Karl Dönitz

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Karl Dönitz
Karl Dönitz.
Karl Dönitz.
Fonctions
4e président du Reich
30 avril
(23 jours)
Chancelier Joseph Goebbels
Lutz Schwerin von Krosigk
Prédécesseur Adolf Hitler (Führer)
Successeur Conseil de contrôle allié
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Berlin, Empire allemand
Date de décès (à 89 ans)
Lieu de décès Aumühle (RFA)
Parti politique NSDAP
Conjoint Ingeborg Weber (1894-1962)

Karl Dönitz
Président du Reich
Karl Dönitz
Origine Drapeau de l'Allemagne Allemagne
Arme Kriegsmarine
Grade Grand Amiral (Oberbefehlshaber der Kriegsmarine)
Années de service 1910 – 1945
Conflits Première Guerre mondiale,
Seconde Guerre mondiale
Commandement UC-25 (février-)
UB-68 (5 septembre-)
bateaux torpilles(années 1920)
Emden (1934-1935)
Premier U-Boot Weddigen (septembre 1935 - janvier 1936)
Befehlshaber der U-Boote (1936-1945)
Oberbefehlshaber der Kriegsmarine (1943-1945)
Distinctions Croix de fer deuxième classe (1914)
Croix de fer première classe (1916)
Croix de fer d'honneur (1939)
Ritterkreuz (1940)
Eichenlaub zum Ritterkreuz des Eisernen Kreuz (1943)
Bâton de grand amiral (1943)
Badge d'or du parti (1944)

Karl Dönitz (prononcé, en allemand, [ˈdøː.nɪts] Prononciation du titre dans sa version originale Écouter), né le à Berlin-Grünau, mort le à Aumühle, Schleswig-Holstein, est un amiral allemand, qu'Adolf Hitler désigna par testament comme son successeur à la tête du Troisième Reich.

Karl Dönitz est honoré du titre de grand-amiral dans l'Allemagne nazie, bien qu'il n'ait adhéré que tardivement au parti national-socialiste[1]. Il sert comme commandant en chef des sous-marins (Befehlshaber der Unterseeboote) de la Kriegsmarine pendant la Seconde Guerre mondiale. Sous son commandement, la flotte des U-Boote participe à la bataille de l'Atlantique, en essayant notamment de priver le Royaume-Uni des approvisionnements indispensables des États-Unis et d'ailleurs. Il devient enfin pendant vingt jours président du Reich dans le gouvernement de Flensbourg, après le suicide d'Adolf Hitler et conformément au testament politique de ce dernier.

Après la guerre, il est condamné lors du procès de Nuremberg pour crimes de guerre et paye de dix ans de prison sa participation à la guerre sous-marine illimitée menée par l'Allemagne.

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfance[modifier | modifier le code]

Karl Dönitz est le fils cadet d'un ingénieur spécialisé dans l'optique, Emil Dönitz. Il perd sa mère à l'âge de trois ans, et son père élève seul ses deux fils, car il ne se remarie pas[2]. Il fait ses études à Iéna, puis dans un lycée classique à Weimar, où sa famille déménage, lorsqu'il a quinze ans. Il y passe son Abitur (équivalent du baccalauréat) en 1910.

Entrée dans la Marine[modifier | modifier le code]

Il est admis le dans la Marine impériale qui s'ouvre, contrairement à l'armée de terre dont l'encadrement est majoritairement assuré par des Junkers, aux fils de la classe moyenne qui veulent devenir officiers. Il débute sa formation sur le SMS Hertha. C'est ici qu'il rencontre le lieutenant de vaisseau Wilfried von Loewenfeld (de) qui l'aidera plus tard dans sa carrière[3]. Il est ensuite aspirant à l'école navale de Flensbourg et navigue sur le petit croiseur SMS Breslau d'octobre 1912 à l'automne 1913. Il y devient officier de transmission. Le SMS Breslau rallie en novembre 1912 la division de la Méditerranée pour défendre les intérêts allemands lors du soulèvement qui venait de se produire en Albanie. Il participe au blocus de Scutari avec la marine anglaise. Ensuite Dönitz continue son service sur le SMS Breslau, où il se trouve lorsque parvient la nouvelle de l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand à Sarajevo.

Première Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Oberleutnant zur See Karl Dönitz, officier de quart sur le U-39

Jeune officier de la Kaiserliche Marine pendant la Première Guerre mondiale, il sert sur le croiseur SMS Breslau (qui bombarde le port de Bône, en Algérie) en Méditerranée et navigue dans les Dardanelles et en mer Noire, pour défendre la Turquie, contre la flotte russe[4] et les flottes anglaise et française. Dönitz est l'un des officiers du capitaine de corvette von Klitzing, puis du capitaine de corvette Wolfram von Knorr[5] qui le choisit comme adjoint[6], remarquant ses compétences.

À partir d'octobre 1916, il rentre en Allemagne, où il est affecté à la nouvelle arme sous-marine. Il passe quelques mois à bord du U-39 au sein duquel il effectue cinq patrouilles entre janvier et . Il prend ensuite le commandement du UC-25 avec lequel il effectue deux patrouilles entre mars et septembre 1918 et coule quatre navires.

Le , il est nommé commandant du UB-68 (en), qu'il est contraint de saborder le . Fait prisonnier, il est emmené en détention à Malte[7] où il reste prisonnier de guerre chez les Britanniques jusqu'à sa libération en juillet 1919. Il retourne en Allemagne vers 1920.

Un stratège visionnaire de l'Entre-deux-guerres[modifier | modifier le code]

Avant le second conflit mondial, Karl Dönitz publia un livre Die U-Boot Waffe (l'arme sous-marine) dans lequel il insista pour convertir la flotte de surface presque entièrement en une grande flotte de sous-marins. Il défendit la stratégie de n'attaquer que la marine marchande, cible moins dangereuse que les grandes flottes cuirassées de l'Empire britannique. Il mit en avant que la destruction de la flotte de pétroliers priverait la Royal Navy de son carburant pour approvisionner ses navires, ce qui serait finalement aussi efficace que de les couler.

Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Au début de la Seconde Guerre mondiale, quand le Royaume-Uni de Winston Churchill se trouva seul face à l'Axe, Dönitz calcula que s'il coulait 500 000 tonnes de navires marchands britanniques, le Royaume-Uni ne pourrait tenir bien longtemps sachant qu'il ne pouvait fabriquer que 1 500 000 tonnes de navires par an[réf. nécessaire] et que Roosevelt avait déjà fourni à Churchill plus de 50 destroyers jugés démodés par le Congrès. Les destroyers étaient bien les adversaires des sous-marins que craignait l'amiral, car ils se moderniseraient vite et limiteraient progressivement l'efficacité des U-Boote.

Karl Dönitz à Saint-Nazaire (France occupée) avec l'U-Boot U-94

Malgré l'entrée en guerre des États-Unis, Dönitz continua de détruire une bonne partie des convois de l'Atlantique car ceux-ci étaient mal protégés. Plusieurs U-Boote patrouillèrent même près de la Floride et coulèrent un Liberty ship devant des milliers de baigneurs près d'une plage. Il affirma qu'avec une flotte de 300 des nouveaux U-Boote type VII, l'Allemagne mettrait le Royaume-Uni « sur la touche ».

Afin de neutraliser et accabler les vaisseaux d'escorte, les destroyers de plus en plus redoutables, soutenus par l'aviation embarquée sur les porte-avions, il imagina une nouvelle tactique, l'attaque groupée en meute ou Rudeltaktik (en anglais Wolfpack).

À l'époque beaucoup pensaient, en Allemagne, que cette stratégie était une marque de faiblesse, y compris son supérieur hiérarchique, le grand amiral Erich Raeder. Les deux s'opposèrent constamment pour les priorités budgétaires. Raeder avait pourtant une attitude assez pessimiste ; il ne croyait pas, par exemple, que les cuirassés, navires de prestige, étaient vraiment utiles vu leur faible nombre comparativement avec la flotte britannique. Il aurait notamment déclaré que tout ce que les cuirassés pouvaient faire était de mourir vaillamment. Dönitz n'avait pas un tel fatalisme, car il pensait que l'attaque des convois de munitions et de pétrole en route vers Mourmansk au large de l'Île aux Ours et le cap Nord serait une occasion à saisir pour les grands navires de surface basés dans les fjords de Norvège.

Karl Dönitz en 1943.

L'intervention de l'aviation dans la lutte anti-sous-marine (ASM) fera bientôt une hécatombe d'U-Boote.

Le commandant en chef, marine de guerre allemande, 1943 à 1945[modifier | modifier le code]

Le , Dönitz remplace Raeder comme Oberbefehlshaber der Kriegsmarine, commandant en chef de la Kriegsmarine, et, à la tête de l'Oberkommando der Marine, le haut commandement de la marine allemande, devient Grand Amiral.

Transformant la marine en bastion nazi, il est sensible au bien être des marins qu'il a sous ses ordres[8].

En 1943, la guerre de l'Atlantique prit un tournant défavorable, les Allemands accumulant les pertes de sous-marins et d'équipages[9]. Dönitz continuait cependant à pousser à la construction d'U-Boot et à la poursuite des améliorations techniques. À la fin de la guerre, la flotte allemande de sous-marins était de loin la plus avancée du monde et les modèles Unterseeboot type XXI servirent de modèle pour les sous-marins soviétiques et américains d'après-guerre. Il tente ainsi de faire de la marine une armée animée par la volonté de vaincre les ennemis du Reich, ou, à défaut, de se battre jusqu'à la dernière extrémité[10].

Il adhère formellement au Parti nazi au début de 1944[1].

Peu de temps avant l'attentat du 20 juillet 1944, ses pouvoirs sur la marine sont encore renforcés, car il est responsable pour cette dernière de la mobilisation idéologique, à l'ordre du jour durant le début de l'été 1944 : il parvient ainsi à éviter que les compétences de Himmler dans ce domaine concernent la marine de guerre[11].

Au cours de l'été 1944, puis lors de la fermeture de la poche de Courlande, il défend l'opportunité de maintenir une présence militaire du Reich dans les pays baltes pour des raisons économiques : à cette date, la poche non seulement joue un rôle dans la sécurisation des voies de communications maritimes au départ des pays riverains de la Baltique, vitaux pour l'économie du Reich (fer suédois, nickel finlandais, huile de schiste estonien) vers le Reich[12], mais aussi est pensée comme une base d'entraînement pour des nouveaux sous-marins destinés à renverser le cours de la guerre[12]. Ainsi, le ravitaillement des poches allemandes le long des côtes de la mer Baltique (en Courlande et dans le Reich, à partir de la mi-janvier 1945) constitue sa principale priorité : le 22 janvier, Hitler lui donne même son accord pour évacuer les civils par la mer uniquement si cela ne gène pas les unités combattantes ; de plus, au cours de cette rencontre, Hitler et lui s'accordent pour réserver les réserves de charbon en priorité aux opérations militaires[13].

Nazi radical[14], partisan jusqu'au-boutiste de la guerre contre l'Union Soviétique[13], admiré pour cela par Bormann (qui fait suivre ses rapports de situation aux Gauleiter[15]), soutien fidèle de Hitler (malgré ses affirmations d'après-guerre[13]), il joue un rôle dans la répression du complot du 20 juillet, en prononçant un discours de soutien au régime le soir du jour d'attentat[16]. Au cours des premiers mois de l'année 1945, il justifie sa volonté de poursuivre le conflit par un net antibolchevisme, fortement teinté de racisme anti-slave et par une anglophobie prononcée[15]. Ce jusqu'au boutisme s'exprime jusque dans les dernières semaines du conflit, dans le courant du mois d'avril 1945 : le 7 avril, dans un ordre du jour aux unités placées sous ses ordres, il rappelle la nécessité de la résistance à outrance, le 12 avril, il rejoint Hitler dans son obsession de la lutte contre l'ennemi bolchevique (il promeut à un poste d'autorité lors de son retour, un soldat prisonnier, coupable d'avoir assassiné des prisonniers communistes en Australie[17]), et se place dans la perspective d'une lutte à outrance, seule solution contre le chaos qui menacerait le Reich[18]. Lors d'une des premières réunions avec des Gauleiter du Nord du Reich, le 25 avril, à la question de l'opportunité de déposer les armes, dans l'intérêt du peuple, il rappelle les prérogatives de Hitler dans ce domaine, tout en manifestant sa volonté de se conformer à ses ordres[19].

Le 15 avril 1945, Il reçoit délégation de pouvoirs de Hitler pour assumer la responsabilité de la défense allemande dans le Nord du Reich, si ce dernier venait à être coupé en deux, hypothèse plus que vraisemblable à cette date[20].

Le successeur désigné par Hitler[modifier | modifier le code]

Karl Dönitz saluant Adolf Hitler dans son bunker, en 1945.

Dans les derniers jours d'avril, replié à Plön, Dönitz prend de nombreuses dispositions pour permettre au Reich de continuer de se battre le plus longtemps possible[21], voyant arriver à lui, dans les derniers jours précédant l'encerclement de Berlin, les services de l'OKW, et certains ministres du Reich[22]. Ce point de ralliement devient l'un des centres de pouvoir au sein d'un Reich alors en pleine implosion, avec de multiples centres de pouvoirs ayant hérité de parcelles du pouvoir centralisé[22].

Dans son testament final du 29 avril 1945, Hitler choisit Dönitz, fidèle soutien y compris dans la dernière semaine du conflit[23] comme son successeur au poste de président du Reich et donc nouveau Führer, montrant à quel point il était devenu suspicieux à l'encontre de Göring et d'Himmler. Informé par Bormann le 30 avril en fin d'après-midi que Hitler l'avait désigné par testament pour lui succéder[24], avant de se suicider le lendemain (alors qu'il venait de lui adresser, dans la matinée, un message de soutien[25], Bormann lui confirme que le testament de Hitler entre en vigueur[24]), Dönitz dirige alors un gouvernement provisoire connu sous le nom de gouvernement de Flensbourg, dirigé par Goebbels (jusqu'au 1er mai), puis par Schwerin von Krosigk (jusqu'au 23 mai).

Le président du Reich (du 1er au 23 mai 1945)[modifier | modifier le code]

En accord avec son serment de fidélité, il s'était opposé à toute sortie du conflit contre l'avis de Hitler ; une fois celui-ci disparu, il estime disposer de l'autorité pour en négocier une avec les puissances occidentales[24], comme le stipule sa proclamation du [26]. Cette politique l'incite à se rapprocher des alliés occidentaux pour tenter d'entrevoir les redditions que ces derniers pourraient accepter[26].

Dönitz — seule solution de rechange aux yeux de Hitler après les trahisons et les démonstrations d'incapacité de Himmler et Göring, apprécié par le Führer, ayant fait preuve d'une fidélité à toute épreuve, même dans la défaite — est nommé président du Reich par le testament du 29 avril 1945[27].

À peine nommé, il met en place son propre cabinet, constitué le 5 mai : dans ce dernier, certains responsables désignés par Hitler sont écartés, tandis que des SS de haut-rang, ainsi que Keitel et Jodl, marquent par leur présence la continuité avec le passé[28].

Dönitz consacre son énergie à ce que les troupes allemandes se rendent aux Alliés occidentaux et non aux Soviétiques, avant tout pour que les prisonniers allemands soient traités selon les conventions internationales, et non massacrés ou déportés en Sibérie. Peut-être songe-t-il déjà donner à l'armée allemande une place importante dans le futur affrontement entre l'Occident et l'URSS qu'à l'instar de Hitler il espérait. Ainsi, le 2 mai, il définit sa politique : négocier la paix à l'Ouest et diriger tous les moyens disponibles vers l'Est, pour permettre à un maximum d'Allemands de se trouver dans les zones contrôlées par les Alliés occidentaux[29].

En accord avec ses projets de négociation de paix séparée, le 4 mai, il ordonne aux sous-marins, à la grande incrédulité de leurs équipages, de cesser la guerre sous-marine et de se constituer prisonniers des Alliés[30]. Il est conforté dans ses vues par les redditions partielles de l'armée de Wenck, de celle de Buße, du groupe d'armées G et des troupes stationnées en Italie[31].

Pendant les huit jours précédant la capitulation, Dönitz emploie la marine à évacuer le maximum de réfugiés allemands fuyant l'avancée de l'Armée rouge[32]. Il fait aussi en sorte que le maximum de soldats soient ramenés vers le front occidental, afin qu'ils tombent entre les mains des Anglo-Américains plutôt que des Soviétiques : cette tactique permet de ne laisser à l'Armée rouge que le tiers du total des prisonniers allemands, alors que le front de l'Est mobilisait depuis 1941 la majorité des forces terrestres du Reich[33]. Ainsi, ces atermoiements entre 4 et le 7 mai sont en réalité motivés par sa volonté de négocier le passage derrière les lignes américaines du maximum d'unités et de soldats allemands[34] : la date d'effet de la capitulation de Reims, le 9 mai à 00h01 (heure de Londres), est fixée après l'accord de Dönitz. Il tente alors d'organiser la retraite vers l'Ouest des forces stationnées en Tchécoslovaquie, mais se heurte à la désorganisation des zones tenues par les Allemands en raison de l'insurrection de Prague et de la rapidité de l'avance soviétique en Bohème[35].

Mais dans le même temps, Dönitz ordonne aux tribunaux militaires et aux commandos de la marine d'exécuter sommairement les jeunes soldats allemands qui osent déserter un combat sans espoir, dans le droit fil des pendaisons de civils défaillants pratiquées par les SS au cours des récentes batailles de rues de Vienne et Berlin.

Le 5 mai, il fait capituler les armées de l'Ouest à Lüneburg devant les forces du général Montgomery. Mais allant à l'encontre de ses espoirs de paix séparée, les Alliés n'en continuent pas moins d'exiger une capitulation globale et inconditionnelle. À contre-cœur, Dönitz envoie le général Jodl signer celle-ci à Reims le 7 mai, acte confirmé le lendemain à Berlin par le chef du Haut commandement de la Wehrmacht, le Generalfeldmarschall Keitel.

S'il finit par révoquer officiellement Himmler (qui s'efforçait de négocier une reddition en son nom propre) le 5 mai, il ne dissout ni les SS ni le NSDAP. Les portraits de Hitler restent accrochés aux murs du gouvernement de Flensburg jusqu'à sa dissolution le 23 mai, et le salut nazi reste en vigueur sauf dans l'armée, où il est abandonné dès le 3 mai, malgré les consignes de certains commandants, par exemple Lindemann, commandant les unités stationnées en Norvège[27]. Quelques jours après la capitulation, pour sauver l'existence du gouvernement de Flensburg, Dönitz publie un communiqué exprimant son horreur des camps de concentration, mais rejette les fautes du régime hitlérien sur les seuls SS, et exonère les forces militaires traditionnelles de toute complicité. En réalité, ces dernières s'étaient rendues également coupables de nombreux crimes tout au long de la guerre.

Le 23 mai, Dönitz est finalement arrêté en même temps que ses ministres Alfred Jodl et Albert Speer. La dissolution de son gouvernement met un point final à l'existence du IIIe Reich. L'Allemagne est alors placée sous le régime de l'occupation militaire avec à sa tête un Conseil de contrôle allié qui assure l'administration du territoire.

Le pays ne renaît en tant qu'État (divisé) qu'en 1949.

Procès[modifier | modifier le code]

Fiche d'écrou (détention) de Karl Dönitz après son arrestation par les Américains.

Le Grand Amiral Karl Dönitz cite le Protocole de Londres du 12 septembre 1944. Il précise pour sa défense :

« À la fin de la guerre, j'ordonnai à la Kriegsmarine de ne détruire aucun journal d'opérations ni aucun autre document. Je justifiais mon ordre par l'affirmation que nous nous étions battus correctement, que nous avions, par conséquent, bonne conscience et rien à cacher. Ces instructions furent suivies [...] »

— Karl Dönitz (op. cit. 1969, p. 1, 1er aliméa)

Il confia sa défense au juge maritime allemand Otto Kranzbühler (en) au tribunal de Nuremberg.

Chefs d'accusation[modifier | modifier le code]

Bundesarchiv Bild 183-V01732 : procès de Nuremberg (Dönitz en lunettes noires, au centre, dernier rang).

En vertu de ce protocole, ont été définis, selon lui :

« les chefs d'accusation suivants :

  1. Conjuration contre la paix ;
  2. Crimes contre la paix ;
  3. Crimes contre les lois de la guerre ;
  4. Crimes contre l'humanité. »[36]

Dönitz ne fut inculpé que des chefs d'accusation suivants :

«

  1. chapitre 1 : conjuration contre la paix ;
  2. chapitre 2 : crimes contre la paix et chapitres 3 : crimes contre les lois de la guerre. »[37]

Le chef de crimes contre l'humanité (point 4) ne fut pas retenu contre lui et il fut acquitté du crime de conjuration contre la paix.

La charge principale était l'ordre qu'il avait donné de ne pas secourir les naufragés des navires coulés par la Kriegsmarine. Ceci est une suite du torpillage du RMS Laconia en 1941. Dönitz signale dans ses mémoires qu'après le torpillage, le sous-marin vainqueur avait commencé à repêcher l'équipage du Laconia, en arborant un drapeau de la Croix-rouge ; mais, sur ordre de Churchill, des avions anglais en profitèrent pour l'attaquer sans souci des civils - en réalité, l'attaque fut menée par un bombardier américain sous commandement local[38]. Le sous-marin fut alors obligé de plonger.

Dönitz fut aussi accusé d'avoir attaqué d'innocents navires de commerce. Son défenseur montra qu'au début du conflit, les cargos anglais étaient militarisés et il ne fut plus inquiété sur ce point.

« L’amiral Karl Dönitz se retrouve avec vingt autres responsables nazis dans le box des accusés devant le tribunal militaire international de Nuremberg, et est accusé de guerre totale sous-marine, contraire aux lois de la guerre. Il sera reproché à Dönitz qu’une fois l’opération de sauvetage terminée il avait donné l’ordre Triton Null précisant qu’aucune tentative ne devait être faite pour sauver les passagers des navires coulés. »

— RMS Laconia (9 juin 1941)

Pour sa défense, Dönitz produisit notamment une lettre officielle de l'amiral américain Chester Nimitz qui affirmait que les États-Unis avaient donné la même consigne et en particulier lorsque la sécurité des sous-marins était en cause.

Verdict[modifier | modifier le code]

Le tribunal le jugea coupable de « crimes contre la paix » et de crimes de guerre pour lesquels il fut condamné et fit dix ans à la prison de Spandau. Son temps de détention préventive (un an et quatre mois) ne fut pas décompté. Il reprochera aux autorités de l'Allemagne fédérale de n'avoir rien fait pour lui obtenir une libération anticipée.

Ses mémoires, intitulés Dix ans et vingt jours furent publiés en Allemagne en 1958. Il fit tous ses efforts pour répondre aux questions que ses collègues lui posaient au fil des années.

Décès[modifier | modifier le code]

Karl Dönitz meurt d'une attaque cardiaque le 24 décembre 1980, à Aumühle. Étant le dernier officier allemand avec le grade de grand-amiral, il est honoré par de nombreux anciens militaires et officiers de marine étrangers qui assistent à ses funérailles le 6 janvier 1981.[réf. nécessaire]

Vues idéologiques[modifier | modifier le code]

Controverse[modifier | modifier le code]

Le témoignage du journaliste Guido Knopp, dans son documentaire sur Dönitz (1996), deuxième épisode de la série consacrée aux Complices de Hitler (Grancher, 1999), brosse de l'amiral un portrait sensiblement éloigné de celui de l'honnête soldat apolitique que ce dernier se complaisait à tracer de lui-même après la guerre[39].

Göring avait confirmé au cours du procès que, d'amiral compétent, Dönitz était réellement devenu un nazi de cœur, même sans adhérer au NSDAP, et que, sans cette adhésion idéologique de fait, jamais il n'aurait gardé son poste ni n'aurait pu être désigné comme le successeur de Hitler.

Aspect familial[modifier | modifier le code]

C'est une famille de marins, d'officiers de marine, qui constitue la descendance de l'amiral Karl Dönitz ; deux de ses fils sont morts au combat :

Promotions militaires[modifier | modifier le code]

Fähnrich zur See 15 avril 1911
Leutnant zur See 27 septembre 1913
Oberleutnant zur See 22 mars 1916
Kapitänleutnant 1er janvier 1921
Korvettenkapitän 1er novembre 1928
Fregattenkapitän 1er octobre 1933
Kapitän zur See 1er octobre 1935
Kommodore 28 janvier 1939
Konteradmiral 1er octobre 1939
Vizeadmiral 1er septembre 1940
Admiral 14 mars 1942
Großadmiral 30 janvier 1943

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Yacha MacLasha, « Questions & Réponses : Est-il vrai que l'amiral Dönitz n'a jamais formellement adhéré au Parti national-socialiste allemand ? », Guerres & Histoire, no 16,‎ , p. 29
  2. François-Emmanuel Brézet, op. cité, p. 14
  3. François-Emmanuel Brézet, op. cité, p. 17
  4. L'Empire russe a déclaré la guerre à l'Empire ottoman, le 31 octobre 1914
  5. Fils de l'amiral Eduard von Knorr
  6. François-Emmanuel Brézet, op. cité, p. 34
  7. (en) Muddy Boots, « PoWs on Malta during First World War », sur www.firstworldwarcentenary.co.uk,‎ (consulté le 7 août 2014).
  8. Ian Kershaw, La Fin, p. 345.
  9. Ces pertes étaient dues en majorité à l'efficacité de la lutte anti-sous-marins menée par des avions et des bateaux torpilleurs. Le schnorchel était repérable par le radar.
  10. Ian Kershaw, La Fin, p. 344.
  11. Ian Kershaw, La Fin, p. 68.
  12. a et b Ian Kershaw, La Fin, p. 136.
  13. a, b et c Ian Kershaw, La Fin, p. 271.
  14. Selon l'expression de Ian Kershaw, La Fin, p. 79.
  15. a et b Ian Kershaw, La Fin, p. 343.
  16. Ian Kershaw, La Fin, p. 78.
  17. Ian Kershaw, La Fin, p. 395.
  18. Ian Kershaw, La Fin, p. 394-395.
  19. Ian Kershaw, La Fin, p. 396.
  20. Ian Kershaw, La Fin, p. 347.
  21. Ian Kershaw, La Fin, p. 434.
  22. a et b Ian Kershaw, La Fin, p. 437.
  23. Ian Kershaw, La Fin, p. 442.
  24. a, b et c Ian Kershaw, La Fin, p. 448.
  25. Ian Kershaw, La Fin, p. 443.
  26. a et b Ian Kershaw, La Fin, p. 449.
  27. a et b Ian Kershaw, La Fin, p. 451.
  28. Ian Kershaw, La Fin, p. 457 et459.
  29. Ian Kershaw, La Fin, p. 461.
  30. Ian Kershaw, La Fin, p. 467.
  31. Ian Kershaw, La Fin, p. 468.
  32. Celle-ci commet ouvertement des massacres, des viols collectifs et effectue une véritable épuration ethnique, en représailles de ce que les Russes ont subi sous l'occupation allemande. Ainsi le paquebot Wilhelm Gustloff est torpillé par les Soviétiques : sur 8 000 passagers, on ne dénombre que 996 rescapés. 4 000 enfants et adolescents étaient à bord.
  33. Richard J. Evans, Le IIIe Reich 1939-1945, Flammarion, 2009, p. 854
  34. Ian Kershaw, La Fin, p. 472.
  35. Ian Kershaw, La Fin, p. 475.
  36. Karl Dönitz, op. cit. 1969, P. 3
  37. Karl Dönitz (op. cit. 1969, P. 3)
  38. Clay Blair, Hitler's U-Boat War : The Hunted 1942-45 Hachette UK, 2012, (ISBN 9780297866220)
  39. La méthode de Guido Knopp#Sa méthode, son cœur de cible est sujette à caution.
  40. Ce sous-marin a été victime d'une attaque aérienne : voir ce site consacré à l'histoire des sous-marins allemands des deux guerres mondiales.
  41. Karl Dönitz (op. cit. 1969, p. 11-12).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrages de Karl Dönitz[modifier | modifier le code]

  • Karl Dönitz, « Mon procès à Nuremberg : témoignage d'un condamné », Histoire pour tous, no 115,‎ , p. 2-12 Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Karl Dönitz, Dix ans et vingt jours, Plon, 1959.

Ouvrages sur Karl Dönitz[modifier | modifier le code]

  • François-Emmanuel Brézet, Dönitz, le dernier Führer, Perrin, 2011, 390 p.
  • Wolfgang Frank (trad. Jean Veith), U-Boote contre les marines alliées : 2. vers la défaite 42-45 [« Die Wölfe and der admiral »], Paris, Editions j’ai lu, coll. « J’ai lu leur aventure » (no A94-95),‎ , poche, 384 p.Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Ian Kershaw, La Fin, Allemagne, 1944-1945, Éditions du Seuil, Paris, 2012, 665 pages, ISBN 978-2-02-080301-4. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Peter Padfield, Dönitz et la guerre des U-Boote : 16 septembre 1891 - 24 décembre 1980, Pygmalion, 2008.

Liens externes[modifier | modifier le code]