Jean-Michel Cornu , le 06 Juillet 2009 dans Nos actions

La ville de la biologie synthétique est une carte conceptuelle qui donne à voir l’ensemble des dimensions et enjeux de la biologie synthétique sur un même espace.
Réalisée par Jean-Michel Cornu, Directeur scientifique de la Fondation Internet Nouvelle Génération, elle restitue les arguments et questionnements des cinq séances de débat organisées par VivAgora de mars à novembre 2009 (Pour zoomer sur une zone cliquez dessus. Pour dé-zoomer appuyer sur la barre d’espace). Bonne visite !

 

Comment les découvertes en sciences cognitives peuvent nous aider à débattre ensemble

Jean-Michel Cornu, directeur scientifique de la Fondation Internet Nouvelle Génération - 6 juillet 2009

 

Lorsque nous participons à un débat, nous avons du mal à conserver à l’esprit les différents points de vue parfois contradictoires. Les travaux des sciences cognitives nous apprennent même que nous ne pouvons en mémoriser qu’au mieux entre cinq et neuf (et au pire... un ou deux...). Nous devons donc sélectionner ceux qui nous semblent les plus en accord avec ce que nous pensons déjà ou bien ceux qui sont présentés avec le plus de force ou de brio. Pourtant, si nous pouvions conserver à l’esprit toute la richesse des débats, nous pourrions en tirer des idées nouvelles en croisant des concepts et des points de vue exprimés lors des différentes séances.

 

Bien sûr, nous pouvons prendre des notes et ainsi déposer notre mémoire sur le papier, mais en relisant ces notes linéairement nous avons déjà oublié un bon nombre des idées exprimées au début lorsque nous arrivons à la fin. Mieux, nous pourrions classer les idées sous la forme d’un schéma heuristique (mind mapping) et même l’afficher sur un grand écran pendant les séances pour conserver ces éléments à l’esprit. Cette approche est particulièrement performante, mais une fois le vidéoprojecteur arrêté et la séance terminée, nous ne pouvons plus garder à l’esprit qu’une petite partie du schéma... Nous nous arrêtons de penser.

 

La solution vient à la fois des travaux les plus récents des sciences cognitives et de l’ancien "art de la mémoire" qui fut utilisé depuis les grecs jusqu’à la Renaissance : en plaçant les idées non plus au hasard mais sur le plan d’un lieu que nous connaissons et conservons dans notre mémoire à long terme, nous sommes capable de nous y promener mentalement pour relier les idées placées aux quatre coins. Les moines du Moyen Age utilisaient ainsi les statues, chapiteaux et vitraux des cathédrales pour y associer les idées sur lesquels ils voulaient réfléchir. Cette technique a longtemps été considérée comme un simple moyen mnémotechnique. Bien mieux, elle nous permet de "conserver à l’esprit" plusieurs centaines d’idées pour les traiter et les relier entre elles, au lieu des cinq à neuf auxquelles la physiologie de notre cerveau nous limite. On considère aujourd’hui qu’il s’agit d’un véritable "art de penser".

Aujourd’hui, nous ne connaissons plus aussi bien les cathédrales. Nous n’avons plus de territoires commun. Pour en recréer de nouveaux qui nous permettent de penser ensemble, nous pouvons utiliser notre capacité à mémoriser facilement un lieu ou nous nous promenons : une maison, une ville ou un territoire.

Pendant les différentes sessions du débat public sur la biologie synthétique organisé par Vivagora, nous avons placé les différents points de vue et idées sur la carte d’une ville créée pour l’occasion :

 

Découvrez le quartier de l’école qui reprend les concepts de base exprimés par les différents participants :

• l’avenue des 4 étapes qui donnent sur la rue de l’idée, celle du design, celle du composant et enfin celle de la fabrication
• l’avenue de l’évolution qui relie les places d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
• depuis ce quartier on peut rejoindre "NBIC airport" qui relie la ville de la biologie synthétique aux nanos, bios, infos et cognition...

Circulez dans le quartier des acteurs qui s’articule autour d’un grand boulevard qui relie:

• la Mairie située rues des institutions (proche de celle des politiques publiques),
• le quartier des affaires, rue des industriels (et celles plus spécifiques des BioSynthTechs et des 4 genes Foundries),
• la rue des ONGs,
• la rue des citoyens (près de la rue Monsieur tout le monde et de la rue des étudiants où se trouve l’Université),
• et également le quartier louche de la... rue du bioterrorisme.

Le quartier des applications s’étend autour d’une grande place de la quelle partent quatre grandes avenues : celles des nouveaux matériaux, des systèmes, de l’information et de la bionomie. De multiples rues renferment des applications autour de ces quatre grands types :

• Pour aller à l’hôpital, rue de la médecine, vous pouvez prendre soit l’avenue des nouveaux matériaux, soit celle des systèmes.
• Si vous êtes courageux, prenez la rue de la menace, elle vous conduira au quartier des acteurs par la rue du bioterrorisme...

Quant aux quartier des enjeux, il renferme trois places :

• La place des enjeux cognitifs, reliée à la place de l’école et à la rue du "qui êtes vous ?"
• La place des enjeux économiques, d’où partent la rue des budgets, la rue des coûts et la rue de la concentration 
• La place des enjeux sociétaux est reliée à la précédente par la rue de la gouvernance économique mais débouche aussi sur la rue de la gouvernance des risques et celle du "qui va contrôler ?"

Prenez un peu de temps pour vous promener sur le plan de la ville, vous croiserez des maisons qui reprennent ce qui s’est dit dans les différentes sessions. Zoomez , déplacez le plan et chercher à vous orienter pour relier les différents points de la ville entre eux. Progressivement, vous découvrirez que vous conserverez à l’esprit une vue d’ensemble des différents aspects de la biologie synthétique et que vous pourrez imaginer des connexions nouvelles ; des questions oubliées, fruits de la jonction entre deux concepts non encore reliés entre eux...

 

Bien sûr, le plan proposé n’est qu’un de ceux possible. De la même façon qu’une langue formate nos esprits mais est indispensable pour construire un discours ; un plan symbolique est indispensable pour penser un thème dans toute sa richesse mais il serait encore mieux d’être multilingues... ou plutôt dans ce cas "multiplans". En attendant d’être prêt à créer votre propre plan, profitez de celui-ci et découvrez comment les sciences cognitives et l’art de la mémoire peuvent nous aider à développer ensemble le débat public.