Recyclage

La première bouteille plastique recyclée aux enzymes

Le procédé développé par la société française Carbios franchit une étape symbolique, face au défi du recyclage des plastiques et leur pollution.

Une des bouteilles fabriquées par Carbios.

Une des bouteilles fabriquées par Carbios.

CARBIOS

C'est une première mondiale et elle est française. Carbios, une entreprise installée près de Clermont-Ferrand, dévoile ce mercredi des bouteilles fabriquées à partir d'un plastique 100 % recyclé depuis des déchets grâce à des enzymes. Ces petites protéines s'attaquent directement au PET, le polytéréphtalate d'éthylène, principal ingrédient des contenants en plastique des boissons. "Notre procédé biologique permet de déconstruire tous les types de plastiques PET usagés en leurs constituants de base, réutilisables pour la production de nouveaux plastiques vierges", explique Alain Marty, directeur scientifique de la société. 

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Symbolique, cette étape illustre les progrès des recherches scientifiques dans la mise au point de nouveaux procédés pour apporter des réponses aux pollutions générées par les plastiques. Ces matériaux mettent en effet des décennies voire des siècles à se dégrader totalement dans la nature ou les océans. Ce faisant, ils se fragmentent en micro-plastiques, dont l'impact environnemental et sanitaire est aujourd'hui l'objet de nombreuses études. L'enjeu est tel qu'un "pacte sur les emballages plastiques" a été signé, la semaine dernière, entre l'Etat et les industriels. Les signataires s'engagent à atteindre un taux de 60 % de ces contenants effectivement recyclés d'ici 2022.  

L'entreprise prévoit la construction d'une usine pilote au sud de Lyon.

L'entreprise prévoit la construction d'une usine pilote au sud de Lyon.

Carbios

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Le procédé de Carbios permet justement d'envisager de nouvelles solutions plus efficaces pour recycler les plastiques sous la forme de flacons, de films, de barquette ou de polyester textile. "En l'état pour les bouteilles, détaille Alain Marty, la seule technique employée est de les broyer et de les faire fondre à 270°C, ce qui impose plusieurs limitations. Déjà, cela ne permet pas de recycler des contenants colorés, comme ceux des shampoings. Mais surtout, le matériau obtenu a des propriétés mécaniques plus faibles !" Résultat : impossible de le recycler à 100 %, les fabricants sont contraints de le mélanger à du PET vierge... 

Vers un recyclage à l'infini

"Le PET est un polymère, poursuit le directeur scientifique de Carbios. Il ressemble à un long collier composé seulement de deux perles : de l'acide téréphtalique et du monoéthylène glycol. Nos enzymes sont comme des ciseaux moléculaires : elles coupent les liaisons et libèrent ces deux perles, ensuite purifiées pour revenir aux molécules d'origine et se débarrasser des colorants. Elles permettent enfin de re-synthétiser du PET à l'identique, sans perte de propriétés mécaniques." Et donc d'envisager la possibilité d'un recyclage à l'infini inédit - à condition que le système de collecte en amont soit toutefois efficace. La production annoncée, ce mercredi, provient par exemple de "vrais déchets industriels achetés au marché à la tonne", détaille Alain Marty. 

L'entreprise n'est pas la seule à travailler sur ces procédés enzymatiques prometteurs. En 2016, une bactérie mangeuse de plastique PET a été découverte au Japon (Ideonella sakaiensis), depuis objet de publications britannique et américaine. Mais les performances affichées par le Français sont sans commune mesure, assurant 97 % de dégradation en l'espace de 16 heures. Un temps d'une réaction appelée hydrolyse, qui se déroule dans une cuve d'eau où sont ajoutés les déchets et les enzymes, le tout à 60°C et sans traitement chimique. Les capacités de coupure des enzymes ont été améliorées "des centaines de fois", grâce à une collaboration avec un laboratoire public expert des systèmes biologiques, le LISBP à Toulouse (CNRS/INSA/INRA). 

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"Ce procédé enzymatique, relativement efficace pour dégrader totalement les plastiques, a toutefois une limite : il est généralement assez coûteux, commente le chercheur Mikael Kedzierski, spécialiste des impacts sanitaires et environnementaux des composites. Mais si elles deviennent viables, ces technologies seront alors très intéressantes." Pour l'instant, Carbios avance de son côté un objectif de coût, à terme, identique à celui de la fabrication du PET vierge. D'ici là, le prochain défi est la montée en puissance. Une usine de démonstration "verra le jour fin 2020" dans le sud de Lyon, à Saint-Fons, avec une cuve de 20 mètres cubes pour réaliser des "échantillons à l'échelle de plusieurs tonnes", selon Alain Marty. Et parvenir à faire des déchets plastiques une filière, plutôt qu'une pollution. 

Christophe Josset
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