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jeudi 2 juillet 2015

Abstraction (Fiche)

Analyse.
1. Elle consiste en un premier sens à séparer dans ce qui est donné ce qui est lié pour le considérer à part. On peut le faire conceptuellement ou réellement. Le résultat est un abstrait qu’on oppose à un concret. L’abstrait n’existe alors que de façon mentale. Le concret est en ce sens un tout qui se suffit à lui-même.
2. L’abstraction consiste en un second sens à aller au-delà du donné.
a. En ce sens, l’abstraction est un procédé par lequel l’esprit humain s’égare. Considérant ses résultats en eux-mêmes, l’esprit les réalise. Ainsi, si je généralise des données sensibles en une notion, je puis penser qu’elle est universelle, voire qu’il y a de l’universel.
b. On peut tout au contraire concevoir qu’en sortant du donné empirique, l’abstraction permet à l’esprit de découvrir la vérité qui est ailleurs. Elle permet alors de ne pas s’enfermer dans un concret illusoire pour découvrir le concret véritable.
3. L’abstraction ne signifie pas nécessairement qu’on abstrait ce qu’on considère de façon séparée. Elle consiste à penser à part du donné empirique ce qui ne s’y réduit pas. Par exemple, si je fais abstraction de l’espace concret à trois dimensions, je puis penser un espace à n dimensions dont le premier n’est qu’un cas particulier.
Problèmes.
1. L’abstraction permet-elle et à quelles conditions de former des notions ou concepts qui ont une valeur objective ?
2. La pensée doit-elle refuser l’abstraction pour découvrir le réel ou bien doit-elle au contraire s’y livrer sciemment ?


vendredi 1 mai 2015

Fiche 6 : Le bonheur (terminale technologique)

Paul Signac (1863-1935), Au temps d’harmonie (L’âge d’or n’est pas dans le passé, il est dans l’avenir), 1893.

Analyse.
On peut distinguer deux grands sens du bonheur.
Dans le premier sens, le bonheur s’oppose au malheur. L’idée première qu’on retrouve dans le mot lui-même est celle de la chance (heur) par opposition à la malchance. Ainsi est un bonheur toute réussite, surtout si elle provient d’événements extérieurs non voulus voire non prévus. En ce sens, le bonheur ne dépend pas nous. Il survient dans l’accord contingent entre notre désir et la réalité. On peut le relier au hasard ou plutôt à la fortune. Il en va ainsi de celui qui trouve sur le marché où il ne le cherchait pas son débiteur avec de l’argent (exemple inspiré d’Aristote, Physique, II).
Dans le second sens, le bonheur n’est pas exclusivement, voire pas du tout, un effet du hasard.
Le bonheur se distingue du plaisir à deux points de vue.
Alors que le plaisir est bref, voire éphémère, le bonheur est durable. En ce sens, une simple réussite ne fait pas le bonheur. On peut avec Sophocle aller jusqu’à dire qu’on ne peut qualifier un homme d’heureux avant la fin de sa vie comme le montre Œdipe, roi adulé, tombé dans le plus grand malheur lorsqu’il découvrit qu’il avait tué son père, Laïos et épousé sa mère, Jocaste, à qui il a fait quatre enfants (Polynice, Étéocle, Antigone et Ismène).
Alors que le plaisir ne dépend pas de nous, le bonheur requiert notre initiative.
En ce sens, on peut distinguer totalement le plaisir du bonheur. On le conçoit alors comme une satisfaction qui trouve sa source dans la seule volonté. On peut alors parler de joie. Le plaisir apparaît comme un obstacle ou comme indifférent au bonheur. Alors que la volonté provient du choix et s’en tient à ce qu’on peut choisir ou à ce qu’on doit choisir, le désir s’impose à nous. D’où la différence entre les deux types de satisfaction. Le bonheur entendu comme satisfaction de la volonté en tant qu’elle est libre est susceptible de ne dépendre que de l’individu.
On peut distinguer le plaisir stable par opposition au plaisir en mouvement. En effet, lorsqu’on satisfait un désir, il y a deux plaisirs différents. Le premier se situe dans l’acte même de satisfaire le désir. Par exemple le plaisir que procurent les aliments qu’on mange. C’est ce plaisir que les anciens nommaient plaisir en mouvement. Le second provient du fait d’avoir satisfait le désir. Par exemple, être rassasié. C’est lui que les anciens nommaient plaisirs stables.
On peut enfin distinguer le plaisir du bonheur en considérant que celui-ci accompagne l’action et n’est pas incompatible avec la peine alors que celui-là est reçu passivement.
Problèmes.
1. Dans la mesure où l’homme ne vit pas seul, peut-il pour être heureux satisfaire tous ses désirs ou bien doit-il les limiter et comment penser alors qu’il soit pleinement heureux ?

2. La recherche du bonheur a-t-elle un sens et si oui lequel ou bien doit-elle être soumise à la recherche du bien moral ?


jeudi 30 avril 2015

Fiche 5 : La justice et la loi (terminale technologique)

Lucas Cranach l’Ancien (1472-1553),
Le Christ et la femme adultère, 1532,
huile sur panneau de bois, 83 x 121 cm,
Budapest, Szépmûvészeti Múzeum.

Analyse.
La justice désigne d’abord ce qui est légal. Il faut comprendre par là que la justice se situe dans le cadre des lois ou des coutumes d’un pays. Non seulement elle est l’application de lois et coutumes particulières à un temps et un lieu, mais elle désigne aussi les décisions singulières prises en applications des obligations légales. L’injustice consiste alors à ne pas s’en tenir à ce qui est légal. Par exemple, Socrate, condamné à mort alors qu’il se pense innocent, accepte sa sentence pour rester juste (cf. Platon, Criton).
La justice désigne ensuite ce qui est légitime au sens moral. On veut dire par là qu’il peut y avoir des lois et des coutumes qui ne sont pas justes. Par exemple, la loi qui condamnait à mort les homosexuels en France au XVIII° siècle nous paraît injuste. De même, la loi qui permettait au mari d’exécuter sa femme en public ainsi que son amant en Espagne. On doit penser alors à l’idée d’une justice universelle, valable partout et à toutes les époques. On parle parfois de justice naturelle par opposition à la justice positive.

La loi désigne dans les sciences l’expression d’un rapport nécessaire ou probable entre des phénomènes ou des faits. C’est en ce sens qu’on parle en physique de la loi de la gravitation universelle ou des lois de Mendel en biologie. Il ne peut y avoir alors d’injustice de la loi, à moins de se placer au point de vue de la « création » et de s’interroger sur son sens moral. Si la société a des lois en ce sens, il est impossible de les transgresser. Les connaître permet de savoir comment agir pour parvenir à ses fins comme le marin se sert de sa connaissance du vent pour amener le bateau à bon port.
La loi désigne autrement, du point de vue humain une prescription ou une interdiction obligatoire. Il faut entendre par obligation ce qu’on est tenu de faire ou de ne pas faire et qu’on peut ne pas faire car à l’impossible nul n’est tenu. L’obligation peut se distinguer de la contrainte lorsqu’elle est vécue par le sujet comme un engagement de sa part. Elle s’en distingue aussi et surtout lorsqu’elle est légitime alors que la contrainte ne l’est pas. Si je suis obligé de respecter le code de la route, je suis contraint d’obéir à un voleur qui me menace.
On distingue en ce sens les lois positives qui sont instituées par un pouvoir. On les distingue des décisions ou des applications qui sont singulières. Par exemple, si la loi donne à Rome un droit de vie et de mort sur les membres de sa famille, encore faut-il l’exercer. Ainsi, un certain « Egnatius Mécénius (…) fit en effet mourir son épouse sous les coups de bâton pour avoir bu du vin. Ce meurtre ne donna lieu à aucune accusation ; il n’y eut même personne pour le blâmer. Chacun pensait qu’elle avait justement expié par une punition exemplaire un manquement aux règles de la sobriété. Il est vrai que toute femme qui aime à l’excès l’usage du vin, ferme son cœur à toutes les vertus et l’ouvre à tous les vices. » Valère-Maxime (1er siècle), Actions et paroles mémorables, livre VI, chapitre 3.
On peut penser qu’outre les lois positives, il existe des lois naturelles, c’est-à-dire des obligations valables universellement et qui fondent la légitimité des lois positives, au nom desquelles il est possible de se dresser contre les lois positives, d’y désobéir. Le plus ancien exemple se trouve dans la pièce de Sophocle (~498-~406 av. J.-C.) où Antigone refuse d’obéir à la décision de Créon de ne pas enterrer son frère Polynice parce qu’il est un traître au nom des lois divines, supérieures aux lois de la cité.
Problèmes.
1. Dans la mesure où les lois sont variables et qu’elles avantagent la vie en société, l’homme entendu comme individu peut-il justement transgresser toutes les lois s’il en a le pouvoir ? Faut-il au contraire obéir aux lois quelles qu’elles soient pour maintenir l’ordre social ?
2. Pour que la justice soit, faut-il que la loi soit la même pour tous ou bien doit-elle tenir compte des différences entre les hommes, voire des inégalités ? Y a-t-il des inégalités justes ou toutes doivent-elles être détruites de la vie sociale ?

mercredi 29 avril 2015

Fiche 4 : L'expérience (terminale technologique)

Rembrandt (1606-1669), La leçon d'anatomie du docteur Nicolaes Tulp1632, huile sur toile, 169.5 × 216.5 cm, Mauritshuis, La Haye (Pays-Bas)

Analyse.
On dit de certains hommes qu’ils ont de l’expérience, soit en général, soit dans un domaine particulier. On entend par là qu’ils ont eu un contact long et régulier avec les choses.
L’homme d’expérience s’en tiendrait au concret, c’est-à-dire à ce qui est perceptible par opposition au théoricien qui se situerait dans l’abstrait, c’est-à-dire à ce qu’on retrouve identique en de multiples choses mais qui ne peut jamais apparaître comme tel dans la perception. Ainsi je vois Pierre et Paul ou ma fourchette et mon couteau qui sont concrets. Je conçois le nombre 2 qui est abstrait. Le nombre s’applique soit à Pierre et à Paul, soit à ma fourchette et à mon couteau ensemble. Je ne peux jamais le voir. Si maintenant je ne raisonne que sur le nombre en général comme le mathématicien, je suis encore plus dans l’abstraction et loin de l’expérience.
Or, pour avoir de l’expérience il faut déjà abstraire ce qu’il y a de commun aux choses ou aux activités rencontrées pour que l’expérience accumulée guide et puisse permettre des anticipations. On peut appeler le passage du particulier au général, voire du particulier au particulier, l’induction. On la distingue de la déduction qui consiste à passer du général au particulier ou du général au général (cf. Russell, Les problèmes de la philosophie, 1912, chapitre 7).
Mais pour avoir de l’expérience, il faut faire des expériences. Faire une expérience peut s’entendre en deux sens.
Premièrement, on dit qu’on fait une expérience lorsqu’on subit quelque chose de nouveau, d’inattendu, voire de douloureux. Dans ce cas, l’expérience n’est pas provoquée, elle est subie. Elle reste particulière sauf si on la généralise, c’est-à-dire si on n’en tire une proposition générale. Dans ce cas, la généralisation n’est une induction car sa valeur n’est que subjective.
Deuxièmement, on dit qu’on fait une expérience lorsqu’on se dispose à regarder quelque chose pour apprendre (observation) ou à manipuler des choses pour savoir ce qui en résulte (expérimentation). Dans ce cas, l’expérience est active. Elle semble provenir d’une interrogation préalable. Elle peut être technique lorsqu’on fait une expérience en vue de réaliser quelque chose ou théorique s’il s’agit de connaître la vérité.

Problèmes.
1. Faut-il concevoir l’expérience comme première par rapport à l’élaboration théorique ou bien exige-t-elle un cadre théorique pour qu’elle soit possible ?
2. L’expérience, quelle qu’elle soit, est toujours particulière. Or, les hypothèses ou les théories qu’on veut prouver, c’est-à-dire qu’on veut tester, sont générales. Comment l’expérience peut-elle prouver ? Est-ce par induction ? Est-ce en rectifiant les erreurs ?

mardi 28 avril 2015

Fiche 3 : La raison et la croyance (terminale technologique)



Sandro Botticelli (1445-1510), Saint Augustin dans son cabinet de travail, 1480, fresque, 152 × 112 cm, Église Ognissanti, Florence (Italie).

Analyse.
La distinction de la raison et de la croyance peut se faire à plusieurs points de vue.
Premièrement, la raison, au sens fort, désigne la faculté qui nous permet de distinguer le vrai du faux, le bien du mal. Elle permet de saisir les principes, c’est-à-dire les propositions vraies, indémontrables et qui servent à en démontrer d’autres. On peut indiquer comme principes les axiomes des mathématiciens, par exemple que « Si des choses égales sont ajoutées à d’autres choses égales, leurs sommes sont égales » (Euclide, Éléments, III° av. J.-C.) ou les principes du raisonnement comme le principe de non-contradiction selon lequel il n’est pas possible qu’une proposition soit vraie et fausse ou encore les lois fondamentales de la physique comme le principe d’inertie (cf. Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle, 1687). On peut aussi entendre par principes, les règles fondamentales de la morale, c’est-à-dire ce qui nous permet de distinguer le bien du mal. La raison en se sens permet de déduire des principes les conséquences légitimes. Ainsi la raison organise-t-elle les propositions en un système.
À l’inverse, la croyance désigne le simple assentiment, donné par l’esprit, à une proposition qui est susceptible d’être vraie ou fausse ou à une proposition qui peut être mauvaise ou bonne. Par extension, on peut dire d’une croyance qu’elle est relative à un fait. Les croyances ne sont pas nécessairement organisées. Elles reposent sur des sources extérieures à l’esprit comme les besoins, les désirs ou les passions ; comme aussi sur les coutumes, mœurs, etc. bref, la culture. Parmi les croyances, il est possible de faire un sort à part à la foi, qui est une croyance dans laquelle l’individu s’investit. Formellement, on distingue ainsi « croire que… » où la croyance porte sur un fait, un événement, etc. de « croire en… » où la croyance marque la confiance en une personne présente en chair ou en os ou surnaturelle comme un Dieu, un ange, etc.
Ainsi, la croyance peut être erronée alors que la raison est réputée infaillible.

Deuxièmement, la raison, au sens faible, désigne la faculté qui règle l’enchaînement des propositions selon des règles. Elle permet donc le raisonnement. Il consiste en l’inférence. La raison procède essentiellement en tirant les conséquences nécessaires des principes dont elle n’est pas la source. Elle reçoit ses principes soit de l’expérience par induction, c’est-à-dire par généralisation des cas particuliers, soit d’une autre faculté comme le cœur (cf. Pascal, Pensées, 110, Lafuma).
La croyance, y compris la foi, se distingue de la raison en tant qu’elle est un assentiment (c’est-à-dire un tenir pour vrai) immédiat ou direct alors que la raison rend possible un assentiment médiat ou indirect.
La croyance peut alors donner à la raison des principes à partir desquelles elle déduit des conséquences. La croyance n’est alors pas nécessairement erronée. La raison peut se tromper, notamment lorsqu’elle cherche à démontrer ce qui est hors de son domaine.

Problème.
Peut-on définir la raison au sens fort, c’est-à-dire la concevoir comme une faculté capable de déterminer les principes de la connaissance et de l’action ? Comment, si par définition un principe ne peut être démontré ?
Faut-il au contraire donner de la raison un sens limité à l’inférence ? Comment admettre alors que certaines croyances puissent vraies sans examen aucun ?
Autrement dit, les points de départ de tous les raisonnements sont-ils des croyances ou bien la raison peut-elle les établir ?


lundi 27 avril 2015

Fiche 2 : Les échanges (terminales technologiques)

Edward Sheriff Curtis (1868-1952), Un potlatch Kwakwaka’wakw (Amérindiens du Canada), photographie publiée entre 1907 et 1930.

Analyse.
Échanger, c’est donner et recevoir. On peut parler d’échanges pour les choses. Par exemple des échanges de températures ou encore des échanges entre la cellule et son environnement. Mais ni les choses, ni même la plupart des êtres vivants n’échangent en sachant qu’ils le font. C’est pour cela que l’échange appartient éminemment à la culture et concerne les hommes même s’ils ne savent pas exactement ce qu’ils font. Pourquoi parle-t-on d’échanges au pluriel ?
On peut distinguer les échanges à deux points de vue, celui des « objets » échangés et celui des différentes modalités d’échanges.

Du point de vue des « objets » échangés, on peut avec les anthropologues comme Claude Lévi-Strauss (1908-2009) ou Maurice Leenhardt (1878-1954) distinguer trois grandes catégories de « choses » échangées :
1. Les biens, matériels ou immatériels, les services, les honneurs, etc. Chez le commerçant ou chez le prestataire de service nous acquérons des « objets ». Le précepteur vend un bien immatériel, connaissance ou compétence. La légion d’honneur vient récompenser une série d’actions méritoires.
2. Les mots. Non seulement on ne peut parler que parce qu’on a reçu une langue, mais sauf dans le soliloque (c’est-à-dire lorsqu’on se parle à soi-même silencieusement), parler, c’est échanger avec d’autres.
3. Les femmes. Le mariage tel que nous le connaissons depuis le xix° siècle suppose que les femmes et les hommes se choisissent. Toujours est-il que dans la plupart des sociétés, ce sont les hommes qui se répartissent les femmes. Dire qu’elles sont « objets » d’échanges, c’est dire que dans aucune société on ne garde pas pour soi les femmes de sa famille. On les donne et on reçoit celles des autres familles.
Les différents objets d’échanges se mêlent dans les échanges concrets. Lors d’un mariage avec une dot, la famille de la mariée donne des biens avec la promise et c’est par les mots que sont réglés les détails de la cérémonie.
Du point de vue des modalités de l’échange, on peut distinguer :
1. L’échange marchand. Cet échange a deux formes. D’abord, le troc par lequel on donne une marchandise pour en recevoir une autre. Ensuite, le commerce qui suppose l’institution de la monnaie où la marchandise est donnée par le commerçant pour recevoir de l’argent, équivalent général de toutes les autres marchandises (cf. Marx, Le Capital, livre I, 1867), argent qu’il donnera contre d’autres marchandises. Les marchandises peuvent être des biens, mais également des mots ou des femmes. Le poète se fait payer. La femme s’achète contre ce que les anthropologues appellent le « prix de la fiancée », biens, services, etc. On donne pour recevoir.
2. L’échange social. Cet échange peut aussi porter sur des biens, des mots ou des femmes (c’est la prohibition de l’inceste) mais il n’a pas pour principe la marchandise, mais la sociabilité elle-même ou encore l’alliance avec l’autre. Le don appelle un contre-don. Par exemple, il est obligatoire à Noël de se faire mutuellement des cadeaux pour renforcer les liens des membres de la famille. De même, se dire bonjour, c’est ne rien échanger comme information. L’échange social est obligatoire du point de vue de la société. On donne et on reçoit pour créer ou renforcer le lien social.
3. L’échange moral. Il concerne le don désintéressé et il est vrai qu’il semble paradoxal de parler d’échange dans ce cas. Toutefois, lorsqu’il y a un don, même si le donateur ne doit pas s’attendre à recevoir quelque chose en retour de la part du donataire pour faire le don, il ne peut pas ne pas s’attendre à recevoir de la reconnaissance ou de la gratitude. C’est une exigence morale et non une exigence sociale. On donne et on reçoit pour l’humanité.

Problème.
Rien n’interdit de penser que quel que soit l’objet ou quelle que soit la modalité, l’échange vise la seule utilité de l’individu qui échange.
Et pourtant, comment accepter que l’aide à un ami ou un mariage soit mis sur le même plan que l’achat d’un plat de lentilles ?
Dès lors, tous les échanges ne se ramènent-ils pas ou ne doivent-ils pas se ramener à l’échange marchand ou bien tout ramener à la marchandise ne revient-il pas à nier une dimension essentielle de la culture humaine ?


dimanche 26 avril 2015

Fiche 1 : L'art et la technique (terminale technologique)

Fernand Léger (1881-1955), Les constructeurs (1950), huile sur toile, 300.1 × 228.2 cm, Musée national Fernand-Léger, Biot.

Analyse.
Les notions d’art et de technique sont proches étymologiquement. En effet, le premier terme a pour origine le latin, « ars, artis » qui désignait un savoir-faire réfléchi. Le second a pour origine un terme grec, « tekhnikos » ce qui est relatif à la « tekhnê », qui avait le même sens. Les latins et les grecs n’avaient qu’un mot là où nous en avons reçu deux.
Néanmoins, on distingue traditionnellement les arts des beaux-arts. À partir du XVIII°, le mot technique s’est introduit en français. On admet traditionnellement six beaux-arts : l’architecture, la sculpture, la peinture, la musique, la danse et la poésie (notre littérature). On y ajoutait parfois l’art du jardin. On a ajouté un septième art, le cinéma, un huitième (la radio, puis la télévision ou la photographie), un neuvième (la bande-dessinée), un dixième (le jeu vidéo) et un onzième (le multimédia).
À quel point de vue peut-on opposer ou distinguer l’art et la technique ?

On peut distinguer l’art et la technique du point de vue de l’œuvre. En effet, un objet technique est fait pour être utilisé. Aussi est-il essentiellement un moyen pour une fin, c’est-à-dire ce pour quoi une chose est faite. En tant que moyen, il peut servir à une autre fin que celle qui était initialement prévue. Mais en tant que moyen, il ne peut jamais être une fin. Ou plutôt, lorsqu’il est une fin, elle est provisoire.
Par contre une œuvre d’art est faite pour être contemplée. Autrement dit, on la voit, on l’écoute ou les deux. Les sens du contact (odorat, goût et toucher) ne sont pas concernés par l’œuvre d’art. En tant qu’œuvre d’art, elle n’est pas utile en ce sens qu’on ne peut en faire usage. Ce qui revient à dire que si on en fait usage, ce n’est pas en tant qu’œuvre d’art. C’est pour cela qu’elle n’est pas un moyen, mais une fin en soi.
C’est cette distinction qui conduit à privilégier la beauté comme constitutive de l’œuvre d’art. On entend alors par beauté un caractère objectif de l’œuvre ou un effet subjectif différent du simple plaisir que donnent les sens. La beauté d’une nature morte qui montre des fruits n’est pas l’agréable de leur goût dans la bouche.

On peut distinguer l’art et la technique du point de vue de l’origine. Le technicien, qu’il soit artisan ou ingénieur, met en œuvre un savoir et un savoir-faire qui s’acquiert. Entre un bon et un mauvais technicien, la différence est de degré. Un mauvais outil reste un outil du moment qu’il fonctionne.
L’artiste peut se distinguer du technicien en tant que génie. On entend par là qu’il possède un don inné qui lui permet de créer des œuvres. Les anciens se le représentaient comme inspiré par les dieux. Les modernes y voient plutôt un singulier arrangement des facultés humaines, une sorte d’heureuse exception et parfois, la main d’un Créateur.

On peut enfin distinguer l’art et la technique du point de vue du sens culturel de l’objet. En effet, une œuvre d’art exprime la signification d’une culture. Une statue grecque ou un tableau de Léonard (1452-1519) exprime leur culture.
Par contre, un objet technique s’insère dans un réseau d’autres objets et c’est ensemble qu’ils expriment une culture. Par rapport à l’usage en général, un objet technique a un usage qui dépend des autres objets disponibles. Ainsi l’arc est un objet fondamental chez un peuple de chasseurs-cueilleurs mais un objet ludique dans une civilisation industrielle.

Problème.
Peut-on véritablement distinguer de façon universelle l’art et la technique ou bien ce qui revient à l’un et à l’autre dépend-il de chaque culture ? N’y a-t-il pas des cultures qui rendent cette distinction obsolète ?
D’un autre côté, à supposer que la distinction ne soit pas universelle, n’a-t-elle pas un sens en ce qu’elle ne met pas l’accent sur le même rapport au monde ?
L’art n’est-il pas la possibilité de ne pas tout ramener à l’utile, à l’utilisable, voire à la constitution de toutes choses comme un stock à exploiter ?

Fiche C : La liberté (terminale technologique)

Eugène Delacroix (1798-1863), La liberté guidant le peuple, 1830, huile sur toile, 260 × 325 cm, Musée du Louvre, Paris.

Analyse
L’opinion commune définit la liberté « faire ce qui nous plaît » ou « faire ce qu’on veut ». L’opinion commune toutefois n’admet pas qu’elle soit possible dans la mesure où personne n’a tout à sa disposition. Que peut-on raisonnablement entendre par liberté ?

Premièrement, le terme de liberté possède un sens physique. C’est celui qui se rapproche le plus de l’opinion commune. La liberté se dit alors de celui qui n’est pas contraint, c’est-à-dire qui ne rencontre aucun obstacle qui s’oppose à ce qu’il désire ou veut faire. En ce sens assez large, on l’attribue même aux animaux ou aux choses. On dira que l’oiseau est libre ou que le cours d’eau est libre.
En ce qui concerne les hommes, sont des contraintes tout ce qui s’oppose à ce qu’ils désirent, quoi qu’ils désirent. Les contraintes sont d’abord physiques. Elles peuvent être mentales comme dans la menace qui accompagne la loi juridique, voire la loi religieuse pour ceux qui y croient. La liberté donc s’oppose à la contrainte. Elle s’oppose aussi à l’obligation dans la mesure où elle se présente comme une loi non désirée mais qui ne sert que de moyen pour éviter d’être menacé par les actions des autres.
Entendue comme absence de contraintes, la liberté dépend pour partie de l’état de choses dans lequel vit un homme et dépend pour partie de ses désirs.

Deuxièmement, le terme de liberté possède un sens politique fort. C’est le statut de l’homme libre, c’est-à-dire du citoyen en tant qu’il a le droit de participer directement ou indirectement au débat public. Public désigne ce qui concerne la collectivité tout entière et s’oppose à privé et public s’oppose également à ce qui est secret. L’homme libre s’oppose bien sûr à l’esclave qui est la propriété d’un autre. Mais il s’oppose plus généralement à tout homme dirigé par un autre, le sujet, même s’il n’est pas esclave. L’homme libre s’oppose aussi à tous les hommes qui vivent dans des communautés où les coutumes sont censées être intangibles, à savoir les tribus. On attribue aux anciens, grecs puis romains, cette conception de la liberté.
Il possède également un sens politique faible, voire un sens antipolitique. C’est le statut de l’homme qui possède un domaine privé où il peut décider de ce qu’il fait. La liberté s’oppose alors à la politique en ce que cette dernière implique de la part de l’individu un engagement. On attribue aux modernes, plus précisément aux libéraux cette conception de la liberté.
Disons donc que la liberté au sens politique dépend de l’organisation des rapports avec les autres.

Troisièmement, la liberté a un sens pour l’individu pris en lui-même, un sens métaphysique. Elle désigne alors le choix fait sans être déterminé par des désirs ou toute autre détermination intérieure. En ce sens on dit d’un homme qui dépend d’un désir qu’il est esclave de lui-même alors que celui qui maîtrise son désir passe pour libre.
Si le choix est pensé indépendamment de tout motif, on parle alors de libre arbitre. La liberté s’oppose au serf arbitre.
Si le choix est pensé à partir de la capacité du sujet à penser son action à partir d’une loi qu’il se donne à lui-même, on parle alors d’autonomie. La liberté s’oppose à l’hétéronomie.
De façon générale, la liberté au sens métaphysique repose sur l’idée qu’il est possible d’agir sans être déterminé par une cause.

Problème
Quelle est la vraie liberté ? Est-ce seulement celle que nous avons en commun avec les animaux sauvages, c’est-à-dire l’absence de contraintes ? Est-elle dans le choix que nous pouvons toujours faire qui, quels que soient le régime politique, les lois, est toujours notre choix et qui fait que « nous sommes condamnés à la liberté » (Sartre, L’être et le néant) ? Est-elle plutôt dans la vie en commun avec d’autres ou rendue possible par une certaine organisation de la vie en commun, c’est-à-dire la constitution d’un espace public qui fait que nul ne peut être libre seul ?


jeudi 23 avril 2015

Fiche B : La vérité (terminale technologique)

Analyse.
La vérité concerne à la fois la théorie et la pratique. On peut le remarquer à ses opposés. D’un côté, la vérité s’oppose à l’erreur, à l’illusion, etc. D’un autre, elle s’oppose au mensonge.
Du côté de l’erreur, on peut discerner :
1. La vérité matérielle. On peut entendre par là la relation entre les propositions et la réalité. Une proposition est vraie si et seulement si elle correspond à l’objet qu’elle exprime. La proposition “il fait beau” est vraie s’il fait beau. Elle est fausse s’il pleut, vente et fait froid. La vérité est pensée comme adéquation de la pensée avec son objet.
2. La vérité logique. Elle concerne les relations entre des propositions indépendamment de leur rapport à quelque objet. Ainsi, une addition est vraie ou fausse si elle est conforme aux règles de l’addition. Peu importe qu’il y ait ou non des objets à additionner. La vérité est pensée comme cohérence.
3. La vérité ontologique. On peut entendre par là les choses dont on dit qu’elles sont vraies par opposition à leur apparence. On parle de fausse monnaie ou d’un vrai Van Gogh, preuve que la vérité est directement attribuée à la chose avant que d’être transformée en proposition. De façon générale, dire que quelque chose est vraie, c’est dire qu’elle existe et non que la proposition correspond à quelque chose. La vérité est pensée comme dévoilement de l’être.
Du côté du mensonge, la vérité consiste non pas à exprimer ce qui est mais à dire ce qu’on pense être vrai. En effet, il est tout à fait possible de mentir sans connaître le vrai, il suffit de dire autre chose que ce que l’on croit vrai. C’est la raison pour laquelle le mensonge est dans l’intention et non dans le contenu de ce qu’on dit. Je puis donc mentir en disant la vérité si je crois autre chose qu’elle. Dès lors, l’homme peut être véridique même s’il ignore la vérité.

Problèmes.
Premièrement, des trois sens de la vérité que nous avons dégagés, lequel est le vrai ?
1. Est-ce l’idée d’une adéquation de la pensée avec son objet (Thomas d’Aquin, Descartes, Kant, …) ? Certes, la vérité seulement logique est la validité et ce qu’elle énonce doit être prouvé. Quant à une chose fausse, elle l’est dans l’esprit de celui qui la croit vraie.
Toutefois, comment sortir de sa représentation pour vérifier qu’elle est vraie ? Comme c’est proprement impossible, soit on trouve un critère intrinsèque au sujet (l’évidence, l’impression, etc.) dont la vérité peut être remise en cause, soit il faut renoncer à ne voir dans cette définition autre chose qu’un nid de difficultés.
2. La conception de la vérité comme cohérence de toutes les représentations dessine une conception de la vérité comme système qui évite l’absurdité d’une représentation qui serait hors d’elle-même (cf. David Hilbert [1862-1943], Harold Joachim [1868-1938]).
Néanmoins, la vérité-cohérence n’évite pas la présupposition d’une réalité absolument cohérente c’est-à-dire finalement la pétition de principe.
3. Quant à l’être, sa manifestation est nécessaire sans quoi il faudrait penser que l’homme est comme enfermé dans ses pensées – ce que l’expérience dément (Heidegger).
Mais cette manifestation elle-même repose sur l’a priori de ce qui est et de ce qui ne peut pas être.

Deuxièmement, le mensonge auquel s’oppose la véracité pose un autre problème. Il faut convenir que le mensonge est immoral puisqu’il consiste non seulement à ne pas dire ce qu’on pense être vrai, mais c’est en vue d’utiliser l’autre, c’est-à-dire par intérêt égoïste. Aussi dire la vérité semble être un devoir. Il faut préciser qu’on ne peut dire la vérité au sens moral que si et seulement si elle est dite sans intention de blesser autrui ou de lui nuire.
Dès lors, on peut se demander s’il n’y a pas des cas où il est impossible de ne pas mentir et où le mensonge n’est pas immoral.

Troisièmement, de façon plus générale, l’idée même de chercher la vérité n’est-elle pas essentiellement morale ?


vendredi 3 avril 2015

Fiche A - La culture (terminale technologique)


Analyse.
La culture, c’est l’acquisition de connaissances ou de compétences, qui donne à l’homme sa dimension d’homme. Elle a essentiellement deux sens. Que peut donc vouloir dire le singulier de la culture ?
Le sens le plus ancien du terme culture provient d’une métaphore. En latin « cultura » désignait le soin des plantes. Cicéron a utilisé le terme pour parler de la culture de l’esprit. Il traduisait ainsi le mot grec « païdeïa » qui signifie « formation » ou « éducation ». Pour lui, la culture était la philosophie. On peut donc parler de la culture au sens philosophique.
La culture s’oppose à la barbarie. Étymologiquement elle désignait un mode de vie différent du mode de vie politique des Grecs puis des Gréco-romains. Elle désigna ensuite des peuples à qui on attribuait une certaine cruauté et une rage destructrice. La culture par opposition à la barbarie consiste à prendre soin des œuvres de l’esprit, voire à les accroître, qu’elles soient matérielles comme les œuvres d’art ou les objets techniques (et l’architecture se situe entre les deux) ou spirituelles comme les connaissances, les façons de faire, etc. Elle est particulière en ce que seuls quelques hommes ou quelques peuples y participent. Mais elle a vocation à l’universalité car elle est un modèle pour tous. D’où le singulier.
La culture s’oppose aussi à la sauvagerie. Étymologiquement, elle désignait un mode de vie proche de la nature incarnée par la forêt. Les peuples jugés sauvages constituent de petites communautés avec “peu” de réalisations techniques et artistiques. Ils méconnaissent en général l’écriture, condition de la longue conservation des œuvres de l’esprit. La culture par opposition est rupture avec la nature, voire avec l’origine de l’homme dont les peuples primitifs comme le mot le dit, semblent porter témoignage. Elle s’acquiert par un effort personnel rendu possible par la conservation des œuvres et des connaissances, par l’éducation qui fait accéder l’individu à l’humanité. Elle s’oppose à la nature animale mais vise la réalisation de la nature humaine. D’où le singulier.
Le sens plus récent désigne ce qu’il y a de particulier dans chaque peuple, qui en fait la spécificité. Il est né au xviii° siècle chez les penseurs opposés aux Lumières (Vico, Herder, Burke). C’est le sens qu’utilisent les anthropologues. Par culture, ils entendent plus ou moins tout ce qui est transmis par tradition et non par hérédité biologique, c’est-à-dire la langue, la technique, l’art, les règles d’échanges, la religion, les mœurs, les coutumes, les lois. On peut l’appeler le sens anthropologique.
En ce sens, la culture désigne d’une part le fait que l’homme n’est homme que dans une société particulière qui modèle par l’éducation la totalité de son comportement là où les animaux sociaux s’organisent essentiellement par l’instinct. Les manières de table, la sexualité, le sommeil, la parenté, etc. sont en apparence naturels. Or, chaque société humaine les transforme par les obligations qu’elle fait acquérir à l’individu. Aussi chaque peuple “primitif” a-t-il une culture tout aussi forte, voire plus contraignante, qu’un peuple “civilisé”.
Ce sens anthropologique de la culture implique d’autre part le refus de dépasser le fait du relativisme culturel. Il n’y a ni peuples sauvages, ni peuples barbares, ni peuples civilisés, si ces termes désignent des jugements de valeurs. Chaque culture propose un idéal d’humanité différent et tout aussi légitime que les idéaux des autres cultures. Le relativisme culturel défendu signifie qu’aucune culture réelle ou idéale n’est une norme universelle. Chacun a sa culture, d’où le singulier.
Problème.
D’un côté, affirmer la culture comme l’idéal que tout homme doit acquérir, c’est rejeter hors de l’humanité la plupart des cultures. D’un autre côté, affirmer le relativisme culturel, c’est nier une humanité commune et penser chaque homme comme une sorte d’insecte, incapable de sortir de sa culture et de comprendre celle des autres.
Dès lors, est-il possible et à quelles conditions de penser la culture, et en quel sens, comme horizon de l’humanité ?