Guerres ottomanes en Europe

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Situation géopolitique dans les Balkans en 1500.

Les guerres ottomanes en Europe sont les guerres qui, après la Chute de Constantinople (1453), ont opposé l’Empire ottoman en expansion au nord et à l'ouest, à l’Europe chrétienne du XIVe siècle au XVIIIe siècle.

Les principaux adversaires des Ottomans furent d'abord la République de Venise, l’Autriche habsbourgeoise et la Pologne-Lithuanie ; s'y ajouta la Russie vers la fin du XVIIe siècle. Au contraire, des puissances comme la France, la Suède et la Prusse s'alliaient sporadiquement avec la Sublime Porte, et au cours du XVIIe siècle, la Pologne-Lithuanie fut temporairement alliée au Khanat des Tatars de Crimée. Enfin au XVIIIe siècle, des patriotes polonais cherchèrent à faire alliance avec les Ottomans.

Histoire[modifier | modifier le code]

Conquête des Balkans[modifier | modifier le code]

Premières conquêtes sur l'empire byzantin (1346 - 1356)[modifier | modifier le code]

Même si les Ottomans faisaient régulièrement des incursions les long des côtes grecques depuis la fin du XIIIe siècle, la conquête de l'Europe débuta réellement avec l'invasion progressive des Balkans pendant la seconde moitié du XIVe siècle. Durant cette période, l'empire byzantin, qui avait été la seule puissance d'Europe orientale à résister aux Ottomans pendant le Moyen Âge, n'est plus que l'ombre de lui-même et s’affaiblit de plus en plus au fil du temps. Ainsi, au cours de la guerre civile qui secoue l'empire, le prétendant byzantin Jean VI Cantacuzène marie sa fille en 1346 au bey ottoman Orhan.

En 1354, les Ottomans prennent le contrôle de Gallipoli, ce qui leur donne un tremplin pour de futures opérations militaires en Thrace. En l'espace d'une décennie, l'essentiel de la Thrace orientale tombe ainsi entre leurs mains, Orhan Ier colonisant massivement la région par des tribus turques. Ces possessions, coupant Byzance de tous ses débouchés européens les plus proches, constituaient un atout stratégique décisif. Le contrôle des voies de communication continentales en Thrace isolait aussi Byzance, qui perdait ainsi contact avec des alliés potentiels dans les Balkans. Jean V Paléologue dut reconnaître la perte des territoires par traité en 1356. Mourad Ier succéda à Orhan vers 1360.

Expansion (1356-1402)[modifier | modifier le code]

La perte de Gallipoli par les Ottomans entre 1366 et 1376 bloque Mourad en Anatolie. Les Turcs présents en Thrace, sous l'autorité plus ou moins théorique des Ottomans, remportent cependant des succès, face à des adversaires dont les empires respectifs se sont disloqués en principautés rivales sous le coup de mouvements séparatistes. Andrinople est prise à une date incertaine (entre 1361 et 1371), et les Serbes qui cherchaient à les expulser d'Europe sont battus à la bataille de la Maritsa en 1371, ce qui permet aux Ottomans de vassaliser par la suite une partie des multiples souverains serbes et bulgares.

Probablement après 1377, Mourad transfère sa capitale à Édirne (Andrinople) aux dépens de Bursa, marquant ses desseins d’expansion en Europe. Les différentes principautés serbes, bulgares et albanaises sont progressivement vassalisées puis parfois conquises par Mourad et son successeur Bayezid Ier (batailles de Kosovo, Nicopolis etc)

L'Interrègne ottoman donne un répit aux voisins des ottomans, dont certains reprennent leur indépendance.

Reprise des conquêtes[modifier | modifier le code]

La Méditerranée orientale en 1450 : en magenta, empire byzantin ; en vert, possessions de la République de Venise ; en orange, duché de Naxos ; en bleu, Ordre des Hospitaliers ; en orangé, possessions de la République de Gênes.

La victoire de Mehmed Ier sur ses rivaux permet aux Ottomans de reprendre leur politique d'expansion. Sous son règne et celui de ses successeurs, la quasi-totalité des Balkans passe sous contrôle ottoman direct : conquête de Thessalonique (1430), Bataille de Kosovo (1448) prise de Constantinople (1453), annexion des despotats de Serbie, de Morée (1460), de la Bosnie.

Affrontement avec les Vénitiens et l'Ordre hospitalier[modifier | modifier le code]

Alors que les Ottomans étaient devenus maîtres de toute la Grèce continentale, seules quelques îles du sud de la Méditerranée leur échappèrent encore pendant quelques décennies. Rhodes fut prise en 1522, Chypre en 1571 et la Crète fut contrôlée par les Vénitiens jusqu'en 1669[a 1].

Article connexe : Guerre de Candie.

La conquête de la Hongrie[modifier | modifier le code]

Conquêtes ottomanes en Hongrie entre 1526 et 1568 (en vert) ; les zones restées aux Habsbourg sont indiquées en orange, un royaume de Hongrie orientale (en bleu) est instauré.

Après les victoires de cette guerre de conquête : Bataille de Kosovo Polje, bataille de Nicopolis, la Chute de Constantinople (1453) et enfin la bataille de Mohács (1526), l’Empire ottoman parvint au contact direct des grands Etats européens. Venise, qui depuis des décennies cherchait par divers coups de main à conforter son influence en Mer Égée, dut ménager ses relations commerciales avec la Sublime Porte.

Avec la bataille de Mohács, cependant, l’Empire ottoman ne cachait plus son ambition de s’étendre en Europe centrale. La Hongrie, en proie aux troubles intérieurs de par la rivalité entre Ferdinand Ier et Jean Ier de Hongrie, devenait une proie tentante. L’Armée ottomane, appuyée par l'archiduc Jean, s'abattit sur Presbourg, puis se dirigea sur Vienne, et si le Siège de Vienne, au début du mois d'octobre 1529, demeura infructueux, cet échec paraissait n'être que temporaire. Désormais la menace d'invasion était latente et Charles Quint déploya tout au long de son règne une stratégie de défense active sur la frontière de Hongrie : en 1530, il affronta les Turcs à plusieurs reprises dans cette région. Il ne s'agissait pas seulement pour lui de vaincre des Infidèles, mais aussi d'obtenir la couronne de Hongrie. Pour parvenir à ses fins, il finit par conclure en 1532 la Paix de Nuremberg avec les princes protestants d'Allemagne, incitant Soliman Ier, qui campait aux frontières de l'Autriche avec son armée, à se replier sans combattre. Le 23 juillet 1533, l'empereur conclut un traité de paix avec les Ottomans, et un armistice avec Jean Ier de Hongrie ; seulement les Turcs reprirent les hostilités en 1537, et défirent l'armée du prince Ferdinand aux frontières de la Slovénie. L'année suivante, Jean de Hongrie imposa à l'empereur un nouvel armistice. Puis en 1541 les Turcs s'emparèrent de Buda et occupèrent militairement toute la Hongrie et une partie de la Croatie. En 1544 il prirent la ville de Kraljeva Velika, d'où désormais ils organisèrent leurs attaques contre Zagreb. Soliman, alors âgé de plus de 70 ans, déclencha encore en 1566 une campagne en Hongrie, mais mourut au siège de Szigetvár le 5 septembre 1566.

Tripoli, dans l'actuelle Libye, qui au cours du Moyen Âge était demeurée une seigneurie arabe, passa en 1509 sous domination espagnole. L'empereur Charles Quint fit en 1530 de la Tripolitaine un fief des chevaliers de l'Hôpital, mais dès 1551 les Turcs s'en emparèrent, et leur général, le sultan Turgut Reis, devint le bey de Tripoli.

Le fardeau de la guerre défensive des Européens fut assumé jusqu'en 1525 par le Royaume de Hongrie, puis par l’Autriche des Habsbourg liguée aux autres états du Saint empire romain germanique. Il se créa en particulier une marche militarisée en Croatie, occupée par des milices paysannes.

Un coup d'arrêt : Lépante[modifier | modifier le code]

La bataille de Lépante (Venise, musée d'histoire de la marine).

Depuis le début du XVIe siècle, les Turcs pratiquent des razzias en Méditerranée occidentale. Débarquant sur les côtes italiennes, provençales ou espagnoles, ils pillaient les villes du littoral et emmenaient certains habitants en esclavage. Rompant avec cette tactique sans système, les Ottomans décident de prendre définitivement l'initiative sur mer en s'opposant de front aux Génois et aux Vénitiens. À une rivalité stratégique (le contrôle de la Méditerranée occidentale), s'ajoute en arrière-plan la rivalité religieuse traditionnelle entre chrétienté et islam. En 1570, les Ottomans s'emparent de Chypre au terme d'une conquête brutale (plus de 20 000 habitants de Nicosie sont mis à mort[1]). Sous le nom de Sainte Ligue, le pape Pie V appelle à la croisade, et réussit à constituer une alliance entre la République de Venise, les royaumes espagnols de Naples et de Sardaigne, et quelques autres puissances.

Au matin du 7 octobre 1571, une flotte chrétienne commandé par le prince espagnol Juan d´Autriche partie de Messine intercepte la flotte turque en provenance de Lépante, dans le golfe de Patras, au large de la Grèce. Il s'ensuit une retentissante victoire de la flotte chrétienne (essentiellement vénitienne et espagnole) : cette bataille, qui a détruit l'essentiel de la flotte de guerre ottomane, confirme l’hégémonie espagnole sur l'ouest de la Méditerranée et met un coup d’arrêt à la progression ottomane en Europe. Cependant, les dissensions entre alliés empêchent de poursuivre l'avantage, et les projets de reconquête des Dardanelles, voire de Constantinople, doivent être abandonnés. Les Ottomans reconstituent rapidement leur flotte et reprennent le contrôle de la Méditerranée orientale. Venise, ruinée par la guerre et l'interruption de son commerce avec l'Orient, négocie avec les Turcs et leur reconnaît par traité le la possession de Chypre, pourtant objet originel du conflit.

L’expansionnisme ottoman est en revanche irréversiblement marqué par la défaite de Lépante. S'ils ont rapidement remplacé les navires, les Turcs n'ont jamais vraiment pu se remettre de la perte de 30 000 hommes, souvent hautement qualifiés — marins, rameurs, archers embarqués. Grâce à leur alliance avec la France, en lutte contre l'Espagne, les Ottomans réussissent toutefois à parachever leur conquête du Maghreb (prise de Tunis en 1574)[2].

La longue guerre[modifier | modifier le code]

Carte des Balkans vers 1600.

Dès l’automne 1594, Michel le Brave, prince de Valachie, mène une campagne vigoureuse contre les Ottomans, conquérant de nombreux châteaux du Danube Inférieur : Giurgiu, Brăila, Hârşova et Silistra ; ses alliés contiennent les armées ottomanes en Moldavie, notamment à Iași. Michel s’enfonce peu à peu en territoire ottoman, prenant les forts de Nicopolis, Ribnic et Chilia, et atteignant même l'ancienne capitale turque, Edirne.

Article détaillé : Longue Guerre.

En 1595, le pape Clément VIII obtient une alliance entre les puissances européennes chrétiennes contre l'Empire ottoman ; cette alliance, voulue par les Habsbourg soucieux de reprendre les territoires centraux de Hongrie, est signée à Prague par l'Empereur Rodolphe II et Sigismond Ier Báthory de Transylvanie. Aron Tiranul de Moldavie et Michel le Brave de Valachie rejoignent l'alliance plus tard dans l'année. À ce moment, le sultan Mehmed III peut, de son côté, envisager de s’emparer de Vienne, désormais à une centaine de kilomètres de la frontière.

Dans le conflit qui suit, la maîtrise de la ligne fortifiée du Danube est la clef du succès : aussi, la guerre se déroule-t-elle principalement dans une région correspondant approximativement à l'Ouest de la Hongrie actuelle, au Sud de la Slovaquie moderne, à la Bulgarie, à la Serbie et au Sud de la Roumanie.

En 1595, l’armée impériale des Habsbourg s’empare de forteresses stratégiques sur les rives du Danube, mais quelques mois plus tard, les Ottomans prennent d’assaut la ville d’Eger.

La bataille de Călugăreni, affrontement décisif entre Ottomans et Valaques, est pour le prince Michel une victoire à la Pyrrhus. Très affaibli par ses pertes en hommes, il se replie et attendra en vain l’aide des Habsbourg jusqu’en 1599. La bataille de Keresztes, qui se déroule du 24 au 26 octobre 1596 en Hongrie, marque le tournant de la guerre. Les forces combinées des Habsbourg et des Transylvaniens (soit 45 à 50 000 hommes) sont taillées en pièces par une armée turco-tatare deux fois plus nombreuse.

La suite du conflit est marquée par une suite d'affrontements entre princes hongrois vassaux des Turcs, et troupes valaques (bataille de Goroszló en août 1601, bataille de Braşov en 1603). Les Habsbourg ravagent finalement la Transylvanie mais leurs lignes, trop étendues, ne leur permettent pas de s’y établir sans disposer de la place de Buda. Les Ottomans, en difficulté dans leur guerre avec la Perse, acceptent finalement, pour fixer la frontière du Danube, de signer le Traité de Zsitvatorok le 11 novembre 1606. Ce traité, qui met un terme au tribut annuel imposé jusque-là au Saint Empire, constitue ainsi une victoire stratégique des Habsbourg.

La guerre de Candie[modifier | modifier le code]

Article détaillé : Guerre de Candie.

L'Autriche menacée[modifier | modifier le code]

Les frontières européennes de l'Empire ottoman à leur extension maximum (1683).
Siège et assaut de Vienne en septembre 1683. Tableau monumental du Musée Historique des Armées de Vienne.

Après l'échec des pourparlers en vue d'une paix durable entre l’Empire ottoman et le Saint Empire, le grand vizir Ahmed Köprülü avait réuni le 12 avril 1663 une armée d'invasion d'environ 100 000 hommes à Edirne. Son objectif, Buda, fut atteint fin juin. Le 7 août, les Turcs vainquirent l'armée impériale autrichienne dans la région de Gran. La chute de la forteresse de Neuhäusl (aujourd'hui Nové Zámky), le 25 septembre, fut un coup dur pour les Habsbourg. Le Grand Vizir repartit avec son armée à Belgrade prendre ses quartiers d'hiver. Avec près de 40 000 hommes, il entreprit le 8 mai 1664 une nouvelle campagne contre l'empire des Habsbourg. Une partie des forces impériales, sous les ordres du général Raimondo Montecuccoli, tenta sans succès de s'emparer du fort de Canischa avant d’affronter les Turcs. Montecuccoli décida de se replier.

Comme les Turcs s'approchaient, il vint des renforts de toute l'Allemagne : de Bavière, de Souabe, du Hanovre, de Westphalie, de Franconie et même un corps auxiliaire français. Ces troupes, environ 25 000 hommes, prirent position le 30 juillet 1664 autour de Mogersdorf, les Turcs ayant établi leur camp à Saint-Gothard (Szentgotthárd).

Comme les Impériaux s'étaient hâtés de franchir le fleuve Raab, le Grand Vizir Ahmed Köprülü , persuadé que toutes les troupes ennemies n'étaient pas encore parvenues à Mogersdorf, fit mettre son armée en ordre de bataille. Après une nuit de tirs d’artillerie, 12 000 Turcs partirent à l'assaut au matin du 1er août. Au terme d'un sanglant combat qui dura dix heures, Montecúccoli sortit vainqueur : les Turcs venaient de perdre en un seul jour 10 000 hommes, tandis que les Impériaux ne déploraient que 2 000 victimes ; mais les Turcs perdirent surtout leur réputation d'invincibilité, car pour la première fois une de leurs armées était défaite en bataille rangée par une armée occidentale. Le 10 août 1664, l’empereur Léopold Ier et le Grand vizir Ahmed Köprülü conclurent une trève de 20 ans, la Paix de Vasvár. Les deux belligérants, en effet, avaient désormais d'autres soucis : le Grand vizir voulait mettre un terme à la guerre avec Venise autour de la possession de la Crète, qui durait depuis 19 ans; l'empereur pourrait, lui, enfin se retourner contre le roi de France Louis XIV, dont l'expansionnisme menaçait les marches occidentales du Saint Empire.

Pourtant, en 1682, au terme de presque 20 ans, la guerre éclata de nouveau. Encouragé par Louis XIV et les premiers succès de la rébellion anti-habsbourg des Kurucs menée par le prince Imre Thököly en Haute Hongrie (en), le sultan Mehmed IV marcha le 31 mars 1683 avec près de 150 000 hommes depuis Edirne sur Belgrade, qu’il atteignit début mai. Ce n’est que le 27 juin que le sultan décida que Vienne serait le but de cette campagne. Pendant ce temps, le général des Impériaux, le duc Charles de Lorraine, partit à l'assaut des forteresses de Neuhäusl et Gran, en Haute Hongrie, guidé par le précepte que la meilleure défense est l’attaque. Mais ayant remarqué que les Turcs marchaient directement sur Vienne et menaçaient ainsi de le couper de ses arrières, il se replia avec 30 000 hommes à Vienne, surveillant avec sa cavalerie la rive nord du Danube tandis que son infanterie était commise à la défense de la ville. Sur la prière de ses conseillers, l'empereur avait quitté Vienne, ce qu'il devait regretter par la suite, car cet acte lui aliéna la faveur du peuple pour la fin de son règne. Ainsi 11 000 impériaux et 5 000 hommes des milices bourgeoises, sous les ordres du comte Ernst Rüdiger von Starhemberg participaient à la défense de Vienne. Le 14 juillet 1683, le siège commençait, et dura deux mois. Au matin du 12 septembre, une armée de secours forte de 80 000 hommes, commandée par le roi de Pologne Jean III Sobieski et le duc Charles de Lorraine, attaqua les assiégeants par les hauteurs du Kahlenberg et les défit.

Reconquête de la Hongrie[modifier | modifier le code]

Manteau de soie ottoman, seconde moitié du XVIe siècle, Hongrie (Trésor Esterházy)

En 1684, le Saint Empire, le royaume de Pologne et Venise formèrent la Sainte Ligue (1684). Charles de Lorraine entreprit une nouvelle campagne contre Buda avec une armée de 18 000 soldats. Le 13 juin, après que le gros de l'armée eut franchi le Danube dans les environs de Gran, l'avant-garde de l'armée impériale, commandée par Maximilian Lorenz von Starhemberg (de) et le margrave Louis de Bade, parut sous les murs de Visegrád le 15 juin. Le lendemain, la place de Gran, en dépit de ses importantes fortifications, fut enlevée par l'armée du Saint Empire, l'une des portes ayant été détruite par des tirs d'artillerie. La garnison turque fut passée au fil de l'épée et la ville mise à sac. Seuls quelques défenseurs parvinrent à se replier dans la citadelle qui surplombait la ville. Ils capitulèrent au bout de 36 heures, le 18 juin.

Le 27 juin, l'armée du Saint Empire se heurtait dans les environs de Vác à une armée turque forte de 17 000 hommes. Malgré la position favorable des Turcs, Charles de Lorraine ordonna l'assaut et fit donner son artillerie. Le corps d'armée central était commandé par Maximilian Lorenz von Starhemberg. Après un bref combat, il prit le dessus. Vác elle-même tomba le même jour aux mains de Impériaux. Le 30 juin, le gros de l’armée du Saint Empire pénétrait dans Buda, que les Turcs venaient d'abandonner après l'avoir incendiée. Après avoir repassé le Danube à Vàc, l'armée impériale, forte de 34 000 hommes, mit le siège devant Buda le 14 juillet 1684, jour anniversaire du début du siège de Vienne. La place était défendue par quelques 10 000 Turcs disposant d'un feu de 200 canons. Mais le siège fut abandonné au bout de 109 jours à cause des intempéries, du moral catastrophique des troupes, et de l'annonce que les Turcs avaient réussi à mobiliser une armée de secours.

Ce n'est que lors de la campagne suivante que, le 2 septembre 1686, les troupes de la Ligue s'emparèrent de Buda. De là, elles purent année après année libérer le royaume multi-ethnique de Hongrie par les batailles de Zenta et de Peterwardein. Louis-Guillaume de Bade-Bade, surnommé « Louis le Turc », et le Prince Eugène de Savoie, s'illustrèrent au cours de ces années.

Alliée de l’Autriche par la Sainte Ligue, la République de Venise avait depuis 1684 repris aux Ottomans la presqu'île de Morée (Péloponnèse). Désormais le Saint Empire prenait le dessus sur l’Empire ottoman en Europe.

Combats outre-mer[modifier | modifier le code]

Mais la confrontation entre les états chrétiens d'Europe et l’Empire ottoman s'étendait désormais à trois continents. Outre les Balkans, l’Italie, où dès 1480 une armée ottomane s'était emparée d'Otrante, était disputée. Les barbaresques, vassaux des Ottomans, menèrent tout au long du XVIe siècle une série de pillages contre les comptoirs espagnols et italiens. Pour cette raison même, l'Espagne des Habsbourg entreprit plusieurs campagnes militaires contre l’Empire ottoman et ses vassaux d’Afrique du Nord, enlevant notamment Tunis (1535) ; le Siège d'Alger (1541) échoua . Les possessions du Portugal aux Indes firent de l'Asie un nouveau théâtre d'opération. Depuis leurs comptoirs de la côte occidentale des Indes, les Portugais lancèrent divers raids contre les ports d'Arabie. En rétorsion, les Ottomans attaquèrent Diu en 1538. En 1550, les Portugais portaient leurs assauts jusqu’à Bassorah en Mésopotamie.

L'expansion russe[modifier | modifier le code]

Tente princière ottomane, début du XVIIIe siècle ; au premier plan le mortier de Belgrade (Musée Historique des Armées de Vienne).

À partir de la fin du XVIIe siècle, la Russie s'étendit sans cesse vers le sud, et en 1739 elle fit sienne la croisade de l’Église orthodoxe : la libération de Constantinople ; car non seulement les tsars se voyaient comme les héritiers de l’empire byzantin, mais ils se firent les protecteurs des chrétiens orientaux de l'Empire ottoman. Il y avait aussi la question du libre passage des détroits maritimes, clef de la suprématie économique. Comme la Russie, par ses guerres contre les Turcs, ravissait peu à peu sa position et gagnait sans cesse en influence, cependant que l’Empire ottoman passait pour l’Homme malade de l'Europe, la position des autres États européens se mit à évoluer. Désormais, leur intérêt passait par un maintien de l'intégrité de l’Empire ottoman afin non seulement de préserver leurs relations économiques et de ménager la stabilité politique des Balkans, mais aussi de contenir l'expansionnisme de la Russie, et de s'opposer à son hégémonie à l'est. C'est pourquoi ils soutinrent les Ottomans contre les Russes dans la guerre de Crimée et s’opposèrent en 1878 à une reconquête russe de Constantinople.

Conséquence des guerres ottomanes en Europe[modifier | modifier le code]

Aspect politique[modifier | modifier le code]

L’irruption dans les Balkans d'une armée numériquement très supérieure à ce que l'Europe, composée d'États morcelés, pouvait aligner dans des délais limités, a généralement provoqué l'effroi dans les cours chrétiennes, particulièrement aux XVIe et XVIIe siècles. Martin Luther n'était pas seul à estimer que les Turcs étaient un châtiment de Dieu censé faire expier leurs péchés et leur division religieuse aux Chrétiens[3] ; toutefois, le réformateur saxon se ressaisit ensuite et, dans sa Guerre contre les Turcs (1529) exhorte ses coreligionnaires à combattre le « fléau de Dieu » avec la dernière vigueur.

Après leur retrait de Hongrie durant le XVIIe, les Turcs restèrent sur la défensive tout au long du XVIIIe et du XIXe siècle. C'est durant ce dernier siècle que les peuples soumis par les Ottomans plus de 300 ans auparavant firent entendre leurs revendications nationalistes. Peu à peu, les différents peuples se soulevèrent et fondèrent des États indépendants contre lesquels un Empire ottoman en pleine décadence restait impuissant. Cependant, les nouvelles frontières créées provoquèrent de nombreuses tensions, voire de véritables guerres entre les peuples, en raison de l'enchevêtrement des communautés. Les Balkans devinrent le nouvel enjeu d'importance dans la lutte d'influence à laquelle se livraient les grands empires européens durant la fin du XIXe siècle et le début du XXe. Cette lutte d'influence couplée aux revendications des différentes nations balkaniques atteint son paroxysme durant l'année 1914 et se conclut par l'attentat de Sarajevo qui déclencha la Première Guerre mondiale[a 2].

Aspect militaire[modifier | modifier le code]

Aspect économique[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Hitchens, Christopher. Hostage to History: Cyprus from the Ottomans to Kissinger. Verso (1997)
  2. Andrew C.Hess, The Battle of Lepanto and Its Place in Mediterranean History, Past and Present, No. 57. Nov. 1972
  3. Cf. M. Luther, Heerpredigt wider die Türken, publié à l'automne 1529, et cité entre autres par Thomas F. Madden, Crusades the Illustrated History, Ann Arbor, University of Michigan,‎
  1. Conquête de la Grèce
  2. Le réveil agité des Balkans

Annexes[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Paul Kennedy (trad. M.-A. Cochez, J.-L. Lebrave), Naissance et déclin des grandes puissances [« The Rise and Fall of the Great Powers »], Payot, coll. « Petite bibl. Payot n°P63 »,‎ (réimpr. 1989, 1991) (ISBN 2-228-88401-4)
  • Jean-Pierre Bois, Les guerres en Europe, 1492-1792, Édition Belin SUP, coll. « Histoire »,‎ (ISBN 2-7011-1456-X)
  • Robert Mantran, Histoire de l’Empire Ottoman, Éditions Fayard,‎ (ISBN 2-213-01956-8)
  • B. Bennassar, J. Jacquard, Le XVIe siècle, Armand Colin, coll. « U »,‎ (réimpr. 1990)
  • Claire Gantet, Guerre, paix et construction des États 1618-1714, vol. 2, Éditions du Seuil, coll. « nouvelle histoire des relations internationales »,‎ , 432 p.
  • John Childs, Atlas des Guerres, Éditions Autrement, « la guerre au XVIIe siècle »

Références[modifier | modifier le code]