Hydra (île)

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Hydra
Ύδρα (el)
Vue sur la ville d'Hydra
Vue sur la ville d'Hydra
Géographie
Pays Drapeau de la Grèce Grèce
Archipel îles Saroniques
Localisation Golfe Saronique (mer Méditerranée)
Coordonnées 37° 21′ 00″ N 23° 28′ 01″ E / 37.35, 23.46737° 21′ 00″ N 23° 28′ 01″ E / 37.35, 23.467
Superficie 64 km2
Point culminant Mont Éros (593 m)
Administration
Périphérie Attique
District régional Îles
Dème Hydra
Démographie
Population 2 719 hab. (2001)
Densité 42,48 hab./km2
Plus grande ville Hydra
Autres informations
Fuseau horaire UTC+02:00
Site officiel http://www.hydra.com.gr

Géolocalisation sur la carte : Grèce

(Voir situation sur carte : Grèce)
Hydra
Hydra
Îles de Grèce

Hydra (grec moderne : Ύδρα) est une île grecque du golfe Saronique, au sud d’Athènes, dans la mer Égée, en face de la péninsule de l’Argolide. Ses marchands contribuèrent à en faire l’une des grandes puissances navales de la mer Méditerranée à l’époque moderne. Ses armateurs et ses navires jouèrent un rôle déterminant lors de la guerre d'indépendance grecque. Elle forme aujourd’hui l’essentiel du territoire de la municipalité qui porte son nom.

Géographie[modifier | modifier le code]

La côte inhospitalière d’Hydra

Généralités[modifier | modifier le code]

Hydra est avant tout une chaîne de montagnes plongeant dans la mer, d’une vingtaine de kilomètres de long sur 2 à 3,5 km de large. Son point le plus haut, le Mont Éros ou Vigla, culmine à 593 mètres. Hormis trois anses, la côte est rocheuse et inhospitalière aux navires, ce qui a jadis favorisé la défense de l’île. L’intérieur, montagneux, est rocailleux et couvert de maquis, plus propice à l’élevage extensif qu’aux cultures. Les collines grises se terminent souvent en falaises littorales. L’eau est insuffisante et les sources rares et intermittentes, malgré le nom de l’île (Hydra ou Hydréa, la « bien arrosée »), peut-être hérité du climat antique, qui a connu des épisodes plus humides qu’aujourd'hui[1].

Hydra est séparée de l'Argolide par le golfe d'Hydra.

Transports[modifier | modifier le code]

Hydra est à 37 milles marins du Pirée. On y va en flying dolphin, des hydrojets et hydroptères, en flying cat ou en simple ferry. Les ferrys mettent trois heures à effectuer le trajet, les autres moitié moins de temps. L’île est aussi reliée à Égine, Poros, Spetses, Nauplie et Monemvasia. Cette île est sans voitures[2].

Villes et villages[modifier | modifier le code]

La ville d’Hydra est le principal port et la seule ville de l’île, qui abrite aussi deux hameaux et des fermes isolées. Au fond d’une baie qu’on ne découvre qu’en y entrant, la ville s’étage en amphithéâtre autour de l’anse. Elle était protégée, à l’entrée du port, par des canons que l’on peut encore voir. La demeure historique des Tombazis abrite une annexe de l’École des Beaux-Arts d'Athènes. Sur le quai, le monastère de la Kimissis Theotokou abrite la principale église de l’île. À quinze minutes de marche vers l’Ouest se trouve Kaminia, un hameau de pêcheurs. Mandraki, à une 30 minutes à pied d’Hydra vers l’Est, est le port où se trouvaient les chantiers navals aux XVIIIe et XIXe siècles.

Curiosités[modifier | modifier le code]

Les voitures sont interdites sur Hydra ; les seuls moyens de transport sont l'âne ou le vélo.

On trouve à proximité de la ville une grotte donnant sur la mer, surplombée d’une falaise d’où l’on peut plonger d’une hauteur d'environ 4,50 mètres. La bord de mer, rocheux, est aménagé et en partie bétonné. Un escalier borde la mer pour ceux qui veulent apprendre à plonger.

Histoire[modifier | modifier le code]

Statue représentant l'enfant et le dauphin du film évoquant le récit de Théophraste.
Drapeau de l'île de Hydra en 1821.

Hydra est longtemps restée en marge des grands évènements de l’histoire, de l’Antiquité au Moyen Âge ; pour les marins connaissant les parages, elle est surtout un abri en cas de tempête. Elle fut souvent plus proche d'Argos, de Corinthe et de Sparte, que des Athéniens, fut échangée entre Trézène, Égine et Samos, et devint définitivement romaine en 63 avant notre ère, après les Guerres pontiques. Le christianisme semble y être établi au VIe siècle : Hydra fait désormais partie du monde byzantin. Les Croisés, débarquant de la flotte vénitienne, s’en emparent en 1204 et peu après elle appartient à la Principauté d'Achaïe[3] qui la garde jusqu’en 1417 lorsque les Grecs du despotat de Mistra reconquièrent le Péloponnèse. En 1540 l’île devient ottomane ; les Vénitiens la prennent en 1699 pour finalement la rendre aux Turcs en 1718. C’est durant cette période entre Venise et les Turcs, que l’île, un temps dépeuplée comme beaucoup d'autres, se repeuple d'Arvanites, puis devient, à partir du XVIIe siècle, une puissance marchande et navale. Au début du XIXe siècle, au faîte de sa fortune, la marine hydriote comptait 125 navires et plus de 10 000 marins.

Préhistoire, Antiquité et période byzantine[modifier | modifier le code]

La présence d’habitats paysans (agriculteurs et bergers) est attestée dans le deuxième moitié du troisième millénaire avant notre ère sur les quelques petites plaines invisibles depuis la mer. De l’obsidienne en provenance de Milo a été retrouvée sur Hydra.

Durant la période mycénienne, Hydra a peut-être servi de base navale aux royaumes continentaux, car des fragments de vases, des outils et une tête d’idole furent retrouvés sur le Mont Chorissa. Le grand mouvement de population amenant les Doriens en Grèce vers le XIIe siècle avant notre ère entraîna le dépeuplement de l’île. Elle aurait été repeuplée par des paysans et bergers, peut-être par le port continental d'Hermione, vers le VIIIe siècle avant notre ère.

Durant l’Antiquité, il semble qu’aucun dieu, aucun héros, aucun événement mythologique ne se rattache à l’île d'Hydra[4]. La seule légende que l’on y raconte, et qui servit de trame à des films modernes, est celle du garçon qui se lia d’amitié avec un dauphin, animal qui était dans l’Antiquité considéré comme le messager de Poséidon, et dont Théophraste et Aulu-Gelle faisaient déjà un ami du genre humain[5] ; cette légende se rencontre dans bien d’autres lieux autour de la Méditerranée.

Hérodote nous apprend que vers le VIe siècle avant notre ère, l’île appartenait à Hermione qui la vendit à Samos qui à son tour la céda à Trézène[6].

On sait que l’île était peuplée durant la longue période romano-byzantine (vases et monnaies découverts au lieu-dit Episkopi). Il semblerait qu’Hydra se soit totalement dépeuplée lors de la période de domination franque, principalement à cause du danger pirate. Les habitants des îles se repliaient alors vers l’intérieur des terres, or comme ce n’était pas possible sur Hydra, trop petite, le seul salut était de se réfugier dans les montagnes du Péloponnèse.

L’île fut repeuplée à la fin du XVIe siècle par des Albanais orthodoxes (Arvanites) venus du Péloponnèse, et n’apparut dans les registres ottomans qu’en 1670[7].

La puissance commerciale et navale[modifier | modifier le code]

L’île présentant peu d’intérêt agricole ou minier, fut relativement épargnée par la domination turque. Son développement naval et commercial aurait permis l’ouverture de la première école de marine marchande vers 1645[8]. Il semblerait que le premier navire construit sur l’île ait été lancé en 1657.

La guerre navale et terrestre entre Venise et l’Empire ottoman au XVIIe siècle limita l’essor de la marine marchande jusqu’en 1718 et le traité de Passarowitz. Dans la première moitié du XVIIIe siècle, Hydra construisit les mêmes caïques que les autres îles de l’Égée : le sachtouri (15 à 20 tonneaux) et le ladinadiko (40 à 50 tonneaux). Les Hydriotes se contentaient alors de naviguer en Égée, poussant parfois jusqu’à Constantinople et, pour les plus audacieux et seulement en été, jusqu’aux bouches du Danube, à la recherche de blé, de bois et de toile. Le grand changement survint en 1757, lorsqu’un navire de 250 tonneaux fut lancé. L’île devint alors un port commercial important. En 1771, 50 navires venus de toute la Grèce furent recensés en même temps dans sa rade. En 1781, l’île armait 100 bâtiments[9]. Contrairement à sa voisine Spetsès, Hydra ne participa pas à la révolution d'Orloff et ne subit ainsi pas de représailles de la part des Ottomans ; en récompense de son aide au cours de la guerre contre les russes elle reçut en 1778 le droit de collecter elle-même les taxes dues à l'empire[7].

Mais l’essor commercial d’Hydra était bloqué par l’Empire ottoman, sur plusieurs plans. Les impôts et taxes très lourds exigés par la « Sublime Porte » limitaient les possibilités de développement. La liberté de commerce était elle-même limitée par l’administration ottomane. Les Détroits (Dardanelles et Bosphore) donnant accès à la Mer Noire et au blé des Principautés danubiennes étaient bloqués à la circulation maritime non-ottomane et, pour les navires ottomans (comme ceux d’Hydra), soumise au bon vouloir des Kapoudan-Pacha des détroits. Le Traité de Kutchuk-Kaïnardji modifia cet état de fait. La Russie obtint de l’Empire ottoman le droit de « protéger » les chrétiens orthodoxes de l’Empire. Cette « protection » religieuse avait un corollaire très commercial : les Hydriotes purent dès lors arborer le pavillon russe et profiter de la libre circulation commerciale que le Traité avait instituée dans les Détroits. Hydra étendit alors son aire commerciale qui elle alla du Sud de la Russie aux ports italiens d'Ancône et Livourne, transportant toute sorte de marchandises : ambre de la Baltique, cuirs et fourrures de Russie, blé d’Ukraine, soieries, épices et parfums de l’Empire ottoman, porcelaine et joaillerie italienne...

À partir de 1785, les armateurs d’Hydra se lancèrent dans l’investissement commercial[10]. Chaque navire devint une petite entreprise commerciale. Très vite, les échanges commerciaux du Levant dépendirent des navires d’Hydra, de Spetses et de Psara.

Andreas Miaoulis

Pendant les guerres révolutionnaires et napoléoniennes, les navires de commerce d’Hydra brisèrent régulièrement le blocus britannique pour livrer du blé du Péloponnèse à Marseille. La fortune des armateurs de l’île s’accrut alors considérablement. Les bénéfices (partagés équitablement entre les armateurs, les capitaines et les marins) pouvaient alors atteindre 400 % des sommes investies au départ.

La guerre d’indépendance grecque[modifier | modifier le code]

Hydra joua un rôle déterminant lors de la guerre d'indépendance grecque. Elle fournit la plus grande part des navires de la flotte grecque, armés par les grandes familles d’armateurs, comme les Koundouriotis, qui jouèrent un rôle politique important. L’ancien marchand Andreas Miaoulis joua le rôle d’amiral pendant une grande partie de la guerre, au cours de laquelle les brûlots hydriotes firent beaucoup de dégâts à la flotte ottomane.

La rivalité et les intérêts divergents entre les îles d’armateurs et le continent conduisirent souvent à des dissensions, voire des guerres civiles. La nomination de Georgios Koundouriotis au gouvernement entre 1824 et 1826 fut la période où les insulaires eurent le plus d’influence.

Au cours du gouvernement de Ioannis Kapodistrias, l’île fut le centre d'une insurrection contre le pouvoir central, qui aboutit à l'été 1831 à la destruction de la flotte grecque.

Après l’indépendance[modifier | modifier le code]

Après l’indépendance, l’île connut un déclin important ; elle ne sut pas moderniser sa flotte au moment du développement de la marine à vapeur, et son port fut supplanté par ceux nouvellement créés d'Ermoupolis et du Pirée. Elle se reconvertit dans la pêche aux éponges, puis le tourisme.

L'École des Beaux-arts d'Athènes possède une annexe sur l'île, où ont notamment été accueillis les peintres Marc Chagall et Nikos Khatzikyriakos-Ghikas.

En 1957, le film Ombres sous la mer, où Sophia Loren joue une pêcheuse d'éponges, participe à populariser Hydra, au même titre que Saint-Tropez ou Capri. En 2009, le grand collectionneur Dakis Joannou ouvre une annexe de sa fondation Deste pour l'art contemporain à Hydra. Familier de l'île, le chanteur Adam Cohen enregistre en 2014 à Hydra son quatrième album, We go home[11].

Personnalités de l'île[modifier | modifier le code]

Les Journées rébétiques d’Hydra[modifier | modifier le code]

Depuis 2001, l'île d'Hydra accueille, chaque mois d'octobre, les journées rébétiques. Ces journées consistent en une série de conférences de spécialistes internationaux du rébétiko. À chaque session, historiens, musicologues, philologues, sociologues se succèdent sur des thématiques connexes au rébétiko.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Régime d'érosion, nombre d'anciennes sources asséchées, traces de cultures antiques sur des pentes aujourd'hui sèches et toponymes témoignent tout autour de la Méditerranée s'épisodes plus humides : voir par exemple Jacques-Léopold Brochier, Jean-Luc Borel et Jean-Claude Druart : Les variations paléoenvironnementales de 1000 avant à 1000 après J.C. et la question des « optima » climatiques de l’Antiquité tardive et du Moyen Âge, in : "Quaternaire", revue de l'association française d'étude du Quaternaire, Volume 18 Numéro 3 de 2007 : le climat a été globalement plus sec et froid qu'aujourd'hui aux IXe ‑ Xe siècles et de 500/400 à 750-700 avant notre ère, puis de 890-895 à 1040 ap. J.-C., et globalement plus chaud et humide qu'aujourd'hui aux Ve ‑ IVe siècles avant notre ère (optimum de second âge du Fer), aux IVe ‑ Ve siècles ap. J.-C. (optimum de l’Antiquité tardive) et aux XIe ‑ XIIe siècles ap. J.-C. (« embellie de l'an Mil »). Voir aussi George Ochoa, Jennifer Hoffman et Tina Tin : Climate, the force that shapes our world and the future of life on earth, Emmaus, Rodale, Pennsylvanie, 2005, ISBN 978-1-59486-288-5.
  2. Marcel Robert, Iles sans voitures, 2013
  3. Alfred Hansel, Walter Leisering (dir.), Putzger Historischer Weltatlas, éd. Velhagen & Klasing, 1965, Blelefeld-Berlin-Hanovre, p. 49.
  4. Pierre Grimal, Dictionnaire de mythologie grecque et romaine, PUF.
  5. Aulu-Gelle, Nuits Attiques, 6, Ch. VIII : ce comportement des dauphins isolés, chassés de leur groupe, amical envers les humains mais aussi envers d’autres cétacés, est assez fréquent et a souvent été observé à l’époque contemporaine ; il facilite leur dressage.
  6. Hérodote, III, 59.
  7. a et b Sophia Laiou, Patronage Networks in the Aegean Sea, End of the 18th-Beginning of the 19th Century, in New Trends in Ottoman Studies-CIEPO 2012 p. 416 [1]
  8. Iles grecques, Guide Bleu, Hachette, 1998. p. 185.
  9. Georgios Voyatis, Le Golfe Saronique, p. 164.
  10. On lira avec intérêt la description qu’Adamantios Koraïs donne de l'histoire et de la marine d’Hydra, dans son Mémoire sur l’état actuel de la civilisation dans la Grèce (janvier 1803), p. 26 à 33 : lire en ligne
  11. Maud Vidal-Naquet, « Une trilogie égéenne », Le Figaro Magazine, semaine du 20 février 2015, pages 64-73.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • R. Matton, Hydra et la guerre maritime (1821-1827), Collection de l'institut français d'Athènes, 1953
  • Chrysavgi K. Arnaoutoglou, Hydra, greek traditional architecture, "Melissa" Publishing House, 1986
  • Alain Roger, Hydra, éloge d'une île, Éditions de L'Harmattan, 2009
  • Catherine Panchout, Hydra vues privées / Private views, Éditions Gourcuff Gradenigo, 2015