Le temps joue souvent contre eux. Parce qu’il est au-dessus d’eux. Les politiques ont souvent pensé qu’il suffisait de durer au pouvoir pour avoir d’emprise sur le temps. Le pouvoir du temps finit toujours par avoir raison du temps passé au pouvoir. Le président tunisien Ben Ali, parce qu’il a exercé 23 ans durant, un pouvoir sans partage sur le peuple tunisien, avait fini par se voir immuable. Indéboulonnable. Irremplaçable. Et c’est le piège qui guette tous les dictateurs. Qui au fil du temps, rêvent d’une éternité au pouvoir. Tout ce qui dure n’est pas éternel. Encore une fois, la volonté de changement radical du peuple tunisien montre combien, seuls les peuples, après Dieu, sont les maîtres de leur propre destin. Et ceux à qui les peuples confient le pouvoir, ne sont que leurs sujets. D’une colère patiente, un peuple qu’on croit bâillonner, vient toujours à bout de ses oppresseurs. La colère du peuple est la colère de Dieu. En scandant « pain, liberté, dignité, démocratie ! », ces manifestants des semaines durant, ont battu ou battent encore le pavé sous les balles assassines de chancelantes dictatures aux abois, pour changer le cours de leur histoire. Après les tunisiens, le peuple égyptien programme le départ certain du Président Hosni Moubarak. 30 ans au pouvoir et une boulimie de puissance intacte ! Le vieux dictateur utilise la force pour se maintenir. Il n’entretient que l’illusion d’être encore au contrôle des choses de l’Etat… L’exemple tunisien a si bien montré que : « la violence sous quelque forme qu’elle se manifeste, est un échec » a écrit Jean-Paul Sartre, dans « Situations II ». Il y a donc du bon dans cette vague de révoltes arabes qui balaient le nord de l’Afrique : ces soulèvements ne sont portés par aucune idéologie. En cela, ce ne sont pas des révolutions. Pour changer d’avenir, Tunisiens et Egyptiens, n’ont eu besoin d’aucun soutien de l’étranger. Au point où, leur détermination embarrasse plutôt, un monde occidental qu’ils renvoient à la fatale ambigüité de sa politique étrangère. De ce fait, ils n’ont eu besoin de recourir à aucune voix extérieure pour parler en leur nom. Leurs souffrances, leur mal-être parlent déjà si bien pour eux. Ainsi, le choix de celui qui les conduira, sera ce qu’ils décideront. Eux-mêmes. En toute légitimité. En toute légalité. Quand un peuple qui a souffert décide de tourner radicalement la page, il le fait sans sourciller. Parce que pour lui, en cet instant précis de son initiative libératrice, « le présent n’est pas un passé en puissance, il est le moment du choix et de l’action », a si bien écrit Simone de Beauvoir, dans « Pour une morale de l’ambigüité ».