Constantin Cavafy

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Constantin Cavafy
Κωνσταντίνος Καβάφης
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Cavafy, vers 1900 à Alexandrie

Nom de naissance Konstantinos Petrou Kavafis
Naissance
Alexandrie,
Flag of Egypt (1793-1844).svg Égypte ottomane
Décès (à 70 ans)
Alexandrie,
Drapeau : Égypte Royaume d'Égypte
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture grec moderne

Constantin Cavafy ou Cavafis, connu aussi comme Konstantinos Petrou Kavafis, ou Kavaphes (en grec Κωνσταντίνος Πέτρου Καβάφης), est un poète grec né à Alexandrie en Égypte le 29 avril 1863 et mort dans la même ville le 29 avril 1933.

Très peu connu de son vivant, il est désormais considéré comme une des figures les plus importantes de la littérature du XXe siècle. Il fut fonctionnaire au ministère des travaux publics d'Alexandrie, journaliste, et courtier à la Bourse d'Alexandrie.

Biographie[modifier | modifier le code]

Constantin Cavafy est le dernier des neuf enfants de Petros Kavafis, négociant en import-export de textiles et coton, et de Hariklia Photiadis, fille de diamantaire, tous deux originaires de Constantinople et installés à Alexandrie. Son père décède en 1870 et la famille s'installe alors en Grande-Bretagne, à Liverpool. Ces années passées en Grande-Bretagne le marquent profondément et ses écrits dénotent une grande familiarité avec la tradition poétique anglaise, particulièrement Shakespeare, Browning et Wilde. Sa langue maternelle reste teintée d'une pointe d'accent anglais jusqu'à la fin de ses jours.

La Bourse d'Alexandrie vers 1900.

À la suite de spéculations hasardeuses, la famille se retrouve ruinée et retourne vers 1879 à Alexandrie, puis, anticipant les émeutes de 1882 qui allaient précipiter la guerre Anglo-Égyptienne (en), les Cavafy quittent à nouveau cette ville pour Constantinople. Constantin Cavafy y vit trois ans, dans une certaine précarité ; c'est durant cette période que vraisemblablement il a ses premières relations homosexuelles et qu'il rédige ses premiers vers, en anglais, en français et en grec. Il envisage un temps d'embrasser une carrière politique puis, de retour à Alexandrie en 1885, travaille pour le journal Telegraphos et comme assistant d'un de ses frères à la Bourse d'Alexandrie. Durant cette période, son ambition demeure cependant l'écriture et il poursuit la rédaction de poèmes et d'essais.

En 1892, à 29 ans, il entre au Service de l'Irrigation du ministère des Travaux publics, administration dans laquelle il accomplit toute sa carrière, finissant directeur-adjoint. Également courtier à la Bourse d'Alexandrie à partir de 1894, il mène par la suite une existence confortable en compagnie de sa mère jusqu'au décès de celle-ci, en 1899. En 1922 il se retire et passe le reste de sa vie à Alexandrie, se consacrant exclusivement à son œuvre et se rendant régulièrement en Grèce ; vers 1930, déjà célèbre mais malade, il habite un médiocre hôtel d'Athènes, place Omónia, où il reçoit de jeunes admirateurs ; c'est à Alexandrie qu'il meurt d'un cancer du larynx en 1933[1], le jour même de son 70e anniversaire.

Cavafy a beaucoup voyagé en Angleterre, en France (où il a résidé) et en Grèce. S'il eut une petite notoriété au sein de la communauté grecque d'Alexandrie et quelques amitiés dans les cercles littéraires (il fut en relation pendant plus de vingt ans avec Edward Morgan Forster), pendant longtemps son œuvre resta inconnue du grand public. Quoiqu'il ait rencontré de nombreux hommes de lettres grecs lors de ses nombreux déplacements à Athènes, il n'eut pas de réelle reconnaissance de ses pairs, probablement à cause d'un abord déroutant de sa poésie pour l'époque. Un peu de lumière est portée sur son œuvre par la publication, le 30 novembre 1903, dans la revue Panathinaia (el), de l’article historique de Xenopoulos (en) sur Cavafy, intitulé « Un poète ». Ce n'est que près de vingt ans plus tard, au lendemain de la défaite grecque à l'issue de la guerre gréco-turque, qu'une nouvelle génération de poètes grecs de tendance nihiliste, tels Kostas Karyotákis, puisent leur inspiration dans son œuvre.

Il n'a publié aucun recueil de son vivant, donnant des poèmes à des revues littéraires ou les faisant circuler auprès de quelques amis sous forme de feuillets et de brochures auto-édités. En outre il remaniait sans cesse ses textes, et en détruisait beaucoup, en particulier pour ses œuvres de jeunesse. Ainsi, l'essentiel de son œuvre a été composé après son quarantième anniversaire. Cavafy a publié 154 poèmes, auxquels on peut en ajouter 75 restés inédits jusqu’en 1968, et 27 autres qu’il avait publiés entre 1886 et 1898 mais reniés par la suite.

Œuvre[modifier | modifier le code]

Il est considéré comme l'un des poètes les plus célèbres de la Grèce moderne. Et comme Marguerite Yourcenar le note dans la préface de la traduction qu'elle a faite de poèmes de Cavafy, « c'est aussi l'un des plus grands, le plus subtil en tout cas, le plus neuf peut-être, le plus nourri pourtant de l'inépuisable substance du passé[2]. »

Poème autographe de Cavafy : « Outos Ekeinos » (« Voilà l'homme ») - 1909.

Selon Marguerite Yourcenar, « il s'était reconnu de bonne heure une vocation de poète, mais ne garda de sa production d'avant la cinquantième année qu'un petit nombre de poèmes, dont quelques-uns seulement comptent parmi ses chefs-d'œuvre [...]. Cavafy n'a guère laissé circuler de son vivant que quelques rares poèmes insérés çà et là dans des revues ; sa gloire, venue peu à peu, s'alimenta de feuilles volantes distribuées chichement à des amis ou à des disciples ; cette poésie qui étonne à première vue par son détachement, son impersonnalité presque, demeura donc en quelque sorte secrète jusqu'au bout, susceptible dans toutes ses parties d'enrichissements et de retouches, bénéficiaire de l'expérience du poète jusqu'à sa mort. Et c'est seulement vers la fin qu'il a exprimé à peu près ouvertement ses hantises les plus personnelles, les émotions et les souvenirs qui de tout temps, mais de façon plus vague et plus voilée, avaient inspiré et sustenté son œuvre[3]. »

L'originalité de ce poète réside dans le fait qu'il sut de manière incomparable dépasser la manière du Parnasse et tracer en premier la voie de la modernité en Grèce, malgré la critique et même la polémique de ses contemporains. De prime abord sa poésie frappe par la musicalité de sa langue, qui est celle des anciennes colonies grecques, mêlée à des éléments linguistiques archaïques remontant même jusqu'à Homère. Or son apport créateur repose d'abord sur l'utilisation d'une langue singulière, mais qui garde la fraîcheur de son passé, déridée et resplendissante. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le poète sut redonner vie à des mots à jamais péris, mais qui, semble-t-il, avaient toujours droit de cité à la périphérie coloniale grecque et dans la diaspora.

Le recours à la mémoire est en second lieu l'aspect reconnaissable de la poésie de Cavafy. Il puise dans le passé ses thèmes choisis selon une technique jusqu'alors inconnue, en évacuant les contenus des mythes, pour ne garder que les noms. Il restructure ensuite ses propres mythes, en simulant une plongée dans l'histoire de la Grèce. Cette technique place la fiction du poète dans le voisinage des mythes que la tragédie ancienne put forger, éloignée du vécu historique. Les thèmes les plus marginaux, les détails que l'histoire laisse de côté, l'insoupçonnable impression d'une rencontre, l'intimité d'une pensée furtive et les regards, attendris et émus sur le corps humain, tel est son matériel de prédilection. Loin du sentimentalisme, il érige un univers dans lequel l'homme éprouve sa « corporéité » à l'échelle de l'éternité. C'est encore Yourcenar qui conclut : « La réminiscence charnelle a fait de l'artiste le maître du temps ; sa fidélité à l'expérience sensuelle aboutit à une théorie de l'immortalité[4]. »

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Yourcenar 1958, p. 11-13.
  2. Yourcenar 1958, p. 7.
  3. Yourcenar 1958, p. 7 et 8.
  4. Yourcenar 1958, p. 45.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Œuvres de Cavafy[modifier | modifier le code]

  • C. Cavafy, Poèmes, traduction de Théodore Grivas, Lausanne, Abbaye du Livre, 1947 ; Athènes, Icaros, 1973
  • C. Cavafy, Poèmes, traduction de Georges Papoutsakis, Paris, Les Belles Lettres, 1958
  • M. Yourcenar, Présentation critique de Constantin Cavafy suivie d’une traduction des Poèmes par M. Yourcenar et Constantin Dimaras (el), Paris, Gallimard, 1958 (réédition dans la collection poésie/Gallimard en 1978 et 1994), (ISBN 2070321754)
  • C. Cavafy, Poèmes anciens ou retrouvés, traduction par Gilles Ortlieb et Pierre Leyris, Paris, Seghers, 1978, (ISBN 2232111075)
  • C. Cavafy, Jours anciens, traduction par Bruno Roy, Montpellier, coll. Dioscures, Fata Morgana, 1978, (ISBN 2-85194-163-1)
  • C. Cavafy, À la lumière du jour, traduction par Bruno Roy, Montpellier, Fata Morgana, 1989
  • C. Cavafy, L'art ne ment-il pas toujours ?, traduction par Bruno Roy, Montpellier, Fata Mogana, 1991, 2011
  • C. Cavafy, Œuvres poétiques, traduction par Socrate C. Zervos et Patricia Portier, Paris, Imprimerie nationale, 1992, (ISBN 2-11-081127-7)
  • C. Cavafy, Poèmes, présentation et texte français par Henri Deluy, Fourbis, 1995, (ISBN 2-907374-71-0)
  • C. Cavafy, Poèmes, préface, traduction et notes de Dominique Grandmont, Paris, Gallimard, coll. Du Monde Entier, 1999, (ISBN 2-07-074309-8)
  • (el) Κ. Π. Καβάφης [« C. P. Cavafy »], Απαντα Ποιήματα εν Όλω [« Œuvres complètes »], éd. Modern Times, collection Λογοτεχνική λέσχη, 2002, (ISBN 960-397-372-6).
  • C. Cavafy, En attendant les barbares et autres poèmes, préface, traduction et notes de Dominique Grandmont, Paris, Gallimard, 2003, (ISBN 2-07-030305-5)
  • (el) Κ. Π. Καβάφης [« C. P. Cavafy »], Ποιήματα, [« Poèmes »], éd. Estia, 2004, (ISBN 960-05-1164-0)
  • C. Cavafy, Poèmes, traduits du grec par Ange S. Vlachos, Genève, Éditions Héros-Limite, 2010 (ISBN 978-2-940358-56-4)
  • C. Cavàfis, Choix de poèmes, traduit par Michel Volkovitch, Aiora Press, Athènes, 2015

Études sur Cavafy[modifier | modifier le code]

  • Marguerite Yourcenar, Présentation critique de Constantin Cavafy, 1863-1933 : suivie d'une traduction intégrale de ses poèmes, par Marguerite Yourcenar et Constantin Dimaras, Paris, Gallimard,‎ (réimpr. 1978 et 1994), 294 p.
  • Georges Papadakis, Destin et anamnèse, essai de lecture de la poésie de C. Cavafy, Thèse de Doctorat, Strasbourg, 1987
  • Edmund Keeley and Philip Sherrard, C.P. Cavafy Collected Poems, Chatto & Windus Ltd., London 1998
  • Halbo Kool (nl), Constantin Cavafy, la rue Chérif Pacha est ma nièce, éditions Marguerite Waknine, Angoulême 2013, (ISBN 978-2-916694-60-3)
  • Pierre Jacquemin, Constantin P. Cavafy, De l'Obscurité à la Lumière ou l'Art de l’Évocation, Riveneuve éditions, Paris, 2009, 318 pages, (ISBN 978-2-914214-93-3)
  • Pierre Jacquemin, Constantin Cavafy, Eros, Thanatos, Hypnos, Poèmes érotiques, Riveneuve éditions, Paris, 2011, 208 pages, (ISBN 978-2-36013-037-5)
  • Edward Morgan Forster, Pharos et Pharillon : une évocation d’Alexandrie, trad. de l’anglais par Claude Blanc, Paris, Quai Voltaire, 1991, (ISBN 2-87653-100-3)
  • Lawrence Durrell, Le Quatuor d'Alexandrie.
  • (el) Ο επικούρειος ποιητής Κ. Π. Καβάφης ["Le poète épicurien C. P. Cavafis"], Aspasia Papadoperaki (el), Éditions Sima, Athènes, novembre 2010, 96 pages, (ISBN 978-960-89506-9-6)
  • (el) Η μορφή του Κ.Π. Καβάφη, introduction Georges Ioannou (el), Aspasia Papadoperaki, Éditions Makedos, 1987, 130 pages ; 2e édition Athènes 2003, Éditions Papasotiriou.
  • Yves Leclair, Sur le billet retour à Ithaque de Cavafy, in La Nouvelle Revue Française, no 570, éditions Gallimard, Paris, juin 2004

Autour de Cavafy[modifier | modifier le code]

  • Cavafy, film biographique de Yánnis Smaragdís, Grèce, 1996, Accattone distribution, Visa : 94406
  • La chanson Alexandra Leaving de Leonard Cohen est inspirée du poème Le dieu a abandonné Antoine.
  • La longue chanson en Catalan Viatge a Itaca (Voyage à Ithaque) de Lluís Llach est adaptée de Cavafy.

Liens externes[modifier | modifier le code]

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