Les partisans de la légalisation du cannabis aux Etats-Unis ont désormais un allié de choix. Depuis le week-end dernier, le New York Times s’est engagé dans une campagne spectaculaire pour mettre fin à l’interdiction fédérale touchant la consommation de la marijuana. Mardi, dans un nouvel éditorial, le quotidien dénonce «l’injustice des arrestations liées à la marijuana». «La guerre contre la drogue menée depuis quarante ans par l’Amérique a fait de nombreuses victimes, mais la pénalisation du cannabis a peut-être été ce qui a fait le plus de dégâts», assure le New York Times. «Le coût se mesure en milliards de dollars qui sont gâchés chaque année pour appliquer des lois inutiles. Il se mesure aussi en années gâchées derrière des barreaux.»

C’est dimanche que la «Vieille Dame grise», comme on l’appelle aux Etats-Unis, a décidé de faire son coming-out en faveur de la légalisation. Dans un premier éditorial – le journal va en publier six au total —, le New York Times comparait la pénalisation du cannabis à la prohibition des années 20 et 30, quand le gouvernement américain avait interdit la vente d’alcool:«Il a fallu treize ans aux Etats-Unis pour reprendre leurs esprits et mettre fin à la prohibition, treize ans durant lesquels les gens ont continué à boire, ce qui a fait que des citoyens respectueux de la loi sont devenus des criminels […]. Il y a plus de quarante ans, le Congrès a adopté l’interdiction actuelle du cannabis, infligeant alors un véritable préjudice à la société pour interdire un produit beaucoup moins dangereux que l’alcool. Le gouvernement fédéral devrait dépénaliser le cannabis.» Et le comité éditorial du quotidien de conclure que chaque Etat américain devrait être à même de décider de la politique à adopter.

«Une décision historique qui aura des conséquences historiques»

Si le New York Times est un quotidien dit «libéral» (de gauche aux Etats-Unis), sa position n’en a pas moins surpris. Jamais auparavant un journal national d’une telle envergure n’a pris une telle initiative. «C’est une décision historique qui aura des conséquences historiques», a jugé Ethan Nadelmann, le directeur de la Drug Policy Alliance, «cela démontre du courage et une véritable honnêteté intellectuelle».

Dans une séance de questions-réponses sur la page page Facebook du New York Times, Andrew Rosenthal, l’un des rédacteurs en chef responsable de la page consacrée aux éditoriaux, a justifié la décision du journal en arguant que l’opinion publique américaine avait évolué sur le sujet. Il a précisé que la direction du quotidien avait pris le soin de prendre en compte tous les aspects de la question, notamment médicaux. Selon l’un des derniers sondages Gallup, 54% des Américains sont désormais favorables à la légalisation, contre 41% en 2010. Surtout, 23 Etats américains ont décidé désormais de légaliser le cannabis pour usage médical. Le Colorado et l’Etat de Washington ont même légalisé la consommation à usage récréatif.

Barack Obama lui-même avait déclaré en janvier dernier que «fumer du cannabis n’était pas plus dangereux que consommer de l’alcool». Mais jusqu’à présent, le président américain n’a pas officiellement appelé à une dépénalisation totale de la marijuana.

Fabrice ROUSSELOT Correspondant à New York