PANDA.

Cet animal est originaire des Indes orientales, mais nous ignorons quelle est la partie de ces contrées à laquelle il appartient plus particulièrement; ses dépouilles et un trait général de ses formes nous ont été envoyés par A. Duvaucel. C'est une des dernières découvertes qu'il ait faites avant de succomber à l'inclémence du climat et l'excès de ses fatigues; et cette découverte n'est pas une des moindres que lui doit la zoologie. La nature semble avoir été d'autant plus prodigue de modifications dans les organes que les êtres comportaient une organisation plus simple. Ce sont les dernières classes du règnes animal qui sont le plus riches, et dont le type général est le plus varié, et c'est la première, celle des Mammifères, qui, a cet égard, est la plus pauvre. Aussi tous les Mammifères nouveaux qu'on découvre se rapportent, en très-grande partie, aux types génériques déjà connus; il est très-rare qu'un type nouveau de cette nature se présente, et sa découverte est toujours importante pour la science, par les nouveaux rapports qui en résultant, et surtout parce que non idées générales, qui fait qui ne peuvent être que les consequences des fait qui nous sont connus, se rectifient et s'étendent toutes les fois que des faits nouveaux viennent s'ajouter aux anciens.


Le Panda est un de ces types dont aucun Mammifère ne nous offrait encore l'exemple. Nous n'avons pas une connaissance entière de son organisation, nous ne possédons même que sa peau, ses pattes et les parties antérieures de ses mâchoires; mais ces parties, et surtout les dernières, suffisent pour nous faire voir que cette espèce ne s'éloigne pas moins des autres par ses caractères génériques que par ses caractères spécifiques. Ses incisives et ses canines, aux deux mâchoires présentent les caractères propres aux carnassiers; les premières sont au nombre de six à chaque mâchoires, et les secondes au nombre de deux. Les incisives supérieures et inférieures paraissent avoir été lobées dans leur jenue âge aux traces qui leur restent. Les canines supérieures ne sont point arquées, comme chez le Chats, les Martes, les Chiens; elle sont presque droites, et, sous ce rapport, ressemblent à celles des Ratons; elles sont tranchantes postérieurement et marquées de deux rainures longitudinales sur chacune de leur face. Les mâchelières qui restent à la mâchoire supérieure sont au nombre de trois. La première, qui touche presque la canine, est une fausse molaire normale; immédiatement après vient une molaire véritable: à sa face externe elle a trois tubercules placés sur la même ligne dans le sens longitudinal des mâchoires, et qui ne sont séparés que par une légères dépression; le tubercule moyen est le plus grand; à sa face interne elle n'a que deux tubercules très-distincts l'un de l'autre et beaucoup moins élevés que les premiers, et le postérieur est plus grande que l'antérieur. La troisième de ces dents est une seconde vraie molaire, plus grande que la précédente, et qui n'en diffère qu'en ce que ses deux tubercules internes sont d'égale grandeur, et qu'il s'en est développé un troisième à leur base.


A la mâchoire inférieure, la première mâchelière, tres-peu séparée de la canine, est une fausse molaire normale. La seconde, une vraie molaire composée d'un tubercule antérieur petit, d'un moyen très-grande et beaucoup plus épais sur les faces de la dent que dans son milieu, et enfin d'une crète postérieure plus élevée du côté externe que du côté interne de la mâchoire, et qui présente une portion de cercle.


Lorsque nous comparons ces dents à celles de tous les autres carnassiers, nous sommes conduit à les rapprocher de celles des Ratons. En effet, les Ratons ont les incisives lobées, les canines supérieures en forme de coin, et leur première vraie molaire diffère peu de celle de notre Panda; seulement au lieu du tubercule postérieur interne, c'est l'antérieur qui chez eux est le plus grand; mais, après ces analogies assez directes, nous n'en trouvons plus que d'eloignées. Ainsi les Ratons ont trois fausses molaires au lieu que le Panda n'en a qu'une, ce qui rapproche singulièrement, chez de dernier, les vraies molaires de l'extrémité antérieure des mâchoires; ensuite la troisieme mâchelière de cet animal, qui correspond a la cinquième du Raton, a une autre structure que celle-ci; et ses tubercules, bien séparés et biens aigus, rappellent ceux des vraies molaires d'insectivores, tandis que l'analogue des Ratons rappelle plutôt les tubercules obtus des Ours.


Si nous descendons à la mâchoires inférieure, nous travons des différences analogues; il n'y a également qu'une fausse molaire au lieu de trois, et pour retrouver dans les vraies molaires celles du Raton, il faudrait diviser par la pensée le tubercole moyen, en prolongeant les échancrures qui le rendent plus mince à sa partie centrale que sur les faces de la dent, et partager en deux la crète postérieure pour en former deux tubercules, ce que les analogies conduiraient peut-être à faire; mais nous sommes ici sur ces modifications qui, d'un type commun, produisent ces systèmes si divers de dentition qui caractérisent les différens genres de canassiers. Par la mutilation des mâchoires du Panda nous n'avons point eu le nombre absolu de ses mâchelières; mais nous pouvons le conclure par analogie des autres carnassiers : il n'est pas un seul de ces animaux qui ait au-delà de trois vrais molaires; tout nous conduit donc à penser qu'il n'en manque qu'une seule à la mâchoire supérieure du Panda; et comme les vraies molaires supérieures sont toujours en harmonie avec les inférieures, il est à présumer qu'il n'en manque également qu'une a l'inférieure de notre animal. Il y a plus, outre les deux vraies molaires de ce Panda, la portion du maxillaire infériure qui les contient, contient aussi des restes de racines qui nous montrent que cette troisième molaire était une très-grande dent, et par conséquent que celle qui lui correspondait supérieurement était également fort grande; et ces dents ne différaient sans doute que par leur grandeur de celles qui les précédaient immédiatement; car c'est encore un fait général que les vraies molaires tuberculeuses postérieureres de chaque mâchoire sont toujours formées sur le même modèle. Il suit encore de là que nous pouvons conclure la grandeur du museau du Panda; et, sout ce rapport, il diffère singulièrement de tous les autres carnassiers dont il se rapproche intimement d'ailleurs. La partie antérieure de sa tête ne doit pas être plus saillante que celle du Chat. En effet, c'est ce que nous confirme la figure de cet animal. Il est entièrement plantigrade, chaque pied a conq doigts de grandeur normale, qui sont armés d'ongles à demi rétractiles, comme les Martes et les Genettes, et la plante des pieds est entièrement couverte de poils, circonstances qui éloignent encore le Panda des Ratons.


Nous ne pouvons rien dire de ses organes des sens, n'ayant point eu l'animal vivant, et M. A. Duvaucel ne nous les ayant pas fait connaître.


Le pelage se compose d'une fourrure très-épaisse, fort remarquable par les couleurs.


La tête est blanche, excepté le mufle, qui est noir; le front, où se voient quelques poils favues; les joues, où est une tache brune, et le dessous de la mâchoire inférieure qui est noire; les oreilles sont aussi blanches. La partie postérieure de la tête, le cou et les épaules sont d'un roux très-brilliant; le reste du corps jusqu'à l'origine de la queue, est d'un fauve qui prend une teinte brune sur le derrière et le bas de la cuisse; les membres le dessous du cou, la poitrine et la ventre sont noirs. On voit, sur les pattes de devant, antérieurement une tache brune, et tous les doigts sont garnis de quelques poils fauves. La queue est couverte de cinq à six anneaux fauves et bruns, et son extrémité est brune.


La taille et les proportions de cet animal sont celle d'un grand Chat domestique.


De ce qui précède, nous pouvons regarder le Panda comme un nouveau lien entre la famille des Civettes et celle des Ours; il se rapproche plus des Ratons par les dents que ne le sont les Ictides; et il tient à ces derniers par sa marche plantigrade. D'un autre côté, ses ongles demi rétractiles le ramènent aux Genettes, dont il s'éloigne cependant beaucoup par la brièveté de son museau et les formes générales de sa tête. C'est que, tout en s'unissant aux Ratons, il forme un embranchement nouveau dont l'étendue et les dernières limites restent encore à découvrir.


Je proposerai pour nom générique de ce Panda celui d'Ailurus, à cause de sa ressemblance extérieure avec le Chat, et pour nom spécifique celui de Fulgens, à cause du brilliant de ses couleurs.


Juin 1825