Canal de Suez

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29° 59′ 47″ N 32° 35′ 02″ E / 29.9963, 32.5838

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Canal de Suez
قناة السويس
Illustration.
Le canal de Suez relie la Méditerranée et la mer Rouge.
Géographie
Pays Drapeau de l'Égypte Égypte
Début Port-Saïd
31° 13′ 59″ N 32° 20′ 49″ E / 31.23298, 32.346862
Fin Golfe de Suez
29° 55′ 51″ N 32° 33′ 35″ E / 29.930746, 32.559699
Traverse Isthme de Suez
Connexions Lacs Manzala, Timsah et Amer
Caractéristiques
Statut actuel En service
Longueur 162,25 km
Gabarit Suezmax
Infrastructures
Écluses Aucune
Histoire
Année début travaux 1859
Année d'ouverture 17 Novembre 1869
Commanditaire Ferdinand de Lesseps
Concepteur Compagnie universelle du canal maritime de Suez

Le canal de Suez est un canal situé en Égypte, long de 193,3 km, large de 280 m à 345 m et profond de 22,5 m, qui relie, via trois lacs naturels, la ville portuaire de Port-Saïd sur la mer Méditerranée et la ville de Suez sur le golfe de Suez (partie septentrionale de la mer Rouge), permettant ainsi de relier les deux mers.

Percé entre 1859 et 1869, grâce à une levée de fonds géante à la Bourse de Paris, sous la direction du diplomate retraité français Ferdinand de Lesseps[1], il permet aux navires d'aller d'Europe en Asie sans devoir contourner l'Afrique par le cap de Bonne-Espérance. Avant son ouverture en 1869, les marchandises devaient être transportées par voie terrestre entre la Méditerranée et la mer Rouge.

Avec l'augmentation du trafic, le canal est devenu la troisième source en devises de l'Égypte[2]. Un blocage du canal entraînerait des pertes d'environ 7 millions de dollars par jour[3].

Le 6 août 2015, le président égyptien Al-Sissi inaugure le Nouveau canal permettant, après un an de travaux, de doubler la capacité de passage. Les travaux ont abouti sur l'approfondissement et l'élargissement du canal existant sur 35 km, ainsi que le creusement d'un nouveau canal de 37 km sur sa partie orientale.

Le canal est la propriété de la Suez Canal Authority, qui est aussi responsable de son administration et de sa gérance.

Histoire[modifier | modifier le code]

Antiquité[modifier | modifier le code]

Carte du canal des Pharaons. En pointillé, on remarque le niveau des eaux du golfe de Suez à l'époque de Sésostris III.
Article détaillé : Canal des pharaons.

Il est probable que durant la XIIe dynastie, le pharaon Sésostris III (-1878 à -1843/-1842) ait fait creuser un canal orienté d'ouest en est à travers le Wadi Tumilat, reliant le Nil à la mer Rouge, afin de pouvoir commercer avec le Ta Netjer, permettant ainsi directement les échanges entre la mer Rouge et la Méditerranée. Son existence est certaine au XIIe siècle av. J.-C. pendant le règne de Ramsès II[4]. Il a ensuite été abandonné. D'après l'historien grec Hérodote[5], des travaux pour remettre le canal en état auraient été entrepris vers - 600 par Nékao II, mais ne furent jamais achevés.

Le canal fut finalement terminé par le roi Darius Ier (vers - 550 à - 486), le conquérant perse de l’Égypte. Darius a illustré sa réalisation par diverses stèles de granit disposées sur les rives du Nil, dont celle de Kabret à 200 km de Pie. L'inscription de Darius dit :

« Le roi Darius a dit : je suis un Perse. En dehors de la Perse, j'ai conquis l'Égypte. J'ai ordonné ce canal creusé depuis la rivière appelée Nil qui coule en Égypte à la mer qui commence en Perse. Quand ce canal a été creusé comme je l'ai ordonné, des bateaux sont allés de l'Égypte jusqu'en Perse, comme je l'avais voulu[6]. »

Le canal fut de nouveau restauré par Ptolémée II vers - 250. Au cours des mille années qui suivirent, il fut successivement modifié, détruit et reconstruit, notamment par Amru ben al-As en 640, et devint le « canal du Commandeur des croyants ». Il est finalement détruit au VIIIe siècle par le calife Al-Mansur pour isoler la ville de Médine, et éviter ainsi le risque d'une attaque.

Renaissance[modifier | modifier le code]

Venise, au début du XVIe siècle, est confrontée à la concurrence des Portugais dans le commerce en Orient. Vasco de Gama a en effet découvert en 1498 une nouvelle route contournant l'Afrique par le cap de Bonne-Espérance. Les Portugais évitent ainsi de payer les taxes du sultan d'Égypte pour le commerce et le transport des épices. Mais cette nouvelle concurrence nuit à Venise, qui procurait les épices à l'Europe via l'Égypte. Les Portugais pourront en effet proposer des prix plus bas aux clients de Venise (les Hongrois, les Flamands, les Allemands et les Français). Il faut donc trouver une solution pour améliorer le passage des épices en Méditerranée. Et dans le débat de Pregàdi, la République de Venise a l'idée de creuser un canal reliant la Méditerranée et la mer Rouge. Le Conseil des Dix recommande en mai 1504 à Francesco Teldi, son envoyé auprès du sultan, « une chose(...) que beaucoup envisagent comme une mesure tout à fait opportune pour empêcher et interrompre la navigation des Portugais, c'est-à-dire qu'avec facilité et rapidité de temps il serait possible de faire un canal depuis la mer Rouge qui relie directement cette mer-ci. » Néanmoins le projet n'aboutit pas, à cause de la situation interne égyptienne[Quoi ?].

En 1586, avec l'aval du Sultan Mourad III, le Grand Amiral de la flotte ottomane Euldj Ali entreprend de creuser l'ancien canal reliant Suez à la mer Rouge. Mais à ce moment la guerre de Perse se rallume de nouveau, Constantinople se trouve engagée dans d'énormes dépenses et le projet est donc ajourné[7].

Époque contemporaine[modifier | modifier le code]

Médaille en bronze doré du concours international du commerce de Suez, à l’effigie d’Abbas II Hilmi
Ferdinand de Lesseps
La construction du canal
L'état des travaux en mai 1862
Une des premières traversées, au XIXe siècle
Vue satellite : au nord la mer Méditerranée, au sud le golfe de Suez, à droite le Sinaï, au centre les imposants lacs Amers, et, un peu plus au nord, le lac Timsah.

Les premiers projets[modifier | modifier le code]

Sous le Directoire, les Français envoient plusieurs savants (dont Jacques-Marie Le Père) dès 1798 lors d'expéditions en Égypte, dans le but d'étudier s'il était possible de percer l'isthme de Suez. Dès les années 1820, Linant de Bellefonds, et plus tard Ferdinand de Lesseps, partisans de la doctrine socio-économique du Saint-simonisme, avaient déjà envisagé la construction d'un canal reliant la mer Rouge à la Méditerranée. Un premier projet de canal fut présenté aux Égyptiens en 1833 par Prosper Enfantin, un des principaux Saint-Simoniens, ingénieur et économiste français, qui fonde la Société d'études pour le Canal de Suez[8].

À l'époque, le projet ne retient pas l'attention du vice-roi d'Égypte Méhémet Ali. Les Saint-Simoniens, sous l'impulsion d'Enfantin et de François Barthélemy Arlès-Dufour, poursuivent néanmoins le projet et créent en 1846 une société d'étude pour le canal de Suez. Cette société réalise un nivellement topographique précis de l'isthme ; il vient rectifier les données d'un premier nivellement, effectué lors des campagnes de Bonaparte, et qui signalait neuf mètres de différence entre le niveau de la mer Rouge et celui de la Méditerranée, en raison d'une erreur de triangulation, survenue dans les calculs de Jacques-Marie Le Père de 1799. Le nouveau nivellement réalisé par Paul-Adrien Bourdaloue indique une différence si faible qu'un canal sans écluse devient possible.

Un canal controversé[modifier | modifier le code]

En 1860, seulement 5 % des navires fonctionnent à la vapeur. Le canal est pourtant conçu pour une navigation exclusivement motorisée ; sa construction est donc un pari. Dans la décennie qui suit, les marines marchandes vont s'équiper en masse.

La construction du canal ne tarde pas à créer des tensions ; les Britanniques notamment s'opposent à sa réalisation, qui donnerait une grande influence française sur cette région située en un point stratégique de la route des Indes. La Grande-Bretagne soutenait d'ailleurs le principe d'une ligne ferroviaire égyptienne, à laquelle le canal ferait concurrence.

Les Anglais font arrêter les travaux à plusieurs reprises : en octobre 1859 avec l'aide du ministre des Finances de l'Empire ottoman, Mouktar Bey, puis à la mort de Saïd en 1863. La construction du canal se poursuit néanmoins grâce au soutien de Napoléon III. Avec la fin de la colonisation de l'Afrique, les rivalités franco-britanniques se multiplient dans la région et le canal de Suez n'est qu'une d'entre elles.

À partir des plans établis par Linant de Bellefonds et Alois Negrelli[9], et discutés et adoptés par la Commission Internationale pour le percement de l'isthme de Suez, la Compagnie universelle du canal maritime de Suez de Ferdinand de Lesseps construit le canal entre 1859 et 1869. À la fin des travaux, l'Égypte, à hauteur de 44 % de sa valeur, et 21 000 Français en étaient conjointement propriétaires.

On a estimé que 1,5 million d'Égyptiens participèrent à la construction du canal et que plus de 125 000 y moururent, principalement du choléra mais ces chiffres furent critiqués, considérés comme étant très exagérés[10].

C'est le qu'un premier navire emprunte le canal achevé, mais il n'est officiellement inauguré que le par l'impératrice Eugénie sur le navire L’Aigle, suivie par Ferdinand de Lesseps et des administrateurs du canal à bord du Péluse, de la Compagnie des messageries maritimes, commandé par Auguste Caboufigue. Pour l’inauguration du canal, le Khédive Ismaïl Pacha, commande l’opéra Aida à Giuseppe Verdi. Tout de suite après cette inauguration, le canal devient le cœur des rivalités franco-anglaises.

En 1875, la dette extérieure de l'Égypte la contraint à vendre ses parts au Royaume-Uni à prix d'aubaine – 4 000 000 £ – qui veut retrouver son influence sur la route des Indes. En 1882, des troupes britanniques s'installent sur les rives du canal pour le protéger et remplacent l'Empire ottoman comme tuteur du pays. Les Anglais parviennent ainsi à prendre le contrôle du canal sans avoir eu à financer sa construction.

Le , la convention de Constantinople confirme la neutralité du canal, déclaré « libre et ouvert, en temps de guerre comme en temps de paix, à tout navire de commerce ou de guerre, sans distinction de pavillon ».

Plus tard, durant la Première Guerre mondiale, les Britanniques négocient les accords Sykes-Picot qui divisent le Moyen-Orient de façon à réduire l'influence française dans la région : le Royaume-Uni obtient la Palestine et la Jordanie et laisse aux Français la Syrie plus au nord.

Au XXe siècle, la valeur des actions augmente fortement ; en posséder devient un signe d'appartenance à la classe bourgeoise.

La crise de Suez[modifier | modifier le code]

Le , Nasser, président de la République d'Égypte, saisit le canal et transfère le patrimoine de la compagnie du canal à la Suez Canal Authority. Cette « nationalisation » (d'après les mots de Nasser) avait pour but de financer la construction du barrage d'Assouan après que les États-Unis ont refusé de le financer. Les avoirs égyptiens sont aussitôt gelés et l'aide alimentaire supprimée, à la suite des protestations des principaux actionnaires, alors britanniques et français. En représailles, Nasser dénonce la présence coloniale du Royaume-Uni au Proche-Orient et soutient les nationalistes dans la guerre d'Algérie.

Le , le Royaume-Uni, la France et Israël se lancent dans une opération militaire, baptisée « opération Mousquetaire ». Cette action est justifiée par la restitution aux actionnaires qui ont financé et contribué à la prospérité du canal de ce qui, selon le droit international et les accords passés, leur appartient.

L'opération de Suez dure une semaine. Les Nations unies optent cependant pour la légitimité égyptienne et rédigent une résolution condamnant l'expédition franco-israélo-britannique. Nombre d'actionnaires, français, britanniques et égyptiens, sont donc ruinés, puisque l’Égypte refuse de les indemniser. Il s'ensuivra des cas de suicides parmi les anciens actionnaires français, des manifestations devant l'ambassade d'Égypte, des pétitions mais le tout restera sans effet.

La France vit alors une période de très forte croissance, les Trente Glorieuses, marquées par un boom de l’investissement et de la consommation, qui n’est pas perturbé par les autres tensions géopolitiques apparues en 1955 et 1956 : indépendance du Maroc et de la Tunisie, ou nationalisation du canal de Suez.

Guerre des Six Jours, guerre du Kippour : 8 ans de fermeture[modifier | modifier le code]

Onze ans plus tard, en juin 1967 lors de la guerre des Six Jours, Israël occupe l'ensemble du Sinaï et donc la rive orientale du canal qui va rester fermée pendant 8 ans, jusqu'en juin 1975. Quatorze navires de commerce sont ainsi bloqués pendant 3 016 jours sur le lac Amer[11], formant la flotte jaune.

Israël construit une ligne de défense sur la rive orientale : la ligne Bar-Lev.

En octobre 1973, l'Egypte et la Syrie attaquent Israël par surprise, c'est le début de la guerre du Kippour. La zone du canal redevient une zone de combats. L'armée égyptienne franchit le canal et pénètre profondément dans le Sinaï avant que les forces israéliennes, après quelques jours, ne reprennent le dessus et franchissent à leur tour le canal. Une force de maintien de la paix de l'ONU est déployée, la FUNU II qui reste sur place jusqu'en 1974.

Pendant cette longue fermeture, les pétroliers s'adaptent en renforçant la création de supertankers qui contournent à nouveau l'Afrique, mais ne sont plus assujettis à la contrainte de gabarit imposée par la taille du canal.

Juin 1975 : réouverture du canal[modifier | modifier le code]

Après 15 mois de travaux, de déminage du canal et de ses abords, avec l'aide des marines américaines, britanniques et françaises[12], qui permettent de retirer 45 500 mines[12], 686 000 engins anti-chars et anti-personnels et 209 tonnes de matières explosives[12], le canal est officiellement rouvert le 5 juin 1975 par le président Anouar el-Sadate[12] qui le descend de Port-Said à Ismaïlia. Le lendemain, le premier convoi franchit le canal vers la Méditerranée[12]. Durant quelques mois, le temps de remettre en état complet les installations du canal, un seul convoi par jour peut passer, avec un tirant d'eau maximal de 10 mètres[12].

À la suite de l'augmentation de la piraterie autour de la Corne de l'Afrique à la fin des années 2000, il est évoqué la possibilité de l'éviter à nouveau. Mais les revenus assurés par le canal, bien qu'en diminution, sont vitaux pour l'Égypte. Ils représentent la troisième source de devises : 5 milliards de dollars par an (chiffre 2013[13]), soit 20 % du budget de l'État[13].

Agrandissement et nouveau canal en 2015[modifier | modifier le code]

Le 5 août 2014, l'Égypte annonce son intention de creuser un deuxième canal parallèle au canal de Suez sur sa partie orientale, afin de permettre de supprimer la circulation alternée des convois dans cette partie du canal. Ce nouveau canal a une longueur de 72 km et coûte environ trois milliards d’euros. Ce projet réduit le temps d’attente maximale de passage pour les bateaux de 11 à 3 heures[14].

Les travaux impliquent l'approfondissement et l'élargissement du canal existant sur 35 km, ainsi que le creusement d'un nouveau canal de 37 km au niveau de la ville d'Ismaïlia. Les premiers tests de navigation commencent le 25 juillet 2015 alors que six navires répartis en deux groupes de trois traversent l'extension du canal dans le cadre de ce test[15]. L'ouverture du nouveau canal a eu lieu le 6 août 2015[16].

Le canal de Suez rapporte en 2015 environ 5,3 milliards de dollars par an à l'Égypte. Selon les projections financières égyptiennes de 2015, le canal doit rapporter chaque année 13,2 milliards de dollars en 2023 avec les améliorations[15]. Le président égyptien Al-Sissi inaugure le 6 août 2015 ce deuxième canal[17]. Ce deuxième canal a été mis en service à la fin du mois.

Chronologie[modifier | modifier le code]

  •  : Mohammed Saïd, le fils de Méhémet Ali devient vice-roi d’Égypte. Il accorde à Ferdinand de Lesseps le pouvoir exclusif de constituer la compagnie qui percera l’isthme de Suez.
  •  : une souscription est ouverte pendant un mois pour récolter des fonds pour la compagnie.
  •  : Ferdinand de Lesseps constitue la Compagnie universelle du canal maritime de Suez, elle s’occupera de creuser le canal.
  •  : le premier coup de pioche est donné pour la construction du canal.
  •  : Ferdinand de Lesseps organise la première visite du chantier du canal aux personnalités qui le désirent.

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Coupe type du canal
Schéma comparatif des tailles du canal entre 1870 et 2010
Pont tournant d'El Ferdan

Le canal ne comporte pas d'écluses, tout son trajet restant au niveau de la mer, contrairement au canal de Panama. Son tracé s'appuie sur trois plans d'eau, les lacs Manzala, Timsah et Amer traversés par un chenal de navigation.

Sa largeur moyenne est de 345 m (initialement 52 m). Sa largeur minimale est de 280 m. La largeur navigable sous 11 m de tirant d'eau est de 190 m (initialement 44 m). Le canal entre Port-Saïd et Suez a une longueur de 162 km. Les chenaux d'accès au nord et au sud portent la longueur totale de l'ouvrage à 195 km. Trois chenaux de dérivation d'une longueur totale de 78 km sont situés à Port-Saïd, dans le lac ancien d'El Ballah et au Grand Lac Amer.

Par suite de sa faible profondeur, les supertankers vident une partie de leur pétrole en entrant dans le canal, et les rechargent en sortant, le pétrole en question circulant par oléoduc[19].

Le canal d'une profondeur de 24 m permet le passage de navires de 20,12 m de tirant d'eau (66 ft) depuis les derniers travaux de 2010 contre 22,5 m auparavant[Quoi ?].

Les navires ayant les dimensions limites les autorisant à franchir le canal de Suez sont appelés Suezmax. Il en est de même pour le canal de Panama les navires sont appelés Panamax.

Quelque 20 000 navires traversent le canal chaque année, représentant 14 % du transport mondial de marchandises. Un passage prend de onze à seize heures.

La traversée d'Est en Ouest du canal est, la plupart du temps, assurée par des bacs. Plusieurs ouvrages permettent cependant de traverser le canal :

  • le pont du Canal de Suez, construit entre 1992 et 1999, qui enjambe le canal au niveau d'El Qantara (mot arabe signifiant « pont »), et qui laisse un espace de 70 mètres au-dessus du canal permettant un tirant d'air maximal pour les navires de 68 mètres,
  • le pont d'El Ferdan, qui est également le pont tournant le plus long du monde,
  • le tunnel Ahmed Hamdi, au sud du Grand Lac Amer, d'une longueur de cinq kilomètres, creusé sous le canal. Inauguré en 1980, est utilisé par les automobilistes égyptiens pour se rendre dans la presqu'île du Sinaï et gagner les stations balnéaires de la mer Rouge.

Enfin, le canal est également traversé par des canalisations d'eau douce 57 km au nord de Suez, et par une ligne haute tension, construite en 1999.

Milieu naturel[modifier | modifier le code]

Du point de vue environnemental, la construction du canal a eu comme premier effet d'isoler physiquement l'Afrique de l'Asie, pour toutes les espèces animales non volantes. C'est la première coupure écologique aussi importante jamais conçue et réalisée par l'Homme, avant celle de Panama qui a séparé les deux Amériques, du Nord et du Sud.

Le transfert de millions de mètres cubes d'eau via le canal, en mettant en contact deux mers séparées depuis des centaines de millions d'années, a été l'occasion de migrations massives d'espèces et de parasites ou microbes, dont certaines ont un potentiel invasif, soit par le canal, soit par l'eau de ballast des navires ou par les propagules transportées sous leur coque. Les invasions biologiques d'espèces marines se faisant par l'intermédiaire du canal ont été baptisées « migrations lessepsiennes », et elles menacent l'équilibre écologique déjà précaire de la mer Méditerranée.

Les fumées et gaz d’échappement des navires contribuent à polluer et acidifier l'air et provoquer des pluies acides dans la région (cf. fioul lourd mal désoufré ou même non désoufré).

Le canal de Suez en permettant d'éviter le passage au sud de l'Afrique a plus que décuplé le trafic marchand méditerranéen . Alors que la zone couvre moins de 1 % de tous les océans, c'est aujourd'hui environ 30 % du volume du trafic maritime mondial qui provient de cette zone ou y arrive ou la traverse (sans intérêt économique direct pour ses 305 ports et pour les régions littorales de Méditerranée, et sans écotaxe). Le CEDRE estime que 50 % des marchandises transportées dans ce « couloir » doivent être « considérées comme dangereuses à différents degrés ». Le risque d'une grave marée noire persiste, avec 28 % du trafic pétrolier maritime mondial transitant par la Méditerranée où les tempêtes sont parfois violentes[20].

Sécurité maritime[modifier | modifier le code]

En dépit de mesures de précaution et de sécurité accrues ; outre le risque d'attaques ou d'actes terroristes sur des navires naviguant sur le canal, les risques d'accident persistent.

Accidents[modifier | modifier le code]

Dès son ouverture, le canal de Suez a connu des accidents. En 1920, le Karaboudjan, un bateau à vapeur, a pris feu en traversant le canal et a explosé, tuant près de la moitié de ses marins et bloquant la traversée du canal pendant trois jours.[réf. nécessaire] C'est en souvenir de cette catastrophe que Hergé a appelé, le cargo du capitaine Haddock, le Karaboudjan.

Le risque de marée noire est le plus craint ; déjà en 1956, quand Nasser a nationalisé la Compagnie du canal de Suez, 50 % des approvisionnements pétroliers français et britanniques y passaient.

Les accidents les plus récents sont :

  • celui du Al Samidoun en  ;
  • celui du pétrolier battant pavillon libérien, le Grigoroussa 1 qui a heurté le une berge dans la partie sud du canal, perdant environ 3 000 tonnes de fioul lourd sur 58 000 tonnes, sur une distance de plus de 20 km, avant qu'on ait pu l'entourer de barrages flottants et le remorquer jusqu'au port de Suez ; les autorités du canal n'ont pas détaillé par la suite les mesures de dépollution qui auraient pu avoir été entreprises[20] ;
  • en , c'est un bateau utilisé pour la maintenance du canal de Suez, le Khattab, qui fait naufrage en pleine nuit (deux morts, six blessés et cinq disparus) près d'Ismaïlia.

Attentats terroristes[modifier | modifier le code]

Les « goulets d'étranglement » ne permettent pas la croissance du trafic ni de la taille des cargos et sont considérés comme des « talons d'Achille de l'économie pétrolière mondiale » (l'exemple le plus notable est le détroit d'Ormuz (30 % du tonnage pétrolier)[21].

Fin aout 2013, le porte-conteneurs le Cosco Asia a été la cible d'une attaque terroriste alors qu'il remontait le Canal vers la Méditerranée. Cette attaque, sans réelle conséquence pour le navire, met en lumière les problèmes de sécurité et la difficulté pour l'armée égyptienne de prévenir les attentats.

C'est pourquoi des bases navales et une flotte de guerre sont entretenues en permanence dans la région par les États-Unis (5e flotte dans l'Ouest de l'océan Indien, et 6e en Méditerranée), assistés par la France à Djibouti et à Abu Dhabi.

Transit[modifier | modifier le code]

Navires du 2e convoi amarrés au by-pass de El Ballah

Le transit des navires est organisé en convois alternés (sud → nord et nord → sud), au rythme d'un convoi par jour en route vers le nord et deux convois en route vers le sud. Les navires se croisent au Grand Lac Amer principalement. Un deuxième croisement se fait pour le deuxième convoi en route vers le sud au by-pass de El Ballah[22].

Chaque navire en transit embarque successivement quatre pilotes au minimum, l'un pour le chenal d'accès au nord, le deuxième de Port-Saïd à Ismaïlia, le troisième d’Ismaïlia à Suez, le dernier pour le chenal d'accès au sud, ainsi qu'une ou deux embarcation(s) armée(s) de lamaneurs ainsi qu'un électricien. Le premier et le dernier pilote sont des pilotes de port et ne font pas partie de la société du canal.

La réglementation exige également que les navires en transit soient pourvus d'un projecteur agréé. Ce projecteur placé à la proue, permet d'éclairer si besoin, les berges dans le cas où un vent de sable réduirait la visibilité. Il est possible de louer un projecteur agréé auprès des autorités du canal.

Les pilotes du canal sont ici responsables du respect de l'ordre prévu dans les convois, ainsi que du passage en temps et en heures à plusieurs sémaphores (ou stations) placés le long du canal.

Stations de signaux du canal de Suez[modifier | modifier le code]

Les stations sont présentes tous les dix kilomètres environ.

  • Port Saïd
    • Râs el 'Ish, El Tîna, El Câp, El Quantara
  • El Ballâh (By-pass)
    • El Firdân, El Ismâ 'ilîya, Tûsûn, Déversoir
  • Grand lac amer
    • El Kabrît, El Gineifa, El Shallûfa
  • Suez

Des remorqueurs participent au convoi pour pallier toute avarie de propulsion. Les navires se suivent à une distance d'environ un mille marin et la vitesse de transit est approximativement de neuf nœuds.

Les petits bateaux à voile qui désirent transiter, doivent également embarquer du personnel local spécialisé.

Sources[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Canal de Suez sur Structurae, consulté le 11 mai 2014.
  2. 3,4 milliards de dollars en 2005, soit + 12,6 % par rapport à 2004 ; bond expliqué par le développement du commerce avec l'Inde et la Chine.
  3. BlogFinance
  4. Canal de Suez dans 1911encyclopedia.org et Lexicorient à propos du canal de Suez.
  5. Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne]
  6. Livius.org
  7. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k29147g
  8. Colling 1949, p. 239
  9. Dans son livre sur le transport en Égypte, Negrelli écrit sur le canal de Suez :

    « Aus dem bisher Gesagten geht hervor, daß die Kommunikationsmittel in Egypten im Ganzen noch sehr mangelhaft sind, und daß die Eisenbahn, welche binnen wenigen Monaten Alexandrien über Kairo mit Suez verbinden wird, nur den Verkehr zwischen diesen drei wichtigen Städten und zugleich den Transport von Reisenden und Waren von und nach Ostindien vermitteln wird.[...] Die Verbindung der beiden Meere mittelst eines maritimen Kanals ist demnach sowohl für die Entfaltung des Welthandels durch Abkürzung des Weges zwischen Europa und den am indischen Ozean gelegenen reichen Ländern der alten Welt, als auch für die Belebung der Küstenfahrt Egyptens, verbunden mit dem Aufblühen der inneren Wohlfahrt dieses gesegneten Landes, eine unbestreitbare Nothwendigkeit. »

    — Die gegenwärtigen Transport- und Kommunikationsmittel Egyptens, 1856

  10. Arnold T. Wilson, The Suez Canal
  11. « Les marins oubliés de la guerre des six jours », sur Telle est la télé !,‎ (consulté le 17 mai 2012)
  12. a, b, c, d, e et f [1]
  13. a, b, c et d « L'Égypte va creuser un nouveau canal de Suez » (consulté le 13 juin 2015)
  14. « L’Égypte veut construire un deuxième canal de Suez », Le Soir,‎ (lire en ligne)
  15. a et b Agence France-Presse, « Canal de Suez: premier test pour la seconde voie », La Presse,‎ (lire en ligne)
  16. « Ouverture du nouveau canal de Suez le 6 août », Challenges,‎ (lire en ligne)
  17. http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20150804.OBS3685/le-pari-fou-du-deuxieme-canal-de-suez.html
  18. « Le nouveau Canal de Suez inauguré le 6/8 » (consulté le 13 juin 2015)
  19. Le Fabuleux Voyage d'un baril de pétrole, Arte.
  20. a et b Lettre du CEDRE, mars 2006
  21. J.-P. Rodrigue, « Straits, passages and chokepoints: a maritime geostrategy of petroleum distribution », Cahiers de géographie du Québec, 2004.
  22. Voir simulation sur le site de la Suez Canal Authority