Une encyclopédie historique pour recenser les "violences de masse"

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C'est parce qu'il refuse la posture du "justicier", déjà tenue par les tribunaux internationaux de l'ONU ou des organisations de défense des droits de l'homme, que l'historien Jacques Semelin a intitulé son projet "Encyclopédie des violences de masse". Dès le préambule, on comprend qu'il n'est pas là question de hiérarchiser les crimes, de trancher définitivement sur l'attribution à tel ou tel événement de la qualification de "génocide", ni de participer à une concurrence entre victimes.

"Nous voulons construire un site Internet de référence et donner des informations fiables", explique M. Semelin, directeur de recherche au CNRS et coordinateur de l'"Online Encyclopedia of Mass Violence", lancée, jeudi 3 avril, par une équipe d'universitaires internationaux.

Par "violences de masse", l'Encyclopédie entend les crimes commis à l'encontre des non-combattants à travers l'Histoire : meurtres, déportations, violences sexuelles. Elle s'interdit les "situations de domination", les apartheids, l'esclavagisme, l'emprisonnement. Son champ d'étude est "le fait de faire mourir en masse, pas la tyrannie", explique l'historien.

EVITER L'ACTUALITÉ

L'Encyclopédie classe les crimes par continent et par pays. Ce choix permet d'éviter hiérarchisation et classement par la nature du crime : Cambodge 1975-1979, Rwanda 1994, Sétif 1945, Sabra et Chatila 1982, etc. Elle recense aussi quatre études de cas "incontournables" de violences transfrontalières : à la fin de l'Empire ottoman, à l'époque de l'Union soviétique, dans l'Europe nazie et l'Asie dominée par le Japon pendant la seconde guerre mondiale.

L'équipe va, dans un premier temps, éviter l'actualité (Darfour, Irak...). Elle attend en revanche des contributions sur le XIXe siècle, se penche sur le sort des Indiens d'Amérique et des Aborigènes d'Australie et propose une contribution sur les nuits de la Saint-Barthélemy (du 23 au 29 août 1572).

L'objectif est de donner naissance à "un service public universel" sur la violence meurtrière, gratuit, en anglais, puis traduit dans les langues concernées par les violences évoquées, en évitant "toute instrumentalisation politique ou communautaire". Le seul rôle "moral" que M. Semelin consent à évoquer est celui de "l'historien pacificateur des mémoires". "Et puis, je pense aux intellectuels, confie-t-il, qui continuent à légitimer les crimes de masse."

L'Encyclopédie, en refusant les carcans politiques et juridiques, en accueillant sans distinction tout type de massacre, en affrontant les faits, pourrait s'avérer un outil innovant contre tous les négationnismes.


www.massviolence.org

Rémy Ourdan
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