Georges-Henri HALPHEN,
un mathématicien méconnu né à Rouen

Texte proposé par G. GRANCHER et J.-M. STRELCYN

G.-H. Halphen est né le 30 octobre 1844 à Rouen. Il quittera Rouen à l'âge de 4 ans à la mort de son père, négociant en tissus. Halphen épousa en 1872 Rose Marguerite Aron dont il eut quatre garçons et quatre filles. Il meurt le 23 mai 1889 à Versailles.
Trois de ses fils furent militaires, deux moururent au cours de la Grande Guerre. Charles Halphen (1885-1915), fils de Georges, fut vice-secrétaire de la SMF. Étienne Halphen (1911-1954), l'un des petits-fils de Georges, est l'auteur d'importants travaux de statistique appliquée. Aucun des descendants actuellement vivants de G.-H. Halphen ne porte le nom de son aïeul.
Le mathématicien G.-H. Halphen reste inconnu du grand public. A Rouen comme ailleurs, aucun établissement scolaire et aucune rue ne porte son nom.

Voici quelques dates marquantes de sa vie :

  • 1862 à 1866 - Études à l'École Polytechnique, il en sort avec le grade de sous-lieutenant élève d'artillerie,
  • 1869 - Publication de son premier travail mathématique,
  • 1870 - Chevalier de la Légion d'honneur pour sa conduite brillante à la bataille de Pont-Noyelles.
  • 1871 - Participation à la lutte contre la Commune de Paris et au second siège de Paris.
  • 1873 - Répétiteur à l'École Polytechnique,
  • 1878 - Doctorat de la faculté des Sciences avec pour sujet « les invariants différentiels ».
  • 1880 - Prix Steiner (partagé avec Max Noether) de l'Académie des Sciences de Berlin.
  • 1881 - Grand Prix des Sciences Mathématiques de l'Académie des Sciences de Paris pour son mémoire sur la réduction des équations linéaires aux formes intégrables.
  • 1883 - Prix Poncelet de l'Académie des Sciences,
  • 1884 - Chef d'escadron.
  • 1885 - Prix d'Ormoy
  • 1885 - Membre de l'Académie des Sciences de Liège
  • 15 mars 1886 - Élection à l'Académie des Sciences de Paris (par 49 voix sur 51 votants).
  • octobre 1886 - Commandant des batteries au 11e régiment de Versailles.
  • 1887 - Membre de l'Académie Royale de lincei de Rome
  • 1889 - Membre de l'Académie des Sciences de Copenhague

Ses travaux concernent avant tout la géométrie algébrique et les problèmes algébriques qui se posent dans la théorie des équations différentielles ordinaires. Il a aussi contribué à d'autres domaines des mathématiques comme les fonctions elliptiques, la théorie des nombres et la mécanique.
Ses oeuvres en quatre volumes ont été éditées par Camille Jordan, Henri Poincaré, Émile Picard avec la collaboration de Ernest Vessiot. De plus, il est l'auteur d'un monumental traité non achevé des fonctions elliptiques en trois volumes. Rappelons qu'il n'a vécu que 45 ans et fut d'abord un militaire ! nous ne résistons pas au plaisir de raconter une anecdocte qui illustre bien sa difficulté de mener deux carrières de front :
    Après son élection à l'Académie, il demanda à l'institution militaire de bénéficier d'un poste près de Paris afin de participer aux séances hebdomadaires. Il lui fut rétorqué :
    « C'est trop facile, tout le monde n'a qu'à être membre de l'Académie des sciences ! »

Il n'est pas facile d'expliquer la nature des principaux sujets dont s'occupait Halphen. La raison en est que ses préoccupations mathématiques se trouvent actuellement complètement en dehors des cursus standards d'études mathématiques. Pourtant une bonne partie de ses travaux restent toujours d'une actualité étonnante et plus d'un siècle après sa mort aussi bien son nom que ses travaux sont régulièrement cités dans la littérature mathématique. Avec le récent regain d'intérêt pour les « mathématiques effectives », ses travaux sur la « géométrie énumérative » et l'intégrabilité des équations différentielles revivent une seconde jeunesse.

Précisons quelques sujets mathématiques dont Halphen s'occupait. Ce choix est largement arbitraire et très fragmentaire.
  • Le premier travail mathématique de Halphen concerna les coniques.
    Une conique est définie par cinq conditions. Si donc on considère le système de coniques assujetties à quatre conditions seulement, leur équation générale ne contiendra plus qu'un seul paramètre arbitraire. Il importe de savoir combien un tel système contient de coniques qui satisfont à une cinquième condition. Par exemple par quatre points du plan, on peut mener deux coniques tangentes à une droite donnée, dès que cette droite ne contient aucun des quatre points. Cela n'est plus vrai, si elle contient un de ces points. Plusieurs mathématiciens illustres de l'époque, par exemple Chasles en France et Clebsch en Allemagne ont cherché sans succès à répondre à la question générale formulée ci-dessus. Finalement Halphen a su donner une réponse complète, qui de plus se généralise facilement aussi bien aux courbes algébriques planes ou gauches de degré supérieur qu'aux surfaces algébriques.
  • Étude des points singuliers des courbes algébriques.
  • Étude de courbes algébriques gauches.
    Ces travaux lui valurent le Prix Steiner de l'Académie des Sciences de Berlin.
  • Études en géométrie différentielle projective et introduction des invariants différentiels du groupe projectif.
    Il s'agit du tout premier travail de ce domaine.
  • Études de la nature algébrique des solutions des systèmes polynomiaux d'équations différentielles.
    Par exemple l'étude de la nature des solutions du système dit de "Halphen", ou parfois aussi de "Darboux Brioschi-Halphen":
    d/dt (x1)= x2x3 - x1(x2 + x3)
    d/dt (x2)= x3x1 - x2(x3 + x1)
    d/dt (x3)= x1x2 - x3(x1+ x2)
    Halphen l'a introduit en 1881, ainsi que ses généralisations. Notons que ces dernières années ce système est apparu en physique et il a été étudié récemment par plusieurs physiciens-théoriciens ou mathématiciens.

Les personnes désireuses d'en savoir plus sur ce mathématicien hors pair et ses travaux peuvent consulter ses oeuvres. Chaque volume est précédé de notes nécrologiques écrites par les plus grands mathématiciens de l'époque : E. Picard, H. Poincaré, Ch. Hermite. Nous renvoyons à la lecture de ces notes, dont la plus ample est celle de Poincaré qui ne comporte pas moins de 27 pages, ce qui atteste des qualités mathématiques exceptionnelles de Halphen ! Le premier volume contient aussi la notice de 47 pages rédigée par G.-H. Halphen lui-même à l'occasion de sa candidature à l'Académie des Sciences et dont on ne peut que conseiller la lecture.

RÉFÉRENCES

Une grande partie de l'oeuvre de G.H. Halphen a été numérisée par la Bibliothèque Nationale de France et est accessible sur le serveur de la BNF (http://gallica.bnf.fr). On pourra également se référer à http://www-groups.dcs.st-and.ac.uk/history/Mathematicians/Halphen.html.

  • G.H. HALPHEN - OEUVRES, édité par Gauthier-Villars, Paris ;
    tome 1: 1916, XLIV-570 p.
    tome 2: 1918, VII-560 p. tome 3: 1921, XII-518 p.
    tome 3: 1921, XII-518 p.
    tome 4: 1924, XV-657 p.
  • G.H. HALPHEN Traité des fonctions elliptiques et de leurs applications ; publié par les soins de la section de géométrie de l'Académie des Sciences.
    1e partie : 1886, VII-492 p. (Théorie des fonctions elliptiques et de leur développement en séries.)
    2e partie : 1888, IV-659 p. (Applications à la mécanique, à la physique, à la géodésie, à la géométrie et au calcul intégral.)
    3e partie : 1891, XVI-272 p. (Quelques applications à l'algèbre et en particulier à l'équation du 5e degré. Quelques applications à la théorie des nombres. Questions diverses.)

REMERCIEMENTS

Nous remercions Bernard Lyon-Caen et Élisabeth Rosenberg, respectivement petit-fils et arrière petite-fille de G.H. Halphen, des précieux renseignements qu'ils nous ont fournis.