].

    La scène qui suit est une interprétation pleine de souffre du martyre chrétien : à chaque flèche lancée, Sébastien crie <<Encore !>>

    Le mythe de saint Sébastien tolère d'autant plus une telle interprétation homo-érotique que d'Annunzio n'ajoute ni ne retranche la moindre péripétie par rapport au Mystère de Lanlevillar. Pour autant, son analyse repose elle-même sur un présupposé : d'Annunzio avoue avoir été troublé très jeune par un tableau[10] et, pour sa pièce, tient à ce que l'androgynie soit une des caractéristiques physiques de son Sébastien. Ainsi crée-t-il le rôle pour une femme, Ida Rubinstein, et fait ainsi décrire le saint :

    <<Toi, toi, bel Archer, toi, si beau ! Toi, plus beau que l'adolescent de Bithynie, le Bien-aimé d'Hadrien, le divinisé d'Égypte !>>[11]

    C'est également à la puissance homo-érotique de la représentation du martyre de saint Sébastien que Mishima rend hommage dans Confession d'un masque :

    <<Je commençai par tourner une page vers la fin du volume. Soudain apparut, à l'angle de la page suivante, une image dont je ne pus m'empêcher de croire qu'elle était là pour moi, à m'attendre.

    C'était une reproduction du Saint Sébastien de Guido Reni, qui fait partie des collections du Palazzo Rosso, à Gênes [...] Je crus deviner que le tableau représentait le martyre d'un chrétien. Mais comme il était l'oeuvre d'un peintre épris de beauté, appartenant à l'école éclectique issue de la Renaissance, même cette image de la mort d'un saint chrétien dégageait une forte odeur de paganisme. Le corps du jeune homme - on aurait pu le comparer à celui d'Antinoüs, le bien-aimé d'Hadrien, dont la beauté a été si souvent immortalisée par la sculpture - ne montre aucune trace des épreuves du missionnaire ou de la décrépitude qu'on trouve dans les représentations d'autres saints; au contraire, il n'y a là rien d'autre que le printemps de la jeunesse, rien que lumière, beauté et plaisir [...] Ce jour-là, à l'instant même où je jetai les yeux sur cette image, tout mon être se mit à trembler d'une joie païenne. Mon sang bouillonnait, mes reins se gonflaient comme sous l'effet de la colère. La partie monstrueuse de ma personne qui était prête à éclater attendait que j'en fisse usage, avec une ardeur jusqu'alors inconnue, me reprochant mon ignorance, haletante d'indignation. Mes mains, tout à fait inconsciemment, commencèrent un geste qu'on ne leur avait jamais enseigné. je sentis un je ne sais quoi secret et radieux bondir rapidement à l'attaque, venu d'au-dedans de moi. Soudain la chose jaillit, apportant un enivrement aveuglant>>[12].

    Dans quelle mesure les effets de peinture disposés par Guido Reni, en prenant le risque de l'érotisme, visaient à inspirer une telle réaction ? Or cette image, qui date du début du XVIIème siècle, ne propose pas une iconographie singulière. Elle ne fait qu'actualiser un type iconographique patiemment élaboré à partir du Moyen-Age et qui trouve son aboutissement autour de 1500.

    L'objectif de la présente étude n'est pas tant de mettre à jour, en remontant à cette date, les fondements sur lesquels s'est établie la lecture homo-érotique des représentations de saint Sébastien, que de mesurer si, à la fin du XVème et au début du XVIème siècle, alors que le stéréotype dont le tableau de Reni n'est qu'une déclinaison atteint son point ultime de perfectionnement , l'horizon d'attente de cette iconographie n'était pas déjà en partie l'homo-érotisme.

    L'un, cela va sans dire, ne va pas sans l'autre. Après avoir, dans un premier temps, étudié les racines historiques et la constitution du stéréotype, il faudra, dans un deuxième temps, analyser en profondeur les effets propres de ce stéréotype et la place qu'il convient d'accorder à son érotisme. Ce n'est qu'après avoir, dans un troisième temps, tenté d'établir les conditions d'émergence et les spécificités d'un regard homosexuel, que l'on pourra finalement, au vu de quelques oeuvres, vérifier ou infirmer la conjecture de départ.

    Préalablement, quelques difficultés propres à toute étude touchant à l'homosexualité méritent d'être examinées avec attention.

    La première, relevée et longuement exposée par John Boswell[13], concerne les sources auxquels l'historien fait appel. Au long des siècles, en effet, l'intolérance a relégué les traces d'une réalité homosexuelle dans les anathèmes et les registres des tribunaux. Or, le type de recherche qui nous occupe <<porte sur des questions de caractère sexuel et affectif, donc essentiellement personnel>>[14]. Nous reviendrons plus en détail sur ce problème, avec des exemples précis concernant l'époque étudiée. Les traces plus intimes (lettres, poésies), ont souvent dû affronter, au XIXème siècle principalement, le zèle trop ardent d'universitaires moralisateurs. La plupart du temps, la vérité quant au sexe de telle personne ou de tel personnage (et autres manipulations) a été rétablie, mais il subsiste un domaine, la traduction, où les choses restent problématiques. Jusqu'à une date très récente, le traducteur ne disposait que de dictionnaires du latin et du grec proposant une traduction lénifiante pour tout le vocabulaire sexuel. Le résultat est que dans les traductions d'oeuvres latines, par exemple, le mot paedico, dont le sens précis est "pénétrer l'anus"[15], a longtemps été traduit par "se livrer à un vice contre-nature" puisque c'était le sens donné par les dictionnaires de référence comme A Latin Dictionnary[16] pour les anglophones ou le Gaffiot[17] pour les francophones.

    La seconde difficulté concerne la définition même de l'homosexualité et de l'homosexuel. Michel Foucault, dans La volonté de savoir, fait l'historique de ce terme apparu au siècle dernier qui relève d'une <<chasse nouvelle [des] sexualités périphériques [entraînant] une incorporation des perversions et une spécification nouvelle des individus. La sodomie - celle des anciens droits civils ou canoniques - était un type d'actes interdits; leur auteur n'en était que le sujet juridique. L'homosexuel du XIXème siècle est devenu un personnage : un passé, une histoire et une enfance, un caractère, une forme de vie; une morphologie aussi, avec une anatomie indiscrète et peut-être une physiologie mystérieuse. Rien de ce qu'il est au total n'échappe à sa sexualité. Partout en lui, elle est présente : sous-jacente à toutes ses conduites parce qu'elle en est le principe insidieux et indéfiniment actif; inscrite sans pudeur sur son visage et sur son corps parce qu'elle est un secret qui se trahit toujours [...] L'homosexualité est apparue comme une des figures de la sexualité lorsqu'elle a été rabattue de la pratique de la sodomie sur une sorte d'androgynie intérieure, un hermaphrodisme de l'âme. Le sodomite était un relaps, l'homosexuel est maintenant une espèce>>[18].

    <<Nous autres, victoriens>>[19] ne devons pas perdre de vue que l'individu de la fin du Moyen-Age et de la Renaissance, s'il était attiré son propre sexe, ne pouvait bien entendu se considérer comme homosexuel dans le sens très spécifique qu'aujourd'hui nous donnons à ce mot. Il ne faut pas oublier, par exemple, que la procréation avait bien peu de rapports avec l'amour. A cet égard, il est significatif que la plupart des <<sodomites>> qui apparaissent dans les registres italiens aient été mariés, ou que le Sodoma, tout en ayant femme et enfants, proclame avec flamboyance sa préférence. On pouvait par ailleurs professer un amour des garçons sans être considéré comme <<sodomite>>. Ainsi les néoplatoniciens récupéraient-ils la notion d'Amour Céleste, qui permettait à Platon de distinguer les amours homosexuelles - les seules pouvant être transcendées - des amours hétérosexuelles[20], pour justifier au plan spirituel l'amour de la beauté des garçons.

    Conscients de ce décalage, nous entendrons par amour homosexuel toute manifestation de désir à l'adresse d'une personne du même sexe. C'est à partir de cette définition que nous allons envisager les conditions d'émergence, dans les cités italiennes de la Renaissance, d'une rhétorique tout autant littéraire que figurative de l'amour homosexuel masculin.


    1. Une image de dévotion

    1.1. Protéger contre la peste

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    Que sait-on de saint Sébastien ? En vérité, presque rien. Il aurait vécu à la fin du IIIème siècle et serait mort, selon la Depositio martyrium de 354, un 20 janvier[21]. Le récit de sa vie, la Passio Sancti Sebastiani, apparaît pour la première fois un siècle plus tard. Cette hagiographie, que le moine Odilon dans son rapport de 826 sur la translation des reliques de saint Sébastien à Saint-Médard de Soissons, attribue à saint Ambroise[22], aurait été écrite dans le courant du Vème siècle. Elle sert de base à tous les récits ultérieurs et en particulier à celui de Jacques de Voragine qui, peu avant 1264, raconte et popularise la vie du saint dans La Légende Dorée [23].

    Le récit de ce dernier s'articule autour des miracles opérés par le saint, avant et après sa mort. Sébastien est présenté comme le favori des empereurs Dioclétien et Maximien, commandant de la première cohorte qui portait l'habit militaire "dans l'unique intention d'affermir le coeur des chrétiens qu'il voyait faiblir dans les tourments"[24]. De son vivant, il réussit aussi à convertir un grand nombre de païens. L'apprenant, Dioclétien le fit arrêter. Voragine décrit alors, de manière lapidaire, son célèbre martyre : "Dioclétien le fit lier au milieu d'une plaine et ordonna aux archers qu'on le perçât à coups de flèches. Il en fut tellement couvert, qu'il paraissait être comme un hérisson; quand on le crut mort, on se retira"[25]. Survivant, Sébastien est fouetté jusqu'au trépas et jeté dans la cloaca maxima.

    Après sa mort, sa sainteté est établie par deux miracles, dont un est d'un type particulièrement surprenant : une femme couche avec son mari avant une fête religieuse (la consécration d'une église à saint Sébastien) et en est longuement tourmentée. Le second miracle est celui qui établit la réputation de saint Sébastien comme protecteur contre la peste. Vers 680, une terrible épidémie ravageait Pavie et Rome. Dans chacune des deux villes, la peste cessa lorsque, à la suite d'une vision, l'on érigea un autel en l'honneur de saint Sébastien dans l'église Saint-Pierre-aux-Liens de chaque cité.[26]

    De cette époque datent les premières représentations connues de saint Sébastien ( ill. 4). En position frontale, âgé, barbu, vêtu, tenant à la main la couronne du martyre, il emprunte l'iconographie habituellement dévolue à la figure de Pierre (à qui il était déjà associé à travers les églises Saint-Pierre-aux-Liens de Rome et de Pavie)[27]. Ce premier type iconographique relève de l'image mnémonique : le spectateur reconnaît le saint grâce à son nom inscrit dans un cartouche puis, ultérieurement, grâce à son attribut, en l'occurrence la flèche (ill. 4).

    Ce type mnémonique tend à survivre jusqu'à l'aube du XVIème siècle. Au fil des ans, l'image s'est peu modifiée, à ceci près que le saint a rajeuni (ill. 6 et ill. 7). Il est cependant très vite supplanté par une nouvelle approche iconographique.

    Dès le XIIIème siècle, de façon prépondérante, les peintres représentent Sébastien lors de son premier martyre : l'inefficace sagittation. Cette image narrative constitue le support d'une métaphore, que deux fresques peintes par Benozzo Gozzoli à San Giminiano autour de 1464, explicitent fort bien (ill. 8 et ill. 9). Dans l'une, le saint subit son martyre, les archers criblent son corps de flèches. Dans l'autre, il abrite sous sa cape[28] une très nombreuse famille, la mettant à l'abri de flèches lancées par Dieu et une armée d'anges. Le sens donné au martyre est donc limpide : le corps de Sébastien est un bouclier qui, concentrant dans sa chair les flèches de la peste, traits mortels envoyés par le divin courroucé, est à même de protéger le fidèle qui l'interpelle.

    Cette utilisation métaphorique du martyre de Sébastien est un point de départ à partir duquel les peintres, des siècles durant, effectuent d'infinies variations, renouvelant la mise en scène de la sagittation, de la chair nue, des flèches. Coexistent ainsi des Sébastien semblables à des hérissons (ill. 10) et d'autres qui paraissent attendre indéfiniment l'office des archers (ill. 11[29]).

    A la fin du XVème siècle et au début du XVIème, on voit apparaître un type hybride. Ces images montrent le sagitté hors de la scène de sa sagittation. Il s'agit en fait d'images mnémoniques qui dérivent de celles décrivant le martyre et qui, étrangement, sont intégrées dans les Saintes Conversations (ill. 12). Certaines d'entre elles utilisent la nudité comme un attribut supplémentaire définissant à elle seule le saint, déshabillé même de ses flèches (ill. 13 et ill. 14 ).

    Peu de temps après, la Contre-Réforme interroge cette nudité; son jugement est sévère. Elle dénonce <<sans ambiguïté l'incompatibilité entre l'approche dévote du thème et cette mise en évidence, par la fiction, d'un beau corps nu :

    "O Vanité de l'homme qui rend vain ce qui est vrai, propre et principal, pour donner place à des fictions qui ne pèsent pas plus qu'un fétu de paille [...] Je vois Étienne lapidé sans pierres [...] Sébastien sans flèches [...] O vaine vanité, erreur infinie...">>[30]

    Dans un premier temps, la condamnation n'est pas fatale à la fortune du saint. Les peintres ont plutôt tendance à privilégier un autre épisode de sa vie, le moment où il est soigné par sainte Irène (ill. 15). Puis, des concurrents sérieux le supplantent dans son rôle anti-pesteux : saint Roch, à qui il était associé dès le XIVème siècle, et surtout saint Charles Borromée, parrainé par les Jésuites. Pour Louis Réau, "il ne lui reste plus que le patronage compromettant et inavouable des sodomites ou homosexuels, séduits par sa nudité d'éphèbe apollinien"[31].

    Cette formule, trop expéditive pour être honnête, met l'accent sur un aspect de la figure de saint Sébastien qu'il convient maintenant d'étudier : cette fameuse "nudité d'éphèbe apollinien".


    1. Une image de dévotion (Suite)

    1.2. Une figure apollinienne

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    Il faut en effet reconnaître que la grande majorité des représentations de saint Sébastien autorise un rapprochement avec le dieu grec. Quand Moderno, au début du XVIème siècle, donne du saint une image païenne qui fait délibérément référence à la statuaire antique (ill. 16), il radicalise une pratique vieille de deux siècles. Déjà, la figure sévère et barbue (ill. 17) avait été supplantée par le corps nu d'un jeune homme à peine sorti de l'adolescence (ill. 18). Puis la chevelure du saint adopta cette blondeur ensoleillée que le Moyen Age et la Renaissance (interprétant de manière figurative le nom latin du dieu, Phoebus, qui signifie également soleil) attribuaient à Apollon, tournant le dos aux codes prévalant dans le monde grec où le dieu <<était représenté comme un dieu très beau, très grand, remarquable surtout par ses longues boucles noires aux reflets bleutés, comme les pétales de la pensée>>[32].

    Mais le constater ne peut suffire. Pourquoi, comment, par quels détours Sébastien a-t-il pu emprunter l'antique corps d'Apollon ?

    Il est communément admis que la concordance thématique entre les flèches que tire Apollon et celles que reçoit Sébastien, a autorisé la superposition des deux figures. En effet, dans le monde antique, Apollon l'archer était craint car il décochait les flèches vectrices de la peste. Sébastien, lui, ne meurt pas alors que son corps est transpercé de toutes parts. Si les flèches qu'il reçoit sont allégoriquement les attaques de la maladie, alors il figure le corps d'un homme comme immunisé.

    Au XIIIème siècle, dans son récit, Jacques de Voragine n'établit aucun lien explicite entre la sagittation et le rôle de protecteur contre la peste dévolu à Sébastien[33]. En revanche, il existe un faisceau d'éléments venant appuyer l'idée selon laquelle, dans les premiers temps du christianisme, la figure militaire de Sébastien aurait été particulièrement apte à occuper la place laissée vacante, dans l'inconscient populaire, par l'abandon du culte de cet autre guerrier qu'était Apollon. On priait encore ce dernier, en tant que Dieu médecin, au début du VIème siècle[34]. Par ailleurs, c'est sur le site même du célèbre temple qu'Auguste avait dédié à Apollon sur le Palatin que, peu après 680, lors même que s'établit le rôle anti-pesteux de Sébastien, l'église San Sebastiano alla Polveriera semble avoir été édifiée à la suite d'une peste[35].

    Depuis Homère, l'image d'Apollon en tant que responsable du fléau de la peste était bien ancrée dans les esprits. Dans le chant 1 de L'Iliade, on peut ainsi lire :

    "Des cimes de l'Olympe il descendit, plein de courroux,

    Portant son carquois étanche sur l'épaule...

    ...Un sifflement terrible s'échappa de l'arc d'argent.

    Il atteignit d'abord les mulets et les chiens rapides.

    Puis ce fut les guerriers qu'il frappa de son trait pointu;

    Et les bûchers funèbres brûlaient sans fin, par centaines.

    Neuf jours durant, le dieu lança ses flèches sur l'armée."

    Un peu plus loin, Achille prend la parole :

    "Atride, nous allons, je pense, après mille détours,

    Rentrer dans nos foyers, si du moins la mort nous épargne,

    Car guerre et peste ensemble vont mater les Achéens"[36].

    Cette utilisation métaphorique des flèches apparaît aussi dans la Bible, ce qui autorise à penser que, dans ce cas précis, on retrouverait la "tendance de l'Église à assimiler quelques survivances de religion païenne"[37]. Ainsi Iahvé, le Dieu des Juifs et des Chrétiens, bande son arc pour punir les hommes :

    <<J'amoncellerai contre eux les maux,

    j'épuiserai contre eux mes flèches.

    Minés par la faim, consumés par l'inflammation

    et par une peste biliaire,

    j'enverrai encore contre eux la dent des bêtes,

    avec le venin des reptiles>>[38].

    ce qui, dans le corps du pénitent, se traduit ainsi :

    <<Iahvé, ne me punis pas dans ton courroux,

    ne me châtie pas dans ta fureur.

    C'est que tes flèches s'enfoncent en moi

    et ta main s'abaisse sur moi.

    Rien d'intact en mon corps, par suite de ton irritation,

    rien de sain dans mes os, par suite de mon péché.

    C'est que mes fautes ont dépassé ma tête,

    elles pèsent sur moi plus qu'un pesant fardeau.

    Mes plaies sont fétides et purulentes,

    par suite de ma folie...>>[39]

    Cependant, cette concordance thématique entre Apollon et Sébastien n'est pas sans induire un paradoxe. En effet, au regard de tous ces éléments, Apollon et Sébastien sont diamétralement opposés. C'est Iahvé qui, comme Apollon, tire les flèches mortelles; et pourtant ce serait Sébastien qui aurait emprunté des caractères physiques au dieu grec. Il reste donc à expliquer comment, par quel glissement tout autant sémantique qu'iconographique, l'archer a pu se transformer en cible.

    Pour cela, prenons la plus importante des caractéristiques physiques communes entre Apollon et Sébastien, à savoir la nudité.


    1. Une image de dévotion (Suite)

    1.3. La nudité

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    La nudité est présente dans toutes les images décrivant le martyre du saint. Nous avons vu que ces images ont ceci en commun qu'elles produisent un discours métaphorique. Nous avons également vu qu'au moins une image du saint habillé tente de produire un semblable discours, à savoir l'une des deux fresques que Benozzo Gozzoli a peint en 1464 à San Giminiano (ill. 8).

    Avant de l'étudier plus en détail, regardons un peu mieux la seconde fresque, celle du Duomo, qui prend appui sur le texte de Voragine (ill. 9). On y remarque, dans le ciel, le Christ et la Vierge, qui observent la scène valant à Sébastien d'être couronné martyr par des anges. Le saint est nu, ce qui permet au fidèle de constater que les flèches sont profondément enfoncées dans sa chair (au point que cette chair saigne), mais qu'elles s'avèrent impuissantes à l'abattre et, même, qu'elles ne troublent pas la sérénité du martyr.

    Comme nous l'avons déjà observé, la fresque mettant en scène un Sébastien habillé est une sorte d'explication didactique et imagée de ce martyre. Bien que le nom du saint apparaisse au fronton du socle sur lequel il se tient, il ne s'agit pas là du type iconographique mnémonique définit plus haut. Au contraire, l'image de Benozzo vise à proposer une alternative iconographique à l'image du corps nu transpercé de flèches. Ainsi, alors que la première fresque inscrivait la scène dans un paysage très réaliste, nous sommes ici dans un univers allégorique. Le Christ et la Vierge permettent que Sébastien agisse comme intercesseur entre les hommes et la colère divine. Nous retrouvons les fameuses flèches (qui peuvent aussi apparaître comme des lances) envoyées par le Père et un bataillon d'anges. Elles viennent se briser sur la cape de Sébastien, cape sous laquelle se réfugie une famille.

    L'image est efficace et fonctionne effectivement comme une alternative à celle du martyre. Mais ce qui est le plus remarquable, c'est que Benozzo n'ait pu totalement évacuer la nudité de sa représentation. Bien sûr, le saint est entièrement vêtu. Néanmoins, la notion même de nudité, de chair visible et souffrante, demeure présente, simplement déplacée dans la partie supérieure de l'image. La Vierge et le Christ qui, dans la fresque précédente, figuraient habillés, dévoilent ici leur corps. Jésus montre sa plaie qui saigne. Marie a dégrafé sa robe et attire l'attention sur ses seins, dans un geste qui pourrait passer pour impudique mais qui, selon une iconographie à l'époque connue, semble plutôt témoigner de sa souffrance maternelle. Tous les deux montrent du doigt Sébastien, indiquant par là que lui aussi, bien que cela ne soit pas visible dans l'image, a souffert dans sa chair : ce qui justifie son rôle d'intercesseur.

    Si Benozzo n'a pu, dans une image construite autour de la figure habillée de Sébastien, se passer de toute allusion à la nudité, à la chair martyrisée, c'est que cette chair est indispensable au fonctionnement métaphorique du martyre du saint. Par ailleurs, il n'est pas non plus innocent que Benozzo donne à son Sébastien le visage du Christ : même barbe à pointes, même chevelure bouclée partagée par une raie centrale, et qu'il le place dans ses deux fresques au-dessus de la plus forte des images de rédemption, celle du Sauveur nu mourant sur la croix.

    L'innovation iconographique de Benozzo fut sans lendemain. Sans doute son image était-elle trop intellectuelle pour supplanter la simple représentation du martyre. Quoiqu'il en soit, retenons qu'elle nous permet d'établir que la nudité est nécessaire à l'efficacité de l'image. Bien sûr, pas n'importe quelle nudité, mais celle qui montre la chair incorruptible que des flèches cherchent visiblement à détruire. Giglio, dans le texte de 1564 déjà cité, ne dit pas autre chose : la nudité de Sébastien ne devient scandaleuse que lorsque le saint n'est pas transpercé de flèches. En 1584, Lomazzo revient sur cette idée dans son Trattato della pittura :

    "Les spectacles lascifs d'hommes (nus) peuvent contaminer l'esprit des femmes. C'est pourquoi on fait à saint Sébastien, quand il est attaché à son arbre et criblé de flèches, les membres tout colorés et couverts du sang de ses blessures : car il ne faut pas qu'il se montre nu, beau, charmant et blanc..."[40]

    Cette ambivalence par rapport à la nudité de Sébastien se retrouve dans les efforts visant à établir un nouveau rapport entre l'image et le spectateur, encouragés par l'Église post-tridentine. Le cas de Pacheco est exemplaire. Au milieu du XVIIème siècle, il tente en Espagne de contenir les images dans un strict cadre théologique. Lorsqu'il s'attache à normaliser l'image du saint, il aboutit à un paradoxe particulièrement significatif : alors même qu'il bannit la jeune nudité blonde du lieu de la représentation, il ne peut l'empêcher de revenir dans le tableau par la fenêtre. Ainsi, dans le chapitre consacré à saint Sébastien de son Art de la peinture publié à Séville en 1649, il écrit :

    <<Baronio réprimande les peintres qui peignent saint Sébastien jeune alors qu'ils devraient lui donner de la prestance et le pourvoir d'une barbe de vieillard, conforme à l'image ancienne de la mosaïque qui est aujourd'hui entièrement conservée dans l'église de Saint-Pierre-aux-Liens de Rome (ill. 4).... [Dans] l'histoire que j'ai peinte en 1616... saint Sébastien a été peint au centre du tableau sur un lit, âgé d'environ quarante ans... Il faut le peindre tel un homme de quarante ans, ou plus, et cela parce qu'il fut tout d'abord un valeureux soldat, ce pourquoi il mérita d'être nommé capitaine de la première cohorte de l'Empereur...>>[41]

    Dans le tableau qu'il évoque (ill. 15), Saint Sébastien soigné par Irène, Sébastien est effectivement âgé de quarante ans. Mais un artifice du peintre, qui consiste à placer la scène de son martyre à l'arrière-plan, visible à travers l'embrasure d'une fenêtre comme si elle se déroulait à l'extérieur de la pièce où le saint est convalescent, entre en contradiction avec les préceptes qu'il indique dans son Art de la Peinture. En effet, le saint y est représenté jeune et nu. Or, pour ce martyre, Pacheco copie <<trait pour trait une estampe de Jan Muller d'après une peinture de Hans von Aachen>>[42]. Ce tableau dans le tableau, clin d'oeil à Alberti et à son tableau conçu comme une <<fenêtre ouverte>>, rend donc hommage à cet art virtuose auquel Pacheco reproche de ne pas tenir compte des textes et des dogmes chrétiens. C'est donc également un aveu d'impuissance : pour érudite qu'elle soit, l'image conçue par le digne espagnol ne peut agir sur le fidèle qui la regarde aussi efficacement que la mise en scène du corps jeune et nu du saint.

    Cette nudité de Sébastien ne peut donc être comprise comme un simple emprunt à la figure d'Apollon. En revanche, ce qui tend à la rapprocher du culte antique pour le corps de l'homme est qu'elle soit totale, qu'elle oblige les artistes à représenter un corps entièrement nu. Lorsque saint Roch montre qu'il a souffert dans sa chair, il n'a besoin de dévoiler que sa cuisse. Sébastien, lui, ne peut faire autrement que d'offrir son corps entier aux regards, lui qui de flèches "fut tellement couvert, qu'il paraissait être comme un hérisson". Mais nous verrons plus loin que le dévoilement par saint Roch de sa cuisse attaquée par un bubon, ne peut avoir le même rôle que l'exhibition de la chair indemne, quoique percée de flèches, de Sébastien.

    Partant de là, on peut supposer que les artistes de la fin du Moyen-Age, si prompts à effectuer une interpretatio christiana des images de l'Antiquité[43], ont dû s'inspirer de nus antiques pour établir le prototype de leur Sébastien. Pour les raisons évoquées, la figure d'Apollon a pu apparaître comme la plus apte à servir de modèle.

    Nous pouvons donc formuler la thèse suivante : la nudité est nécessaire lorsque les peintres ou les sculpteurs "allégorisent" le martyre de Sébastien; de par les flèches, de par la peste, des liens sémantiques peuvent relier Sébastien et Apollon; l'image antique d'Apollon, image de nudité, a pu servir de modèle, dès le Moyen-Age, à la représentation de Sébastien.

    La vérification de cette conjecture n'est pas l'objet de cette étude. Le point essentiel est l'importance accordée à la nudité dans le fonctionnement de ce type d'image. Le dévot, le spectateur, se devait d'interroger ce corps nu transpercé de flèches. Cela ne pouvait être sans conséquences.


    2. Une image érotique

    2.1. Parcours fléché

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    Sébastien ne peut jouer seul la scène de sa sagittation. Pourtant, si les archers de Dioclétien l'accompagnent dans le récit de Jacques de Voragine et dans un petit nombre de représentations, il est le plus souvent seul à l'image, transpercé de toutes parts. Celui ou ceux qui tirent les flèches sont en dehors du cadre ou déjà partis.

    L'extraordinaire fortune des polyptyques et leur lente mutation en tableau d'autel ont sans doute favorisé l'émergence de cette figure solitaire. En règle générale, la partie centrale du polyptyque (et plus tard la pala) accueille des saints que le dévot reconnaît grâce à leurs attributs (même si une scène narrative correspondant à chaque personnage est la plupart du temps disposée à l'aplomb de celui-ci, dans la prédelle). Dans le cas de Sébastien, seul un petit nombre de tableaux donne à voir un saint de type mnémonique, une flèche ou une couronne à la main (ill. 19). En effet, la plupart du temps, les peintres intègrent une composante apparemment narrative, en représentant Sébastien comme s'il venait de quitter précipitamment le théâtre de son martyre et qu'il n'avait pas eu le temps de se changer (ill. 1).

    Pour comprendre cette mise en scène particulière de Sébastien dans les saintes conversations, il faut revenir à son rôle de protecteur contre la peste. Sébastien n'est si fréquemment dépeint dans les polyptyques du XIIème au XVIème siècle, que parce la peste est alors endémique. Entre 1347 et 1533, l'Italie est confrontée cent quarante fois au fléau[44]. Chaque région subit la maladie au moins une fois par décennie. Aussi, autant les motifs conjoncturels qui justifient la figuration de tel ou tel saint peuvent être variés (questions théologiques; patronage de la ville, de la confrérie ou du commanditaire...), autant la présence de Sébastien correspond à une nécessité quasiment vitale. L'image de son corps nu, qui agit métaphoriquement comme l'image d'un bouclier sur lequel viennent en vain se ficher les flèches de la peste, a des potentialités magiques. A son propos, on est en droit de parler de <<transfert magique, de vertus et de forces entre l'effigie et son utilisateur>>[45]. Ce que le dévot demande à cette image n'est pas indéterminé : il espère très précisément que ce bouclier humain s'intercale entre lui et la colère divine, et lui épargne la maladie. Quant à l'image du jeune homme qui tient une flèche à la main, elle ne fonctionne pas comme une métaphore et ne peut donc pas agir symboliquement comme un rempart contre la peste.

    Dans cette optique, on comprend mieux que le martyre du saint puisse figurer dans une Sainte Conversation, donc en dehors de tout cadre narratif. L'image de Sébastien doit être de manière visible un bouclier qui aimante les flèches fatales. Pour que cette idée soit intelligible, il n'est besoin que de montrer le corps nu percé de flèches; le reste est superflu. Dans la mesure où, pour le dévot inquiet, saint Sébastien martyrisé est moins le soldat romain condamné par Dioclétien que cette image apte à le rassurer, on peut dire que l'allégorisation du martyre relègue à l'arrière-plan sa composante narrative.

    Du coup, regarder saint Sébastien revient à établir un lien spécifique entre soi et l'image. Ce regard singulier du spectateur est souvent pris en compte par les peintres de telle manière que <<chair suppliciée et surface peinte [soient], toutes deux, les lieux d'impact de rayons visuels issus d'un oeil unique : oeil de l'archer qui ajuste monoculairement son tir, oeil [du] spectateur>>[46]. Cette fusion du spectateur et de l'archer, qui n'est pas sans conséquences, se retrouve de manière emblématique dans des images peintes entre 1475 et 1495, qui proposent chacune une mise en scène spécifique du martyre.

    La première a été terminée en 1475. Il s'agit du Martyre de saint Sébastien d'Antonio et Piero Pollaiolo (ill. 20). Comme dans la fresque de Bennozo Gozzoli (ill. 9), les archers sont représentés en train de décocher leurs flèches. Comme chez Benozzo, toujours, le saint est surélevé par rapport à eux. Cette disposition est fréquente lorsque le peintre souhaite montrer les archers en train de martyriser le saint[47]; c'est notamment celle du célèbre panneau de Giovanni del Biondo (ill. 10). Comme les archers, le spectateur regarde le saint de dessous; comme eux, il lève la tête. Dans le tableau des Pollaiolo, une foule de petits éléments tendent à attribuer au spectateur la position d'un archer. Lorsqu'on aborde l'image, le corps de Sébastien est déjà percé de flèches. Ces flèches ont été tirées par les quatre soldats qui s'apprêtent à récidiver. Les deux personnages courbés en deux au premier plan n'ont pas encore visé le saint. Ces deux hommes, dont l'un impressionna Vasari si fortement qu'il lui consacra une longue description[48], sont disposés de part et d'autre de la ligne verticale partageant le panneau en deux parties égales et matérialisée par le tronc. Ils encadrent donc le spectateur dont la place exacte, face à cette oeuvre très symétrique, semble indiquée par le prolongement des arbalètes qu'ajustent ces archers. A ce point, le spectateur dispose de deux carquois remplis de flèches, seules les pointes de ces dernières apparaissant dans le champ du tableau, opportunément dirigées vers Sébastien.

    Une autre image est le Saint Sébastien d'Andrea Mantegna (1480) qui se trouve au Louvre (ill. 21). Dans cette oeuvre, le saint est attaché à une colonne, seul vestige d'un bâtiment antique en ruines. Cette allusion à la victoire du christianisme sur le paganisme est d'autant plus forte qu'on la retrouve condensée dans cette image frappante d'un pied en marbre, fragment de statue brisée placé au plus près des pieds ensanglantés de Sébastien. Ce pied inerte est un détail qui suscite plusieurs interprétations. Il évoque ce moment où dans La Légende Dorée, Jacques de Voragine raconte que Sébastien a détruit plus de deux cents statues d'idoles[49] ; il n'est pas non plus sans rappeler cette célèbre description de Giovanni Villani qui, dans sa Cronaca, rapporte que la chose la plus extraordinaire, lors de la grande peste noire était que <<les hommes et les femmes, et même tout animal vivant, [devenaient] des sortes de statues mortes, comme marmorisées>>[50]. En ce qui concerne le spectateur et son tendanciel rôle d'archer, la solution que préconise Mantegna est plus discrète que celle des Pollaiolo. Là encore, le spectateur regarde le saint par en-dessous. Cet angle de vue da sotto in su est celui des archers. Selon toutes apparences, la sagittation est terminée. Les longues flèches ont toutes été tirées; aucune ne l'a vraiment été de face. Les archers quittent le lieu : on voit très bien que l'un deux a déjà passé un bras dans son arc. Mais en abandonnant le lieu du martyre, les archers apparaissent aussi comme quittant le lieu de la figuration et appartiennent beaucoup plus au hors-champ dans lequel se situe le spectateur : ils passent devant le tableau plus qu'ils ne le parcourent. Cette impression est renforcée par le fait que Mantegna a peint ses personnages à taille humaine. Ainsi le spectateur est vraiment aux côtés des archers, il ne lui reste plus qu'à se saisir des trois flèches que lui présente le premier archer et à regarder, de face, le saint qui dans <<sa partie haute montre un buste à l'antique, intact et vivant>>[51].

    Un troisième tableau, le Saint Sébastien d'Antonello de Messine (ill. 22), est tout aussi célèbre. Peint vers 1476, il faisait originellement pendant à un saint Christophe. Comme le montre Daniel Arasse, <<par la disposition de sa perspective au point de fuite très rabaissé et par son cadrage resserré sur le saint, la présentation de l'oeuvre monumentalise le corps. En accord avec le thème dévot, elle en fait le bouclier protecteur de la ville représentée à l'arrière-plan>>[52]. Cette idée est au demeurant encore renforcée par le fait que les flèches, plastiquement, ne débordent pas du corps de Sébastien et donc n'effleurent pas la ville. Dans cette oeuvre, les archers ont disparu de l'image. Les cinq flèches qui blessent le saint, montrées en raccourci, ont été tirées de face de sorte que, <<plus qu'aucun autre, le panneau tend à faire presque coïncider la visée des archers sur le corps et celle du spectateur sur le tableau>>[53].

    Au vu de ces exemples, on pourrait penser que ce jeu subtil entre l'image et le spectateur n'est qu'une déclinaison brillante, donc singulière, du thème de la sagittation, proposée par des artistes de génie. Point n'est besoin de tenter un historique exhaustif de cette mise en abîme, pour constater que la prise en compte du regard du spectateur (confondue avec la visée d'un archer) se retrouve dans de nombreuses oeuvres émanant de peintres moins illustres.

    Il est à cet égard intéressant d'observer ce qu'un épigone de Mantegna a retenu de la brillante leçon du maître. Lorsque Liberale da Verona peint son Saint Sébastien (ill. 23) aux environs de 1485, il a connaissance des deux oeuvres de Mantegna et d'Antonello, et reprend à son compte les solutions qu'ils avancent. Comme chez Mantegna, des nuages anthropomorphes entourent le saint qui foule aux pieds des débris antiques. Comme dans le tableau d'Antonello, le point de fuite est rabaissé de telle sorte que le saint parait être de la même taille que les bâtiments qu'il est censé protéger. Quatre flèches l'ont blessé : l'une par la droite, une autre par la gauche et les deux dernières de face. Moins subtil que ses confrères, Liberale explicite à grands traits ce qu'Antonello et Mantegna suggéraient. Au premier plan, un arc et un carquois semblent mis à la disposition du spectateur. Ils pénètrent dans l'image comme s'ils étaient appuyés contre la surface du tableau et sont disposés contre un muret qui, s'ouvrant sur le devant de la représentation, distingue le lieu de la sagittation (auquel appartient le spectateur) de la Venise peinte à l'arrière-plan.

    Ce commerce entre l'extérieur et l'intérieur de l'espace de la représentation est aussi perceptible dans le Saint Sébastien du Pérugin conservé au Louvre (ill. 24). Dans le tableau, en bordure, une grande inscription donne à lire un extrait du psaume 38 (vulgate 37) : <<Tes flèches s'enfoncent en moi>>[54]. Prise au pied de la lettre, cette inscription rappelle les paroles que le saint peut adresser à son Seigneur et celles que le dévot, les lisant, énonce à son tour. Mais alors, à un autre niveau, elle amène le dévot à dire : <<Tes flèches, Sébastien, s'enfoncent en moi>>, c'est à dire <<Les mêmes flèches, Sébastien, qui s'enfoncent en toi, s'enfoncent en moi>>; et, de manière réciproque, elle donne à entendre : <<Tes flèches, spectateur, s'enfoncent en moi Sébastien>>. Dans tous les cas de figure, le <<moi>> est toujours ambigu, double, ce qui introduit un jeu de miroir dans le face-à-face du dévot et du saint.

    Cette lecture est d'autant plus licite qu'un petit tableau peint par le Pérugin aux environs de 1495 (ill. 25) manifeste une évidente communication entre l'extérieur et l'intérieur de la toile. Les dimensions de ce panneau de 53,3 cm sur 39,5 cm le destinent à une dévotion d'ordre privé. Au plus près de l'image, le regard scrute ce buste qu'altère avec délicatesse, dans le cou, une flèche unique. Mais cette flèche n'est pas innocente car le Pérugin y a apposé son nom, écrivant en lettres d'or : <<Petrus Perusinus Pinxit>>. Cette flèche, tirée par le premier regard posé sur le tableau, celui du peintre, est ainsi clairement désignée comme provenant de ce hors-champ du spectateur.

    Le Pérugin a déposé sa marque comme amoureusement et a pris garde qu'elle ne corrompe pas la beauté de ce buste lumineux. Ainsi, la flèche affleure à peine au bord de la figure du saint, à tel point que l'oeil qui inspecte pourrait confondre la tige et le fond sombre de l'image si la signature dorée ne se détachait pas.

    Cette signature, dont la présence à cet endroit va a priori à l'encontre de toute interprétation religieuse du martyre de Sébastien, témoigne de l'amour que le peintre porte à la figure du saint. Il se pourrait que cet amour déclaré à Sébastien soit de la même nature que celui que l'on trouve par exemple à l'oeuvre dans le tableau d'Antonello (ill. 22) où les <<cinq flèches... selon une symbolique courante à l'époque, évoquent les cinq plaies du Christ et écrivent sur le corps comme les cinq lettres du mot AMORE>>[55]. Mais cet amour divin, pour se manifester, emprunte l'arc d'Éros tant et tant célébré. Faut-il n'y voir qu'une coïncidence ?


    2. Une image érotique (Suite)

    2.2. L'arc d'Éros

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    Depuis longtemps, l'arc d'Éros décoche des traits qui sont autant d'oeillades assassines. Cette métaphore, véritable lieu commun, traverse les siècles et la poésie amoureuse. En Italie, elle relie Guido Cavalcanti au Cavalier Marin. Que ce topos de la rhétorique amoureuse ait été le terreau sur lequel s'est épanouie cette autre mise en scène du regard, à savoir la visée du spectateur sur Sébastien, est une hypothèse qu'on peut, le temps d'un détour par les textes, tâcher de vérifier.

    A la fin du XIIIème siècle, comme les autres stilnovistes, Guido Cavalcanti s'empare de cette métaphore. Cité par Boccace comme un poète de l'amour dans l'introduction de la quatrième journée du Décaméron[56], et plus loin mis en scène comme <<l'un des meilleurs dialecticiens au monde, excellent expert en philosophie naturelle>>[57], Cavalcanti <<jouit à Florence au cours du XVème siècle d'une gloire enfin indiscutée>>[58]. En particulier, comme le note Christian Bec, Laurent le Magnifique fait rassembler par Politien un recueil de poèmes en langue vulgaire. Mais surtout, en 1469, Marsile Ficin consacre le septième discours de son Commentaire sur le Banquet de Platon à une chanson de Guido, <<Dame me prie que je veuille dire>>. Il y rend hommage à l'ancêtre de son ami Giovanni, le décrivant en ces termes : <<le philosophe Guido qui a si bien mérité de sa patrie et qui, en son siècle, se montra supérieur à tous les autres par la vigueur de sa dialectique>>[59].

    On comprendra, en analysant plus loin le De Amore de Ficin, à quel point la poésie de Cavalcanti entre en résonance avec sa propre conception de l'amour. Ficin a retrouvé, chez Guido, cette idée que la vue est le moyen par lequel l'homme accède à l'amour suprême, platonique. Ainsi, il affectionne tout particulièrement cet extrait de <<Dame me prie que je veuille dire>> :

    <<Il [l'amour] provient d'une vision de l'idée perçue

    qui prend en l'intellect possible,

    comme en sujet, sa place et sa demeure>>[60].

    Dans la poésie de Cavalcanti, l'assimilation du regard amoureux à une flèche décochée n'est pas une simple métaphore. Il développe en effet l'idée que la force du regard a le pouvoir d'affecter matériellement, en profondeur, sa cible :

    <<La blessure que l'on voit en ton coeur

    fut faite par des yeux d'une très grande force,

    qui y laissèrent une splendeur

    que je ne puis regarder>>[61].

    La nature propre de ce regard engage très précisément l'amoureux dans une action qui vise à détruire les résistances de l'être désiré. Ce faisant, les traits qu'il décoche impriment leur marque dans le corps aimé entendu comme le réceptacle de son âme :

    <<Ô toi qui as souvent en tes yeux

    Amour tenant trois flèches en main,

    mon esprit qui vient de loin

    t'est recommandé par l'âme dolente,

    que dans le coeur a déjà frappée

    de deux flèches l'habile archer;

    pour la troisième il tend si mollement son arc

    qu'elle ne m'atteint pas, en ta présence :

    Car ce serait le salut de l'âme,

    qui gît comme morte parmi les membres,

    frappée de deux flèches et trois blessures :

    La première procure plaisir et épouvante,

    la seconde fait désirer l'effet

    de la grande joie que la troisième apporterait>>[62].

    La cruauté de l'amour, sa capacité destructrice, son tempérament guerrier sont autant de thèmes dont Pétrarque, un demi-siècle plus tard, s'empare à son tour. Pour l'<<adorateur de Laure>>, cependant, la vision n'engage pas l'amoureux dans un processus analogue à celui rencontré chez Cavalcanti. Au mouvement qui faisait partir des flèches de qui désire vers l'être qu'il aspire à séduire, se substitue une opération plus complexe. Des yeux d'une personne aimable partent les coups qui rendent amoureux qui la regarde. Mais ces traits n'impliquent nullement que celui ou celle qui les décoche soit lui-même épris :

    <<Amour m'a établi comme cible à ses traits,

    comme au soleil la neige, comme la cire au feu,

    et comme brume au vent; et enroué je suis,

    Madame, à réclamer merci; mais peu vous chaut.

    De vos yeux est parti le coup mortel

    contre quoi temps ni lieu ne me servent de rien;

    de vous seule procède, et ce vous semble un jeu,

    le soleil, et le feu, et le vent, dont je suis tel.

    Les pensées sont les flèches, le visage un soleil,

    et le désir un feu; et de toutes ces armes

    Amour me point, éblouit et détruit>>[63].

    Ce regard dédaigneux qui rend sa cible amoureuse, possède la même force que chez Cavalcanti. Lui aussi agit comme un archer dont le but est d'atteindre au plus profond le corps visé :

    <<Aussitôt que de l'arc la corde est détendue,

    le bon archer de loin discerne

    quel coup vaut le dédain, quel coup la conviction

    qu'il atteindra la cible à lui-même assignée.

    Semblablement, le coup de vos regards,

    Madame, avez senti au plus profond de moi

    frapper tout droit, pour quoi convient que d'éternelles

    larmes verse mon coeur par la blessure>>[64].

    La rhétorique amoureuse de Pétrarque a influencé toute la culture du Trecento finissant et du Quattrocento. Sans établir un strict parallèle, on peut souligner que sa célèbre description du Triomphe de l'Amour a suscité un grand nombre d'équivalents figuratifs mettant en scène l'amoureux en jeune homme nu et attaché, livré à la merci d'un Cupidon aveugle (ill. 26). Que cette image ait eu une forte valeur emblématique est confirmé par ces nombreuses représentations d'Autel d'Éros citées par André Chastel[65] où l'amoureux, les bras entravés, se consume d'amour, le bas du corps déjà rongé par des flammes qu'attise Cupidon (ill. 27 et ill. 28) [66].

    Ces métaphores de la séduction, qui mettent en scène une sagittation où l'un des protagonistes, entravé par la puissance du lien, est à la merci des flèches de l'autre, reçoivent une caution philosophique et médicale avec Marsile Ficin.

    Dans ce De Amore qui fut le best-seller de la Renaissance[67], Ficin éclaire à la lumière de Platon toute cette rhétorique amoureuse. Ainsi, dans le chapitre IV du septième discours, intitulé L'Amour vulgaire est une sorte d'ensorcellement, il développe et théorise la métaphore de la fascination amoureuse utilisée par Cavalcanti et Pétrarque :

    <<Dans ces conditions, qu' y a-t-il d'étonnant qu'un oeil ouvert et fixé sur quelqu'un lance les traits de ses rayons dans les yeux de la personne qui est proche de lui et qu'avec ces traits, qui sont les véhicules des esprits, il dirige vers elle la vapeur sanguine que nous appelons esprit ? De là le trait empoisonné traverse les yeux et comme il vient du coeur de celui qui frappe, il recherche la poitrine de celui qu'il atteint, comme sa propre demeure>>[68].

    Cette théorie de la fascination - ce pouvoir qu'ont les yeux d'affecter le corps d'autrui - imprègne à tel point la Renaissance que, par exemple, on la retrouve intacte, un siècle plus tard, dans une pièce de théâtre destinée à un large public, le Chandelier de Giordano Bruno :

    <<La fascination opère par la vertu d'un esprit brillant et subtil qui, produit par la chaleur du coeur à partir du sang le plus pur, est émis par les yeux ouverts, à la manière d'un rayonnement; lorsqu'on regarde intensément l'objet dont on forme l'image, les rayons viennent blesser celui-ci, atteignent le coeur et s'en vont affecter le corps et l'esprit d'autrui, qui peut alors éprouver de l'amour, de la haine, de l'envie, de la mélancolie ou toute autre espèce de qualité possible>>[69].

    Dans cet autre succès littéraire de la Renaissance que fut Le Livre du Courtisan, Baldassar Castiglione reprend lui aussi la théorie de la fascination. Son développement est particulièrement intéressant, car il rend intelligible toute une composante de cette théorie selon laquelle, entre le regardant et le regardé s'opère une sorte de <<transfert magique>> :

    <<Les yeux donc se tiennent cachés comme à la guerre les soldats en embuscade; et si la forme de tout le corps est belle et bien proportionnée, elle attire et séduit ceux qui la regardent de loin, jusqu'à ce qu'ils s'approchent; et aussitôt qu'ils sont près, les yeux décochent leurs flèches et répandent leurs venins enchantés, principalement quand, en droite ligne, ils envoient leurs rayons dans les yeux de la personne aimée, au moment même où ceux-ci en font tout autant, parce que les esprits se rencontrent, et que dans cette douce collision l'un prend les qualités de l'autre, comme l'on voit dans le cas d'un oeil malade qui, en regardant fixement un oeil sain, lui donne sa maladie>>[70].

    Dans cet extrait du Livre du Courtisan, on voit très bien à leur efficace que les flèches d'amour sont bien autre chose qu'une simple licence poétique. Elles apparaissent <<pourvues de pointes pneumatiques invisibles, mais capables de produire bien des ravages dans la personne atteinte>>[71]. En ayant abondamment développé cette idée, Marsile Ficin n'a pas à proprement parler fait acte de création. Il a réélaboré des doctrines héritées de l'Antiquité où selon Platon, déjà, <<l'amour était une sorte de maladie oculaire>>[72].

    Ces théories de Ficin étaient d'autant plus aptes à influencer les arts figuratifs, que ses propres conceptions en la matière s'appuyaient sur des métaphores engageant la vision selon un processus analogue à celui de la séduction, établissant ainsi un parallèle entre le couple regardant-regardé de la théorie de la fascination et le couple oeuvre-spectateur. Pour Ficin, l'amour résulte d'une suite d'opérations visuelles qui sont explicitement décrites dans son commentaire précité du poème de Guido Cavalcanti :

    <<Comme un miroir frappé sous un certain angle par un rayon de soleil éclaire à son tour, et par la réflexion de cette lumière, enflamme la laine placée auprès de lui, ainsi dit Guido, la partie de l'âme, qu'il appelle obscure fantaisie et mémoire, comme un miroir, est frappée par l'image de la beauté qui tient lieu de soleil, comme par un rayon pénétrant par les yeux. Le choc est tel, que cette image lui permet d'en engendrer une autre qui est pour ainsi dire le reflet de la première et qu'il aime. Il ajoute que ce premier amour, allumé dans l'appétit sensitif, est engendré par la forme du corps qui tombe sous les yeux...>>[73]

    Dans ce moment de la séduction, la vue est engagée de telle manière que le corps de l'être aimé va se refléter dans l'âme-miroir de celui qui tombe amoureux. Dans sa Theologia Platonica, Ficin utilise le même mouvement réflexif pour l'artiste se projetant dans son oeuvre dans un rapport spéculaire :

    <<Dans les peintures et les édifices, le dessein et l'habileté de l'artiste sont visibles. On y aperçoit en outre la disposition et en quelque sorte la figure de l'âme elle-même, car, dans les ouvrages de ce genre, l'intelligence s'exprime et se représente comme le visage d'un homme qui se regardant dans un miroir se reflète sur le miroir>>[74].

    Nous retrouvons ici cet autre topos [75]de la Renaissance selon lequel l'oeuvre d'art est le <<miroir d'une pensée individuelle>>[76] et dont Fra Girolamo Savonarola s'était emparé pour affirmer la responsabilité des artistes dans la création d'images licencieuses[77]. Ce lieu commun indique les passerelles qui, au travers de la vision, peuvent relier l'archer amoureux au spectateur d'une oeuvre d'art, à commencer par le premier d'entre tous : l'artiste lui-même.

    Cette analogie acquiert à la suite de Ficin une valeur croissante. Lorsque Michel-Ange s'empare à son tour de la métaphore du regard-archer en rédigeant, dans les années 1530, quelques poèmes adressés à Tommaso de'Cavalieri, il reprend tout autant l'idée du coup de foudre, dont la mécanique est analysée par la théorie la fascination, que le parallèle entre la visée du spectateur et celle de l'amoureux :

    <<Si dans deux corps une âme est rendue éternelle,

    Qui les élève vers le ciel d'une même aile;

    Si l'Amour, d'un seul coup, d'une flèche dorée,

    De deux coeurs brûle et fouille les viscères>>[78].

    Et, dans une autre ode au <<cruel sagittaire>>[79] :

    <<Comme une page écrite, une feuille illustrée,

    Suscitent le regard plus que page arrachée,

    Ainsi va-t-il de moi, depuis que je suis cible

    Marquée par ton visage - et je ne m'en plains pas>>[80].

    Bien s'il sorte du cadre chronologique de cet étude, on peut également citer ce grand amateur d'art qu'était le Cavalier Marin, qui, en 1614, confond dans un même élan poétique la toile et l'objet de son amour :

    <<Quelle est la peinture, qui est le peintre,

    Peut-être veux-tu le savoir ?

    L'image c'est toi, la toile le coeur,

    Le pinceau la flèche, et l'artiste Amour>>[81].

    Revenons à Michel-Ange et à l'un de ses dessins, Les archers (ill. 29), qui sera analysé plus en détail dans la dernière partie de cette étude. Il y aborde le thème de la sagittation et, là encore, double la métaphore de la visée amoureuse, d'une allégorisation du regard posé sur l'oeuvre d'art. Les archers, en position de tir, ne tiennent pas d'arcs; leur cible est une statue, un hermès. A leur pied, un Cupidon endormi atteste que les flèches à peine esquissées sont les traits de l'amour. Un détail confirme que le regard des archers n'est pas sans affecter cette oeuvre d'art qu'est l'hermès, puisqu'une flèche vient se planter dans le sexe de la statue et que ce sexe est en érection[82].


    2. Une image érotique (Suite)

    2.3. Une cible

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    L'hermès de Michel-Ange est cette oeuvre admirée par la foule des jeunes gens qui la prennent pour cible. Leurs traits ont la capacité d'agir dans le corps même de la statue. Qu'en est-il des regards qui visent Sébastien, comment agissent-ils, eux qui se posent sur le saint et pénètrent symboliquement sa chair ?

    Pour pouvoir répondre à cette question, il faut comprendre comment les peintres définissent, en tant que cible, la figure de Sébastien. Si le corps du saint est une cible que peuvent atteindre les regards du spectateur, ce corps doit avoir la capacité d'attirer l'oeil. En prenant au pied de la lettre la métaphore du regard-flèche, on peut dire que viser le corps de Sébastien, le reconnaître comme cible, revient à l'admirer. En d'autres mots, pour que le corps de Sébastien soit une cible, il est nécessaire de l'envisager comme un objet de contemplation, un objet de désir.

    Nous avons vu que dans certains textes les théoriciens de la Contre-Réforme n'ont cessé de vitupérer la mise en scène du corps nu de saint Sébastien, lui reprochant de s'apparenter davantage à des images érotiques qu'à des représentations dévotes. Moins zélateur, Vasari raconte, dans la vie de Fra Bartolomeo, à quel point la figure du saint pouvait troubler les esprits :

    <<Il [Fra Bartolomeo] retourna à Florence, où on lui avait souvent reproché de ne pas savoir faire les nus. Il voulut essayer et montrer, en s'y appliquant, qu'il pouvait réussir dans ce genre aussi bien qu'un autre. Pour le prouver, il fit un Saint Sébastien nu aux couleurs semblables à celles de la chair, dont la grande douceur d'expression s'harmonise avec la beauté du corps, ce qui lui valut les louanges de tous les artistes. Lorsque le tableau fut exposé dans l'église, les frères, dit-on, s'aperçurent, en confessant leurs pénitentes, que le talent de Fra Bartolomeo, en donnant vie à la beauté lascive du modèle, portait au péché celles qui le regardaient. On l'enleva de l'église pour le mettre dans la salle du chapitre où, peu après, Giovan Battista della Palla l'acheta pour l'envoyer au roi de France>>[83].

    Il est hors de doute que ce n'est pas dans l'intention de choquer que Fra Bartolomeo, <<peintre au-dessus de tout soupçon moral>>[84], a pu produire une telle image érotique. Tout au plus peut-on admettre que, mis au défi comme le raconte Vasari, il ait poussé à son comble la sensualité de son image. Il se peut aussi que l'époque, ébranlée par l'épisode Savonarole, trouva obscène une peinture qui, jusqu'alors, ne posait pas problème[85]. Cette dernière hypothèse conduit à revenir sur le texte de Vasari, afin de voir sur quel plan se situe le scandale de l'image.

    Tout d'abord Vasari établit que la figure de saint Sébastien n'est, pour Fra Bartolomeo, que le prétexte à la réalisation d'un nu. Mission accomplie : les artistes reconnaissent la virtuosité du peintre. Puis le tableau est admis par l'église. Les frères ne trouvent rien à redire à la <<beauté lascive du modèle>>, à sa <<grande douceur d'expression>> : ils exposent le tableau à la vue des fidèles. Ce n'est qu'ultérieurement qu'il est retiré (mais pas tout à fait, puisqu'il est simplement déplacé dans la salle du chapitre et qu'il reste donc visible par les religieux). Si l'on comprend bien Vasari, la démarche de Fra Bartolomeo était en elle-même légitime, et son tableau réussi. Le problème survenu avec les pénitentes est plutôt un problème de degré. Si le tableau porte <<au péché celles qui le regardaient>>, ce n'est, dit Vasari, que parce que le talent de Fra Bartolomeo est à ce point immense qu'il donne vie à cette <<beauté lascive du modèle>>. Donner vie à une figure est un topos de la Renaissance à valeur superlative, particulièrement présent dans les Vies de Vasari. Son emploi ici indique que le tableau de Fra Bartolomeo est en un certain sens trop réussi; égarées par cet excès, celles qui le regardent ne voient que l'homme qu'il est aussi, ou pire le modèle qui a permis au peintre de le représenter, et n'arrivent plus à imaginer le saint. Ainsi, l'érotisation de la figure de Sébastien n'est pas elle-même en cause : il convient que cette figure soit belle, d'une beauté qui peut être qualifiée de lascive, et qu'elle soit d'une <<grande douceur d'expression>>. C'est l'effet de réel, induit par le talent du peintre, qui porte à confusion.

    Que la virtuosité de l'artiste perturbe le fonctionnement religieux de l'image ne laissait d'ailleurs pas d'interroger l'Europe entière. <<Le meilleur exemple sans doute est la sculpture sur bois allemande de la fin du XVème et du XVIème siècle, qui s'ingénie à donner à ses statues la présence de corps quasi vivants... Trop illusionniste, la statue suscite une fascination trouble, fixant l'esprit du spectateur sur la présence corporelle du saint et non pas sur les moments exemplaires de sa biographie>>[86].

    On peut donc conclure que l'image de Fra Bartolomeo, telle qu'elle fut exposée et, dans un premier temps, admirée, était en puissance une image érotique et que cette virtualité était admise comme inhérente au fonctionnement de l'image du saint, sa trop grande efficacité résultant de l'immense talent du peintre qui donne vie à son modèle. Le scandale de son érotisme est qu'il ne permet pas au spectateur de son oeuvre d'effectuer un transfert, d'aimer comme on aime un saint cette trop humaine figure.

    On peut incidemment noter que le récit de Vasari concernant Fra Bartolomeo entre en résonance avec la chronique de Jacques de Voragine. Si l'on se demande de <<quelles passions cette mise en scène du corps est [...] la catharsis ? Dès La Légende Dorée, la réponse est clairement donnée : le premier miracle opéré par les reliques du saint, après la description de sa mort et avant l'allusion à la peste, montre que ce corps fictif est redoutablement efficace pour purger le fidèle de la concupiscence : la volupté de la chair, ce que vise saint Sébastien en sa relique>>[87].

    Comment était ce nu de Fra Bartolomeo qui, trop érotique, amenait le fidèle à la concupiscence ? Le tableau étant perdu, nous ne le saurons probablement pas. En revanche, on peut sans crainte affirmer que le peintre du couvent San Marco n'était pas le seul à rendre son Sébastien attirant. Ce peintre dévot, mis au défi, l'a relevé et a produit une image qui, dans sa mécanique, a satisfait aux exigences de ses confrères. Nous allons voir que ceux-ci ne s'étaient pas privés d'érotiser, souvent à outrance, leurs représentations de saint Sébastien.


    2. Une image érotique (Suite)

    2.4. Le sexe du saint

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    Comme nous l'avons observé, la virtuosité n'est pas étrangère à l'érotisation de la figure nue du saint. Ce brio <<qu'affichent les peintres dans la représentation anatomique et dans la dramatisation du corps est doublement indésirable : parce qu'elle met l'accent sur une chair qu'il faut sublimer par l'allégorie, et parce qu'elle met en valeur la manière du peintre, au détriment de son sujet saint>>[88].

    Mais cette virtuosité n'est pas seule en cause. Dans l'image même, bien souvent, de très légères indications invitent le regard à porter une attention particulière au sexe du saint, un sexe que le slip ou le perizonium laisse deviner. Sans doute quelques fondements théologiques peuvent-ils être invoqués pour justifier ce réalisme anatomique : il peut servir à distinguer Sébastien du Christ, à affirmer son humanité. On trouve ainsi <<chez Piero Della Francesca un contraste entre, d'une part, l'ellipse dont fait l'objet le sexe du Christ dans le Baptême de Londres (ill. 30) ou dans le Polyptyque de la Miséricorde de Borgo Sansepolcro (perizonium quasi transparent) (ill. 31) et, d'autre part, la désignation du sexe de Sébastien par son caleçon moulant dans ce même polyptyque (ill. 1)>>[89]. On retrouve le même contraste dans la célèbre Allégorie Sacrée de Giovanni Bellini (ill. 32). Dans l'espace clos au premier plan de l'image, deux hommes s'avancent nus. Il s'agit de Job et de Sébastien. Job, dont la nudité était qualifiée dès le Moyen Age de nuditas temporalis, porte un pagne qui ne laisse rien deviner de sa virilité. Au contraire, dans le cas de Sébastien, dont l'appareil est celui d'une nuditas naturalis [90], le caleçon ne laisse subsister aucun doute quant à ses pùdenda. Dans cette image, où le moindre détail participe d'un discours très construit, cette modalité, à coup sûr, n'est pas fortuite.

    Mettre en évidence le sexe de Sébastien, c'est affirmer sa nature humaine. C'est un homme, de chair et de sang, souffrant, que l'on offre à l'amour du fidèle. Il est très possible que l'intention sous-jacente soit de permettre une identification plus facile, afin que s'opère plus aisément le transfert magique des vertus du saint vers le spectateur au cours duquel, comme aurait pu dire Ficin, <<le sujet se [transforme] en l'objet de son amour>>[91].

    Si les peintres ont toute licence quant à l'exhibition du sexe de Sébastien, cela ne va pas sans risques. Comme le rappelle Leo Steinberg, <<cela avait été longtemps la fierté toute particulière des peintres de la Renaissance que de savoir utiliser la draperie pour souligner les traits anatomiques sous-jacents>>[92]. Dans le cas de Sébastien, ce jeu de cacher-montrer peut aller si loin, que le doute s'installe quant aux les intentions du peintre.

    Chez Benozzo Gozzoli ou Piero Della Francesca, le renflement dans l'entrejambes du saint (ill. 9 et ill. 1) est visible, mais rien ne le désigne spécialement au regard du spectateur. En revanche, si nous inspectons à nouveau le Saint Sébastien de Mantegna qui se trouve au Louvre (ill. 21), nous constatons que la matérialité du sexe est très subtilement suggérée. Si le saint porte un large perizonium qui ne laisse rien deviner quant à ses genitalia, une flèche perçant le tissu joue le rôle d'indicateur. Cette flèche est la seule à n'avoir pas été véritablement tirée de côté; et c'est celle qui provoque le saignement le plus abondant; un long filet rouge tache le pagne par ailleurs immaculé. L'ingéniosité de Mantegna est de n'avoir pas peint cette flèche à l'endroit où, sous le perizonium, est censé se trouver le sexe du saint. La flèche pénètre plus bas dans le tissu et ce n'est qu'en comparant la partie de la tige visible avec les autres flèches (particulièrement longues) que le spectateur est à même de réaliser que la pointe a, en réalité, transpercé le sexe et que le sang qui s'écoule vient de cette partie de son anatomie.

    Le même fléchage du sexe apparaît chez Liberale da Verona (ill. 23). Mais cette fois, ce n'est pas directement la flèche qui pointe sur le sexe, mais le filet de sang qui, s'échappant d'une plaie proche du nombril, coule en sa direction.

    Dans d'autres tableaux, la mise en relief du sexe est si forte, qu'il n'est point nécessaire au peintre de guider le regard. Une gravure du vénitien Jacopo de' Barbari conservée au British Museum (ill. 33) est à cet égard significative. Le perizonium, dénoué, devrait très naturellement tomber et donner à voir le saint dans son plus simple appareil. Le tissu ne reste en place que parce qu'il est retenu par un sexe en érection que les plis dessinent avec habileté.

    Une semblable disposition se retrouve en 1526 dans une toile de Dosso Dossi (ill. 34). Le saint est adossé à un arbre fruitier, vraisemblablement un pommier. Son sexe est masqué par une longue bande de tissu qui tombe de l'arbre en passant entre ses cuisses. Au niveau de l'aine, la forme dessinée par cette étoffe laisse imaginer ce qui ne peut être qu'un sexe gonflé.

    Dans cet exercice de suggestion, le Pérugin est passé maître. Il réussit à représenter le sexe du saint, bien qu'il ne peigne qu'un perizonium noué. Trois de ses tableaux, réalisés dans la dernière décennie du Quattrocento, répètent le même motif : la Sainte Conversation conservée aux Offices (ill. 35), le Saint Sébastien du musée de Sao Paulo (ill. 36) et celui du Louvre (ill. 24). Ce dernier est le plus suggestif des trois : le perizonium est transparent et noué de telle manière qu'il prend la forme d'un long sexe dans l'exact prolongement des plis de l'aine. Assurément, la broderie rouge qui dessine comme un gland au bout de ce sexe n'est pas moins préméditée. La figuration détournée du sexe de Sébastien atteint là son point ultime.

    Nouer le perizonium de telle manière que les pans flottants coïncident avec le sexe, quoique fréquent, n'est pas une constante. Il serait abusif de prétendre y débusquer, à chaque fois, une intention érotique. En revanche, on peut sans crainte avancer que deux autres procédés figuratifs connexes, dont use d'abondance le Pérugin, signalent et actualisent l'érotisation des représentations du saint.

    Le premier est l'effet de transparence donné au perizonium. Le <<voile transparent et déformant est l'un des instruments les plus communs de l'érotisation de l'image : le voile qui montre tout en cachant est une banalité, un topos de l'appel érotique>>[93]. Cette transparence est selon les cas plus ou moins accentuée.

    Dans le premier Saint Sébastien de Mantegna, qui date de 1460 (ill. 37), le perizonium est opaque, mais il s'apparente à une seconde peau car les plis dessinent comme des veines sur les cuisses. En revanche, le tissu qui enveloppe les hanches du saint des Pollaiolo (ill. 20) est clairement transparent. C'est un fin voile écru qui, au niveau des hanches, se confond avec la peau du martyre et met en avant le noeud substitut.

    A la pinacothèque de Sienne se trouve un petit panneau pour le moins intrigant (ill. 38). Peint par Guidoccio Cozzarelli en 1495 à l'intention d'un allemand qui aurait fréquenté l'Université de Sienne[94], le tableau accumule les éléments propres à susciter la dévotion : flèches nombreuses, couronne et palme du martyre, auréole dorée et ouvragée, dominicain représenté sur un oriflamme. Dans le même temps, la présence du saint est fortement suggérée : la figure occupe la totalité du panneau et le pied de Sébastien déborde sur l'inscription rédigée dans le bas de l'image, comme s'il s'apprêtait à avancer vers le spectateur. Le perizonium, quant à lui, est véritablement transparent, à tel point que le spectateur qui, s'approchant de l'image, recherche un contact intime avec le saint, ne peut manquer de constater que son sexe est bien visible, bien dépeint.

    Le second procédé favorisant une lecture sensuelle est l'instabilité même du perizonium. Nous avons vu ce qu'il en était chez Jacopo de' Barbari (ill. 33) et Dosso Dossi (ill. 34). Dans de nombreux autres cas, si le perizonium est noué autour des hanches, le noeud est si relâché que l'on s'attend à ce que le saint se retrouve complètement nu. C'est encore chez le Pérugin que cette équilibre précaire du perizonium donne à la figure du saint le tour le plus érotique. Dans la Sainte Conversation des Offices (ill. 35), alors que le saint apparaît dans un contexte on ne peut plus sérieux, aux côtés de la Vierge, de l'Enfant et de Jean-Baptiste, son perizonium est noué de manière à figurer un pénis. Mais ce n'est pas tout. Comme la récente restauration le dévoile, placer le perizonium très bas permet au Pérugin de dessiner quelques poils pubiens qui, sur ce corps entièrement glabre et idéalisé, ne manquent pas d'attirer l'attention.

    Là encore, l'audace du Pérugin se situe à un point limite. La plupart du temps, les peintres esquissent seulement, à cet endroit que dévoile un pagne instable, une ombre suggestive. Ils montrent ainsi discrètement qu'ils portent une attention particulière à cette pilosité pubienne qui, comme la chevelure, possède une <<valeur particulièrement érotisée>>[95].

    Le cas singulier de la chevelure, presque toujours blonde, de Sébastien, mérite attention. Les occurrences d'une glorification sensuelle de la blondeur sont multiples, aussi bien dans la littérature que dans la peinture. Nous verrons dans la troisième et dernière partie de cette étude que ce qui apparaît comme un cliché de l'appel érotique hétérosexuel fonctionne sur le même mode dans le cadre d'un discours amoureux homosexuel.

    En définitive, l'image du martyre de saint Sébastien assigne une place et un rôle actif au dévot qui la contemple. En assignant au spectateur le rôle d'un archer dont les flèches sont décochées par le regard, les peintres déterminent un hors-champ qui entre en communication avec le lieu de la représentation, ouvrant ainsi la porte à un transfert d'émotions entre l'extérieur et l'intérieur du tableau. Le corps du saint est défini comme attractif; de par son érotisme, il fixe les regards en sa chair. Ce corps est incorruptible; sa beauté est l'image visible de sa santé. Cette beauté est l'aimant qui attire les regards et rend le spectateur amoureux. Elle est la vertu majeure de saint Sébastien, vertu que le dévot souhaite obtenir afin d'échapper à cet anéantissement du corps, à ce pourrissement de la chair que la peste provoque. Ce transfert peut s'opérer, quasi physiologiquement, au travers du coup de foudre, comme ne cessent de le répéter les théoriciens et les poètes de la fascination. L'érotisme de Sébastien est en somme ce qui permet au dévot, en tombant amoureux du saint, de capter sa santé et d'échapper à la maladie.


    3. Une érotique homosexuelle

    3.1. Un trouble féminin

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    Avant de tenter d'établir dans quelle mesure la figure de saint Sébastien a pu être investie, par delà son efficacité thaumaturgique, de connotations érotiques homosexuelles, il convient d'examiner ce qui pourrait être une objection majeure : l'érotisation de la figure de Sébastien, correspondant au départ à une mise en scène spéculaire du regard du dévot sur le saint, n'a-t-elle pu être amenée à fonctionner en outre comme une image érotique stricto sensu, destinée aux femmes ? Après tout, lorsque de Voragine, Vasari et Lomazzo rapportent le trouble causé par les représentations du saint, ils n'évoquent jamais qu'un émoi féminin : le premier n'établit toutefois pas explicitement de lien de cause à effet entre la figure du saint et la concupiscence de la pénitente évoquée; le deuxième raconte comment un tableau a pu agir sur des dévotes; le troisième condamne les <<spectacles lascifs d'hommes [nus qui] peuvent contaminer l'esprit des femmes>>.

    Un autre élément, de taille, vient à l'appui de ladite objection. Quelques intérieurs de cassone, ces coffres peints installés au moment du mariage dans la chambre des époux, donnent à voir un jeune homme nu qui n'est pas sans rappeler, dans ses caractéristiques physiques, la figure stéréotypée de saint Sébastien (ill. 39).

    Les peintures intérieures des cassone étaient destinées à un regard privé; elles ne pouvaient être vues que par les propriétaires des coffres, et uniquement quand ils les ouvraient. Ces coffres vont par paire et certains d'entre eux dévoilent dans leur intimité une thématique amoureuse : une femme est représentée sur l'un, un homme sur l'autre. Si ces femmes sont la plupart du temps dénudées, les hommes apparaissent généralement habillés, parfois avec <<une rose à la main, comme symbole de fertilité>>[96]; dans de rares cas, l'homme est nu.

    Le côté conventionnel de ces images écarte l'idée qu'il puisse s'agir de portraits. Elles servaient plutôt à rappeler aux époux leur devoir conjugal; elles pouvaient aussi fonctionner comme des images érotiques, des stimuli[97]. Dans ce cadre matrimonial, et même s'il revenait au mari de commander les coffres et de préciser leur iconographie[98], le nu masculin était promis à la contemplation de l'épouse.

    Que des peintres, ayant à créer une image érotique destinée aux femmes, se soient rapprochés des représentations de saint Sébastien, voilà qui semble confirmer la réalité d'une composante sensuelle dans l'iconographie du martyre du saint. En revanche, cela semble interdire toute tentative d'interprétation homo-érotique de cette figure.

    Étant entendu qu'il n'a de toute façon jamais été question de démontrer que les représentations de saint Sébastien autour de 1500 étaient de façon inhérente des images homo-érotiques, rappelons en quoi la méthodologie adoptée permet de surmonter cet obstacle. Avant toutes choses, il s'est agi d'établir que l'érotisme de ces images était essentiel à leur fonctionnement religieux. Or, dans l'art de la première Renaissance, le corps nu de Sébastien apparaît comme l'unique figure masculine de ce type. Il est donc assez naturel que l'on retrouve un homme à son image à l'intérieur des cassone : saint Sébastien était le seul modèle possible.

    Cette unicité conduit à penser que l'émergence éventuelle d'un discours érotique homosexuel masculin ne pouvait que se traduire, elle aussi, par une cristallisation sur la figure de Sébastien. Que des peintres ou des commanditaires aient pu pour ainsi dire saisir l'occasion, suppose bien évidemment des conditions historiques opportunes. Nous allons voir qu'elles existaient, et que la figure de Sébastien permettait d'établir de nombreuses correspondances thématiques et iconographiques avec ce que l'on nommait, suivant les cas, vice contre-nature ou plaisir des Dieux..


    3. Une érotique homosexuelle (Suite)

    3.2. Qui est qui ?

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    Toute approche historique de l'homosexualité se heurte à une difficulté méthodologique qui dépasse, de loin, les problèmes de définition abordés en introduction. Dans le monde chrétien qui nous occupe, la minorité homosexuelle a en permanence été combattue et les périodes de relative tolérance n'ont jamais été jusqu'à lever l'interdit légal. En conséquence, l'autocensure des témoins potentiels est une constante qui rend difficile la compréhension des rares sources : plus d'un Albert a été transformé en Albertine, comme il est courant de dire depuis la publication de A la recherche du temps perdu[99].

    Le cas de Guido Cavalcanti illustre bien cette difficulté. A longueur de vers, il célèbre la beauté et l'amour des femmes; si, dans de nombreux cas, sa rhétorique apparaît comme le support d'abstraites conceptions de l'amour, il lui arrive de décrire très précisément des situations, comme dans ce poème champêtre débutant ainsi :

    <<En un bosquet je trouvai une pastourelle,

    plus belle que les étoiles, à ce qu'il me paraît...>>[100]

    Or, en réponse à ce poème, une épître rédigée par un de ses proches, Lapo Farinata degli Uberti, prétend préciser les faits :

    <<Guido, quand tu dis pastourelle

    il vaudrait mieux dire beau pastoureau :

    car il convient, pour qui se respecte,

    de dire, le pouvant, la vérité des faits.

    Il avait aussi une houlette plaisante et belle :

    tes dires ne sont donc pas faux,

    et je ne connais ni roi ni empereur

    qui dans sa chambre ne l'aurait mis.

    Mais un tel me dit, venu avec toi au bosquet,

    le jour où paissaient des agneaux,

    qu'il n'aperçut qu'un écuyer,

    qui, tout blondinet, chevauchait

    et était vêtu bien court.

    Or donc, corrige, si tu le veux, ton texte>>[101].

    Quels enseignements tirer de la confrontation de ces deux textes ? La réponse de Lapo Farinata est bien sûr emprunte de moquerie; mais se pourrait-il qu'elle aille jusqu'à la médisance ? C'est peu plausible tant l'auteur a une conception positive de l'homosexualité. Ainsi il écrit : <<Je ne connais ni roi ni empereur / qui dans sa chambre ne l'aurait mis>>, à l'instar de tous ceux qui, à la Renaissance, cherchent à valoriser la sodomie. En effet cette formulation, qui est en quelque sorte une déclinaison séculière du thème de l'homosexualité comme plaisir des dieux développé à partir de la figure de Ganymède[102], sert toujours plus de deux siècles plus tard dans l'autobiographie de Benvenuto Cellini :

    <<...tournant vers moi sa vilaine figure, il lâcha brusquement : "Oh! tais-toi, infâme sodomite!" A ces mots, le duc furieux contre lui fronça les sourcils, et les autres, la bouche serrée, le fixaient avec indignation. Personnellement je me sentis si bassement atteint que la fureur me fit sortir de mes gonds. J'allais droit au remède et dis : "Insensé! tu passes les bornes! Si seulement Dieu avait permis que je fusse initié à un art aussi noble! Car on dit que Jupiter l'a pratiqué au paradis avec Ganymède, et de même qu'en ce monde les plus grands empereurs et des rois">>[103].

    Le fait que Lapo Farinata valorise l'homosexualité est significatif quant à sa propre personnalité, mais n'implique pas pour autant que Guido partage ses goûts. En l'occurrence, cela importe peu : ce texte permet de constater qu'était déjà envisagée autour de 1300, la possibilité que le syndrome Albertine altère la vérité des sentiments; et que l'on doit en tenir compte.

    Une autre trace d'autocensure se retrouve dans une source importante concernant Venise à la fin du XVème siècle et au début du XVIème, la chronique de Marin Sanudo. Dans son journal, il n'hésite pas à stigmatiser l'homosexualité. Il semble pourtant que sa réputation n'était plus à faire, comme le signale Guido Ruggiero qui rapporte une lettre d'un ambassadeur mantouan où l'homosexualité de Sanudo est gentiment moquée[104].

    Ceci étant dit, le danger est alors grand de penser débusquer partout et à tous propos de l'homosexualité. La prudence est d'autant plus nécessaire que l'extrême misogynie de l'époque (Alberti assure que <<toutes les femmes sont folles et pleines de puces>>[105]) est un paramètre que l'amour proclamé des femmes a tendance à occulter. Le cas de Pétrarque illustre bien cette ambivalence, lui qui, à longueur de canzone, proclame son désir d'appartenir à

    <<Celle qui a visage de neige, cheveux d'or,

    dont l'amour fut toujours sans tromperie ni fautes>>[106],

    mais qui, dans ses écrits latins destinés à un public moins populaire, n'hésite pas à noter :

    <<La femme... est le diable incarné, l'ennemi de la paix, un puits d'impatience, un sujet de discorde; c'est seulement après s'en être séparé que l'on est certain d'être tranquille... Qu'ils aient donc des femmes, ceux qui s'enchantent des interminables réunions féminines, des enlacements et des cris nocturnes, des vagissements d'enfants, des activités qui ne laissent pas le temps de dormir... S'il nous est donné, ce n'est pas par le mariage, les fils, ou l'aide d'une femme, mais par le talent, les livres et l'aide de la vertu que nous perpétuerons notre nom... Les chambres à coucher, tous les lits, les demeures, les chemins, les maisons débordent de dégoûts conjugaux... Remercions Dieu qui a fait en sorte que nous ne tombions pas dans ces pièges...>>[107].

    C'est donc en ayant à l'esprit ces différents éléments que nous allons maintenant évoquer l'homosexualité à la Renaissance et tenter de reconstituer, si tant est qu'il ait existé, un éventuel paradigme de la beauté et du désir homosexuel.


    3. Une érotique homosexuelle (Suite)

    3.3. Entre tolérance et répression

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    Tout le XVème siècle bruisse de rumeurs : les cités italiennes seraient des havres de paix pour les sodomites. Saint Bernardin n'est pas le dernier à se faire l'écho de cette réputation déshonorante, lui qui ne cesse de vilipender cet <<abominable péché de la maudite sodomie>>[108]. En 1427, il invective en ces termes ses concitoyens sur le campo de Sienne :

    <<Oh Italie, comme tu es plus contaminée que les autres provinces ! Va chez les Allemands et entend quel beau mérite ils attribuent aux Italiens ! Ils disent qu'il n'y a pas de peuple au monde qui est plus sodomite que les Italiens>>[109].

    De fait, en Allemagne, dès le Moyen Age, le verbe florenzen, dont la racine est Firenze, était employé comme synonyme de sodomiser[110]. Dans le même ordre d'idées, on peut évoquer ce groupe d'humanistes de Regensburg, à la tête desquels se trouvaient le poète Conrad Celtis à peine revenu d'un séjour dans l'académie platonicienne de Ficin, qui, en 1493, consacraient une série d'épîtres en latin à la proverbiale sodomie des Italiens[111]. L'un des textes, d'une verdeur outrancière, se présente comme la <<Réfutation d'un proverbe italien sur l'ébriété germanique. Poème grossier et pornographique contre ces enculeurs d'italiens, de Conradus Leontorius...>>[112] Nous le citons intégralement non pas tellement parce qu'il témoigne de la puissance d'un préjugé xénophobe, mais surtout parce qu'en décrivant avec précision les pratiques homosexuelles présumées des Italiens, il nous éclaire, comme nous le verrons par la suite, sur la conception que l'époque se faisait de l'homosexualité :

    <<Toi, l'Italien, tu méprises les jeunes filles caressantes et tu n'oses enfoncer ton pénis fétide dans des fentes, parce que, Cynæde ordurier, tu refuses de te soumettre aux paisibles lois de la nature. Par un cupide amour, tu désires ardemment foutre dans les fesses et le cul d'un tendre jeune garçon; tu cours après un amour qui t'est refusé, fouteur lamentable que tu es, et néanmoins dans le même temps tu harcèles les Germains et les tourmentes pour qu'ils s'imprègnent souvent de vin gouleyant, et l'estomac nauséeux, tu frémis devant un trou du cul italien, espèce de jouisseur de merde; et mouillant, tu encules avec une aveugle frénésie; dans ton agitation, tu échauffes par des caresses sacrilèges des trous frétillants, et tu n'as pas honte de t'imaginer sobre, malheureux que tu es, ivre en réalité, impuissant à masturber les chattes, personnage obscène; nous, nous nous soumettons aux lois édictées par Bacchus et Vénus, attachés à la loi céleste que la nature nous prescrit et dont elle nous montre la juste mesure; il n'est pas dégoûtant de suivre cette agréable injonction divine; tu es toujours aussi malheureux après avoir éjaculé dans des gorges; et après t'être retenu, tu suces avec une bouche tremblante. Les Germains n'auront pas honte de célébrer les rites bachiques ni de foutre dans les fentes car c'est la bienheureuse Vénus qui a engendré les Germains; Vénus est la seule à qui les Germains obéissent, et ils honorent Bacchus comme un de leurs aïeux. Toi l'Italien, une mère cruelle t'a engendré par derrière, puisque tu veux toujours gicler dans des culs>>[113].

    Ce torrent d'insultes érudit ne montre pas seulement que la sphère internationale de l'humanisme était un monde où la fraternité ne régnait pas en permanence; il précise aussi quel type d'homosexuel l'époque réprouve violemment, à savoir le <<sodomite actif>>, celui que saint Bernardin traque afin qu'il ne puisse plus corrompre la jeunesse italienne.

    En Italie, justement, cette catégorisation se retrouve dans la loi. Pour le Quattrocento, les principales sources de renseignements sont les registres florentins et vénitiens où sont consignés les différents efforts législatifs visant à réprimer l'homosexualité. Ces registres sont exemplaires.

    Ainsi, le 13 avril 1432 est instituée, à Florence, une magistrature spécialement chargée de lutter contre la sodomie, les Ufficiali di Notte. Les attendus du texte qui préside à la création de cette institution commencent par cette phrase :

    <<Voulant éradiquer de leur cité l'abominable vice de la sodomie considéré par les textes saints comme le pire des crimes...>>[114]

    Cette volonté d'éradication n'est pas neuve. Nouvelle, en revanche, est la création d'une juridiction spécialisée[115]. Cette réorganisation de la lutte institutionnelle contre la sodomie semble s'accompagner d'un changement de stratégie. En effet, alors que la création des Ufficiali di Notte laisse supposer une plus grande fermeté de l'État, nous observons paradoxalement le phénomène inverse, à savoir une clémence plus grande dans les peines. Une loi de 1325 punissait les sodomites de la castration. En 1365, la peine de mort avait été adoptée, puis réservée aux récidivistes à partir de 1408, une première condamnation étant passible d'une amende de 1000 lires. En 1432, la peine de mort ne vient punir un sodomite qu'à sa cinquième condamnation; auparavant, il aura été passible d'une amende de 50 florins pour son premier passage devant le tribunal, d'une amende de 100 florins à la deuxième infraction, de 200 florins et d'une privation de droits d'une durée de deux ans à la troisième, et de 500 florins et d'une privation définitive de ses droits à la quatrième. En fait, alors qu'auparavant les condamnations étaient rares (parce que sévères), les Ufficiali di Notte vont instituer une répression quotidienne de l'homosexualité et continûment délivrer des peines légères.

    Les registres des Ufficiali di Notte établissent une distinction rigide entre les <<actifs>> et les <<passifs>>[116]. Les passifs>>ne sont en général pas condamnés (entre 1478 et 1502 - période où les registres nous sont parvenus à peu près complets, sur 4091 procès, 594 prévenus sont condamnés dont 574 pour avoir joué un rôle actif) et, quand ils le sont, écopent de peines plus légères que les actifs.

    La même distinction est opérée à Venise, où la peine encourue est cependant la mort. En 1474, un groupe de six homosexuels est dénoncé[117]. Deux d'entre eux, considérés comme actifs, sont décapités et brûlés. Les passifs sont quant à eux condamnés au fouet et, selon leur âge, à l'exil.

    L'une des clés de cette distinction est en effet l'âge des protagonistes, les actifs s'avérant dans la quasi-totalité des cas plus âgés que les passifs.

    La grande majorité des passifs qui apparaissent dans les registres florentins (au demeurant pour la plupart relaxés) ont entre 14 et 18 ans (dans une fourchette allant de 6 à 26 ans). Chez les actifs, la moyenne d'âge est de 27 ans[118].

    A Venise, dans les registres, le passif est toujours décrit comme un garçon (puer), un adolescent (adolescens) ou un jeune homme n'ayant pas atteint l'âge légal[119]. Pour les magistrats vénitiens, l'association d'hommes âgés et de plus jeunes est un facteur susceptible de favoriser la sodomie. Pour d'autres raisons (plus politiques), ils avaient déjà tendance à se méfier des réunions publiques et des dîners; à partir de 1454, ils justifient dans la loi leur intrusion dans cette sphère privée sous le prétexte que les dîners sont l'occasion de rencontres a priori coupables entre jeunes et moins jeunes[120].

    Un autre critère que l'âge vient discriminer le passif, à savoir son absence de virilité. A Florence, les Ufficiali di Notte fonctionnent en grande partie sur la base de dénonciations anonymes et, dans un grand nombre de missives, le passif est féminisé : on le nomme cagna, bardossa, putanna...[121] A Venise, lors des délibérations concernant le groupe de six homosexuels cité plus haut, l'un des magistrats suggérait que l'on coupe le nez du plus âgé des passifs, peine ordinairement infligé à des femmes afin de les atteindre dans ce qui fait leur force, leur beauté[122].

    La distinction entre les rôles de "passif" et d'"actif" déborde largement le strict cadre judiciaire. Saint Bernardin de Sienne y avait déjà recours, qui n'accuse que l' "actif", ce <<fameux sodomite [...] qui se retrouvait la nuit avec un garçon dans le lit>>[123].

    Dans la littérature, Antonio Beccadelli offre tout à la fois un bel exemple de cette distribution des rôles, et une approche plus vivante de la réalité homosexuelle. Né à Palerme en 1393, ce fils d'une famille noble de Bologne a été tour à tour protégé par Cosme de Médicis, Philippe-Marie Visconti, l'Empereur Sigismond et Alphonse V d'Aragon. Dans le même temps, son célèbre Hermaphrodite fut condamné par le concile de Constance et son <<effigie [...] fût brûlée en public à Milan et à Bologne. Le livre n'en fut pas moins copié à maintes reprises et lu avec plaisir par un vaste public, y compris par des hauts dignitaires de l'Église>>[124]. Ce succès peut s'expliquer tout à la fois par une permissivité plus grande que ne le laissent imaginer les attendus judiciaires et par le caractère érudit de l'ouvrage. En effet, dans sa dédicace à Cosme de Médicis, Beccadelli se place sous le patronage des auteurs antiques :

    <<Éminent citoyen, de l'illustre famille des Médicis, pour que, dédaigneux du vulgaire, il lise d'une âme sereine ce volume, malgré sa lasciveté, et que, comme moi, il suive en cela l'exemple des Anciens>>[125].

    De fait, L'Hermaphrodite contient une série d'épigrammes qui témoignent d'une lecture attentive de Martial. Il n'y est question que de sexe, aussi bien hétérosexuel qu'homosexuel. Dans les deux cas, le ton va de l'insulte à la description grivoise. Lorsque Beccadelli évoque de manière positive l'homosexualité, il emprunte le schéma "actif- passif"/ homme-garçon.

    <<Quand tu auras à pédiquer un complaisant éphèbe,

    Sur cette tombe, je t'en prie, passant, besogne-le...

    ...Achille apaisait de la sorte les cendres de Chiron,

    et ton podex, blond Patrocle, s'en est ressenti.

    Hylas l'apprit, perforé par Hercule sur le bûcher de son père...>>[126]

    ou

    <<C'est qu'ici, puissant par son membre, règne le Français,

    Qui pour lui seul veut les fesses et pour lui seul les baisers.

    A lui tout ce qu'il y a de fesses et de podex dans la ville,

    Et tout ce qui nous en vient de Toscane et d'ailleurs.

    Il paie cher comme il sied à un riche Crésus

    Et à ses cadeaux il joint de douces cajoleries.

    Aussi, tel un prêteur, prescrit-il à ses éphèbes :

    "Ne vous laissez pas approcher, ne vous laissez pas façonner".

    Tu ne peux donc parler à un garçon, si le Français n'y consent;

    S'il ne le veut, tu ne peux jouir d'un garçon...>>[127]

    En revanche, lorsqu'il adopte le mode de l'insulte, Beccadelli décrit l'objet de sa raillerie comme étant un "passif" :

    <<Contre Mamurrus, homme de la dernière turpitude.

    Si tu chargeais ton dos de pénis qu'absorba ton anus

    Et les portais loin, tu serais, Mamurianus, plus fort qu'un boeuf>>[128]

    Un peu plus loin, le même Mamurrus est qualifié de <<suceur>>[129]. Le fait que Beccadelli présente d'un côté le jeune "passif" comme désirable et, de l'autre, stigmatise les pratiques "passives", n'est qu'une apparente contradiction. D'une part, il est clair que la stricte partition "actif- passif"/vieux-jeune opérée à l'époque est en grande partie artificielle : elle désigne moins une différence dans les pratiques sexuelles qu'une distinction entre corrupteur-corrompu ou entre séducteur-séduisant. D'autre part, elle témoigne des tensions entre la conception de l'homosexualité à l'oeuvre dans les sources latines et celle du Quattrocento. En effet Beccadelli, qui s'inspire énormément de Martial, se sert du même vocabulaire que son modèle. Or, dans la langue latine, une valeur négative connote les termes désignant les pratiques "passives", tandis qu'une valeur positive est attribuée aux pratiques "actives"[130].

    Cette ambivalence est à ce point inconfortable que l'utilisation sémantiquement correcte du vocabulaire sexuel latin disparaît au cours du XVème siècle; un renversement s'opère alors, dont les effets subsisteront jusqu'à une période très récente. Ce renversement consiste en l'attribution d'une valeur péjorative aux mots désignant des pratiques "actives", et vice-versa. On le voit à l'oeuvre dans le texte précité des humanistes allemands. Comme l'analyse Ingrid D. Rowland, un mot comme irrumatio qui, juxtaposé à fellatio, valorisait dans l'Antiquité le rôle dominateur de celui qui se faisait faire une "petite gâterie", est utilisé dans un sens extrêmement négatif par Conrad Leontorii[131].

    Ce renversement est d'autant plus important qu'il s'accompagne, chez les humanistes florentins, d'une redécouverte de Platon mettant à l'honneur la relation amoureuse de type pédagogique, entre maître et éphèbe. Ainsi, Marsile Ficin, dans son De Amore, note :

    <<Entre amants, il y a échange de beauté. Le plus âgé jouit par les yeux de la beauté du plus jeune; le plus jeune atteint par l'intelligence la beauté du plus âgé>>[132].

    La nature de cet amour, sa force, est précisée lorsque Ficin invoque trois exemples d'amour particulièrement puissant :

    <<L'un, de l'amour d'une femme pour un homme quand il parle de la femme d'Admète, Alceste, qui consentit à mourir à la place de son mari; l'autre, de l'amour d'un homme pour une femme, tel celui d'Orphée pour Eurydice; le troisième, enfin, celui d'un homme pour un autre homme, comme celui de Patrocle pour Achille, nous montrant ainsi que rien ne peut rendre les hommes plus courageux que l'Amour>>[133].

    Dans le De Amore, la préférence de Ficin pour cette dernière sorte d'amour ressort clairement, notamment dans le passage suivant où il semble établir que l'Amour céleste ne peut se satisfaire d'une relation homme-femme :

    <<Donc, suivant Platon, le corps des hommes aussi bien que leur âme est fécond et tous deux sont poussés par l'aiguillon de l'Amour à la génération. Mais les uns, soit par nature, soit par éducation, sont plus disposés à la génération de l'âme qu'à celle du corps, alors que chez les autres, et ce sont les plus nombreux, c'est le contraire. Les premiers recherchent l'Amour céleste, les seconds l'amour vulgaire. Les premiers aiment naturellement les hommes encore adolescents, plutôt que les femmes ou les enfants, parce qu'en eux domine la pénétration de l'intelligence qui, en raison de l'excellence de sa beauté, est beaucoup plus apte à recevoir la discipline qu'il désire engendrer>>[134].

    Certes, comme le précise juste après Ficin, cet Éros Socraticus qui se repaît de la beauté d'un adolescent, est purement platonique. Il reconnaît pourtant que la frontière est floue et que certains peuvent de bonne foi la franchir, tombant ainsi dans la plus honteuse des ignominies :

    <<Vous dirai-je, très chastes amis, ce qui suit ou le passerai-je sous silence ? Oui, je le dirai, puisque le sujet l'exige, bien que cela paraisse absurde. Mais qui pourrait parler de choses honteuses sans appeler les choses par leur nom. Le bouleversement qui porte un vieillard à la ressemblance du jeune homme est si grand qu'il cherche à faire passer tout son corps dans celui du jeune homme et celui du jeune homme dans le sien pour que ou bien le sang nouveau trouve des artères neuves ou que les artères neuves reçoivent un sang plus neuf. C'est ce qui les pousse à commettre entre eux bien des actes honteux. Ils croient, en effet, que parce que le sperme sort de tout le corps, tout le corps peut se transférer et être reçu uniquement par ce sperme projeté ou reçu. Le philosophe épicurien Lucrèce, qui a été le plus malheureux des amants, a éprouvé cela en lui-même>>[135].

    Les équivoques du discours de Ficin mériteraient une analyse plus fine. On peut en tous cas noter, à la suite d'André Chastel, que <<la théorie de l'amour platonicien n'a pas été proposée comme une rénovation, aussi prudente qu'on le voudra, de l'amour grec, mais [qu']elle lui faisait une place de choix. Il se trouve qu'au même moment, les milieux artistiques florentins étaient loin de le méconnaître. Il n'est pas aussi facile qu'on le voudrait de séparer nettement l'affection "socratique" légitimée et même recommandée par Ficin, d'un vice qui a souvent été dénoncé par les prédicateurs florentins du Quattrocento, et directement attaqué par Savonarole. Il n'y avait pas, dans les ateliers, de domestiques féminins : les artistes et les savants vivaient entourés de garzoni qui tenaient leur maison, ou de serviteurs plus âgés, souvent des deux>>[136]. L'attachement qui peut exister entre deux hommes, et de la profondeur duquel la passion qui unit Pic de la Mirandole et Girolamo Benivieni témoigne[137], est <<une inclination commune à Florence, sous Laurent, chez les lettrés et les humanistes; si leurs moeurs semblent, sauf pour Politien et quelques autres, avoir été pures, elle n'en caractérise que mieux la société distinguée du XVème siècle, où la grâce et la perfection de l'adolescent avait une valeur si remarquable qu'elles ont inspiré les trois versions inoubliables du jeune David nu, qui sont les trois chefs-d'oeuvre de la sculpture florentine. Le climat favorable créé par les humanistes était d'autant plus important que la représentation du nu - et du nu viril - intéressait de plus en plus les ateliers florentins>>[138].

    Ce climat favorable à l'exaltation du corps de l'adolescent a-t-il conduit à la création d'un type iconographique particulier ? André Chastel le pense, lui qui note que dans l'atelier de Verrochio <<s'est élaboré, vers 1470-1475, le type de l'adolescent ambigu, particulièrement destiné à la figuration des anges>>[139]. A quel niveau se situe cette ambiguïté ? C'est ce que nous allons essayer de voir en abordant la question de l'androgynie.


    3. Une érotique homosexuelle (Suite)

    3.4. L'androgynie

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    Le propre de l'androgyne est de présenter les caractéristiques physiques du sexe opposé. Comme nous avons eu l'occasion de l'observer, les acteurs de la répression judiciaire de l'homosexualité considèrent que le jeune homme "passif" a quelque chose de féminin. Il resterait à démontrer qu'ils attribuent un caractère androgyne à l'homosexuel "passif". Pour autant, cela ne nous permettrait pas d'avancer que, réciproquement, l'androgynie signale en ce temps l'homosexualité. Pour mieux saisir le lien spécifique qui unit ces deux notions, il convient, étonnamment, de s'attarder sur la prise en compte sociale de la prostitution féminine. En effet, il ressort des actes concernant cette question, que les magistrats en charge des cités estiment que l'adolescent androgyne représente naturellement une concurrence à la séduction féminine.

    Ainsi, en créant en 1403 un Office de l'Honnêteté (Onestà), la cité de Florence confiait <<à une juridiction permanente, pour la première fois dans l'histoire de la Cité, le soin de veiller à la moralité publique. Son objectif spécifique et paradoxal était de détourner les hommes de l'homosexualité, en favorisant la prostitution féminine. Il fallait pour cela bâtir ou acheter un édifice susceptible d'être utilisé comme bordel, et recruter des prostituées étrangères et des souteneurs pour y travailler>>[140]. L'incipit du texte de loi instituant l'Onestà indique sans détours que la lutte contre la sodomie en est l'objectif premier. Il n'est pas sans préfigurer celui qui sera rédigé trente ans plus tard lors de la création des Ufficiali di Notte : <<Abhorrant la saleté du mal abominable et contre nature, et de l'énorme crime qu'est le vice d'homosexualité, et voulant extirper ce crime...>>[141]

    Comme les autres villes italiennes qui recourent au même palliatif (Lucques en 1348, Venise au début du XVème siècle, Sienne en 1421), <<Florence croyait que favoriser officiellement la prostitution, c'était combattre deux maux incomparablement plus graves du point de vue moral ou social : l'homosexualité masculine (dont la pratique estompait, pensait-on, la différence des sexes et par là toute différence et hiérarchie instituées), et le déclin des naissances légitimes qui résultait du nombre insuffisant des mariages>>[142]. L'idée sous-jacente était de proposer aux hommes un modèle féminin sexuellement attractif (rôle que dans le même temps on ne tenait pas à voir jouer par les épouses et les honnêtes jeunes filles) afin de leur redonner le goût des femmes et de leur faire oublier la sensualité des garçons. Pour être sûr que les prostituées soient en ce sens opérantes, on leur signifiait un interdit majeur, le transvestisme, autrement dit le déguisement masculin. Nous touchons là un point singulier, qu'il convient d'analyser avec précision.

    Les principales sources sur le transvestisme des prostituées concernent Venise et Florence. Que ce transvestisme ait été compris comme favorisant la sodomie est clairement indiqué par une loi vénitienne de 1480 qui précise qu'une telle habitude, selon laquelle <<les personnes de ce sexe dissimulent ce qu'elles sont et, sous l'apparence d'hommes, cherchent à plaire à des hommes, est une forme de sodomie>>[143].

    Cette prohibition du transvestisme semble avoir été aussi vaine que les lois visant à éradiquer la sodomie. Ainsi à Florence, en 1260 déjà, des prostituées <<avaient été châtiées pour avoir porté les cheveux courts et le costume masculin>>[144]; puis en 1464 un <<pilori avait été dressé dans la cour de San Cristofano, précisément pour châtier cette "dépravation">>[145]; enfin une nouvelle loi fut proclamée en 1506.

    A Venise, la loi de 1480 ne semble pas avoir eu beaucoup plus d'effet; près d'un siècle plus tard, en 1578, une nouvelle loi vient rappeler la permanence du phénomène.

    Le transvestisme visé par ces lois n'était pas une mode, mais le moyen, pour certaines prostituées et courtisanes, de séduire une frange de leur clientèle attirée par les garçons. En le pratiquant, elles n'allaient pas à l'encontre de ce goût, mais tentaient d'en profiter, ce qui revenait, pour les magistrats de l'époque, à l'encourager.

    Ce transvestisme n'était qu'une adaptation aux circonstances, une réponse de l'offre à la demande. Car la concurrence apparaît à ce point rude qu'en 1511, le Patriarche de Venise, ce qui ne laisse pas de surprendre, prenait fait et cause pour les prostituées, comme le note Marin Sanudo dans son journal : <<cette ville déborde de péchés, avant tout de sodomie, que l'on pratique partout sans pudeur, et les prostituées lui ont demandé de dire qu'elles ne peuvent plus vivre, personne ne va chez elles, tant il y a de sodomie; et même les vieux se font besogner>>[146].

    Cette alternative à l'offre homosexuelle que les prostituées espèrent proposer en adoptant le costume masculin, était forcément ambiguë. Inversement, si cette "tromperie sur la marchandise" a pu fonctionner aussi longtemps, cela laisse donc supposer que la concurrence qui leur était opposée devait elle aussi se situer à un niveau d'ambiguïté assez élevé.

    A la fin du siècle, ce modèle androgyne a acquis une certaine valeur culturelle dans l'ensemble de la société vénitienne. C'est ce qu'indique la loi de 1480 qui prohibe pour toutes les femmes le style fungo, un type de coiffure réservée aux garçons, que nous qualifierions de coupe au bol et qui, avec une frange longue, permet de dissimuler une partie du visage[147]. Que les femmes vénitiennes aient adopté une mode masculine, c'est ce que note encore le chanoine Pietro Casola.; de passage dans la cité en 1494, il écrit que les vénitiennes ressemblent plus <<à des hommes qu'à des femmes>>[148].

    L'ambiguïté était d'autant plus cultivée que le transvestisme des garçons venait également brouiller les pistes[149]. Une loi du milieu du Quattrocento le punissait à Venise d'une peine de six mois d'emprisonnement[150]. A cela s'ajoutait les caprices de la mode qui, au début du XVIème siècle, consacre également un style androgyne pour les jeunes garçons, ce que ne manquait pas de remarquer un contemporain comme Girolamo Priuli qui, dans son journal, notait que ces créatures , <<ne pouvait être appelées des jeunes hommes mais des femmes>>[151].

    L'androgynie, en devenant une mode, ne manque pas de heurter la société italienne, car elle entre en contradiction avec la conception que l'époque semble se faire de la virilité. C'est ce que montre, par exemple, ces recommandations de Castiglione :

    <<Je veux que l'aspect de notre Courtisan soit de cette sorte [viril], et non pas mou et féminin comme beaucoup s'efforcent de l'avoir, qui non seulement se crêpent les cheveux et s'épilent les sourcils, mais se fardent de toutes les manières qu'emploient les femmes les plus lascives et les plus déshonnêtes du monde; et il semble que dans leur façon de marcher, de se tenir, et dans chacun de leurs autres gestes, ils sont si tendres et alanguis que leurs membres sont sur le point de se détacher l'un d'avec l'autre [...] Ceux-là, puisque la nature ne les a pas faits femmes, comme ils semblent désirer le paraître et l'être, ne devraient pas être estimés comme peuvent l'être des femmes de bien, mais chassés comme des putains publiques...>>[152]

    Pour autant, ces propos ne visent pas le jeune homme "passif". Ce que Castiglione réprouve, c'est cette mode qui donne aux hommes une apparence efféminée. Il considère que l'état d'homme s'accompagne de certaines vertus qu'il convient d'exprimer au travers de son apparence physique. Son attaque ne concerne en aucun cas ce charme spécifique, ambigu, naturel au jeune homme. Preuve en est cette anecdote qu'il rapporte ensuite sur un ton badin :

    <<Messire Jacomo Sadoletto dit pareillement à Beroaldo, qui affirmait vouloir à tout prix aller à Bologne : "Quelle cause vous pousse ainsi à quitter Rome, où il y a tant de plaisirs, pour aller à Bologne, qui est toute entière plongée dans les troubles ?" - "Trois conti (raisons)", répondit Beroaldo, "me forcent à aller à Bologne", et déjà il avait levé trois doigts de la main gauche pour indiquer les trois raisons de son départ, quand messire Jacomo l'interrompit soudain et dit : "Ces trois conti (comtes) qui vous font aller à Bologne, sont l'un, le comte de San Bonifacio, l'autre, le comte Ercole Rangone, le troisième, le comte de'Pepoli". Chacun se mit alors à rire, parce que ces trois comtes avaient été les élèves de Beroaldo, et que c'étaient de beaux jeunes gens qui étudiaient à Bologne>>[153].

    Nous noterons donc que le charme ambigu du jeune homme, charme qui vient concurrencer celui de la femme, ne relève pas de ces artifices de la mode qu'évoque Castiglione. La célèbre anecdote que Benvenuto Cellini rapporte dans sa Vita permet de mieux cerner sa spécificité. Devant se faire accompagner par une femme à un dîner, il décide de déguiser un dénommé Diego, jeune voisin de seize ans qu'il décrit ainsi :

    <<Beau garçon, il avait un teint éblouissant. L'ossature de son visage était beaucoup plus fine que celle de l'Antinoüs antique et, plus d'une fois, je l'avait reproduit, ce qui m'avait beaucoup apporté dans mon travail>>[154].

    Après l'avoir habillé en femme, Cellini le conduit devant une glace où le jeune homme s'exclame :

    <<"Pauvre de moi ! C'est ça, Diego ?" - "C'est bien Diego", lui répondis-je...>>[155].

    Une fois la part féminine de sa beauté de jeune garçon mesurée, le jeune Diego est amené au dîner auquel participe entre autres Jules Romain; là, sa beauté surclasse celle de toutes les autres femmes, ce qui fait dire à un certain Giovanfrancesco :

    <<"Voyez ! voyez, s'exclamait-il, comment sont faits les anges du paradis. Tout le monde les appelle des anges au masculin, mais voyez qu'il y a aussi des angesses !">>[156]

    A la fin du dîner, les autres femmes découvrent la supercherie et profèrent à l'adresse de Diego les <<injures qu'on adresse habituellement aux beaux jeunes gens>>[157], c'est-à-dire les injures qualifiant les jeunes gens capables de les concurrencer dans le coeur des hommes.

    Voici donc les précisions que le texte de Cellini apporte quand à la beauté du jeune homme désirable : elle s'apparente à un type immémorial, celui d'Antinoüs, favori d'Hadrien; elle est intrinsèquement féminine, ce que Diego découvre dans la glace une fois qu'il a revêtu des habits de femme; cette féminité est plus trouble qu'il n'y paraît au premier abord, le beau garçon est femme comme un ange peut l'être : il est androgyne.

    Voyons maintenant comment peut se définir, plastiquement, cette androgynie spécifique du jeune "passif" ?

    Joseph Manca a repéré dans un certain nombre de tableaux la présence de couples homosexuels.[158] Selon lui, cette présence s'explique par l'intention qu'aurait eu le peintre ou le commanditaire de porter un jugement négatif sur le monde pré-chrétien et ses pratiques. Les couples que Manca repère, se conforment tous au schéma suivant : un jeune homme blond tient le bras d'un homme d'âge mûr. Une allusion sexuelle vient préciser l'iconographie : dans un cas, l'homme touche son sexe (ill. 40[159]); dans un autre, il agrippe une épée substitut (ill. 41).

    Werner Gundersheimer, de son côté, a étudié les représentations de Borso d'Este et en a conclu que les peintres cherchaient à l'assimiler à un homosexuel pour le distinguer de son brutal et luxurieux prédécesseur à la cour de Ferrare[160]. Il a ainsi repéré une image où, derrière Borso d'Este, figurent trois jeunes gens dansant une ronde, tels les trois grâces (ill. 42).

    Outre la jeunesse, le point commun entre ces jeunes gens et ceux repérés par Joseph Manca est la blondeur. Or la blondeur, dans la rhétorique de la poésie amoureuse, est l'une des caractéristiques principales de la beauté féminine. Elle est à ce point unanimement célébrée, de Pétrarque aux poètes français rédigeant des blasons anatomiques[161], qu'elle s'apparente à un cliché ayant en profondeur imprimé sa marque à la société. Ainsi les femmes de la Renaissance, pour se conformer à cet idéal de la beauté féminine, iront jusqu'à se décolorer les cheveux[162]. De même, lorsqu'il s'agira d'établir en peinture les conventions de la beauté féminine, reprendra-t-on celle, si prégnante, de la blondeur. Comme le dit André Chastel, <<si nous nous tournons vers la célébration amoureuse, nous sommes en présence d'une rhétorique si bien établie, avec des variations innombrables sur des traits constants, qu'elle s'identifie étroitement avec l'époque. Après avoir rappelé l'espèce de primat de l'ordre visuel, je voudrais signaler un contact, une cohérence, entre les arts et les lettres; ce sont les conventions concernant précisément la beauté physique. Et cela se comprend aisément, si l'on veut bien se rappeler la part de l'amour et l'appareil de la galanterie dans la vie, la trattastica, les cycles de l'art et la poésie de la Renaissance... le portrait où Raphaël a mis la main et dont l'exécution revient à Jules Romain (portrait de Jeanne d'Aragon), est typique de ce que nous voudrions cerner : le spectacle de la beauté féminine à la Renaissance. Tous les éléments nécessaires ont été suivis à la lettre : cheveux blonds, bouche fine, nez droit, sourcils minces... C'est la mise au point d'un type>>[163].

    Que le cliché de la blondeur ait pu servir à caractériser, de la même façon que pour les femmes, cet autre objet du désir qu'est le jeune garçon, se vérifie non seulement dans les représentations d'homosexuels notoires signalées plus haut, mais aussi dans la poésie. Rappelons-nous la réponse de Lapo Farinata au poème bucolique de Guido Cavalcanti. L'un des seuls points qu'il concède à Guido quant à la description physique de l'être désiré est sa blondeur. Dans le même ordre d'idées, lorsque Beccadelli veut caractériser Patrocle en tant que second terme du couple "actif-passif" qu'il constitue avec Achille, il le fait en lui octroyant une blondeur en réalité jamais évoquée par Homère (le seul blond de L'Iliade étant Ménélas).

    Les trois éléments de la blondeur, de la jeunesse et de l'androgynie permettent en quelque sorte de constituer un stéréotype de l'objet du désir homosexuel à la Renaissance. Comme dans le cas de la rhétorique amoureuse célébrant la femme, le degré de réalité fondant ce stéréotype n'a que peu d'importance. L'essentiel est qu'il fonctionne, qu'il puisse être suffisamment notoire pour être compris. Que ce stéréotype coïncide sur plus d'un point avec celui de saint Sébastien n'est pas non plus étonnant. D'une part, la figure du jeune "passif" n'est pas connotée de manière négative; sa beauté est consubstantielle à son état : il n'est pas encore homme, il n'est pas une femme, il est comme un ange. D'autre part, la logique qui a présidé à la constitution des deux stéréotypes est la même : il s'agissait de définir une attirante image de jeune homme. Cela ne veut pas dire que la figure de Sébastien se réfère à celle du jeune "passif", mais qu'elle agit de la même manière. Le contexte du martyre de Sébastien écarte a priori toute confusion. C'est lorsque ce contexte a tendance à s'effacer que l'on s'aperçoit vraiment des similitudes entre les deux types d'images. D'autant qu'un autre point commun existe entre Sébastien et l'homosexualité, à savoir la peste.

    Dans La Bible, l'une des manifestations du courroux divin est l'envoi de flèches semblables à des brandons. Certaines de ces flèches affectent la chair du pécheur de la même manière que la peste, cette familière ennemie dont on comprenait mal la nature. L'appréhension de la maladie comme résultant de traits invisibles envoyés en châtiment par Dieu, a permis l'élaboration du rôle protecteur spécifique de saint Sébastien. Or, ces mêmes brandons, sous la forme d'une pluie enflammée, servent dans le texte sacré à punir Sodome et Gomorrhe :

    <<Le soleil s'était levé sur la terre quand Loth arriva à Soar. Et Iahvé fit pleuvoir sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu provenant de Iahvé, des cieux. Il anéantit ses villes, ainsi que tout le circuit, tous les habitants des villes, les germes des sols>>[164].

    La similitude entre les deux châtiments n'a pas manqué d'attirer l'attention des exégètes et des prédicateurs. Saint Bernardin de Sienne met en garde ses compatriotes : l'Italie est une nouvelle Sodome et elle doit s'attendre à des représailles divines[165]. On comprend bien quelle punition mérite le <<pestifère péché de la maudite sodomie>>[166]; ce péché agit comme la peste et provoque la pestilence[167].

    C'est cette évidence qu'un certain Timeoto da Lucca, de l'ordre des Observants de Saint François rappelle au Doge de Venise qui, en 1497, avait fait fermer les églises pour éviter une trop grande contagion. Pour Timeoto, il vaut mieux s'attaquer à la cause même de la peste, les péchés commis dans la cité, au premier rang desquels se situe la sodomie[168].

    La peste étant la plus grande peur de l'époque, il était de bonne guerre que les prédicateurs la brandissent comme le châtiment de ce qu'ils considéraient comme le pire des vices, la sodomie.

    Ce lien établi entre la peste et la sodomie était-il capable de perturber la lecture des images de saint Sébastien ? Rien ne permet de l'affirmer. En revanche, nous devons noter que le mode opératoire de la maladie était étroitement lié à celui de l'Amour, ce que Ficin précise lorsqu'il écrit :

    <<La contagion de l'Amour s'opère facilement et devient la peste la plus grave de toutes. Cette vapeur spirituelle et ce sang qui est projeté par l'adolescent dans le vieillard a, comme nous l'avons dit, quatre qualités. Il est clair, léger, chaud et doux. [...] Ce qui fait que tout le sang d'un homme, dès qu'il est changé en la nature d'un sang juvénile, désire le corps de ce jeune homme pour habiter dans ses veines et pour qu'un sang nouveau pénètre dans ses veines également neuves et jeunes>>[169].

    Les différents entrelacs sémantiques, qui peuvent à la limite laisser imaginer le corps de Sébastien comme l'aimant censé protéger des regards du sodomite la ville souvent cachée à l'arrière-plan, ne servent ici qu'à préciser les conditions d'une éventuelle captation de la figure du saint par un imaginaire homosexuel.

    La place de l'art dans cet imaginaire est bien difficile à retrouver, nous avons néanmoins quelques preuves témoignant de la réalité d'une sensibilité commune aux hommes que le corps des garçons ne laissaient pas indifférents.

    Ainsi, le regard amoureux que Donatello - dont l'homosexualité était connue de ses contemporains[170] - posait sur ses modèles, transparaissait à ce point dans ses statues qu'il était reconnu par certains spectateurs ultérieurs de son oeuvre. Au XVIème siècle, le poète Anton Francesco Grazzini dit Il Lasca, en rédigeant un poème dédicacé à son ami Giovanbatista della Fonte, montre que les qualités homo-érotiques de la sculpture de Donatello ne lui ont pas échappé. Il y surnomme le Saint Georges d'Orsanmichele à Florence, <<mon beau Ganymède>>, et déclare que ce fanciuletto est si beau qu'il constitue le substitut idéal à son amant absent[171].

    De son côté, saint Sébastien a-t-il été imaginé de la sorte ?


    3. Une érotique homosexuelle (Suite)

    3.5. Quelques peintres, quelques oeuvres

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    L'injustifiable, aux yeux des théoriciens de la Contre-Réforme, est la figuration de Sébastien sans flèches, de sa chair si belle, si vivante, qu'elle prête à confusion.

    Cette critique concerne tout à la fois les écarts singuliers dus à quelques peintres, que l'évolution globale dans la représentation du martyre, qui tend effectivement à restreindre le nombre des flèches fichées dans le corps du saint.

    A propos de cette tendance générale à l'élision, il convient de réaffirmer que la présence de flèches nombreuses est d'autant moins nécessaire que le spectateur réactive l'image avec l'arc de son regard. La nudité est en revanche indispensable; elle est à la fois l'objet déclencheur de la visée et l'image visible de la santé que le dévot souhaite obtenir.

    Dans le cadre des Saintes Conversations, la présence de Sébastien sagitté, tout en permettant au fidèle d'éprouver le pouvoir de l'image, entre très vite en contradiction avec le colloque spirituel de la partie centrale. La tension qu'implique cette question de convenance se retrouve dans l'oeuvre de Giovanni Bellini qui, dans la seconde moitié du XVème siècle, participe si brillamment au débat autour de la Sainte Conversation.

    Dans ses polyptyques, la question est évacuée car la juxtaposition des panneaux permet la définition de plusieurs lieux aptes chacun à accueillir une narration différente. La représentation de saint Sébastien correspond alors à ce type d'images étudié plus haut, qui invite le spectateur à mettre en scène son regard (ill. 43). Lorsque Bellini opte pour l'unité de lieu et qu'il est amené à intégrer saint Sébastien dans son tableau, on constate que l'incorporation d'une composante narrative référant à son martyre pose problème.

    Dans un premier et petit tableau, qui se trouve au Louvre (ill. 14), peint au début des années 1480, il choisit d'évacuer toute allusion à la sagittation tout en affirmant très fortement la nudité du saint. Sébastien ne porte pas de perizonium, son sexe est caché par le manteau de la Vierge. La nudité est ici, avec sa jeunesse, sa blondeur et la douce beauté de son visage, un attribut nous permettant de le reconnaître.

    Lorsque Bellini est amené à réinvestir ce schéma, dans une oeuvre au caractère public plus affirmé, il est beaucoup moins radical (ill. 44). Sans aller jusqu'à revenir à la mise en scène du martyre, il justifie la nudité par la présence de deux flèches. C'est ce moyen terme, cette allusion discrète à la sagittation, qu'il adoptera désormais.

    Au début du XVIème siècle, Andrea del Sarto résoud différemment la question. Dans les deux retables qui se trouvent à la Galleria Palatina de Florence (ill. 45 et ill. 46), il donne à saint Sébastien deux attributs, la nudité et une flèche tenue à la main, ce qui lui permet de référer au martyre sans vraiment le représenter.

    L'élision des flèches chez le Pérugin s'inscrit dans ce cadre général. On recense dans son oeuvre onze tableaux où saint Sébastien figure et, hormis la fresque de Cerqueto datant du début de sa carrière (ill. 47) et le grand panneau de la Galerie Nationale de l'Ombrie, oeuvre tardive et de très médiocre facture (ill. 48), le Pérugin ne blesse jamais son saint de plus de deux flèches. Nous avons déjà observé l'érotisme exacerbé des Sébastien du Pérugin et comment, en inscrivant sa signature sur l'une des flèches qui l'atteignent (dans deux tableaux - celui, déjà évoqué, de l'Ermitage (ill. 25), et celui de Stockholm (ill. 49)), il déclare son amour au corps qu'il est en train de peindre.

    Que savons-nous du Pérugin qui, comme le remarque Pietro Scarpellini, ne manque jamais de glorifier la nudité de l'éphèbe[172] ? Les rares données biographiques disponibles laissent entendre que ce bon père de famille (il eut sept fils), n'était pas insensible au charme des garçons. Le nom du Pérugin apparaît dans les registres florentins aux dates du 10 et 11 juillet 1487, en compagnie de celui d'un autre peintre, Aulista d'Angelo. Les deux hommes sont condamnés (le Pérugin moins rudement qu'Aulista) pour des faits remontant à l'année précédente : une querelle que les juges soupçonnent d'être une dispute amoureuse[173].

    L'analyse des images vient de son côté confirmer le plaisir que le Pérugin était susceptible de prendre, en caressant avec son pinceau le corps qu'il était en train de peindre. Le Saint Sébastien de Stockholm (ill. 49) est symptomatique d'une attitude récurrente chez lui. Ses flèches atteignent le saint par le côté. Plastiquement, elles ne pénètrent ni n'abîment le corps figuré; s'évanouissant dans le fond du tableau, elles préservent son intégrité.

    Le Pérugin ne déroge à ce principe de sagittation périphérique, que dans les images déjà décrites où le perizonium dessine un long sexe. Ces rares fois, les flèches débordent le pourtour, altérant un minimum la chair. On peut y voir à l'oeuvre cette <<hypocrisie>> rapportée par Vasari selon lequel le Pérugin, peintre mécréant, n'envisage la religion qu'à travers la perspective de lucratives commandes[174]. Plus simplement, on peut avancer que la présence si appuyée de ce sexe était si scandaleuse qu'il convenait de l'atténuer par une présence plus dramatique des flèches.

    Le Sodoma, dont l'amour des garçons est déclaré (ce que nous ne saurions considérer comme négligeable, contrairement à sa biographe, Andrée Hayum[175]), hésite lui aussi à léser le corps de ses Saint Sébastien. Ayant élaboré dès sa première approche du thème, un type particulièrement androgyne (ill. 50), il égratigne à peine la figure de sa célèbre bannière (ill. 51), préférant laisser quelques flèches se perdre dans un arbre, tandis qu'il accorde toute son attention aux jeux de lumière sur la peau du saint.

    Mais c'est dans un dessin se trouvant à Rennes que l'érotisme de son approche apparaît le plus clairement (ill. 52). La figuration de saint Sébastien est ici, selon toute vraisemblance, un simple alibi autorisant une minutieuse description de la nudité; le perizonium, tout en transparence, et les flèches, quasiment invisibles, ne peuvent contrarier la volupté de l'image.

    On retrouve cette nudité intégralement dévoilée dans un dessin, qui se présente comme une version déshabillée du saint Sébastien de la bannière du Sodoma, attribué à Bartolomeo di David (ill. 53). L'androgynie y est encore plus accentuée et les flèches périphériques. Comme le saint gravé par Jacopo de'Barbari (ill. 33), <<la bouche entr'ouverte, [il] semble balbutier : "Que me veulent donc ces messieurs qui m'ont attaché tout nu à cet arbre ?">>[176]

    C'est également dans le recoin intime d'un dessin que Léonard de Vinci aborde, et c'est semble-t-il la seule fois, le thème de la sagittation de saint Sébastien (ill. 54). Accroché à un arbre, le corps de Sébastien n'est torturé que par l'étrangeté de son inconfortable position. L'unique flèche représentée n'atteint pas son corps entièrement nu mais, comme dans le tableau de Sodoma, vient se ficher dans le tronc de l'arbre.

    Léonard, pour autant que l'on sache, n'a pas affronté en peinture la nudité de Sébastien. En revanche, il a approfondi jusqu'à l'obsession la figure de l'androgyne. A cet égard, est significatif le rapprochement opéré par Emil Möller[177] entre les croquis représentant Salai, ce <<milanais [...], ravissant de grâce et de beauté, avec ses abondants cheveux bouclés que Léonard aimait fort>>[178] (ill. 55), et le type de beauté androgyne que l'on remarque dans la plupart des tableaux du maître et de manière emblématique dans le Saint Jean-Baptiste du Louvre (ill. 56).

    Les épigones de Léonard ne se priveront pas de relier cette androgynie à Sébastien. Le type <<Salai>> se retrouve dans toute une série de tableaux réalisés par les disciples milanais de Léonard, au premier rang desquels se situe Giovan Antonio Boltraffio (lequel, selon les termes d'une note de Léonard du 2 avril 1491, aurait dessiné Salai[179]). Ces tableaux, qui se ressemblent fort, donnent tous à voir un garçon tenant une flèche à la main et jouent de l'indétermination sexuelle (ill. 57, 58, 59, 60 et 61). La filiation avec le paradigme de l'androgyne élaboré par Léonard est d'autant plus patente que la même figure prête indifféremment ses traits à un jeune garçon ou à une jeune fille (ill. 62).

    Ces tableaux laissent de plus planer un doute quant à la véritable nature, religieuse ou profane, de la représentation. L'auréole est le seul critère discriminant : son absence apparente le tableau à un portrait où la flèche dénote une rhétorique amoureuse; sa présence le fait basculer du côté religieux. Malgré cela, comme le montre Elena Rama à propos du Saint Sébastien de Boltraffio se trouvant à Moscou (ill. 59), l'auréole, même présente, peut être neutralisée <<par des détails comme la veste à la dernière mode que le jeune garçon porte visiblement avec plaisir, ou le regard souriant sous l'épaisse chevelure blonde, ou encore les bijoux qui ornent le front et le cou avec une magnificence que d'aucuns trouvent exagérée. En outre, le geste de la main droite qui s'introduit dans le col de la veste [...] semble accentuer encore plus la connotation courtoise de la peinture [...] Ce geste très emblématique doit être interprété comme une allusion à la plaie causée chez l'amoureux par la flèche de l'amour, selon une thématique particulièrement chère à la poésie de la fin du Quattrocento >>[180].

    Ces tableaux de jeunes garçons ne sont pas des portraits. D'autres, en revanche, témoignent de cette mode qui voyait, au grand dam de Savonarole[181], les riches italiens se faire portraiturer sous les traits de leur saint favori.

    Vasari rapporte que le Saint Sébastien des frères Pollaiolo (ill. 20) <<est un vrai portrait, celui de Gino di Lodovico Capponi>>[182], ce qui, dans un tableau destiné à la chapelle des Pucci où une relique du saint était conservée, ne manque pas d'étonner.

    Un autre portrait signale plus ouvertement son intention érotique. Il s'agit de ce tableau peint par Bronzino autour de 1530 et qui fait partie de la collection Thyssen-Bornemisza (ill. 63). A priori, il s'agit d'une représentation profane, car la tête blonde du jeune garçon n'est pas entourée d'une auréole. Pourtant, une flèche est plantée juste en dessous du coeur sans que cela ne trouble sa sérénité, ce qui est la spécialité de Sébastien. En fait, il semble bien que Bronzino ait choisi de représenter son modèle en Sébastien afin de tirer parti de l'érotisme attaché à sa figure. En effet, ce tableau s'inscrit dans une série de portraits sensuels qu'il réalisa à la même époque, donnant à Andrea Doria la nudité du modèle du Neptune de Bandinelli (ill. 64) et à Cosimo de'Medici celle d'Orphée. Dans le cas du portrait en saint Sébastien, seuls importent à Bronzino la nudité offerte à la contemplation et le jeu sur les flèches. Son image est à cet égard unique : Sébastien sagitté près du coeur tient une flèche entre ses mains, comme s'il s'apprêtait, à son tour, à décocher un trait amoureux.

    Nous avons vu à l'oeuvre chez Bronzino un détournement de la mécanique érotique élaborée autour du martyre de saint Sébastien. Avec Michel-Ange, nous constatons une semblable perversion. Lorsqu'il peint Sébastien, dans le Jugement Dernier, le saint, sévère et imposant, tient ses flèches à la main, dans une iconographie singulière qui, dans ce contexte, ne fait aucune part à l'érotisme. En revanche, les qualités proprement érotiques de la mise en scène du martyre du saint sont transposées dans d'autres représentations. On ne peut manquer de rattacher les Esclaves asservis <<à leurs désirs physiques>>[183], que Michel-Ange réalisa pour le tombeau de Jules II, au type longuement élaboré au fil des siècles du jeune martyr lié à son arbre[184]. Plus encore que les sculptures, les quelques dessins préparatoires engagent le regard dans la voie de ce rapprochement (ill. 65).

    C'est encore à une transposition ouvertement érotique de la figure de Sébastien que nous assistons dans le dessin des Archers (ill. 29). Le sujet, le format et la facture apparentent ce dessin à ceux ouvertement adressés à Tommaso de' Cavalieri. Dans son analyse strictement néoplatonicienne, Erwin Panofsky[185] n'attache pas d'importance à un détail remarqué par Judith-Anne Testa[186], à savoir que la seule flèche qui vient blesser l'Hermès est plantée dans son sexe et que celui-ci est en érection. Que les flèches soient dans ce contexte la représentation métaphorique du regard amoureux est abondamment signifié par la présence de Cupidon endormi et des petits putti qui, comme dans des représentations d'autel d'Éros (ill. 27 et ill. 28) attisent le feu sous les archers. C'est donc le regard amoureux des archers qui déclenche le désir chez l'Hermès, selon un mouvement que l'on a pu largement observer dans la théorie ficinienne de la fascination et la rhétorique de la poésie amoureuse, à laquelle du reste Michel-Ange lui-même, dans ses écrits, recourt. Que ce désir ressortisse à l'amour vulgaire est l'enseignement que l'on peut tirer de ce sexe dressé. Ce détail s'accommode mal du cadre néoplatonicien dans lequel Panofsky, tout comme Ascanio Condivi[187], biographe et contemporain de Michel-Ange, tient à contenir les dessins destinés à Tommaso. S'il est évident qu'un référentiel érudit est sous-jacent, le sexe érigé, atteint par un trait, discrètement mais précisément dessiné, le bouleverse et fait basculer le dessin dans un univers intime d'où la sensualité déborde.


    Conclusion

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    Nous avons pu voir que dans l'Italie de la première Renaissance, l'androgynie est en quelque sorte cette qualité spécifique du jeune garçon, transitoire mais intrinsèque. Le lien qui unit la jeunesse à l'androgynie est alors si prégnant que l'une apparaît proprement comme le visage de l'autre. Du coup, la jeunesse est un des rares signes objectifs par lequel s'avère, dans un cadre figuratif, l'intention de marquer l'androgynie. A force d'imaginer androgyne l'adolescent ou le jeune homme, l'époque en vient à constituer un stéréotype.

    Parallèlement, est caractéristique cette idée affirmée avec constance que l'androgyne (le jeune homme) plaît naturellement, qu'il est un des visages de la beauté, désirable par essence. Toujours plus jeune, c'est ce charme que le corps de Sébastien emprunte. Car dans les tableaux que scrute le dévot inquiet, la beauté du saint est tout à la fois l'image visible de la santé qu'il souhaite acquérir ou conserver, et le moyen permettant à cette vertu d'atteindre le spectateur fasciné.

    Mais alors que de l'Antiquité resurgissent des textes où l'amour céleste se confond avec l'amour des garçons, cette beauté de l'adolescent ne laisse pas d'inquiéter des magistrats et des religieux. Le danger est que le jeune homme, charmant par nature, charme. Comment prévenir les tentations si l'enchanteresse beauté de l'androgynie est inhérente à la jeunesse ? L'adolescent est innocent, il ne peut rien contre le pouvoir de sa beauté. Le coupable est donc l'homme d'âge mûr, sommé de contrôler son désir. D'où cette avalanche de réglementations sur l'être et le paraître, cette minutieuse distinction des rôles d'agens et de patiens, cette alliance de la prostituée, du sabre et du goupillon, qui tous trahissent ce préjugé concernant la répartition des rôles.

    Considérer que le sodomite est celui qui succombe aux charmes de l'adolescent entraîne une modulation du stéréotype initial : l'adolescent n'est plus seulement androgyne, il est également désormais l'objet du désir de l'homosexuel[188].

    Ce stéréotype n'a certainement pas plus de valeur objective, statistique, que celui de la femme blonde, seule digne d'être aimée, développé par la poésie amoureuse. Il fonctionne néanmoins, rendant équivoque la position fictive de saint Sébastien qui, pour séduire, pour donner sa santé, l'avait emprunté. Etre artiste - et donc, à l'époque, homme - et sensible aux charmes de son propre sexe devait permettre de déceler très vite cette ambiguïté et de cristalliser son désir sur la figure du saint, de prendre pour argent comptant les avances explicites de ce corps livré à sa merci.



    BIBLIOGRAPHIE

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    BIBLIOGRAPHIE (Suite)

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    Liste des illustrations

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    ill. 1 : Piero della Francesca, Saint Sébastien et saint Jean-Baptiste (détail du Polyptyque de la Miséricorde), vers 1446, panneau de bois, 108 cm x 90 cm, Museo Civico, Sansepolcro.

    ill. 2 : Pierre et Gilles, Saint Sébastien, 1987, photographie, collection particulière.

    ill. 3 : Orion Delain, Saint Sébastien, 1995, photographie pour la couverture du mensuel 3 Keller édité par le Centre gai et lesbien de Paris.

    ill. 4 : Saint Sébastien, VIIème siècle, mosaïque, église San Pietro ad Vincula, Rome.

    ill. 5 : Saint Sébastien, XIIIème siècle, fresque, hôpital communal, Prato.

    ill. 6 : Filippino Lippi, Saint Roch, saint Sébastien, saint Jérôme et sainte Hélène, vers 1482, tempera sur panneau de bois, église San Michele in Foro, Lucques.

    ill. 7 : Raphaël, Saint Sébastien, 1501-1502, huile sur toile, 43 cm x 34 cm, Academia Carrara, Bergame.

    ill. 8 : Benozzo Gozzoli, Saint Sébastien, 1464, fresque, 527 cm x 248 cm, église San Agostino, San Giminiano.

    ill. 9 : Benozzo Gozzoli, Martyre de saint Sébastien, 1464, fresque, 525 cm x 378 cm, Duomo, San Giminiano.

    ill. 10: Giovanni del Biondo, Martyre de saint Sébastien, vers 1370, panneau de bois, 224 cm x 89 cm, Musée de l'Opera del Duomo, Florence.

    ill. 11 : Le Pérugin, Sainte Irène (ou sainte Apolline) et saint Sébastien, vers 1515-1520, panneau de bois, 189 cm x 95 cm, Musée des Beaux-Arts, Grenoble.

    ill. 12 : Saint Sébastien, fin XVème, panneau de bois, 78,5 cm x 51,5 cm, Pinacothèque, Sienne.

    ill. 13 : Andrea di Niccolo, Sainte conversation, vers 1502, panneau de bois, 178 cm x 170 cm, Pinacothèque, Sienne.

    ill. 14 : Giovanni Bellini, Vierge à l'Enfant entre saint Pierre et saint Sébastien, vers 1480, panneau de bois, 84 cm x 61 cm, Musée du Louvre, Paris.

    ill. 15 : Francisco Pacheco, Saint Sébastien soigné par sainte Irène, 1616, huile sur toile, 292 cm x 216 cm, anciennement à l'hospice d'Alcalà de Guadaira.

    ill. 16 : Moderno, Sainte conversation, vers 1506-1509, argent doré, 13,9 cm x 10,2 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne.

    ill. 17 : Saint Sébastien, XIIIème siècle, fresque, église San Pepolcro, Barletta.

    ill. 18 : Martyre de saint Sébastien, XIème siècle, fresque, Duomo, Agnani.

    ill. 19 : Carlo Crivelli, Vierge à l'Enfant avec saint Jérôme et saint Sébastien (Madonna della Rondine), vers 1490, panneau de bois, 150,5 cm x 107,3 cm, National Gallery, Londres.

    ill. 20 : Antonio et Piero Pollaiolo, Martyre de saint Sébastien, vers 1475, panneau de bois, 291,5 cm x 202,6 cm, National Gallery, Londres.

    ill. 21 : Andrea Mantegna, Saint Sébastien, 1480, tempera sur toile, 255 cm x 140 cm, Musée du Louvre, Paris.

    ill. 22 : Antonello de Messine, Saint Sébastien, 1476, panneau de bois transposé sur toile, 171 cm x 85 cm, Gemäldegalerie, Dresde.

    ill. 23 : Liberale da Verona, Saint Sébastien, vers 1485, huile sur panneau de bois, 198 cm x 95 cm, Pinacothèque de la Brera, Milan.

    ill. 24 : Le Pérugin, Saint Sébastien, vers 1490-1495, panneau de bois, 176 cm x 116 cm, Musée du Louvre, Paris.

    ill. 25 : Le Pérugin, Saint Sébastien, vers 1495, panneau de bois, 53,3 cm x 39,5 cm, Musée de l'Ermitage, Saint Petersbourg.

    ill. 26 : Triomphe de l'Amour, 1488, miniature, 31 cm x 21 cm, collection privée, Milan.

    ill. 27 : Bertoldo, Autel d'Eros, médaille.

    ill. 28 : Giuliano da Sangallo et Andrea Sansovino, Autel d'Eros et mort d'Orphée, voûte de la sacristie de l'église Santo Spirito, Florence.

    ill. 29 : Michel-Ange, Les Archers, vers 1533, dessin, 27,5 cm x 39 cm, Royal Library, Windsor.

    ill. 30 : Piero della Francesca, Baptême du Christ, vers 1452-1453, tempera sur panneau de bois, 167 cm x 116 cm, National Gallery, Londres.

    ill. 31 : Piero della Francesca, Crucifixion (détail du Polyptyque de la Miséricorde), vers 1446, panneau de bois, 81 cm x 52,5 cm, Museo Civico, Sansepolcro.

    ill. 32 : Giovanni Bellini, Allégorie sacrée, vers 1470-1490, huile sur toile, 73 cm x 119 cm, Musée des Offices, Florence.

    ill. 33 : Jacopo de' Barbari, Saint Sébastien, autour de 1500, gravure, British Museum, Londres.

    ill. 34 : Dosso Dossi, Saint Sébastien, 1526, huile sur toile, 182 cm x 95 cm, Pinacothèque de la Brera, Milan.

    ill. 35 : Le Pérugin, Sainte conversation, 1493, tempera sur panneau de bois, 178 cm x 164 cm, Musée des Offices, Florence.

    ill. 36 : Le Pérugin, Saint Sébastien, 1500, toile, 177 cm x 120 cm, Musée d'Art, Sao Paulo.

    ill. 37 : Andrea Mantegna, Saint Sebastien, vers 1460, tempera, 68 cm x 30 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne.

    ill. 38 : Guidoccio Cozzarelli, Saint Sebastien, 1495, panneau de bois, 120 cm x 48,5 cm, Pinacothèque, Sienne.

    ill. 39 : Jeune homme et jeune femme, XVème siècle, panneau de bois, collection Somers, Eastnor Castle.

    ill. 40 : Ercole de Roberti, Miracle de saint Vincent Ferrier (détail), vers 1470, panneau de bois, Pinacothèque du Vatican.

    ill. 41 : Marco Zoppo, Putti s'amusant, avant 1478, dessin, British Museum, Londres.

    ill. 42 : Anonyme ferrarais, Giovanni Bianchini présente ses Tables Astronomiques à l'Empereur Frederick III en présence de Borso d'Este et de ses pages, avant 1471, miniature, Bibliothèque communale Ariostea, Ferrare.

    ill. 43 : Giovanni Bellini, Polyptyque de saint Vincent Ferrier, vers 1465, panneau de bois, 275 cm x 201 cm, église San Giovanni e Paolo, Venise.

    ill. 44 : Giovanni Bellini, Retable de San Giobbe, vers 1485, panneau de bois, 471 cm x 258 cm, Gallerie dell'Accademia, Venise.

    ill. 45 : Andrea del Sarto, La Dispute sur la Trinité, vers 1517, huile sur panneau de bois, 232 cm x 193 cm, Galleria Palatina, Florence.

    ill. 46 : Andrea del Sarto, Retable de Gambassi, vers 1524-1528, huile sur panneau de bois, 209 cm x 176 cm, Galleria Palatina, Florence.

    ill. 47 : Le Pérugin, Saint Sébastien (détail), 1478, fresque, 133 cm x 90 cm, église Santa Maria, Cerqueto.

    ill. 48 : Le Pérugin, Martyre de saint Sébastien, 1518, toile, 233 cm x 160 cm, Galerie nationale de l'Ombrie, Pérouse.

    ill. 49 : Le Pérugin, Saint Sébastien, vers 1485, panneau de bois, 174 cm x 88 cm, Musée National, Stockholm.

    ill. 50 : Le Sodoma, Saint Sébastien, Musée Jacquemart-André, Paris.

    ill. 51 : Le Sodoma, Saint Sébastien, 1525, toile, 201,9 cm x 143 cm, Galleria Palatina, Florence.

    ill. 52 : Le Sodoma, Saint Sébastien, plume et encre brune, 29,5 cm x 13,5 cm, Musée des Beaux-Arts, Rennes.

    ill. 53 : Bartolomeo di David, Saint Sébastien, dessin, Metropolitan Museum of Art, New York.

    ill. 54 : Léonard de Vinci, Etude pour un saint Sébastien, vers 1480, dessin à la plume sur pointe, 17,4 cm x 6,4 cm, Kunsthalle, Hambourg.

    ill. 55 : Léonard de Vinci, Profil de Sailai et Etude, vers 1495 et vers 1499, Biblioteca Ambrosiana, Milan, et Musée des Offices, Florence.

    ill. 56 : Léonard de Vinci, Saint Jean-Baptiste, vers 1513-1516, panneau de bois, 69 cm x 57 cm, Musée du Louvre, Paris.

    ill. 57 : Giovan Antonio Boltraffio, Saint Sébastien, anciennement dans la collection Scaglione-Frizzoni, Messine.

    ill. 58 : Giovan Antonio Boltraffio, Portrait d'un jeune homme avec une flèche, Timken Art Gallery, San Diego.

    ill. 59 : Giovan Antonio Boltraffio, Saint Sébastien, Musée Pouchkine, Moscou.

    ill. 60 : Maestro del Rittrato Archinto, Portrait d'un jeune homme avec une flèche, passé en vente à Christie's, Londres, le 26 novembre 1976.

    ill. 61 : Marco d'Oggiono, Buste de jeune homme avec flèche, anciennement dans la collection Frizzoni, Milan.

    ill. 62 : Ambrogio de Predis, Jeune fille avec un plateau de fruit, Metropolitan Museum of Art, New York.

    ill. 63 : Bronzino, Saint Sébastien, autour de 1530, huile sur panneau de bois, 85 cm x 70 cm, collection Thyssen-Bornemisza, Lugano.

    ill. 64 : Bronzino, Portrait d'Andrea Doria en Neptune, vers 1530, huile sur toile, 115 cm x 53 cm, Pinacothèque de la Brera, Milan.

    ill. 65 : Michel-Ange, Etudes pour les <<esclaves>> du tombeau de Jules II, dessin, Ashmolean Museum, Oxford.



    Illustrations


    Piero della Francesca

    Saint Sébastien et saint Jean-Baptiste

    (détail du Polyptyque de la Miséricorde)

    vers 1446

    panneau de bois

    108 cm x 90 cm

    Museo Civico, Sansepolcro

    ill. 1


    Pierre et Gilles

    Saint Sébastien

    1987

    photographie

    Collection particulière

    ill. 2


    Orion Delain

    Saint Sébastien

    1995

    photographie pour la couverture du mensuel 3 Keller

    édité par le Centre gai et lesbien de Paris

    ill. 3


    Saint Sébastien

    VIIème siècle

    mosaïque

    église San Pietro ad Vincula, Rome

    ill. 4


    Saint Sébastien

    XIIIème siècle

    fresque

    hôpital communal, Prato

    ill. 5


    Filippino Lippi

    Saint Roch, saint Sébastien, saint Jérôme et sainte Hélène

    vers 1482

    tempera sur panneau de bois

    église San Michele in Foro, Lucques

    ill. 6


    Raphaël

    Saint Sébastien

    1501-1502

    huile sur toile

    43 cm x 34 cm

    Academia Carrara, Bergame

    ill. 7


    Benozzo Gozzoli

    Saint Sébastien

    1464

    fresque

    527 cm x 248 cm

    église San Agostino, San Giminiano

    ill. 8


    Benozzo Gozzoli

    Martyre de saint Sébastien

    1464

    fresque

    525 cm x 378 cm

    Duomo, San Giminiano

    ill. 9


    Giovanni del Biondo

    Martyre de saint Sébastien

    vers 1370

    panneau de bois

    224 cm x 89 cm

    Musée de l'Opera del Duomo, Florence

    ill. 10


    Le Pérugin

    Sainte Irène (ou sainte Apolline) et saint Sébastien,

    vers 1515-1520

    panneau de bois

    189 cm x 95 cm

    Musée des Beaux-Arts, Grenoble

    ill. 11


    Anonyme

    Saint Sébastien,

    fin XVème

    panneau de bois

    78,5 cm x 51,5 cm

    Pinacothèque, Sienne

    ill. 12


    Andrea di Niccolo

    Sainte conversation

    vers 1502

    panneau de bois

    178 cm x 170 cm

    Pinacothèque, Sienne

    ill. 13


    Giovanni Bellini

    Vierge à l'Enfant entre saint Pierre et saint Sébastien

    vers 1480

    panneau de bois

    84 cm x 61 cm

    Musée du Louvre, Paris

    ill. 14


    Francisco Pacheco

    Saint Sébastien soigné par sainte Irène

    1616

    huile sur toile

    292 cm x 216 cm

    anciennement à l'hospice d'Alcalà de Guadaira

    ill. 15


    Moderno

    Sainte conversation

    vers 1506-1509

    argent doré

    13,9 cm x 10,2 cm

    Kunsthistorisches Museum, Vienne

    ill. 16


    Saint Sébastien

    XIIIème siècle

    fresque

    église San Pepolcro, Barletta

    ill. 17


    Martyre de saint Sébastien

    XIème siècle

    fresque

    Duomo, Agnani

    ill. 18


    Carlo Crivelli

    Vierge à l'Enfant avec saint Jérôme et saint Sébastien

    (Madonna della Rondine)

    vers 1490

    panneau de bois

    150,5 cm x 107,3 cm

    National Gallery, Londres

    ill. 19


    Antonio et Piero Pollaiolo

    Martyre de saint Sébastien

    vers 1475

    panneau de bois

    291,5 cm x 202,6 cm

    National Gallery, Londres

    ill. 20


    Andrea Mantegna

    Saint Sébastien

    1480

    tempera sur toile

    255 cm x 140 cm

    Musée du Louvre, Paris

    ill. 21


    Antonello de Messine

    Saint Sébastien

    1476

    panneau de bois transposé sur toile

    171 cm x 85 cm

    Gemäldegalerie, Dresde

    ill. 22


    Liberale da Verona

    Saint Sébastien

    vers 1485

    huile sur panneau de bois

    198 cm x 95 cm

    Pinacothèque de la Brera, Milan

    ill. 23


    Le Pérugin

    Saint Sébastien

    vers 1490-1495

    panneau de bois

    176 cm x 116 cm

    Musée du Louvre, Paris

    ill. 24


    Le Pérugin

    Saint Sébastien,

    vers 1495

    panneau de bois

    53,3 cm x 39,5 cm

    Musée de l'Ermitage, Saint Petersbourg

    ill. 25


    Triomphe de l'Amour

    1488

    miniature

    31 cm x 21 cm

    collection privée, Milan

    ill. 26


    Bertoldo

    Autel d'Eros

    médaille

    ill. 27


    Giuliano da Sangallo et Andrea Sansovino

    Autel d'Eros et mort d'Orphée

    voûte de la sacristie de l'église Santo Spirito, Florence

    ill. 28


    Michel-Ange

    Les Archers

    vers 1533

    dessin

    27,5 cm x 39 cm

    Royal Library, Windsor

    ill. 29


    Piero della Francesca

    Baptême du Christ

    vers 1452-1453

    tempera sur panneau de bois

    167 cm x 116 cm

    National Gallery, Londres

    ill. 30


    Piero della Francesca

    Crucifixion

    (détail du Polyptyque de la Miséricorde)

    vers 1446

    panneau de bois

    81 cm x 52,5 cm

    Museo Civico, Sansepolcro

    ill. 31


    Giovanni Bellini

    Allégorie sacrée

    vers 1470-1490

    huile sur toile

    73 cm x 119 cm

    Musée des Offices, Florence

    ill. 32


    Jacopo de' Barbari

    Saint Sébastien

    autour de 1500

    gravure

    British Museum, Londres

    ill. 33


    Dosso Dossi

    Saint Sébastien

    1526

    huile sur toile

    182 cm x 95 cm

    Pinacothèque de la Brera, Milan

    ill. 34


    Le Pérugin

    Sainte conversation

    1493

    tempera sur panneau de bois

    178 cm x 164 cm

    Musée des Offices, Florence

    ill. 35


    Le Pérugin

    Saint Sébastien

    1500

    toile

    177 cm x 120 cm

    Musée d'Art, Sao Paulo

    ill. 36


    Andrea Mantegna

    Saint Sebastien

    vers 1460

    tempera

    68 cm x 30 cm

    Kunsthistorisches Museum, Vienne

    ill. 37


    Guidoccio Cozzarelli

    Saint Sebastien

    1495

    panneau de bois

    120 cm x 48,5 cm

    Pinacothèque, Sienne

    ill. 38


    Jeune homme et jeune femme

    XVème siècle

    panneau de bois

    collection Somers, Eastnor Castle

    ill. 39


    Ercole de Roberti

    Miracle de saint Vincent Ferrier

    (détail)

    vers 1470

    panneau de bois

    Pinacothèque du Vatican

    ill. 40


    Marco Zoppo

    Putti s'amusant

    avant 1478

    dessin

    British Museum, Londres

    ill. 41


    Anonyme ferrarais

    Giovanni Bianchini présente ses Tables Astronomiques

    à l'Empereur Frederick III

    en présence de Borso d'Este et de ses pages

    avant 1471

    miniature

    Bibliothèque communale Ariostea, Ferrare

    ill. 42


    Giovanni Bellini

    Polyptyque de saint Vincent Ferrier

    vers 1465

    panneau de bois

    275 cm x 201 cm

    église San Giovanni e Paolo, Venise

    ill. 43


    Giovanni Bellini

    Retable de San Giobbe

    vers 1485

    panneau de bois

    471 cm x 258 cm

    Gallerie dell'Accademia, Venise

    ill. 44


    Andrea del Sarto

    La Dispute sur la Trinité

    vers 1517

    huile sur panneau de bois

    232 cm x 193 cm

    Galleria Palatina, Florence

    ill. 45


    Andrea del Sarto

    Retable de Gambassi

    vers 1524-1528

    huile sur panneau de bois

    209 cm x 176 cm

    Galleria Palatina, Florence

    ill. 46


    Le Pérugin

    Saint Sébastien

    (détail)

    1478

    fresque

    133 cm x 90 cm

    église Santa Maria, Cerqueto

    ill. 47


    Le Pérugin

    Martyre de saint Sébastien

    1518

    toile

    233 cm x 160 cm

    Galerie nationale de l'Ombrie, Pérouse

    ill. 48


    Le Pérugin

    Saint Sébastien

    vers 1485

    panneau de bois

    174 cm x 88 cm

    Musée National, Stockholm

    ill. 49


    Le Sodoma

    Saint Sébastien

    Musée Jacquemart-André, Paris

    ill. 50


    Le Sodoma

    Saint Sébastien,

    1525

    toile

    201,9 cm x 143 cm

    Galleria Palatina, Florence

    ill. 51


    Le Sodoma

    Saint Sébastien

    plume et encre brune

    29,5 cm x 13,5 cm

    Musée des Beaux-Arts, Rennes

    ill. 52


    Bartolomeo di David

    Saint Sébastien

    dessin

    Metropolitan Museum of Art, New York

    ill. 53


    Léonard de Vinci

    Etude pour un saint Sébastien,

    vers 1480

    dessin à la plume sur pointe

    17,4 cm x 6,4 cm

    Kunsthalle, Hambourg

    ill. 54


    Léonard de Vinci

    Profil de Sailai et Etude

    vers 1495 et vers 1499

    Biblioteca Ambrosiana, Milan

    et Musée des Offices, Florence

    ill. 55


    Léonard de Vinci

    Saint Jean-Baptiste

    vers 1513-1516

    panneau de bois

    69 cm x 57 cm

    Musée du Louvre, Paris

    ill. 56


    Giovan Antonio Boltraffio

    Saint Sébastien

    anciennement dans la collection Scaglione-Frizzoni, Messine

    ill. 57


    Giovan Antonio Boltraffio

    Portrait d'un jeune homme avec une flèche

    Timken Art Gallery, San Diego

    ill. 58


    Giovan Antonio Boltraffio

    Saint Sébastien

    Musée Pouchkine, Moscou

    ill. 59


    Maestro del Rittrato Archinto

    Portrait d'un jeune homme avec une flèche

    passé en vente à Christie's, Londres, le 26 novembre 1976

    ill. 60


    Marco d'Oggiono

    Buste de jeune homme avec flèche

    anciennement dans la collection Frizzoni, Milan

    ill. 61


    Ambrogio de Predis

    Jeune fille avec un plateau de fruit

    Metropolitan Museum of Art, New York

    ill. 62


    Bronzino

    Saint Sébastien

    autour de 1530

    huile sur panneau de bois

    85 cm x 70 cm

    collection Thyssen-Bornemisza, Lugano

    ill. 63


    Bronzino

    Portrait d'Andrea Doria en Neptune

    vers 1530

    huile sur toile

    115 cm x 53 cm

    Pinacothèque de la Brera, Milan

    ill. 64


    Michel-Ange

    Etudes pour les <<esclaves>> du tombeau de Jules II

    dessin

    Ashmolean Museum, Oxford

    ill. 65




    Notes

    (RETOUR AU SOMMAIRE)

    [1] Demur C. et Muller D., L'homosexualité : un dialogue théologique, Paris, 1992.

    [2] Halsall P; Calendar of Lesbian, Gay, Bisexual, and Transgender Saints, diffusé sur Internet, 1994.

    [3] Jauss H.R., Pour une esthétique de la réception, traduit par Maillard C., Paris, 1978, p. 47.

    [4] Ibid., p. 74.

    [5] Ibid., p. 76.

    [6] Ibid., p. 45-46.

    [7] D'Annunzio G., <<Le Martyre de Saint Sébastien>>, in L'illustration théâtrale, Paris, 27 mai 1911.

    [8] Le mystère de saint Sébastien, édité par Mills L. R., Paris-Genève, 1965.

    [9] D'Annunzio G., op. cit., p. 47.

    [10] Ibid., troisième de couverture.

    [11] Ibid., p. 12.

    [12] Mishima Y., Confession d'un masque, traduit par Villoteau R., Paris, 1971, p. 42-44.

    [13] Boswell J., Christianisme, tolérance sociale et homosexualité, traduit par Tachet A., Paris, 1985, p. 39-52.

    [14] Ibid., p. 45.

    [15] Adams J.N., The latin sexual vocabulary, Baltimore, 1982.

    [16] A Latin Dictionnary, édité par Lewis C.T. et Short C., Oxford, 1879. Exemple cité par Boswell J., op. cit., p. 44.

    [17] Dictionnaire illustré Latin-Français, édité par Gaffiot F., Paris, 1934.

    [18]Foucault M., La volonté de savoir, Paris, 1976, p. 58-59.

    [19]Ibid., titre du premier chapitre.

    [20]Boswell J., op. cit., p. 70, note 1.

    [21] Forestier S., Saint Sébastien, rituels et figures, Paris, 1983, p. 27.

    [22] Saliou C., <<Du légendier au sermonnaire : avatars de la Passio Sebastiani>>, in Revue des Études Augustiniennes, vol. 36, Paris, 1990, p. 285.

    [23] Voragine J. de, La Légende Dorée, traduit par Roze J.-B.M., vol.1, Paris, 1967, p. 135-140.

    [24] Ibid., p. 135.

    [25] Ibid., p. 139.

    [26] Sigerist H.E., "Sebastian-Apollo", in Archiv für Geschichte der Medizin, vol. XIX, ndeg.4, Leipzig, oct. 1927, p. 311. Cf. Mâle E., L'art religieux de la fin du Moyen Age en France, Paris, 1995, p. 188 et Le mystère de saint Sébastien, édité par Mills L.R., Paris-Genève, 1965, p. XIII.

    [27] Forestier S., op. cit., p. 36.

    [28] L'image de la cape comme bouclier contre la colère divine se retrouve dans de très nombreuses représentations de la Vierge au manteau. Cette iconographie est également reliée aux épidémies de peste : voir Didi-Huberman G. dans son introduction au livre de Meiss M., La peinture à Florence et à Sienne après la peste noire, traduit par Le Bourg D., Paris, 1994, p. XX.

    [29] Selon le cartouche accompagnant l'oeuvre au musée des Beaux Arts de Grenoble, la flèche a été rajoutée a posteriori.

    [30] <<Oh vanità de l'uomo, in far vano quello che è vero e proprio e principale, per dar luogo a le finzioni che non pesano une paglia [...] Veggo Stefano lapidato senza pietre [...] Sebastiano senza frezze [...] Oh vanità vana, oh errore senza fine...>> Giglio G.A., Degli errori et degli abusi de'pittori circa l'istorie,1564. Cité par Barocchi P., Scritti d'arte del Cinquecento, vol. 1, Milan, 1971, p. 844. Traduction empruntée à Arasse D., <<Le corps fictif de Sébastien et le coup d'oeil d'Antonello>>, in Le corps et ses fictions, Paris, 1983, p. 61.

    [31] Réau L., Iconographie de l'art chrétien, vol. 3, Paris, 1959, p. 1192.

    [32] Grimal P., Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, 1951, p. 41.

    [33] Il ne fait pas plus référence à Apollon, ce qui n'étonnera pas de la part d'un théologien dominicain du 13[e] s.

    [34] Sigerist H.E., op. cit., p. 303.

    [35] Ibid., p. 314.

    [36] Homère, L'Iliade, traduit par Mugler F., Paris, 1989, p. 21.

    [37] Mills L.R., op. cit., p. XIX.

    [38]La Bible. Ancien testament, édition publiée sous la direction d'E. Dhorme, Deutéronome XXXII, vol. 1, Paris,1959, p. 611.

    [39] Ibid., Psaume XXXVIII (Vulgate 37), vol. 2, p. 973.

    [40] <<Gli spettacoli lascivi d'uomini, si possono contaminare gli animi delle donne; e però si fanno a santo Sebastiano, quando è saetato all'arbore, le membra tutte tinte e sparse di sangue per le ferite, acciò che non si mostri ignudo, bello, vago e bianco...>>. Lomazzo G.P., <<Trattato della pittura>>, in Scritti sulle arti, vol. 2, Florence,1973, p. 320. Traduction empruntée à Arasse D., op. cit., p. 62.

    [41] <<Baronio reprehende a los pintores que pintan mancebo a san Sebastian, deviendolo pintar con specto, i barba de viejo; conforme a la imagen antigua de mosaico que oi le conserva entera en la iglesia de San Pedro Advincula en Roma... La istoria que yo pintè año 1616... pintóse en el medio del cuadro en una cama a San Sebastian, como de 40 años... Pintarle varon de 40 años, o mas, es puesto en razon, porque fue primero valeroso soldado, por donde mereció ser capitan de la primera cohorte del Emperador...>>. Pacheco F., Arte de la Pintura, su antguedad y grandezas, Séville, 1649. Citation aimablement traduite par Comas-Gabarró M.

    [42] Brown J., L'Age d'or de la peinture espagnole, traduit par Canal D., Paris, 1991, p. 120.

    [43] Cf. Panofsky E., La Renaissance et ses avants-courriers dans l'art d'occident, traduit par Vernon L., Paris, 1993.

    [44] Biraben J.-N., Les hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens, vol. 1, Paris, 1975, p. 394-397.

    [45] Klapisch-Zuber C., La maison et le nom. Stratégies et rituels dans l'Italie de la Renaissance, Paris, 1990, p. 299. Cette citation ne s'applique pas, dans ce livre, aux représentations de saint Sébastien. Il s'agit d'un commentaire d'une hypothèse de l'historien E. Marcotti qui, en 1881, avançait l'idée selon laquelle on donnait aux jeunes femmes un beau poupon afin que, le regardant, elles engendrent un beau bébé. C. Klapisch-Zuber écarte cette hypothèse mais garde l'idée de <<transfert magique>>.

    [46] Arasse D., <<Le corps fictif de Sébastien et le coup d'oeil d'Antonello>>, in Le corps et ses fictions, Paris, 1983, p. 64

    [47] A l'exception des prédelles qui, de par leur format, impliquent une sagittation horizontale.

    [48] Vasari G., Les vies des meilleurs peintres et architectes, vol. 4, Paris, 1989, p. 245.

    [49] Voragine J. de, La Légende Dorée, traduit par Roze J.-B. M., vol. 1, Paris, 1967, p. 137. Ce rapprochement est dû à Caldwell J. G., <<Mantegna's St Sebastians. Stabilitas in a pagan world>>, in Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, vol. 36, Londres, 1973, p. 375.

    [50] <<A modo di statue morte a modo di marmorito>>. Villani G., Cronaca, XII, p. 84. Cité par Didi-Huberman G. dans son introduction au livre de Meiss M., La peinture à Florence et à Sienne après la peste noire, traduit par Le Bourg D., Paris, 1994, p. XXX.

    [51] Arasse D., Le détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, 1992, p. 160.

    [52] Ibid., p. 338.

    [53] Arasse D., <<Le corps fictif...>>, op. cit., p. 67.

    [54]<<Sagittæ tuæ infixe sunt michi>>. La Bible. Ancien testament, édité sous la direction de Dhorme E., vol. 2, Paris, 1959, p. 973.

    [55] Arasse D., Le détail..., op. cit., p. 338.

    [56] Boccace, Décaméron, traduit sous la direction de Bec C., Paris, 1994, p. 334.

    [57] <<Un de'miglior loici che avesse il mondo e ottimo filosofo naturale>>. Ibid., neuvième nouvelle de la sixième journée, p. 516-518 (la citation en langue originale est tirée de : Boccacio, Decameron, Giulio Einaudi Editore, Torino, 1980, p. 755).

    [58] Bec C., introduction aux Rimes de Cavalcanti G., Paris, 1993, p. 20.

    [59] <<Guidonem philosophum peperit, de re publica bene meritum et aculeis dialectice cunctis suo seculo precellentem>>. Ficin M., Commentaire sur le Banquet de Platon, traduit par Roussel R., Paris, 1978, p. 240.

    [60] <<Vèn da veduta forma che s'intende, / che prende - nel possibile intelletto, / come in subietto, - loco e dimoranza>>. Cavalcanti G., op. cit., poème XXVII, p. 106-107.

    [61] <<'L tuo colpo, che nel cor si vede, / fu tratto d'occhi di troppo valore, / che dentro vi lasciaro uno splendore / ch'i' nol posso mirare>>. Ibid., poème XXX, p. 118-119.

    [62] <<O tu, che porti nelli occhi sovente / Amor tenendo tre saette in mano, / questo mio spirto che vien di lontano / ti raccomanda l'anima dolente, / la quale ha già feruta nella mente / di due saette l'arciere soriano; / a la terza apre l'arco, ma sì piano / che non m'aggiunge essendoti presente : / perché saria dell'alma la salute, / che quasi giace infra le membra, morta / di due saette che fan tre ferute : / la prima dà piacere e disconforta, / e la seconda disia la vertute / della gran gioia che la terza porta>>. Ibid., poème XX, p. 88-89.

    [63] <<Amor m'à posto come segno a strale, / come al sol neve, come cera al foco, / et comme nebbia al vento; et son già roco, / donna, mercé chiamando, et voi non cale. / Dagli occhi vostri uscío 'l colpo mortale, / contra cui non mi val tempo né loco; / da voi sola procede, et parvi un gioco, / il sole e 'l foco e 'l vento ond'io son tale. / I pensier' son saette, e 'l viso un sole, / e 'l desir foco : e 'nseme con quest'arme / mi punge Amor, m'abbaglia et mi distrugge>>. Pétrarque, Canzoniere, traduit par Blanc P., Paris, 1988, canzone 113, p. 264-265.

    [64] <<Sí tosto come aven che l'arco scocchi, / buon sagittario di lontan discerne / Qual colpo è da sprezzare, et qual d'averne / fede ch'al destinato segno tocchi : / similemente il colpo de' vostr'occhi, / donna, sentiste a le mie parti interne / dritto passare, onde conven ch'eterne / lagrime per la piaga il cor trabocchi>>. Ibid., canzone 87, p. 188-189.

    [65] Chastel A., Art et humanisme à Florence au temps de Laurent le Magnifique, Paris, 1982, p. 269-271.

    [66] Comme le rappelle Hall J., Dictionnaire des mythes et des symboles, traduit par Girod A., Paris, 1994, p. 168, <<dans la peinture allégorique de la Renaissance, un personnage entravé, ou lié d'une façon ou d'une autre, symbolise l'homme enchaîné par ses désirs terrestres les plus bas>>. Il est probable que ce principe descriptif a pu contaminer la lecture des représentations de saint Sébastien.

    [67] cf. Chastel A., Marsile Ficin et l'art, Genève, 1954, p. 41 : <<Aucun ouvrage n'a connu à la Renaissance un succès comparable à celui du Banquet de Ficin et son influence s'étend sur plus d'un siècle de poésie, de littérature et d'art européens>>.

    [68] <<Ergo quid mirum, si patefactus oculus et intentus in aliquem, radiorum suorum aculeos in adstantis oculos iaculatur atque etiam cum aculeis istis, qui spirituum nuncupamus, intendit ? Hinc virulentus aculeus transverberat oculos cumque a corde percutientis mictatur, hominis perculsi precordia, quasi regionem propriam repetit, cor vulnerat, inque eius duriori dorso ebescit reditque in sanguinem>>. Ficin M., op. cit., p. 248.

    [69] <<Fascinazione si fa per la virtù di un spirito lucido e sottile, dal calor del core generato di sangue più puro, il quale a guisa di raggi mandato fuor de gli occhi aperti, che con forte imaginazion gardando vengono a ferir la cosa guardata, toccano il core e sen vanno ad afficere l'altrui corpo e spirto : o di affetto di amore, o di odio, o di invidia, o di maninconia, o altro simile geno di passibili qualità>>. Bruno G., Œuvres complètes, traduit par Hersant Y., vol. I, Paris, 1993, p. 94-95.

    [70] <<Gli occhi adunque stanno nascosi come alla guerra soldati insidiatori in aguato; e, se la forma di tutto 'l corpo è bella e ben composta, tira a sé ed alletta chi da lontan la mira, fin a tanto che s'accosti; e, subito che è vicino, gli occhi saettano ed affatturano come venefici; e massimamente quando per dritta linea mandano i raggi suoi negli occhi della cosa amata in tempo che essi facciano il medesimo; perché i spiriti s'incontrano ed in quel dolce intoppo l'un piglia la qualità dell'altro, come si vede d'un occhio infermo che guardando fisamente in un sano gli dà la sua infirmità>>. Castiglione B., Le Livre du Courtisan, traduit par Pons A., Paris, 1987, p. 308 (la citation en langue originale est tirée de : La Letteratura italiana, vol 27, Riccardo Ricciardi Editore, Milan, Naples, 1960, p. 276).

    [71] Couliano I.P., Éros et magie à la Renaissance. 1484, Paris, 1984, p. 55.

    [72] Platon, Phèdre, 255 c-d. Cité par Couliano I.P., ibid.

    [73] <<Quemadmodum Solis radio speculum modo quodam percussum splendet iterum et proxime sibi appositam lanam reflexione illa splendoris inflammat, ita ille partem anime quam obscuram phantasiam vicat atque memoriam, ceu speculum, pulchritudinis ipsius Solis locum habentis simulacro tamquam radio quodam per oculos hauto, censet ita pulsari ut ipsa sibi ex illo alterum effingat simulacrum, quasi simulacri primi splendorem, quo appetendi vis non aliter quam lana accendatur et amet>>. Ficin M., op. cit., p. 240-241.

    [74] <<n picturis autem aedificiisque consilium et prudentia lucet artificis. Dispositio praeterea et quasi figura quaedam animi ipsius inspicitur>>. Ficin M., Théologie platonicienne de l'immortalité des âmes, traduit par Marcel R., vol. II, Paris, 1964, p. 69.

    [75] <<Je vous dis que pour peindre une belle femme [...] je me sers d'une certaine idée qui me vient à l'esprit>> (<<le dico che, per dipingere una bella [...] io mi servo di certa idea che mi viene nella mente>>) écrit Raphaël dans une lettre datée de 1514 et adressée à son ami Baldassar Castiglione. Cité par Barocchi P., Scritti d'arte del Cinquecento, vol. 2, Milan-Naples, 1973, p. 1530.

    [76] Chastel A., Marsile..., op. cit., p. 66

    [77] <<Tout peintre se représente lui-même, non en tant qu'homme, car il dispose des images de lions, chevaux, hommes ou femmes qui ne lui ressemblent pas, mais en tant que peintre, c'est à dire en fonction de ses idées. Il a beau produire des esquisses et tableaux divers, ils portent tous la marque de son esprit>>, Sermon sur Ezéchiel XXVII. Cité par Chastel A., Art et humanisme..., op. cit., p. 398.

    [78] <<S'un anima in duo corpi è fatta etterna, / ambo levando al cielo e con pari ale; / s'Amor d'un colpo e d'un dorato strale / le viscer di duo petti arda e discerna>>. Michel-Ange, Poésies, traduit par Orcel M., Paris, 1993, poème XVIII (livre non numéroté). Ce sonnet est ouvertement adressé à Cavalieri. Pour les autres poésies citées, la probabilité est grande - selon Orcel M. et Girardi E.N. - qu'il en soit également le destinataire.

    [79] <<Crudele arcier>>. Ibid., poème XXIII.

    [80] <<O come scritta o pinta carta o foglio / più si riguarda d'ogni straccio o taglio, / tal di me fo, da po' ch'i' fu' berzaglio / segnato dal tuo viso, e non mi doglio>>. Ibid., poème XXVIII.

    [81] <<Qual la pittura sia, chi sia 'l pittore / Forse cercando vai ? / L'imagine se' tu, la tela il core, / Il pennello lo strale, il fabro Amore>>. Cavalier Marin, Madrigaux, traduit par Cavaillé J.-P., Paris, 1992, p. 104-105.

    [82] Ce détail est commenté par Testa J. A., <<The iconography of the Archers. A study of self-concealment and self-revelation in Michelangelo's presentation drawings>>, in Studies in Iconography, vol. 5, Northern Kentucky, 1979, p. 45-72.

    [83] <<E così se ne tornò a Fiorenza, dove era stato morso più volte che non sapeva fare gli ignudi. Volse egli dunque mettersi a pruova, e con fatiche mostrare ch'era attissimo ad ogni eccelente lavoro di quella arte come alcuno altro. laonde per prova fece in un quadro un San Sebastiano ignudo con colorito molto alla carne simile, di dolce aria, e di corrispondente bellezza alla persona parimente finito, dove infinite lode acquisitò appresso agli artefici. Dicesi che stando in chiesa per mostra questa figura, avevano trovato i frati nelle confessioni donne che nel guardarlo avevano peccato per la leggiadria e lasciva imitazione del vivo datagli dalla virtù di fra'Bartolomeo : per il che levatolo di chiesa, lo misero nel capitolo, dove non dimorò molto tempo che, da Giovan Battista della Palla comprato, fu mandato al re di Francia>>. Vasari G., op. cit., vol. 5, p. 124 (la citation en langue originale est tirée de : Vasari G., Le vite de' più eccellenti pittori scultori e architettori, vol 4, Studio per edizioni Scelte, Florence, 1976, p. 97).

    [84] Wittkower R. et M., Les enfants de Saturne, traduit par Arasse D., Paris, 1985, p. 214.

    [85] Ibid.

    [86] Lecercle F., <<L'infigurable. Le corps entre théologie des images et théorie de l'art>>, in Le corps à la Renaissance, Paris, 1990, p. 183.

    [87] Arasse D., <<Le corps...>>, op. cit., p. 60.

    [88] Lecercle F., op. cit., p. 184.

    [89] Baschet J. et Schmitt J.-C., <<La sexualité du Christ>>, in Annales ESC, vol. 46, ndeg.2, Paris, mars-avril 1991, p. 342.

    [90] Hall J., op. cit., p. 286.

    [91] Couliano I.P., op. cit., p. 57. L'auteur commente cette phrase extraite du Commentaire sur le Banquet de Platon (II, 8) : <<L'amant sculpte en son âme la figure de l'aimé. De cette manière, l'âme de l'amant devient le miroir où reluit l'image de l'aimé>> (<<Amans amati suo figuram sculpit in animo. Fit itaque amantis animus speculum in quo amati relucet imago>>)

    [92] Steinberg L., La sexualité du Christ dans l'art de la Renaissance et son refoulement moderne, traduit par Houdebine J.-L., Paris, 1987, p. 105.

    [93] Arasse D., "Deux notes sur l'invenzione chez Raphaël", in Symboles de la Renaissance, vol. 3, Paris, 1990, p. 22-23.

    [94] Torriti P., La pinacoteca nazionale di Siena. I dipinti, Genova, 1990, p. 267.

    [95]Arasse D., "Le nu couché dans la peinture", in Shakespeare et le corps à la Renaissance, Paris, 1991, p. 183

    [96] Schubring P. <<Cassoni panels in English private collections>>, in The Burlington Magazine for Connoisseurs, ndeg. CXVIII, vol. XXII, Londres, janvier 1913, p. 196; cf. Callmann E., Apollonio di Giovanni, Oxford, 1974, p. 28.

    [97] Goffen R., <<Renaissance dreams>>, in Renaissance Quaterly, vol. XL, ndeg.4, New York, hiver 1987, p. 701.

    [98] Klapisch-Zuber C., La maison et le nom. Stratégies et rituels dans l'Italie de la Ranaissance, Paris, 1990, p. 189; cf. Witthoft B., <<Marriage Rituals and Mariage Chests in Quattrocento Florence>>, in Artibus et Historiæ, ndeg.5, Florence, 1982, p. 45.

    [99] Pérouse G.A., <<La Renaissance et la beauté masculine>>, in Le corps à la Renaissance, Paris, 1990, p. 61.

    [100] <<In un boschetto trova' pasturella / più che la stella - bella, al mi' parere>>. Cavalcanti G., Rimes, traduit par Bec C., Paris, 1993, poème XLVI, p. 170-171.

    [101] <<Guido, quando dicesti pasturella, / vorre' ch'avessi dett' un bel pastore : / ché si conven, ad om che vogli onore, / contar, se pò, verace sua novella. / Tuttor verghett' avea piacente e bella : / per tanto lo tu' dir non ha fallore, / ch'i' non conosco re né 'mperadore / che non l'avesse agiat' a camarella. / Ma dicem' un, che fu tec' al boschetto / il giorno che sì pasturav' agnelli, / che non s'avide se non d'un valletto / che cavalcava ed era biondetto / ed avea li suo' panni corterelli. Però rasetta, se vuo', tuo moretto>>. Ibid., p. 174-175.

    [102] Un bel exemple est offert par Leon Battista Alberti qui écrit : <<Les créatures voluptueuses, qui ont entrepris de passer une éternité oisive et insouciante dans leurs riches demeures célestes, devront, si cette question des voeux les intéresse, faire travailler et leurs mains et leur intelligence et s'arracher à cette folie des plaisirs que leur procurent leur Ganymède, leur Vénus, leur Cupidon>> (<<Illi vero delitiosi, qui quidem laura inter cæli domicilia omne ævum per otium et incuriam ducere instituere, si quid has res votorum curarint, conferant ad res agendas manum animunque oportet, ac desinant quidem suo cum Ganimede, sua cum Venere et Cupidine desipiscere voluptatibus>>). Alberti L.B., Momus ou le Prince, traduit par Laurens C., Paris, 1993, p. 82-83 (la citation en langue originale est tirée de : Alberti L. B., Momus oder Vom Fürsten , Wilhelm Fink Verlag, Munich, 1993, p. 70).

    [103] <<...voltomisi con quel suo brutissimo visaccio, a un tratto mi disse : -Oh sta cheto, sodomitaccio! Il duca a quella parola serrò la ciglia malamente in verso di lui e, gli altri serrato le bocche ed aggrottato gli occhi in verso di lui, io, che mi senti' così scelleratamente offendere, sforzato dal furore, ed a un tratto, corsi al rimedio, e dissi : -O pazzo, tu esci dei termini; ma Iddio 'l volessi che io sapessi fare une così nobile arte, perché e' si legge ch'e' l'usò Giove con Ganimede in paradiso, e qui in terra e' la usano i maggiori imperatori ed i più gran re del mondo>>. Cellini B., La vie de Benvenuto Cellini écrite par lui-même, traduit par Blamoutier N., Paris, 1986, p. 326 (la citation en langue originale est tirée de : La Letteratura italiana, vol 27, Riccardo Ricciardi Editore, Milan, Naples, 1960, p. 893).

    [104] Ruggiero G., The Boundaries of Eros. Sex Crime and Sexuality in Renaissance Venice, New York-Oxford, 1985, p. 113.

    [105] <<Tutte sono pazze e piene di pulce le femmine>>, Alberti, Opera Volgari, vol. I, p. 43. Cité par Monnier P., Le Quattrocento. Essai sur l'histoire littéraire du XVe siècle italien, Paris, 1901, p. 66.

    [106] <<Quella ch'à neve il volto, oro i capelli, / nel cui amor non fur mai inganni né falli>>. Pétrarque, Canzoniere, traduit par Blanc P., Paris, 1988, canzone 219, p. 364-365.

    [107] <<Foemina... verus est diabolus, hostis pacis, fons impatientae, materia jurgorium, qua caruisse tranquillitas certa est... Uxores habeant, qui muliebri sine fine consortio et nocturnis amplexibus atque convitiis vagituque infantium et insomni negotio delectantur... Nos si dabitur, nostrum nomen non conjugio sed ingenio, non filiis sed libris, non foeminae sed virtutis auxilio propagamus... Conjugalium toediorum pleni sunt thalami, omnes lecti, domus, vici, atria... Deo gratias et provium fuit ne in hos laqueos incideremus". Pétrarque, Opera, vol. XIV, Bâle, 1554, p. 3. Cité par Monnier P., op. cit., p. 65. Citation aimablement traduite par Solvès J.

    [108] <<Abominabile peccato della maladetta soddomia>>. Bernardino da Siena, Prediche volgari sul campo di Siena. 1427, vol. 2, Milan, p. 1139.

    [109] <<O Italia, quanto ne se'contaminata più che altra provincia ! Va' a tedeschi, e ode che bello vanto e' danno a' Taliani ! Dicono che non è generazione al mondo, che sieno maggiori sodomitti che'Italiani>>. Ibid., p. 1149.

    [110] Dynes W.R., Encyclopedia of Homosexuality, Usa, 1990, p. 409.

    [111] Rowland I.D., <<Revenge of the Regensburg Humanists, 1493>>, in The Sixteenth Century Journal, vol. 25, ndeg.2, Kirksville, 1994, p. 307.

    [112] <<Confutatio Proverbii Italici de Germanorum Ebriatate In Pedicones Italos Carmen Impolitum phalenticum Conradi Leontorii...>> Cité par Rowland I.D., ibid., p. 321. Citation aimablement traduite par Solvès J.

    [113] <<Temnis Itale blandulas puellas / Et cunnos olido ferire pene / Non audes : quia spurcidus Cynaedus / Naturae placidas subire leges / Detrectans: cupido nates amore / Et levis pueri futie culum / Ardenter cupis: et tibi negatam / Affectas venerem miser fututor / Germanos tamen inter ista carpis / Et vino in stimulas madere crebro / Undanti: stomachumque nauseantem / Horres Itale podicum fruator / Merdose: et madidus furore caeco / Pedicas: tremulumque crissitantes / Amplexu foves impio lacunas / Nec te fingere sobrium pudesas / Infoelix: temulente: mentularum / Masturbator iners: et irrumator. / Nos bacho et veneri dicata Iura / Solventes: superumque lege vincti / Quo natura vocat: modumque monstrat / Laeto numine non taedebit ire / Tu semper miser irrumato fauces / Et fellas trepido repressus ore / Germanos celebrare sacra Bachi / Et cunnos futuisse non pudebit / Germanos peperit Venus beata / Germani venerem sequuntur unam / et bacchum venerantur ut parentem / Te culo genuit cruenta mater / Culos Itale vis futire semper>>. Conradus Leontorius, Cod. Lat. 716, cc. 158 (154)v-159 (155)r, Bayerische Staatsbibliothek, Munich. Cité par Rowland I.D., ibid., p. 321. Citation aimablement traduite par Solvès J.

    [114] <<Abhominabile sogdomie vitium, crimen pessimum in sanctis litteris nuncupatur, e sua civitate eradicare volentes...>>. Cité par Rocke M.J., <<Il controlo dell'omosessualità a Firenze nel XV secolo : gli Ufficiali di notte>>, in Quaderni Storici, ndeg.66, année XXII, fascicule 3, Bologne, décembre 1987, p. 704. Citation aimablement traduite par Solvès J.

    [115] Les Ufficiali di Notte seront supprimés en 1502, cinq ans après que Domenico Cecchi en ait demandé l'abolition au prétexte qu'il ne voulait pas que les étrangers puissent dire que <<Firenze è un uficio sopra a'soddomiti>>. Mazzone U., "El buon governo". Un progette di riforma generale nella Firenze savonaroliena, Florence, 1978, p. 195. Cité par Rocke M.J., ibid., p. 717.

    [116] Agens et patiens. Cf Ruggiero G., op. cit., p. 121.

    [117] Ruggiero G., op. cit., p. 122.

    [118] Rocke M.J., op. cit., p. 712-713.

    [119] Ruggiero G., op. cit., p. 121.

    [120] Ibid., p. 139.

    [121] Rocke M.J., op. cit., p. 708.

    [122] Ruggiero G., op. cit., p. 122.

    [123] <<Uno famoso sodomitto [...] che si ritrovava la notte con uno fanciullo nel letto>>. Bernardino da Siena, op. cit., p. 1157.

    [124] Wittkower R. et M., Les enfants de Saturne, traduit par Arasse D., Paris, 1985, p. 199.

    [125] <<Ex illustri progenie Medicorum virum clarissimum, quod spreto vulgo libellum æquo animo legat, quamvis lascivum, et secum una priscos viros imitetur>>. Beccadelli A., L'hermaphrodite, traduit par Bonneau A., Paris, 1892, p. 2-3. Concernant la traduction des épigrammes, j'ai choisi de conserver celle, à la fois amusante et symptomatique, de ce volume, où le vocabulaire érotique n'est pas à proprement traduit mais francisé. Ainsi, pour pedicare, le traducteur invente le verbe pédiquer plutôt que d'employer sodomiser.

    [126] <<Quum pathicum quemquam pædicaturus ephebum es, / Illud in hac tumba, quaeso, viator agas... Quippe ita Chironis cineres placabat Achilles, /Sensit et hoc podex, flave Patrocle, tuus, / Gnovit Hylas patrio percisus ab Hercule busto>>. Ibid., p. 10-11.

    [127] <<Pene potens agit heic Gallus, qui cruscula solus / Quæque velit, solus basia quæque velit. / Is sibi habet quodcunque natis vel podicis urbe est, / Quidquid et e Tuscis aut aliunde venit. / Munera dat, Croeso nummato qualia sat sint; / Muneribus blandas adjicit illecebras. / Inde edicta suis scribit quasi prætor ephebis : / "Ne sine te tangi, ne sine te subigi". / Non potes ergo loqui puero, ni indulgeat ille; / Ni velit is, puero non potes ipse frui>>. Ibid., p. 12-15.

    [128] <<In Mamurianum, postremæ turpitudinis virum. / Si tot habes scapula penes, quot sorpseris ano, / Et perfers, vincis, Mamuriane, boves>>. Ibid., p. 18-19.

    [129]Penisuggum en latin. Ibid., p. 46-47.

    [130] Sur cet aspect philologique, voir Boswell J., Christianisme, tolérance sociale et homosexualité, traduit par Tachet A., Paris, 1985, p. 39-44; cf. Adams J.N., The latin sexual vocabulary, Baltimore, 1982.

    [131] Rowland I.D., op. cit., p. 312.

    [132] <<Pulchritudo / denique inter amantes pro pulchritudine commutatur. Iunioris amati pulchritudine vir oculis fruitur. Viri pulchritudinem iunior mente consequitur>>. Ficin M., Commentaire sur le Banquet de Platon, traduit par Roussel R., Paris, 1978, p.159.

    [133] <<Unum amoris femine ad masculum, ubi de Alceste Admeti uxore loquitur, que pro marito mori voluit. Alterum amoris masculi ad feminam, ut Orphei ad Eurydicem. Tertium amoris masculi ad masculum, ut Patrocli ad Achillem. Ubi ostendit nihil fortiores homines reddere quam amorem>>. Ibid., p.143-144.

    [134] <<Itam pregnans hominum corpus est, ut Plato vult, pregnans et animus, et ambo amoris incitamentis stimulantur ad partum. Ceterum alii vel propter naturam vel educationem ad animi fetus sunt quam corporis aptiores, alii, et quidem plurimi, contra. Illi celestem secuntur amorem, isti vulgarem. Illi natura iccirco mares et illos quidem iam pene adultos potius quam feminas aut pueros amant quoniam in eis magis admodum viget mentis acumen, quod ad disciplinam, quam illi generaturi sunt, propter excellentiorem sui pulchritudinem est aptissimum>>. Ibid., p. 229.

    [135] <<Dicamne, o viri castissimi, quod sequitur, an potius pretermictam ? Dicam certe postquam res ipsa postulat, et si dictu videtur absurdum. At enim quis turpia non turpiter dixerit ? Tanta permutatio senioris hominis vergens ad iunioris similitudinem facit ut iste totum sui corpus in illum transferre et totum illius in se transfundere studeat, ut vel recens humor vasa recentia, vel vasa teneriora teneriorem consequantur humorem. Hinc multa inter se turpissime facere compelluntur. Cum enim genitale semen a toto corpore defluat, solo huius iactu vel tractu totum corpus tradere se posse confidunt et totum accipere. id in se ipso philosophus epicureus ille persensit Lucretius amantium / omnium infelicissimus>>. Ibid., p. 251.

    [136] Chastel A., Art et humanisme à Florence au temps de Laurent le Magnifique, Paris, 1982, p. 290.

    [137] Les deux hommes se firent enterrer ensemble avec cette épitaphe : <<Ne disjunctus post mortem locus ossa separet quorum animos in vita conjunxit amor>>. Cité par Chastel A., ibid., p. 293.

    [138] Ibid., p. 293.

    [139] Ibid., p. 294.

    [140] Trexler R.C., <<La prostitution florentine au XVe siècle : Patronages et clientèles>>, traduit par Desaive J.-P., in Annales ESC, ndeg.6, Paris, novembre-décembre 1981, p. 983.

    [141] <<Nefandi facinoris ipsique naturæ contrarii, et enormis criminis putredinem abhorrentes, quale est vitium sodomiticum, et volentes in hoc pro extirpatione huiusmodi criminis in augumentum aliorum ordinamentorum possetenus providere, decernimus quod...>>. Statuta populi et communis Florentiæ de 1415, vol. 3, Fribourg, 1783, p. 41. Cité par Trexler R.C., ibid., p. 984.

    [142] Ibid., p. 983.

    [143] <<Sexus dissimulant suum et sub specie virorum viris placere contendunt, quod est speciem quedam sodomiae>>, Archivio di Stato Venice, Consiglio di Dieci, Reg 19, f.220r-v, 1480. Cité par Davanzo Poli D., <<Le cortigiane e la moda>>, in Il Gioco dell'amore. Le cortigiane di Venezia. Dal Trecento al Settecento, Milan, 1990, p.99.

    [144] Trexler R.C., op. cit., p. 995.

    [145] Ibid..

    [146] <<...e questa terra è piena di pechati, primo di sodomia che si fa per tutto senza rispeto, e le meretrici li ha mandato a dir che non poleno viver, niun va di lhoro, tanto è la sodomie; e fino vechii, si fanno lavorar>>. Sanudo M., Diarii, 121 : 84, Mar 27, 1511. Cité par Labalme P.H., <<Sodomy and Venetian Justice in the Renaissance>>, in Tijdschrift voor Rechtsgeshiedenis, vol. LII, ndeg.3, 1984, p. 248. Le <<e fino vechii>> qui vient comme un point d'orgue signaler à quel point la sodomie a gagné du terrain (on a dépassé le cadre habituel qui serait celui où seuls les jeunes "se font besogner"), souligne par contraste le caractère conventionnel et prégnant de la distinction "actif-passif".

    [147] Ibid., p. 248.

    [148] Casola P., Canon Pietro Casola's Pilgrinage to Jerusalem. 1494, édité par Newett M., Manchester, 1907, p. 144. Cité par Labalme P.H., ibid., p. 248.

    [149] Scarabello G., <<Devianza sessuale ed interventi di giustizia a Venezia nella prima metà del XVI secolo>>, in Tiziano e Venezia, Vicenza, 1980, p. 82.

    [150] Labalme P.H., op. cit., p. 249.

    [151] <<Non juvenes sed mulieres vocari possunt>>. Cité par Labalme P.H., ibid., p.249.

    [152] <<E di tal sorte voglio io che sia lo aspetto del nostro cortegiano, non così molle e feminile come si sforzano d'aver molti, che non solamente si crespano i capegli e spelano le ciglia, ma si strisciano con tutti que' modi che si faccian le più lascive e disoneste femine del mondo; e pare che nello andare, nello stare ed in ogni altro lor atto siano tanto teneri e languidi che le mmembra siano per staccarsi loro l'uno dall'altro [...] Questi, poi che la natura, come essi mostrano desiderare di parere ed essere, non gli ha fatti femine, dovrebbono non come bone femine esser estimati, ma, come publiche meretrici...>>. Castiglione B., Le Livre du Courtisan, traduit par Pons A., Paris, 1987, p. 46 (la citation en langue originale est tirée de : La Letteratura italiana, vol 27, Riccardo Ricciardi Editore, Milan, Naples, 1960, p. 40).

    [153] <<Disse ancor messer Iacomo Sadoleto al Beroaldo, che affermava voler in ogni modo andare a Bologna : "Che causa v'induce così adesso lasciar Roma, dove son tanti piaceri, per andar a Bologna, che tutta è involta nei travagli ?" Rispose il Beroaldo : "Per tre conti m'è forza andar a Bologna" e già aveva alzati tre dita della man sinistra per assignar tre cause dell'andata sua; quando messer Iacomo subito l'interruppe, e disse : "Questi tre conti che vi fanno andare a Bologna sono, l'uno il conte Ludovico de San Bonifacio, l'altro il conte Ercole Rangone, il terzo il conte de' Pepoli". Ognun allora rise, perché questi tre conti erano stati discipuli del Beroaldo, e bei giovani, e studiavano in Bologna>>. Ibid., p. 186 (p. 165).

    [154] <<Era bello di persona, maraviglioso di color di carne : lo intaglio della testa sua era assai più bello che quello antico di Antino e molte volete lo avevo ritratto; di che ne avevo auto molto onore nelle opere mie>>. Cellini B., op. cit., p. 54 (la citation en langue originale est tirée de : La Letteratura italiana, vol 27, Riccardo Ricciardi Editore, Milan, Naples, 1960, p. 557).

    [155] <<Oimè, è quel Diego ? - Allora io dissi : -Quelle è Diego>>. Ibid..

    [156] <<-Mirate, mirate come son fatti gli angeli del paradiso ! che con tutto che si chiamino angeli, mirate che c'è ancora delle angiole>>. Ibid., p. 55 (p. 558).

    [157] <<...ingiuriose parole quali si usano dire ai belli giovanetti>>. Ibid., p. 56 (p. 560).

    [158] Manca J., <<Sacred vs. Profane : Images of Sexual Vice in Renaissance Art>>, in Studies in Iconography, vol. 13, Tempe, 1989-1990, p. 145-190.

    [159] La qualité de la reproduction ne permet hélas pas de faire constater la blondeur du jeune homme.

    [160] Gundersheimer W., <<Clarity and ambiguity in Renaissance gesture : the case of Borso d'Este>>, in The Journal of Medieval and Renaissance Studies, vol. 23, ndeg.1, Durham, hiver 1993, p. 1-17.

    [161] Cf. Saunders A., <<"La beaulté que femme doibt avoir" : les blasons anatomiques de la Renaissance>>, in Le corps à la Renaissance, Paris, 1990.

    [162] Cf. Baschet A., Les femmes blondes selon les peintres de l'école de Venise, Paris, 1865; Bloch K.E., <<Le bionde nei dipinti veneziani del cinquecento>>, in Eidos, ndeg.5, Asolo, 1990, p. 21-25.

    [163] Chastel A., <<Le corps à la Renaissance>>, in Le corps à la Renaissance, Paris, 1990, p. 17-18.

    [164] La Bible. Ancien testament, édition publiée sous la direction de Dhorme E., Génèse XIX, vol. 1, Paris, 1959, p. 59.

    [165] <<O Italia, aspettane vendetta. O Sodoma, o Gomorra...>>. Bernardino da Siena, op. cit., p. 1146.

    [166] <<Pestifero peccato de la maladetta sodomia>>. Ibid., p. 1140.

    [167] Ibid., p. 1152.

    [168] Ruggiero G., op. cit., p. 113.

    [169] <<Amatoria vero contagio facile fit et gravissima omnium pestis evadit. Quippe spiritalis vapor ille sanguisque ab adolescente seniori prorsus iniectus, quatuor habet, ut supra diximus qualitates. Clarus est, subtilis, calidus atque dulcis. [...] Hinc fit ut totus viri sanguis, in iuvenilis sanguinis naturam mutatus, iunioris illius appetat corpus, quo suas venas inhabitet et recentis sanguinis humor, venas quoque recentes et teneras illabatur>>. Ficin M. op. cit., p. 249-250.

    [170] Cf. Chastel A., introduction à Cellini B., op. cit., p. V; Schneider L., <<Donatello's Bronze David>>, in The Art Bulletin, vol. LV, ndeg.2, New York, juin 1973, p. 216.

    [171] Verzone C., Le rime Burlesche... di Anton Francesco Grazzini, Florence, 1882, p. 526. Cité par Janson H.W., The sculpture of Donatello, vol. 2, Princeton, 1957, p. 24.

    [172] Scarpellini P., Perugino, Milan, 1984, p. 24.

    [173] Ibid., p. 13 et 63. Voir aussi Canuti F., Il Perugino, Sienne, 1931, p. 133-134.

    [174] Vasari G., op. cit., vol. 4, p. 371.

    [175] Hayum A., Giovanni Antonio Bazzi - "Il Sodoma", New York, 1976.

    [176] Eekhoud G., <<Saint Sébastien dans la peinture>>, in Akademos, ndeg.1, Paris, 1909, p. 174.

    [177] Möller E., <<Salai und Leonardo da Vinci>>, in Jahrbuch der kunsthistorischen Sammlungen in Wien, N.F. 2, Vienne, 1928, p. 139-161.

    [178] <<il qual era vaghissimo di grazia e di bellezza, avendo begli capegli ricci et inanellati, de' quali Lionardo si dilettò molto...>>. Vasari G., Les vies des meilleurs peintres et architectes, vol. 5, Paris, 1989, p. 43 (la citaion en langue originale est tirée de Vasari G., Le vite de' più eccellenti pittori scultori e architettori, vol. 4, Studio per Edizioni Scelte, Florence, 1976, p. 24).

    [179] <<...lasciando giannantonio un grafio dargiento sopra uno suo disegnio esso jacomo glie lo rubo>>. Codex C, f. 15v du manuscrit de l'Institut de France. Cité par Rama E., <<Un tentativo di rilettura della ritrattistica di Boltraffio fra Quattocento e Cinquecento>>, in Arte Lombarda, ndeg.1, Milan, 1983, p. 87.

    [180] Rama E., ibid., p. 82.

    [181] <<Telles sont les idoles que vous avez mises dans mon temple : les images de vos dieux sont à la ressemblance des figures que vous faites peindre dans les églises, et puis les jeunes gens vont dire à l'une et à l'autre : celle-ci est la Madeleine, celui-ci est saint Jean, voici la Vierge, puisque vous faites représenter les personnages dans les églises à la ressemblance de l'une ou de l'autre, ce qui est mal et grand mépris des choses divines>>. Sermon sur Amos et Zacharie, 1496, du samedi après le second dimanche de Carême. Cité par Chastel A., op. cit., p. 398.

    [182] <<...il S. Sebastiano stesso ritratto dal vivo, cioè da Gino di Lodovico Capponi>>. Vasari G., op. cit. vol. 4, p. 245 (la citation en langue originale est tirée de Vasari G., op. cit, vol. 3, 1971, p. 503).

    [183] Panofsky E., <<Le mouvement néo-platonicien et Michel-Ange>>, in Essais d'iconologie, traduit par Herbette C. et Teyssèdre B., Paris, 1967, p. 278.

    [184] A cet égard, signalons que Johannes Wilde remarque que la pose de saint Sébastien dans le Polyptyque de la Résurrection de Titien combine celles des deux esclaves du L"fn. Wilde J., De Bellini à Titien. Texture, forme, couleur dans l'art vénitien, traduit par Morel G., Paris, 1993, p. 160.

    [185] Panofsky E., op. cit., p. 308-310.

    [186] Testa J.A., <<The iconography of the Archers. A study of self-concealment and self-revelation in Michelangelo's presentation drawnings>>, in Studies in Iconography, vol. 5, Northern Kentucky, 1979, p. 61.

    [187] <<Il a aimé la beauté physique comme on peut le faire quand on en a une connaissance merveilleuse. Il l'a tellement aimée que certaines personnes toutes sensuelles et incapables de comprendre l'amour de la beauté autrement que comme un sentiment lascif et déshonnête, y ont pris l'occasion de penser et de dire du mal de lui. Comme si Alcibiade, ce très beau jeune homme, n'avait pas été l'objet de l'amour parfaitement chaste de Socrate [...] J'ai souvent entendu Michel-Ange tenir des propos savants sur l'amour et ceux qui étaient présents s'accordaient à affirmer que ces discours sur l'amour ne sont pas différents de ce qu'on en lit chez Platon...>> (<<Ha eziandio amata la bellezza del corpo, come quello che ottimamente la conosce; e che non sanno intendere amor di bellezza se non lascivo e disonesto, ha pôrto cagione di pensare di dir male di lui; come se Alcibiade, giovane formosissimo, non fosse stato da Socrate castissimamente amato >>...] Il più volte ho sentito Michelagnolo ragionare e discorrere sopra l'amore; e udito poi da quelli si trovaron presenti, lui non altrimenti dell'amor parlare, di quel che appresso di Platone scritto si legge>>) Condivi A., Vita di Michelangelo Buonarroti, 1553. Cité en appendice dans Michelangelo, Bramante Editrice, Milan, 1984, p. 253. Traduction empruntée à Chastel A., <<Les ignudi de Michel-Ange>>, in Fables, Formes, Figures, vol. 1, Paris, 1978, p. 290.

    [188] Shakespeare, en spectateur lointain, ne manque pas de reconnaître cette modulation et d'utiliser en cliché de l'androgynie et du désir homosexuel le nom de Sébastien. C'est ainsi qu'autour de 1600, il donne par deux fois ce nom à des femmes travesties et à un jeune homme si délicat qu'il séduit dans la même pièce un marin et, revêtu d'une robe, un duc. Shakespeare W., Les deux gentilshommes de Vérone, Le soir des rois, traduit par Hugo F.-V., Paris, 1965-1966.