Georges Van Parys
Compositeur trop souvent méconnu, Georges Van Parys (1902-1971) a écrit les partitions musicales de nombreux chefs-d'œuvre du cinéma. Il est aussi l'auteur de plusieurs chansons populaires telles que La complainte de la butte et Un jour tu verras.
De Chez Fischer à Luis Bunuel
Georges Van Parys, compositeur français né à Paris en 1902, commence sa carrière comme pianiste accompagnateur d'artistes de variétés dans un cabaret de la capitale, Chez Fischer. Il crée ensuite une douzaine d'opérettes dont Lulu en 1927 et Une femme par jour, en collaboration avec Jean Boyer, en 1943. Cette expérience l'amène à apprendre à jouer de tous les instruments et à en maîtriser la conjugaison au sein d'une même partition.
Dès l'apparition du cinéma sonore, à la fin des années 1920, Georges Van Parys s'intéresse à la musique de films. Ses toutes premières compositions sont celles de La route est belle de Robert Florey en 1929, puis celles de L'âge d'or de Luis Bunuel et du Million de René Clair en 1930.
Tout au long de sa carrière, il collaborera à bon nombre de réalisations mettant en scène un Paris populaire, habité par des personnages fortement ancrés dans leurs quartiers. En quarante ans, il créera plus de trois cents partitions pour le cinéma et signera également de nombreuses chansons qui, à l'origine composées pour des films, sont aujourd'hui inscrites dans le répertoire populaire (Comme de bien entendu, La complainte des infidèles…).
Jean Boyer ou "Si l'on ne s'était pas connu"…
Georges Van Parys rencontre Jean Boyer dès ses débuts au cabaret. Ils travaillent ensemble sur une opérette, Une femme par jour (1943), que Boyer portera à l'écran en 1948. Si le cinéaste n'est pas le premier à faire travailler Van Parys au cinéma, on peut cependant considérer que leur rencontre est un élément déclencheur pour sa future carrière de compositeur. Jean Boyer et Georges Van Parys collaboreront sur une vingtaine de films dont Boléro (1941) et Circonstances atténuantes (1939) avec Arletty, La romance de Paris (1941) avec Charles Trénet en jeune aspirant au music-hall, ou Garou, Garou, le passe-muraille (1951) d'après Marcel Aymé, avec Bourvil dans le rôle titre.
Le cinéma des années 1940 faisant beaucoup tourner les vedettes du music-hall, c'est tout naturellement que la chanson va s'inscrire dans le récit cinématographique, comme une redondante ritournelle ou un long monologue. L'accent typiquement parisien de ces chansons permettra, ensuite, à plusieurs d'entre elles de rester dans l'air et de circuler de générations en générations, pour finir par entrer dans le répertoire populaire, comme Un jour tu verras ou J'aime toutes les femmes.
René Clair et la naissance de la musique de film
Si le nom de Georges Van Parys est indissociable de celui de René Clair, c'est qu'ils ont travaillé ensemble sur plus d'une dizaine de films, du Million en 1930 aux Fêtes galantes en 1965, en passant par Le silence est d'or (1946) ou Les grandes manœuvres (1955). S'il en compose la partition musicale, Van Parys écrit aussi plusieurs chansons pour les films de René Clair.
Fernandel chante Ça s'est passé un dimanche dans Le silence est d'or : "Elle avait tout pour lui plaire, il avait tout pour lui plaire aussi, mais elle habitait à Bécon-les-Bruyères et lui demeurait à Bercy"... On peut aussi entendre On dit toujours, on dit jamais dans Les grandes manœuvres.
Leur collaboration donne naissance à une véritable reconnaissance de la musique de films, celle-ci devenant un élément dramatique et scénaristique à part entière : jusque-là considérée comme "décorative", la musique devient très étroitement liée au film, indissociable de celui-ci.
Jean Renoir ou "La complainte de la butte"
Quantitativement, la collaboration entre Jean Renoir et Georges Van Parys n'est pas aussi importante que les deux précédentes. En effet, si Van Parys n'a écrit que deux partitions de films pour Jean Renoir, Elena et les hommes en 1955 et French cancan en 1954, ce second film exprime toute l'importance de leur rencontre. Jean Gabin y incarne Danglard, un directeur de revue, qui crée le cabaret du Moulin-Rouge et ressuscite le French Cancan pour les beaux yeux de Nini, une petite blanchisseuse du 18e arrondissement (Françoise Arnoul).
De la musique de ce film, on se souvient surtout d'une rengaine désuète, aujourd'hui célèbre : La complainte de la butte (dont les paroles sont de Jean Renoir). Cette chanson hante le récit d'un bout à l'autre du film, comme un chant d'amour, mais aussi comme une prémonition. Si dans un premier temps "les ailes des moulins protègent les amoureux", Nini perdra finalement l'amour exclusif de Danglard. La chanson la prévenait pourtant : "Sous un ciel sans lune, je pleure à la lune mon rêve évanoui…" La rencontre entre Renoir et Van Parys restera, dans les mémoires, l'histoire d'une chanson...
Ophuls, Becker, Clouzot, Bunuel…
En plus de ses célèbres collaborations avec René Clair ou Jean Renoir, Georges Van Parys travaillera avec de grands réalisateurs et, malgré le peu d'intérêt suscité à l'époque par son parcours, il figurera au générique de nombreux chefs-d'œuvre du cinéma.
En 1930, alors qu'il en est seulement à sa seconde composition pour le cinéma, il signe la partition de L'âge d'or de Luis Bunuel. Jacques Becker fait appel à lui, en 1952, pour écrire la partition de Casque d'or. En 1953, c'est au tour de Max Ophuls de solliciter Van Parys, pour créer la musique de Madame de… en collaboration avec Oskar Straus. Il signe aussi la partition des Diaboliques de Henri-Georges Clouzot en 1954. Enfin, Julien Duvivier lui confie la musique de L'affaire Maurizius en 1953 et celle de L'homme à l'imperméable en 1956.
Beaucoup de ces films sont des succès publics et restent, aujourd'hui encore, des grands classiques. Le fait d'avoir travaillé avec des réalisateurs aussi prestigieux aurait pu lui permettre d'entrer en grandes pompes dans les ouvrages d'histoire du cinéma. Mais, de films d'auteurs en films populaires, Georges Van Parys brouille les pistes et finit par y perdre, pour un temps, le droit à la reconnaissance auquel il pourrait prétendre.
... et beaucoup d'autres
Parmi les quelques trois cents fictions, courts métrages et documentaires auxquels Georges Van Parys a collaboré ne figurent pas que des chefs-d'œuvre du cinéma, mais aussi de nombreux films populaires qui connurent essentiellement un succès commercial. Des films de Henri Decoin, qui le sollicite à une douzaine d'occasions (Abus de confiance, 1937 ; Le bienfaiteur, 1942 ; Le masque de fer, 1962…), de Christian-Jaque, avec qui il travaille sur Fanfan la tulipe en 1951 puis sur Adorables créatures en 1952, ou encore des films tels que L'école des cocottes (1957) de Jacqueline Audry ou Mademoiselle Josette, ma femme (1950) d'André Berthomieu. Figurent aussi à sa filmographie plusieurs curiosités telles que L'armoire volante (1948) de Carlo Rim, ou La tour Eiffel qui tue (1966) de Michel de Ré et Jean-Roger Cadet.
Ce parcours très éclectique, à défaut d'être considéré comme une grande capacité d'adaptation ou comme un désir de diversité culturelle, fera de Georges Van Parys un compositeur contesté, et injustement boudé par la critique.
Au regard de l'ensemble de son œuvre, il est pourtant indéniable qu'il fut l'un des plus importants musiciens du cinéma de son époque. Les airs qu'il a composés ont su marquer de leur empreinte de nombreux et grands films, et ses chansons sont encore sur les lèvres de beaucoup de Parisiens, de cinéphiles et d'amateurs de rengaines populaires.

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juin 2002, mise à jour août 2004