lundi 22 mai 2006
Interview de Morgane Le Moal, de la plateforme 4deejays.com : ils sont anti-DRM... mais aussi anti-partage
Par corsario, lundi 22 mai 2006 à 16:50 :: Musique
Dans la revue des plateformes de téléchargement sans DRM, je n'avais pas inclus la plateforme de vente de musique électronique en ligne 4deejays.com, parce que bien qu'ils vendent de la musique en mp3 et en wav (donc sans DRM), les conditions générales de ventes n'étaient pas très claires :
Tout échange ou transfert à un tiers est strictement interdit.
Il est rappelé que les " DRM " ou « Digital Rights Management » désignent un système de protection de fichier numérique permettant notamment de contrôler le nombre de gravures et de transfert. Ces possibilités de gravage et de transfert n'emportent en aucun cas renonciation par les ayants droits à leurs droits sur leurs fichiers livrés. Le client s’engage à ne pas contourner ni porter atteinte à cette technique de contrôle de l’utilisation des fichiers numériques téléchargés ainsi qu’à, le cas échéant, tout dispositif poursuivant le même objectif, ni faire obstacle, modifier ou supprimer toute information relative au régime des droits sur les produits, ni à encourager ou aider des tiers à effectuer de tels actes.
Et dans la FAQ :
Les titres téléchargés sur 4Deejays.com peuvent être écoutés sur votre ordinateur ou sur votre lecteur de musique portable. Ils peuvent également être gravés sur support Cd pour une écoute sur un lecteur de salon ou un auto-radio. Comme précisé dans nos Conditions Générales de Vente, vous ne pouvez pas partager les titres téléchargés avec quelqu’un d’autre, cela irait à l’encontre du respect d’une part des droits attachés aux titres téléchargés, d’autre part du travail des Artistes et Producteurs de Musique.
Donc ils sont gentils à 4deejays.com, mais ils font un peu ce qu'ils veulent avec la loi. Qui n'interdit pas de "partager avec quelqu'un d'autre" la musique que l'on a. Et ces conditions générales de vente font explicitement références aux DRM, alors même que Morgane Le Moal, "project manager" du site 4deejays.com, déclare tout récemment dans une interview à Technopol : "ne pas avoir recours aux systèmes de DRM''. S'ils n'y ont pas recours, pourquoi en parlent-ils dans les conditions générales de vente ?...
Cela dit, cette interview est intéressante, tout comme le site probablement (les MP3 sont en 320 kbps et il y a du wav), mais les questions et les réponses sont parfois étranges :
question : "4deejays.com propose donc légalement le téléchargement des fichiers aux formats « wav » et « mp3 », sur lesquels les « MTP » (également appelés « DRM » ) voulus par la loi DADVSI en cours de débats, ne pourront pas s’appliquer."
Rappelons que la loi DADVSI ne veut rien du tout : personne n'est obligé de mettre des DRM sur la musique qu'il vend. Il suffit de voir la liste des plateformes explicitement sans DRM pour ça. La loi, dans son état actuel, se contente, et c'est déjà pas mal, de protéger ceux qui désireront mettre des DRM, ou qui en mettent déjà. Les autres font et feront ce qu'ils veulent.
La réponse de Morgane est étrange également :
Morgane : En l’état actuel des choses, à savoir la loi DADVSI en lecture au Sénat, 4Deejays.com propose en effet des fichiers non protégés par un système de Mesures Techniques de Protection ou Digital Rights Management System. (...) Nous serons fixés d’ici la fin du mois de Mai 2006 sur les conséquences pour nous du vote de cette loi, et nous prendront alors les mesures techniques nous permettant à la fois de la respecter et de conserver nos convictions sur les moyens de continuer à diffuser et produire de la musique électronique.
Il faut rassurer Morgane : la loi ne l'empêchera jamais de vendre de la musique sans DRM. Les seuls qui peuvent vouloir des DRM ce sont les ayant droits, c'est-à-dire les labels ou les artistes. Sur sa plateforme 4deejays.com c'est Morgane, la "project manager" qui fait sa loi, tranquillement. Il ne faut pas avoir peur. Et il ne faut pas non plus prendre prétexte de cette loi pour rajouter subrepticement des DRM là où rien ne l'y oblige.
Bleep, Thrill Jockey, Mondomixmusic, Mindawn, NeoMusicStore, Overzic et Mediagong ne se posent pas de questions métaphysiques. Ils sont là, et ils sont clairs : pas de DRM chez eux.
Lisez l'interview de Morgane Le Moal par Technopol, qui est intéressante malgré ces ambiguïtés, et qui recèle beaucoup d'analyses fines. Mais je préfère la clarté et l'esprit carré de Ged Day (voir son interview "Les DRM sont stupides"), le patron de Bleep. La loi DADVSI d'une part, et la peur du piratage d'autre part, ont embrumé les esprits, mais il ne faut pas que Morgane Le Moal ait peur de l'afficher dans ses conditions générales de vente : les DRM sont stupides, et ils le seront toujours. Point.