En Afghanistan, les « froides statistiques » des victimes civiles
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Asie-Pacifique

En Afghanistan, les « froides statistiques » des victimes civiles

Un rapport de l’ONU évoque un nombre record de blessés et de tués parmi la population, moins d’un an après la fin de la mission de l’OTAN.

Le Monde | • Mis à jour le

La fin de la mission de combat de l’OTAN en Afghanistan, en décembre, s’est accompagnée d’une hausse significative du nombre des victimes civiles au cours des six premiers mois de l’année. Les Nations unies font état dans leur rapport semestriel sur la situation dans le pays, mercredi 5 août, d’un bilan humain qui a battu des records.

  • Moins de tués, plus de blessés

Entre le 1er janvier et le 30 juin, 1 592 personnes ont été tuées et 3 329 blessées dans des violences, détaille la mission de l’ONU en Afghanistan (Unama). Si le nombre de morts enregistre une baisse de 6 % par rapport à la même période un an plus tôt, celui des personnes physiquement atteintes lors des combats ou autres attaques est lui en hausse de 4 %.

Le nombre de victimes a évolué de 1 % par rapport à 2014 et s’établit donc à 4 921 personnes tuées ou blessées. Il s’agit du chiffre le plus élevé depuis 2009, année du début de la compilation de ces statistiques par l’agence onusienne.

  • Les femmes et les enfants plus touchés
Le nombre de femmes victimes a augmenté de 23 % et celui des enfants de 13 %.

Le nombre de femmes victimes a augmenté de 23 % et celui des enfants de 13 %. Les combats au sol entre talibans et soldats de l’OTAN sont la première cause de mort et de blessure de civils, selon le document, qui en impute la responsabilité aux insurgés dans 70 % des cas.

« Les froides statistiques concernant les victimes civiles ne traduisent pas toute l’horreur de la violence en Afghanistan, les corps déchiquetés des enfants, des mères, des filles, des fils et des pères. »
  • Les talibans ont changé de « tactique »

Le conflit en Afghanistan dure depuis 2001 et la chute du régime taliban sous les bombes américaines. La mission de combat de l’OTAN dans le pays a pris fin au mois de décembre, et les quelque 13 000 soldats étrangers présents sur place sont chargés de la formation de leurs homologues afghans et interviennent lors de missions antiterroristes ponctuelles. La sécurité de la population est donc la responsabilité des forces de sécurité nationale – armée et police. Le nombre de victimes en leur sein a, logiquement, lui aussi augmenté.

Face à ce changement, les talibans se sont adaptés, détaille Graeme Smith, expert du groupe de réflexion International Crisis Group :

« Ils ont délaissé les tactiques de guérilleros qu’ils utilisaient lorsque l’OTAN était encore en mission de combat pour s’attaquer directement aux forces afghanes. Les talibans sont désormais beaucoup plus audacieux. »
  • Les combats se propagent sur le territoire
Des milices talibanes dans la province de Kunduz.

Les chiffres de l’ONU reflètent également une extension des combats à tout le pays. Si le Sud et l’Est, bastions des talibans, restent de loin les régions les plus touchées par les violences, les attentats et les combats se sont multipliés ces derniers mois dans le Nord et le Nord-Est, des zones autrefois relativement stables.

A titre d’exemple, l’Unama cite la province du Badakhshan (Nord-Est), à la frontière avec le Tadjikistan, où le nombre de civils tués et blessés est passé de 311 au premier semestre 2014 à 545 cette année.

  • Crise au sein du mouvement insurgé

La présence croissante des talibans sur le terrain ne doit pas masquer la crise intestine qui agite le mouvement. L’officialisation de la mort de leur chef historique, le mollah Omar, a eu pour conséquence le report sine die de pourparlers de paix amorcés en juillet avec le gouvernement afghan.

L’annonce de la désignation de son successeur, le mollah Akhtar Mansour, a donné lieu à des déchirements, avec une faction emmenée par la famille du défunt, qui refuse catégoriquement de prêter allégeance au nouvel « émir ».

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