L’affabulation d’Onfray

20/04/2010 | 12H30

Devenu le philosophe adulé des médias, Michel Onfray s’égare dans ses attaques contre Freud.

La publication, ce 21 avril, de l’essai au vitriol contre Freud écrit par Michel Onfray est digne du lancement d’un produit culturel mainstream. Pour au moins deux raisons, il forme un symptôme inquiétant du paysage médiatique et intellectuel.

 

En obtenant le privilège de squatter les unes de journaux (Libération) ou magazines (Le Nouvel Observateur, Le Point…), Le Crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne (Grasset) marque le sacre médiatique d’un philosophe opportuniste, en même temps qu’il édifie un tombeau vain à l’inventeur de la psychanalyse.

 

En allant chercher des noises à Sigmund Freud, Michel Onfray rejoue une partition qu’il connaît bien : celle du philosophe dit subversif, qui s’attaque à tous les tabous – Dieu, les peines-à-jouir, les tièdes, les freudiens… Onfray s’est mis dans la peau du porte-voix des athées, des sans-grade, des jouisseurs, des libertaires, des nietzschéens éternels, de tous ceux qui proclament leur dégoût des institutions et des idées reçues. Son Anti-manuel de philosophie, ses théories sur l’hédonisme, l’art de jouir, l’art d’aimer en ont fait le penseur français le plus écouté des médias, parce que ses provocations attisent la curiosité des foules.

 

Ses succès ne l’empêchent pas d’assumer la posture du solitaire absolu, rejeté de tous, surtout de la communauté universitaire contre laquelle il a créé son Université populaire de Caen, sa base de repli où se construit sa pensée prolifique (il publie en moyenne deux à trois livres par an depuis le début des années 1990 !).

 

A la périphérie du “système”, il s’y plie en réalité mieux que personne. Même BHL vend désormais moins de livres que lui. Son Traité d’athéologie, publié en 2005, a été vendu à 500 000 exemplaires ! Son attaque contre Freud devrait à nouveau servir ses intérêts, tant elle s’inscrit dans l’air du temps.

 

Onfray ne prend guère de risques à dire du mal des psys : sa voix se fait simplement l’écho d’une rumeur persistante. A l’heure des théories comportementalistes, des traitements médicamenteux de la folie, de l’isolement sécuritaire, on ne sait plus que faire de la maladie mentale. La psychanalyse, ce long travail sur la psyché, s’adapte de moins en moins à la demande sociale.

 

Conformiste absolu, Onfray néglige dans sa charge aveugle la réalité des millions de personnes souffrant en France de maladies mentales, et méprise le travail de soignants confrontés au manque de moyens.

 

Par-delà ses stupides coups de griffes biographiques et conceptuels contre le théoricien de l’inconscient, Onfray refoule l’une de ses obsessions : le bien commun. A l’heure où se prépare une réforme liberticide sur l’internement psychiatrique, dénoncée par de nombreux collectifs de psychiatres, le pamphlet d’Onfray n’est que la marque de sa propre affabulation. Le comble pour un philosophe…

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13:45 20/04/2010
Vous faites un amalgame simpliste entre psychiatrie et psychanalyse pour vouer aux gémonies dans un article lapidaire le travail d'un philosophe auquel vous reprochez en gros de vendre et d'être populaire.
Je ne saisis pas l'intérêt de cette diatribe.
14:04 20/04/2010
bonjour Mr Durand,

votre critique de l'essai de Michel Onfray est inquiètante. En effet les arguments avancés par vous sont essentiellement basés sur la forme et sur le principe même de la critique. Vous ajoutez que celle-ci est facile quand on s'attaque aux "psys", votre article démontre le contraire et le travail de FOND ( relecture des correspondances et de l'intégralité des écrits de S.Freud ) réalisé par M.Onfray a pris plus de temps que l'élaboration de votre "affabulation d'Onfray".
Relisez Onfray ( ça vous fera plus de bien que BHL ) et surtout relisez Freud pour vous faire une idée plus aboutie et un jugement plus argumenté. Pour remettre en cause l'essai d'un philosophe ( qui ici a pour seul but de nous faire réfléchir sur le "mythe" de Freud et c'est son rôle ) il faut réaliser une démonstration qui s'appuie sur les propos de l'auteur et non pas sur le simple fait de sortir un livre critique sur Freud.
Ce n'est d'ailleurs que mon opinion...
Salutations
14:12 20/04/2010
franchement aux inrocks, contentez vous de commenter la sortie du CD d'Alizée, parce que là Onfray vous passez à côté complet, y'a trop à réfléchir peut être...
Onfray a fait un vrai boulot de déconstruction argumentée, la moindre des choses si on veut faire une Critique c'est d'en faire de même, et pas du vite fait genre "c'est VIP, c'est naze".
que vous soyez pas d'accord avec lui, pas de souci, mais le faites pas passer pour ce qu'il n'est pas, et surtout en matière d'opportunisme les inrocks faudrait pas trop la ramener...
à bon entendeur...
14:24 20/04/2010
Entièrement d'accord avec les commentaires précédents.
Article sommaire de 8 paragraphes, un argumentaire sur le livre de 3 seulement...
Sur le net, vous avez de la place non? Alors profitez-en!

Parce que là, franchement,investigations et arguments sont tristement limités... A part le petit effet d'annonce made in Inrock, il doit bien rigoler Onfray. Dommmage !
14:42 20/04/2010
Après Roudinesco qui pète les plombs dans Le Monde voila Durand qui s'égare dans Les Inrocks avec un article qui tape complétement à coté.
Comme s'il ne pouvait exister d'autres moyens que la psychanalyse pour soigner les maladies mentales . Comme si critiquer la psychanalyse signifiait que l'on était contre la psychiatrie et contre les soins apportés aux personnes souffrant de maladie mentales. Bonjour le sophisme !

Je n'ai pas encore lu une réponses intelligente et un poil argumenté aux critiques d'Onfray (critiques dont je ne sais trop quoi penser)

Mais rien de nouveau sur le soleil, on assiste exactement au mêmes réflexes pavlovien des apôtres de Freud que lors de la sortie du Livres noir de la psychanalystes.
On dirait une secte qui ne supporte aucune contestation.
14:46 20/04/2010
oui, effectivement l'article ci-dessus manque de rigueur et surtout illustre le manque de connaissance de son auteur sur le sujet.
Bien que en effet il peut sembler que l'heritage de Freud s'attenue dans notre societe, et que son travail puisse parfois "manquer" de rigueur, cela n'enleve en rien l'immensitee de son travail et l'impacte qu'il a put avoir sur note societe. En ce qui concerne le travail de Onfray, tout critique si elle bonne peut etre constructive, et le travail de Freud bien que delaver par les discussions et les critiques et a la fois tellement complexe et vaste qu'il sans doute se permettre d'accomoder une autre critique.
15:20 20/04/2010

il a vendu + de 500 000 exemplaires ... c'est bien la preuve qu'il est opportuniste, nul etc ...

venant d'un journal qui avec son "CQFD" a pour dans son jury nouvelle venue Valli (entendu sur France Inter du genre goût de c... on ne fait pas mieux !) sponsorisé par Mac Do

à quand un article de Patrick SEBASTIEN sponsorisé par COCHONOU au moins on comprendrait la nullité d'un papier

PS : je ne suis pas une fan inconditionnelle de Michel ONFRAY
15:30 20/04/2010
Dans le genre conformiste absolu, Durand se pose là, tant est constante sa soumission à la pensée majoritaire, avec toujours ce qu'il faut de sectarisme et de malhonnêteté intellectuelle. A propos de charlatanisme, à quand un article sur les délires chamaniques de David Lynch ?
16:13 20/04/2010
La critique n'est peut-être pas assez argumentée, mais le constat est on ne peut plus vrai.
Michel Onfray est une honte de plus pour la France, sa sous université populaire privée est calamiteuse.
Comment des gens peuvent-ils défendre ce type qui est à la philosophie ce que Marc Levy est à la littérature...
16:32 20/04/2010
“Onfray, l’histoire et l’extrême-droite”…

Dans la polémique entre Elisabeth Roudinesco et Michel Onfray, Guillaume Mazeau, maître de conférences à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne fait parvenir à Mediapart ce texte.

«Avant même sa parution, le dernier brûlot écrit par Michel Onfray contre Freud (Le crépuscule d’une idole, Grasset), fait déjà l’objet d’un violent débat. Beaucoup de bruit pour rien? L’historienne de la psychanalyse Elisabeth Roudinesco n’exagère-t-elle pas en décrivant Onfray comme un usurpateur qui réhabilite les thèses de l’extrême droite? Bien au contraire.
Les dérives de l’intellectuel médiatique ne sont pas nouvelles et méritent d’être portées à la connaissance du public. En 2009, Michel Onfray a publié une apologie de Charlotte Corday (La religion du poignard. Eloge de Charlotte Corday, Galilée). Sortie dans une relative indifférence mais plutôt bien accueillie par les médias, cette histoire est pourtant historiquement médiocre et politiquement scandaleuse. Dans ce brûlot truffé d’erreurs énormes, Onfray veut montrer que Charlotte Corday peut aujourd’hui inspirer ceux qui lassés d’une gauche impuissante et rongée par les luttes fratricides, restent fidèles à l’action et à la vertu. Marat, censé personnifier cette gauche dévoyée, est stigmatisé comme un charlatan, un fou et un dictateur… clichés colportés par l’extrême droite depuis deux siècles. En les reprenant, Onfray ignore superbement les dizaines de travaux scientifiques publiés depuis une quarantaine d’années et qui ont contredit cette image. Presque à chaque page, le lecteur se voit infliger les citations les plus haineuses, inventées de toutes pièces. Ainsi, Marat n’a évidemment jamais dit «je voudrais que tout le genre humain fût dans une bombe à laquelle je mettrai le feu pour la faire sauter» (p. 27)… Non, les élites politiques de la Révolution n’étaient pas toutes corrompues. Non, les sans-culottes ne peuvent pas être décrits comme des cannibales ni comme des sauvages. Comment Onfray peut-il réduire la Terreur à une immense giclée de sang due à des meurtriers en série comme Marat ou Sade (chap. 9)? Surtout, jamais Charlotte Corday n’a été athée ni libertaire, mais une noble défendant une conception conservatrice des rapports sociaux et de la religion! Michel Onfray se rend-il compte que la quasi-totalité de ce qu’il dit provient de Mémoires ou d’écrits apocryphes pour la plupart publiés au 19e siècle par l’historiographie catholique et royaliste?
Mais est-ce un hasard? La Charlotte Corday qu’Onfray cherche à ériger en modèle n’a jamais existé… sauf sous la plume des déclinistes proches de la droite fascisante qui comme Onfray aujourd’hui, suggéraient qu’il était possible de sortir de la crise des années 1930 à coups d’antiparlementarisme et d’appels à la violence. Lorsqu’elles sont commises par un des auteurs les plus médiatiques et les plus aimés du grand public, ces révisions de l’histoire et ces dérives idéologiques sont susceptibles d’être dangereuses. Elles doivent donc être dénoncées avec la plus grande fermeté.»

Guillaume Mazeau, maître de conférences à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne,
Institut d’Histoire de la Révolution française et membre du CVUH.
Auteur du Bain de l’Histoire. Charlotte Corday et l’attentat contre Marat (1793-2009), Seyssel, CHazmp Vallon, 2009.

http://www.mediapart.fr/club/edition/les-invites-de-mediapart/article/180410/onfray-l-histoire-et-l-extreme-droite?page=1