vendredi 11 mars 2011

L'oeuvre d'art vient de l'esprit... Explication d'un texte de Hegel (plan)


" L'œuvre d'art vient donc de l'esprit et existe pour l'esprit, et sa supériorité consiste en ce que si le produit naturel est un produit doué de vie, il est périssable, tandis qu'une oeuvre d'art est une oeuvre qui dure. La durée présente un intérêt plus grand. Les événements arrivent, mais, aussitôt arrivés, ils s'évanouissent; I'œuvre d'art leur confère de la durée, les représente dans leur vérité impérissable. L'intérêt humain, la valeur spirituelle d'un événement, d'un caractère individuel, d'une action, dans leur évolution et leurs aboutissements, sont saisis par l'œuvre d'art qui les fait ressortir d'une façon plus pure et transparente que dans la réalité ordinaire, non artistique. C'est pourquoi l'œuvre d'art est supérieure à tout produit de la nature qui n'a pas effectué ce passage par l'esprit. C'est ainsi que le sentiment et l'idée qui, en peinture, ont inspiré un paysage confèrent à cette oeuvre de l'esprit un rang plus élevé que celui du paysage tel qu'il existe dans la nature. " Hegel



Introduction

Amener le sujet : on ne peut qu'être frappé par la pérennité et le succès intemporel de nombreux chef d'oeuvres.

Thème : l'oeuvre d'art

Thèse : parce qu'elle est spirituelle et en un sens immortelle, l'oeuvre d'art est supérieure aux données de la nature.

Problème : il s'agit de savoir si l'art est une imitation de la nature ou au contraire un dépassement de la nature. L'essence et la finalité de l'oeuvre d'art ne sont-elles pas avant tout spirituelles ? Faut-il en déduire une "supériorité" absolue de l'art sur la nature ?

Plan (du texte et du commentaire)

1) Du début jusqu'à "impérissable" : en tant que spirituelle, l'oeuvre immortalise la réalité qu'elle représente. 2) De "'l'intérêt humain" jusqu'à "non artistique" : en tant que spirituelle, l'oeuvre saisit les choses et les évènements dans leur vérité. 3) Jusqu'à la fin : donc il y a une hiérarchie, une supériorité de l'oeuvre par rapport à la réalité naturelle.


Plan du développement

1) La durée et le caractère impérissable de l'oeuvre d'art

- "L'oeuvre vient de l'esprit et existe pour l'esprit". En effet l'oeuvre est humaine et s'adresse à l'homme, plus précisément elle est le produit de l'esprit humain et ne s'apprécie qu'au moyen de l'esprit. Il faut se souvenir ici de la distinction kantienne des différentes satisfactions : la satisfaction esthétique (c'est beau) est spirituelle et non physique (c'est bon). D'autre part l'oeuvre est l'expression d'un savoir-faire, d'une "technique" et donc d'une pensée pratique. Enfin elle traduit l'effort de l'imagination qui est bien une faculté de l'esprit ; plus précisément, la création nécessite un accord, une symbiose entre différentes facultés sensitives, imaginatives, rationnelles.

- "une oeuvre d'art est une oeuvre qui dure". Par définition les données naturelles appartiennent au temps et sont périssables. Les créations artistiques, au contraire, sont immortelles en tant que symboliques (cad abstraites) et pas seulement matérielles : par exemple une oeuvre musicale n'a rien à craindre du temps puisqu'on peut toujours la rejouer à l'infini. Les oeuvres sont transmises de génération en génération et survivent de cette manière. Certes, les êtres naturels vivants se reproduisent, cependant ce ne sont plus les mêmes individus.

2) L'oeuvre saisit les choses et les évènements dans leur vérité

- Qu'est-ce que cette vérité révélée par l'oeuvre ? Il s'agit de l'essence des choses, telle que 'esprit humain peut la saisir, c'est-à-dire ce qu'il en reste justement après leur simple passage, après leur fin temporelle. Les choses ou les évènements ne sont pas intemporels en eux-mêmes, bien au contraire ; mais justement leur représentation artistique leur confère cette durée et cette immortalité ou les gravant dans la mémoire humaine, de façon sensible et esthétique (belle) pour qu'ils demeurent plus longtemps (le simple récit objectif d'un événement ne suffit pas : il faut le dramatiser). D'autre part seule la représentation abstraite d'une chose permet d"établir des relations intelligentes avec d'autres réalités, naturelles ou historiques. L'art est donc une forme de pensée ; ou du moins l'oeuvre donne à penser.

- "l'intérêt humain" : cette formule résume ce que l'on attend d'un "belle" ou d'une "grande" oeuvre. La beauté d'une oeuvre est universelle - ou : l'oeuvre a une dimension spirituelle - lorsque qu'elle rend la dimension humaine d'une chose et, ce faisant, elle s'adresse à tous les hommes.


3) Peut-on en déduire une "supériorité" de l'oeuvre sur les produits de la nature ?

- « le passage par l’esprit » est, pour Hegel, la marque d’une supériorité. Pour ce philosophe, l’opposition de l’esprit et de la nature n’est pas simple mais « dialectique », c’est-à-dire que la supériorité de l’esprit n’est pas une domination mais un dépassement. Les œuvres de l’esprit ne se font pas « ex nihilo », il leur faut une matière sur laquelle agir (c’est la nature) ; l’œuvre opère alors une transformation, une spiritualisation de l’élément naturel qui, certes, n’a rien d’une imitation, mais ne revient pas non plus à un simple effacement.

- La position de Hegel peut sembler exagérément « idéaliste ». Il est bien vrai que la production naturelle et la création artistique (consciente, intentionnelle, libre, etc.) ne coïncident jamais. Cependant il est aussi réducteur de considérer la nature comme un simple matériau transformable. La nature peut aussi bien apparaître comme le symbole d’une réalité énigmatique et finalement inspiratrice pour les artistes…

Conclusion

Si l’œuvre d’art venait uniquement de l’esprit et n’existait que pour lui, le parfait chef d’œuvre ne serait-il pas alors lui-même une sorte d’esprit dépourvu de toute matière ? Si les distinctions proposées par l’auteur entre la nature et l’art paraissent incontournables, elles ne doivent pas faire oublier que l’art reste avant tout une pratique et non une pensée abstraite.

vendredi 4 mars 2011

Platon : l’allégorie de la caverne (texte et questions)


Texte de Platon (Traduction : Emile Chambry) – La République, Livre VII
— Eh bien après cela, dis-je, compare notre nature, considérée sous le rapport de l’éducation et du manque d’éducation, à la situation suivante. Voici des hommes dans une habitation souterraine en forme de grotte, qui a son entrée en longueur, ouvrant à la lumière du jour l’ensemble de la grotte ; ils y sont depuis leur enfance, les jambes et la nuque pris dans des liens qui les obligent à rester sur place et à ne regarder que vers l’avant, incapables qu’ils sont, à cause du lien, de tourner la tête ; leur parvient la lumière d’un feu qui brûle en haut et au loin, derrière eux ; et entre le feu et les hommes enchaînés, une route dans la hauteur, le long de laquelle voici qu’un muret a été élevé, de la même façon que les démonstrateurs de marionnettes disposent de cloisons qui les séparent des gens ; c’est par-dessus qu’ils montrent leurs merveilles.
— Je vois, dit-il.
— Vois aussi, le long de ce muret, des hommes qui portent des objets fabriqués de toute sorte qui dépassent du muret, des statues d’hommes et d’autres êtres vivants, façonnées en pierre, en bois, et en toutes matières ; parmi ces porteurs, comme il est normal, les uns parlent, et les autres se taisent.
— C’est une image étrange que tu décris là, dit-il, et d’étranges prisonniers.
— Semblables à nous, dis-je. Pour commencer, en effet, crois-tu que de tels hommes auraient pu voir quoi que ce soit d’autre, d’eux-mêmes et les uns des autres, que les ombres qui, sous l’effet du feu, se projettent sur la paroi de la grotte en face d’eux ?
— Comment auraient-ils fait, dit-il, puisqu’ils ont été contraints, tout au long de leur vie, de garder la tête immobile ?
— Et en ce qui concerne les objets transportés ? n’est-ce pas la même chose ?
— Bien sûr que si.
— Alors, s’ils étaient à même de parler les uns avec les autres, ne crois-tu pas qu’ils considéreraient ce qu’ils verraient comme ce qui est réellement ?
— Si, nécessairement.
— Et que se passerait-il si la prison comportait aussi un écho venant de la paroi d’en face ? Chaque fois que l’un de ceux qui passent émettrait un son, crois-tu qu’ils penseraient que ce qui l’émet est autre chose que l’ombre qui passe ?
— Non, par Zeus, je ne le crois pas, dit-il.
— Dès lors, dis-je, de tels c hommes considéreraient que le vrai n’est absolument rien d’autre que l’ensemble des ombres des objets fabriqués.
— Très nécessairement, dit-il.