Boxer et philosopher. Cours de philosophie en classe de terminale STMG. 

Publié le 28 Mars 2017

 

Martin se précipite vers le fond de la classe, il s‘installe à côté de Clara à qui il a visiblement beaucoup de choses à dire. Martin a rencontré des problèmes de discipline ces derniers temps et ses résultats ne sont pas bons. Aussi, il me semble qu’il serait plus judicieux pour lui de s’assoir seul à une table, il serait davantage présent à ce qui se passe dans la classe. Je lui demande donc de changer de place. Au lieu de saisir l’opportunité, Martin se fâche, vitupère et me jette des regards plein de courroux. Il finit par venir s’assoir seul à une table, mais il laisse pendre ses écouteurs au-dessus de ses oreilles et allonge tout son buste sur la table, bien décidé à me montrer qu’il ne fera rien de cette séance.

Les cours que je propose se déroulent sous forme d’atelier, j'entraine à pratiquer la philosophie. Il s’agit de faire penser les lycéens plutôt que de leur dire comment il faut penser. Aussi j’ai appris que Théo, élève de cette même classe est champion de boxe. Il est d’accord pour venir parler de ce sport. Il en explique les règles. Une autre élève lui demande ce que la pratique de ce sport lui apporte. « L’autodiscipline, répond-il, car je dois m’entrainer plusieurs fois par semaine et faire attention à ce que je mange. Je dois aussi accepter toutes les décisions de l’arbitre sans protester. Ce sport m’apprend également le respect de mon adversaire, je le salue pour commencer et tous les coups ne sont pas permis, le but est de faire ensemble un beau match, c’est pourquoi on appelle ce sport un art martial. » 
Je lui demande :
- voyez-vous des liens avec la philosophie ? 
- Oui, car les coups de l’adversaire sont un peu comme les questions, ils nous déstabilisent, ils nous poussent dans nos retranchements, ils nous mettent face à nous-mêmes, et nous devons répondre sans fuir, en nous engageant.

À la fin du cours Martin qui est resté toute l'heure à moitié allongé sur sa table, vient me voir. 
- Madame, je m’énerve. 
- Oui, je vois ça. Et ça vous énerve de vous énerver ?
- Oui.
- N’est-ce pas un peu fatigant ?
- Oui, c’est même épuisant.
- Quand je vous demande de vous déplacer et que vous vous fâchez, montrez-vous de la méfiance ou de la confiance ?
- De la méfiance.
- Pourriez-vous me faire confiance ?
- Oui, car vous êtes professeur et vous savez votre métier.
- Essayez donc la confiance et vous me direz si c’est moins fatigant. Juste une dernière chose avant de nous quitter, voyez-vous le côté positif de votre capacité à vous énerver ?
- Non, vraiment je ne vois pas.
- Voyez-vous le problème de personnes qui ne s’énervent jamais ?
- Oui, elles sont passives, elles attendent que ça passe.
- Sont-elles présentes ou fuyantes ?
- Fuyantes.
- Alors, voyez-vous le côté positif de votre capacité à vous énerver ?
- Oui, au moins je montre par ma colère, de l’énergie et une certaine présence.
- Que pourriez-vous faire de constructif de votre colère ?
- Je vais y réfléchir !

Rédigé par L.Bouchet

Publié dans #Réflexions sur la pédagogie

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Roland jorez 09/06/2017 23:49

Martin dit : "Oui, au moins je montre par ma colère, de l’énergie et une certaine présence".
je pense que cela veut dire qu'il a besoin que l'on s'intéresse à lui. il devrait peut être pratiquer un sport comme la boxe pour mieux maîrtiser ses émotions.