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" Françaises, français, Etant
le détenteur de la légitimité nationale et
républicaine, j'ai envisagé, depuis vingt-quatre heures,
toutes les éventualités, sans exception, qui me permettraient
de la maintenir. J'ai pris mes résolutions. Dans les circonstances
présentes, je ne me retirerai pas. J'ai un mandat du peuple,
je le remplirai. Je ne changerai pas le Premier ministre (...).
Je dissous aujourd'hui l'Assemblée nationale. (...) Quant
aux élections législatives, elles auront lieu dans
les délais prévus par la Constitution, à moins
qu'on entende bâillonner le peuple français tout entier,
en l'empêchant de s'exprimer en même temps qu'on l'empêche
de vivre, par les mêmes moyens qu'on empêche les étudiants
d'étudier, les enseignants d'enseigner, les travailleurs
de travailler. Ces moyens, ce sont l'intimidation, l'intoxication
et la tyrannie exercées par des groupes organisés
de longue date en conséquence et par un parti qui est une
entreprise totalitaire, même s'il a déjà des
rivaux à cet égard. Si donc cette situation de force
se maintient, je devrai pour maintenir la République prendre
conformément à la Constitution, d'autres voies que
le scrutin immédiat du pays. En tout cas, partout et tout
de suite, il faut que s'organise l'action civique. Cela doit se
faire pour aider le gouvernement d'abord, puis localement les préfets
(...) dans leur tâche qui consiste à assurer autant
que possible l'existence de la population et à empêcher
la subversion à tout moment et en tous lieux . (...) Non
! la République n'abdiquera pas. Le peuple se ressaisira.
Le progrès, l'indépendance et la paix l'emporteront
avec la liberté. Vive la République ! Vive la France
! "
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Questions
1. Présentez la nature du texte, son auteur
et le contexte de sa rédaction.
2. Quel est le ton de ce texte ? Quelles sont les
mesures annoncées par l'auteur ? Au nom de quelles valeurs les
prend-il ?
3. Que reproche l'auteur à ses adversaires
politiques ?
4. Quelles seront les conséquences à
court et moyen terme de ce discours ?
Eléments de réponse
1. Le texte est un discours prononcé à
la radio par Charles de Gaulle le 30 mai 1968. A cette date, Charles de
Gaulle a entamé depuis trois années son second mandat de
président de la République française. Une certaine
usure du pouvoir se fait toutefois sentir : après avoir été
mis en ballottage lors du premier tour de l'élection présidentielle
de 1965, Charles de Gaulle doit surtout affronter la difficile crise de
mai 1968, déclenchée par les étudiants puis par les
ouvriers qui appellent à un changement de société
- et à un changement du pouvoir.
Pour la chronologie précise de la crise de
mai 1968, et notamment pour comprendre à quel moment de Gaulle
choisit de prononcer son discours du 30 mai, reporte-toi aux fiches sur
Mai 1968.
2. Le ton du texte est particulièrement déterminé
: le général de Gaulle réaffirme toute son autorité
("Etant le détenteur de la légitimité"),
puis explique son refus de céder (" J'ai pris mes résolutions
"). Il utilise des exclamations ("Non ! La République
n'abdiquera pas") et des termes sans concession ("bâillonner
les peuple", "l'intoxication et la tyrannie"...). Les mesures
qu'il annonce sont à la mesure de sa détermination.
Charles de Gaulle se réfère à
plusieurs valeurs pour justifier les mesures prises. La première
est la République, invoquée à la première
ligne et à la dernière ligne du texte, mais aussi
dans d'autres expressions comme : "J'ai un mandat du peuple".
C'est bien au nom de la légitimité que
lui a conférée le peuple que Charles de Gaulle entend intervenir
pour éviter que la République ne soit menacée dans
ses principes. Le général de Gaulle invoque également
la liberté (avant-dernière ligne du texte), qu'il oppose
aux méthodes des organisateurs de la crise de mai 1968. Ces derniers,
selon lui, ont utilisé "l'intimidation et la tyrannie",
parfaitement contraires aux valeurs de liberté pratiquées
dans une démocratie.
3. Le général de Gaulle reproche aux
organisateurs de la crise de mai 1968 d'avoir désorganisé
le pays - donc d'avoir porté atteinte au droit des autres Français
à vivre paisiblement : "on empêche les étudiants
d'étudier" fait référence à l'occupation
des universités par les étudiants révoltés,
puis à la fermeture de celles-ci. On empêche "les travailleurs
de travailler" rappelle que la France est paralysée par une
grève générale. Charles de Gaulle considère
donc que la fin de la crise de Mai 1968 permettra le retour à l'ordre
du pays : c'est en ce sens qu'il évoque la tâche des préfets,
"qui consiste à assurer (...) l'existence de la population".
C'est en des termes particulièrement sévères
que le président de la République décrit les organisateurs
de la révolte de Mai 1968 ("intimidation", "intoxication",
"tyrannie"). Il les rattache, de manière sous-entendue,
au parti communiste ("un parti qui est déjà une entreprise
totalitaire"). Par ce biais, il cherche à rendre plus évidente
aux yeux de tous les Français la culpabilité et la responsabilité
des leaders, assimilés à un dangereux parti révolutionnaire
et totalitaire.
4. Pour répondre à cette question, reporte-toi
aux fiches consacrées à Mai 1968.
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