Jin-Roh

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Même s’il n’en signa pas la mise en scène, Jin-Roh fut d’abord un projet de Mamoru Oshii, un long métrage d’animation pensé pour s’inscrire dans la foisonnante saga Kerberos née de son esprit en 1986. Avant Jin-Roh, il y eut une série d’émissions de radio, des mangas et deux films en prises de vue réelles, The Red Spectacles (1987) et Stray Dogs (1988), réalisés par Oshii lui-même. Depuis, cet univers fictif n’a cessé de se développer pour donner une consistance rare à sa vision : celle d’une réalité alternative dans laquelle le Japon serait devenu une société totalitaire où, lourdement armés et coiffés de casques émettant une lumière rouge à l’emplacement de leurs yeux, les soldats d’une unité spéciale combattent toute rébellion. Le prologue de Jin-Roh révèle le point de basculement de cette uchronie : la Seconde Guerre mondiale a été gagnée par l’Allemagne nazie, qui a occupé le pays du soleil levant.

Si Mamoru Oshii a longtemps eu l’intention de mettre lui-même en scène Jin-Roh, il en a finalement confié le scénario à Hiroyuki Okiura, animateur surdoué mais réalisateur néophyte avec lequel il avait collaboré sur les deux Patlabor et sur Ghost in the Shell. Le résultat est aussi riche et complexe que visuellement frappant. Film multicouche regorgeant de correspondances évocatrices, Jin-Roh s’apparente à un palimpseste narratif où se superposent métaphores politiques, parcours existentiel, intrigue sentimentale et variations sur l’histoire du Petit Chaperon rouge.

Pour le héros du film, tout tourne autour d’une image obsédante, impossible à effacer : celle d’une fillette kamikaze qu’il n’a pas pu abattre, confronté à un dilemme moral insoluble. Face aux groupes, à l’ordre militaire, aux rôles que chacun est censé tenir, Jin-Roh est une interrogation profonde et fondamentalement pessimiste sur l’identité, la subjectivité, l’altérité. En un mot : sur l’humain.

(Paru dans Manga Impact, Editions Phaidon, 2010)

Jin-Roh (1999) de Hiroyuki Okiura

Erwan Higuinen

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