OEUVRES COMPLÈTES DE VOLTAIRE LE SIÈCLE DE LOUIS XIV.
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CATALOGUE DES ÉCRIVAINS. (SUITE)

A.B.C.D.E.F.G.H.J.L.M.N.O.P.Q.R.S.T.V.
MusiciensPeintresSculpteurs, Architectes, Graveurs

PAGI (Antoine), Provençal, né en 1624, franciscain. Il a corrigé Baronius, et a eu pension du clergé pour cet ouvrage. Mort en 1699. 

PAPIN (Isaac), né à Blois en 1657, calviniste. Ayant quitté sa religion, il écrivit contre elle. Mort en 1709. 

PARDIES (Ignace-Gaston), jésuite, né à Pau, en 1636, connu par ses Éléments de géométrie, et par son livre sur l’Ame des bêtes(52).Prétendre avec Descartes que les animaux sont de pures machines privées du sentiment dont ils ont les organes, c’est démentir l’expérience et insulter la nature. Avancer qu’un esprit pur les anime, c’est dire ce qu’on ne peut prouver. Reconnaître que les animaux sont doués de sensations et de mémoire, sans savoir comment cela s’opère, ce serait parler en sage qui sait que l’ignorance vaut mieux que l’erreur: car quel est l’ouvrage de la nature dont on connaisse les premiers principes? Mort en 1673. 

PARENT (Antoine), né à Paris, en 1666, bon mathématicien. Il est encore un de ceux qui apprirent la géométrie sans maître. Ce qu’il y a de plus singulier de lui, c’est qu’il vécut longtemps à Paris, libre et heureux, avec moins de deux cents livres de rente. Mort en 1710. 

PASCAL (Blaise), fils du premier intendant qu’il y eut à Rouen, né en 1623, génie prématuré. Il voulut se servir de la supériorité de ce génie comme les rois de leur puissance; il crut tout soumettre et tout abaisser par la force. Ce qui a le plus révolté certains lecteurs dans ses Pensées, c’est l’air despotique et méprisant dont il débute. Il ne fallait commencer que par avoir raison. Au reste la langue et l’éloquence lui doivent beaucoup. Les ennemis de Pascal et d’Arnauld firent supprimer leurs éloges dans le livre des Hommes illustres de Perrault. Sur quoi on cita ce passage de Tacite (Ann. III, LXXVI), « Praefulgebant Cassius alque Brutus eo ipso quod effigies eorum non visebantur. » Mort en 1662. 

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Blaise Pascal (1623-1662).
Peinture anonyme. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

PATIN (Gui), né à Houdan, en 1601, médecin, plus fameux par ses Lettres médisantes que par sa médecine. Son recueil de Lettres a été lu avec avidité, parce qu’elles contiennent des nouvelles et des anecdotes que tout le monde aime, et des satires qu’on aime davantage. Il sert à faire voir combien les auteurs contemporains qui écrivent précipitamment les nouvelles du jour sont des guides infidèles pour l’histoire. Ces nouvelles se trouvent souvent fausses ou défigurées par la malignité; d’ailleurs, cette multitude de petits faits n’est guère précieuse qu’aux petits esprits. Mort en 1672. 

PATIN (Charles), né à Paris, en 1633, fils de Gui Patin. Ses ouvrages sont lus des savants, et les Lettres de son père le sont des gens oisifs. Charles Patin, très savant antiquaire, quitta la France, et mourut professeur en médecine à Padoue, en 1693. 

PATRU (Olivier), né à Paris, en 1604, le premier qui ait introduit la pureté de la langue dans le barreau. Il reçut dans sa dernière maladie une gratification de Louis XIV, à qui l’on dit qu’il n’était pas riche. Mort en l681. 

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Olivier Patru (1604-1681).
Peinture anonyme. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

PAVILLON (Étienne), né à Paris, en 1632, avocat général au parlement de Metz, connu par quelques poésies écrites naturellement. Mort en 1705. 

PELLISSON-FONTANIER (Paul), né calviniste à Béziers, en 1624; poète médiocre, à la vérité, mais homme très savant et très éloquent; premier commis et confident du surintendant Fouquet; mis à la Bastille en 1661. Il y resta quatre ans et demi, pour avoir été fidèle à son maître. Il passa le reste de sa vie à prodiguer des éloges au roi, qui lui avait ôté sa liberté c’est une chose qu’on ne voit que dans les monarchies. Beaucoup plus courtisan que philosophe, il changea de religion, et fit sa fortune. Maître des comptes, maître des requêtes, et abbé, il fut chargé d’employer le revenu du tiers des économats à faire quitter aux huguenots leur religion, qu’il avait quittée. Son Histoire de l’Académie fut très applaudie. On a de lui beaucoup d’ouvrages, des Prières pendant la messe, un Recueil de pièces galantes, un Traité sur l’Eucharistie, beaucoup de vers amoureux à Olympe. Cette Olympe était Mlle Desvieux, qu’on prétend avoir épousé le célèbre Bossuet avant qu’il entrât dans l’Église. Mais ce qui a fait le plus d’honneur à Pellisson. ce sont ses excellents discours pour M. Fouquet, et son Histoire de la conquête de la Franche-Comté. Les protestants ont prétendu qu’il était mort avec indifférence; les catholiques ont soutenu le contraire, et tous sont convenus qu’il mourut sans sacrements. Mort en 1693. 

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Paul Pelisson Fontanier (1624-1693).
Peinture anonyme. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

PERRAULT (Claude), né à Paris, en 1613(53). Il fut médecin, mais il n'exerça la médecine que pour ses amis. Il devint, sans aucun maître, habile dans tous les arts qui ont rapport au dessin, et dans les mécaniques. Bon physicien, grand architecte, il encouragea les arts sous la protection de Colbert, et eut de la réputation malgré Boileau. Il a publié plusieurs Mémoires sur l’anatomie comparée, dans les recueils de l’Académie des sciences, et une magnifique édition de Vitruve. La traduction et les dessins qui l’embellissent sont également ses ouvrages. Mort en 1688. 

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François Mansard et Claude Perrault.
Peinture attribuée à Philippe de Champaigne. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

PERRAULT (Charles), né en 1633, frère de Claude, contrôleur général des bâtiments sous Colbert, donna la forme aux Académies de peinture, de sculpture, et d’architecture. Utile aux gens de lettres, qui le recherchèrent pendant la vie de son protecteur, et qui l’abandonnèrent ensuite. On lui a reproché d’avoir trouvé trop de défauts dans les anciens; mais sa grande faute est de les avoir critiqués maladroitement, et de s’être fait des ennemis de ceux même qu’il pouvait opposer aux anciens. Cette dispute a été et sera longtemps une affaire de parti, comme elle l’était du temps d’Horace. Que de gens encore en Italie qui, ne pouvant lire Homère qu’avec dégoût, et lisant tous les jours l’Arioste et le Tasse avec transport, appellent encore Homère incomparable! Mort en 1703. 

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Charles Perrault (1628-1703) .
Peinture de Philippe Lallemant. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

N.B. Il est dit dans les Anecdotes littéraires, tome II, page 27, qu’Addison ayant fait présent de ses ouvrages à Despréaux, celui-ci lui répondit qu’il n’aurait jamais écrit contre Perrault, s’il eût vu de si excellentes pièces d’un moderne. Comment peut on imprimer un tel mensonge? Boileau ne savait pas un mot d’anglais, aucun français n’étudiait alors cette langue. Ce n’est que vers l’an 1730 qu’on commença à se familiariser avec elle. Et d’ailleurs, quand même Addison, qui s’est moqué de Boileau, aurait été connu de lui, pourquoi Boileau n’aurait-il pas écrit contre Perrault, en faveur des anciens, dont Addison fait l’éloge dans tous ses ouvrages? Encore une fois, défions nous de tous ces ana, de toutes ces petites anecdotes. Un sûr moyen de dire des sottises est de répéter au hasard ce qu’on a entendu dire. 

PERROT D’ABLANCOURT (Nicolas), d’une ancienne famille du parlement de Paris, né à Vitry(54) en 1606, traducteur élégant et dont on appela chaque traduction la belle infidèle: mort pauvre en 1664. 

PETAU (Denys), né à Orléans, en 1583, jésuite. Il a réformé la chronologie. On a de lui soixante et dix ouvrages. Mort en 1652. 

PETIS DE LA CROIX (François), l’un de ceux dont le grand ministre Colbert encouragea et récompensa le mérite. Louis XIV l’envoya en Turquie et en Perse, à l’âge de seize ans, pour apprendre les langues orientales. Qui croirait qu’il a composé une partie de la vie de Louis XIV en arabe, et que ce livre est estimé dans l’Orient? On a de lui l’Histoire de Gengis-Kan(55) et de Tamerlan, tirée des anciens auteurs arabes, et plusieurs livres utiles; mais sa traduction des Mille et un jours est ce qu’on lit le plus: 
 

L’homme est de glace aux vérités, 
Il est de feu pour les mensonges. 
La Fontaine, IX, vi.

Mort en 1713. 

PETIT (Pierre), né à Paris, en 1617, philosophe et savant. Il n’a écrit qu’en latin. Mort en 1687. 

PEZRON (Paul), de l’ordre de Cîteaux, né en Bretagne, en 1639, grand antiquaire, qui a travaillé sur l’origine de la langue des Celtes. Mort en 1706. 

POLIGNAC (Melchior de), cardinal, né au Puy en Velay, en 1661, aussi bon poète latin qu’on peut l’être dans une langue morte; très éloquent dans la sienne; l’un de ceux qui ont prouvé qu’il est plus aisé de faire des vers latins que des vers français. Malheureusement pour lui, en combattant Lucrèce il combat Newton. Mort en 1741. 

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Melchior de Polignac, cardinal archevêque d'Auch (1661-1741).
Peinture anonyme. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

PONTIS (Louis de). Ses Mémoires ont été tellement en vogue, qu’il est nécessaire de dire que cet homme, qui a fait tant de belles choses pour le service du roi, est le seul qui en ait jamais parlé. Aussi ses Mémoires ne sont pas de lui; ils sont de Dufossé, écrivain de Port-Royal. Il feint que son héros portait le nom de sa terre en Dauphiné. Il n’y a point en Dauphiné de seigneurie de Pontis. Il est même fort douteux que Pontis ait existé(56). Le Dictionnaire historique portatif, en quatre volumes, assure que ces Mémoires sont vrais. Ils sont cependant remplis de fables, comme l’a démontré le P. d’Avrigny, dans la préface de ses Mémoires historiques.

PORÉE (Charles), né en Normandie(57), en 1675, jésuite; du petit nombre de professeurs qui ont eu de la célébrité chez les gens du monde; éloquent dans le goût de Sénèque; poète, et très bel esprit. Son plus grand mérite fut de faire aimer les lettres et la vertu à ses disciples. Mort en 1741. 

PUYSÉGUR (Jacques de Chastenet, maréchal de) Il nous a laissé l’Art de la guerre, comme Boileau a donné l’Art poétique.

QUESNEL (Pasquier), né en 1634, de l’Oratoire. Il a été malheureux, en ce qu’il s’est vu le sujet d’une grande division parmi ses compatriotes. D’ailleurs, il a vécu pauvre et dans l’exil. Ses moeurs étaient sévères comme celles de tous ceux qui ne sont occupés que de disputes. Trente pages changées et adoucies dans son livre auraient épargné des querelles à sa patrie: mais il eût été moins célèbre. Mort en 1719. 


Le Père Quesnel (1634-1719)

QUINAULT (Philippe), né à Paris, en 1636, auditeur des comptes, célèbre par ses belles poésies lyriques, et par la douceur qu’il opposa aux satires très injustes de Boileau. Quinault était, dans son genre, très supérieur à Lully. On le lira toujours; et Lully, à son récitatif près, ne peut être chanté. Cependant on croyait, du temps de Quinault, qu’il devait à Lully sa réputation. Le temps apprécie tout. Il eut part, comme les autres grands hommes, aux récompenses que donna Louis XIV, mais une part médiocre; les grandes grâces furent pour Lully. Mort en 1688. 

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Philippe Quinault (1635-1688).
Peinture anonyme. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

N. B. Il est rapporté dans les Anecdotes littéraires que Boileau étant à la salle de l’Opéra de Versailles, dit à l’officier qui plaçait: « Monsieur, mettez-moi dans un endroit où je n’entende point les paroles. J’estime fort la musique de Lully, mais je méprise souverainement les vers de Quinault. » 

Il n’y a nulle apparence que Boileau ait dit cette grossièreté. S’il s’était borné à dire « Mettez moi dans un endroit où je n’entende que la musique, » cela n’eût été que plaisant, mais n’eût pas été moins injuste. On a surpassé prodigieusement Lully dans tout ce qui n’est pas récitatif; mais personne n’a jamais égalé Quinault. 

QUINCY (le marquis de), lieutenant général d’artillerie, auteur de l’Histoire militaire de Louis XIV. Il entre dans de grands détails, utiles pour ceux qui veulent suivre dans leur lecture les opérations d’une campagne. Ces détails pourraient fournir des exemples, s’il y avait des cas pareils; mais il ne s’en trouve jamais, ni dans les affaires, ni dans la guerre. Les ressemblances sont toujours imparfaites, les différences toujours grandes. La conduite de la guerre est comme les jeux d’adresse, qu’on n’apprend que par l’usage et les jours d’action sont quelquefois des jeux de hasard. 

RACINE (Jean), né à la Ferté-Milon, en 1639, élevé à Port-Royal. 

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Jean Racine (1639-1699).
Peinture de l'école de Pierre Mignard. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

Il portait encore l’habit ecclésiastique quand il fit la tragédie de Théagène, qu’il présenta à Molière, et celle des Frères ennemis, dont Molière lui donna le sujet. Il est intitulé prieur de l’Épinay dans le privilège de l’Andromaque. Louis XIV fut sensible à son extrême mérite. Il lui donna une charge de gentilhomme ordinaire, le nomma quelque fois des voyages de Marly, le fit coucher dans sa chambre dans une de ses maladies, et le combla de gratifications. Cependant Racine mourut de chagrin ou de crainte de lui avoir déplu. Il n’était pas aussi philosophe que grand poète. On lui a rendu justice fort tard. « Nous avons été touchés, dit Saint-Évremond, de Mariamne, de Sophonisbe, d’Alcyonée, d’Andromaque, et de Britannicus. » C’est ainsi qu’on mettait non seulement la mauvaise Sophonisbe de Corneille, mais encore les impertinentes pièces d’Alcyonée et de Mariamne, à côté de ces chefs-d’oeuvre immortels. L’or est confondu avec la boue pendant la vie des artistes, et la mort les sépare. 

Il est à remarquer que Racine ayant consulté Corneille sur sa tragédie d’Alexandre, Corneille lui conseilla de ne plus faire de tragédies, et lui dit qu’il n avait nul talent pour ce genre d’écrire(58). N’oublions pas qu’il écrivit contre les jansénistes, et qu’il se fit ensuite janséniste. Mort en 1699 

RACINE(59) (Louis), fils de l’immortel Jean Racine, a marché sur les traces de son père mais dans un sentier plus étroit et moins fait pour les muses. Il entendait la mécanique des vers aussi bien que son père, mais il n’en avait ni l’âme ni les grâces. Il manquait d’ailleurs d’invention et d’imagination. Janséniste comme son père, il ne fit des vers que pour le jansénisme. On en trouve de très beaux dans le poème de la Grâce, et dans celui de la Religion, ouvrage trop didactique et trop monotone, copie des Pensées de Pascal, mais rempli de beaux détails, tels que ces vers du chant second, dans lequel il traduit Lucrèce pour le réfuter: 
 

Cet esprit, ô mortels, qui vous rend si jaloux, 
N’est qu’un feu qui s’allume et s’éteint avec nous.
Quand par d’affreux sillons l’implacable vieillesse 
A sur un front hideux imprimé la tristesse; 
Que, dans un corps courbé sous un amas de jours, 
Le sang, comme à regret, semble achever son cours; 
Lorsqu’en des yeux couverts d’un lugubre nuage 
Il n’entre des objets qu’une infidèle image; 
Qu’en débris chaque jour le corps tombe et périt: 
En ruines aussi je vois tomber l’esprit. 
L’âme mourante alors, flambeau sans nourriture, 
Jette par intervalle une lueur obscure. 
Triste destin de l’homme! il arrive au tombeau 
Plus faible, plus enfant qu’il ne l’est au berceau. 
La mort d’un coup fatal frappe enfin l’édifice; 
Dans un dernier soupir, achevant son supplice, 
Lorsque, vide de sang, le coeur reste glacé, 
Son âme s’évapore, et tout l’homme est passé.

Il s’élève quelquefois dans ce poème contre le tout est bien des lords Shaftesbury et Bolingbroke, si bien mis en vers par Pope. 
 

Sans doute qu’à ces mots, des bords de la Tamise, 
Quelque abstrait raisonneur, qui ne se plaint de rien, 
Dans son flegme anglican répondra: « Tout est bien. »

Racine, en qualité de janséniste, croyait que presque tout est mal depuis longtemps; il accuse Pope d’irréligion. Pope était fils d’un papiste, c’est ainsi qu’on appelle en Angleterre les catholiques romains. Pope, élevé dans cette religion, qu’il tourne quelquefois en ridicule dans ses épîtres, ne voulut cependant pas la quitter quoiqu’il fût philosophe, ou plutôt parce qu’il était assez philosophe pour croire que ce n’était pas la peine de changer. Il fut très piqué des accusations de Louis Racine. Ramsay entreprit de les concilier. C’était un Écossais du clan des Ramsay, et qui en avait pris le nom, suivant l’usage de ce pays. Il était venu en France après avoir essayé du presbytérianisme, de l’Église anglicane, et du quakerisme, et s’était attaché à l’illustre Fénelon, dont il a depuis écrit la vie. C’est lui qui est l’auteur des Voyages de Cyrus, très faible imitation du Télémaque. Il imagina d’écrire à Louis Racine une lettre sous le nom de Pope, dans laquelle celui-ci semble se justifier. 

J’avais vécu une année entière avec Pope; je savais qu’il était incapable d’écrire en français, qu’il ne parlait point du tout notre langue, et qu’à peine il pouvait lire nos auteurs; c’était une chose publique en Angleterre. J’avertis Louis Racine que cette lettre était de Ramsay, et non de Pope. Je voulus lui faire sentir le ridicule de cette supercherie: j’en instruisis même le public dans un chapitre sur Pope, qui a été imprimé plusieurs fois du vivant de Pope même. Cependant, après sa mort, l’abbé Ladvocat a imprimé cette lettre, forgée par Ramsay, et l’a imputée à Pope, dans son Dictionnaire historique portatif, où il copie plusieurs articles des premières éditions de cette liste des écrivains du siècle de Louis XIV, mais où il insère des anecdotes entièrement fausses. Il est juste de faire connaître au public la vérité. 

RANCÉ (Armand-Jean Le Bouthillier de), né en 1626, commença par traduire Anacréon, et institua la réforme effrayante de la Trappe, en 1664. Il se dispensa, comme législateur, de la loi qui force ceux qui vivent dans ce tombeau à ignorer ce qui se passe sur la terre. Il écrivit avec éloquence. Quelle inconstance dans l’homme! Après avoir fondé et gouverné son institut, il se démit de sa place, et voulut la reprendre. Mort en 1700. 

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Armand Jean Le Bouthillier de Rancé, abbé de la Trappe.
Peinture anonyme. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

RAPIN (René), né à Tours, en 1621, jésuite, connu par le Poème des jardins en latin, et par beaucoup d’ouvrages de littérature. Mort en 1687. 

RAPIN DE THOIRAS (Paul), né à Castres, en 1661, réfugié en Angleterre, et longtemps officier. L’Angleterre lui fut longtemps redevable de la seule bonne histoire complète qu’on eût de ce royaume, et de la seule impartiale qu’on eût d’un pays où l’on n’écrivait que par esprit de parti; c’était même la seule histoire qu’on pût citer en Europe comme approchante de la perfection qu’on exige de ces ouvrages, jusqu’à ce qu’enfin on ait vu paraître celle du célèbre Hume, qui a su écrire l’histoire en philosophe. Mort à Vésel, en 1725. 

RÉGIS (Pierre-Silvain), né en Agenois, en 1632. Ses livres de philosophie n’ont plus de cours depuis les grandes découvertes qu’on a faites. Mort et 1707. 

REGNARD (Jean-François), né à Paris, en 1656(60). Il eût été célèbre par ses seuls voyages. C’est le premier Français qui alla jusqu’en Laponie. Il grava sur un rocher ce vers: 

Hic tandem stetimus, nobis ubi defuit orbis.

Pris sur la mer de Provence par des corsaires, esclave à Alger, racheté, établi en France dans les charges de trésorier de France et de lieutenant des eaux et forêts, il vécut en voluptueux et en philosophe. Né avec un génie vif, gai, et vraiment comique, sa comédie du Joueur est mise à côté de celles de Molière. Il faut se connaître peu aux talents et au génie des auteurs pour penser qu’il ait dérobé cette pièce à Dufresny. Il dédia la comédie des Ménechmes à Despréaux, et ensuite il écrivit contre lui, parce que Boileau ne lui rendit pas assez de justice. Cet homme si gai mourut de chagrin à cinquante-quatre ans. On prétend même qu’il avança ses jours. Mort en 1710. 

REGNIER DESMARETS (François-Séraphin), né à Paris, en 1632. Il a rendu de grands services à la langue, et est auteur de quelques poésies françaises et italiennes. Il fit passer une de ses pièces italiennes pour être de Pétrarque. Il n’eût pas fait passer ses vers français sous le nom d’un grand poète. Mort en 1713. 

RENAUDOT (Théophraste), médecin, très savant en plus d’un genre, le premier auteur des gazettes en France(61). Mort en l658. 

RENAUDOT (Eusèbe) né en 1646, très savant dans l’histoire, et dans les langues de l’Orient. On peut lui reprocher d’avoir empêché que le Dictionnaire de Bayle ne fût imprimé en France. Mort en 1720. 

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Eusèbe Renaudot (1648-1720).
Peinture anonyme. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

RETZ. Voyez GONDI. 

REYNAU (Charles-René), de l’Oratoire, de l’Académie des sciences, en 1656 auteur de l’Analyse démontrée, publiée en 1708. On l’appela l’Euclide de la haute géométrie. Mort en 1728. 

RICHELET (César-Pierre), né en 1631, le premier qui ait donné un dictionnaire presque tout satirique, exemple lus dangereux qu’utile. Il est aussi le premier auteur des dictionnaires de rimes, tristes ouvrages qui font voir combien il est peu de rimes nobles et riches dans notre poésie, et qui prouvent l’extrême difficulté de faire de bons vers dans notre langue. Mort en 1698. 

RICHELIEU (Armand-Jean Duplessis, cardinal de), né à Paris, en 1585. Puisque Louis XIV naquit pendant son ministère, on doit mettre parmi les écrivains de ce siècle illustre le fondateur de l’Académie française, auteur lui-même de plusieurs ouvrages. Il fit la Méthode des controverses dans son exil à Avignon, après l’assassinat du maréchal d’Ancre et de la Galigaï, ses protecteurs. Les principaux points de la Religion catholique défendus, l’Instruction du Chrétien, et la Perfection du Chrétien, sont à peu près de ce temps-là. Il est bien sûr qu’il ne composait pas la Perfection du Chrétien du temps qu’il faisait condamner à mort le maréchal de Marillac dans sa propre maison de Ruel, et qu’il était avec Marion Delorme, dans un appartement, lorsque les commissaires prononcèrent l’arrêt de mort dicté par lui. On sait aussi qu’il y a beaucoup de vers de sa façon dans la tragi-comédie allégorique intitulée Europe, et dans la tragédie de Mirame. On sait qu’il donnait à cinq auteurs les sujets des pièces représentées au palais-cardinal, et qu’il eût mieux fait de s’en tenir au seul Corneille, sans même lui fournir de sujet. Le plus beau de ses ouvrages est la digue de la Rochelle. 

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Armand-Jean du Plessis, cardinal de Richelieu (1585-1642).
Peinture anonyme. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

L’abbé Ladvocat, bibliothécaire de Sorbonne, prétend, dans son Dictionnaire historique, que le cardinal de Richelieu est l’auteur de ce testament qui a fait tant de bruit, et qui est supposé. Il croit devoir ce respect à la mémoire du bienfaiteur de la Sorbonne; mais c’est rendre un mauvais service à sa mémoire, que de l’accuser d’avoir fait un livre où il n’y a que des erreurs et des fautes de toute espèce. Si malheureusement un ministre d’État avait pu composer un si mauvais ouvrage, tout ce qu’on en devrait conclure, c’est qu’on pourrait être un grand ministre, ou plutôt un ministre heureux, avec une grande ignorance des faits les plus communs, des erreurs grossières, et des projets ridicules. C’est donc venger la mémoire du cardinal de Richelieu, que de démontrer, comme on l’a fait, qu’il ne peut être l’auteur de ce testament qui, sans son nom, aurait été ignoré à jamais. 

L’abbé Ladvocat, tout bibliothécaire qu’il était de la Sorbonne, s’est trompé en disant qu’on avait retrouvé dans cette bibliothèque un manuscrit de cet ouvrage apostillé de la main du cardinal. Le seul manuscrit apostillé ainsi est au dépôt des affaires étrangères; il n’y fut porté qu’en 1705. Ce n’est point le testament qui est apostillé, c’est une narration succincte composée par l’abbé de Bourzeis, à laquelle on avait, longtemps après, ajouté ce testament prétendu et les notes marginales même, écrites de la main du cardinal, prouvent que cette narration succincte n’était pas de lui; elles indiquent les omissions de l’abbé de Bourzeis et ce qu’il devait résoudre. Voyez la réponse à M. de Foncemagne 

On attribue encore au cardinal de Richelieu une Histoire de la mère et du fils; c’est un récit assez infidèle des malheureux démêlés de Louis XIII avec sa mère. Cette histoire faible et tronquée est probablement de Mézeray: mais dans la multitude des livres dont nous sommes accablés aujourd’hui, qu’importe de quelle main soit un ouvrage médiocre(62)? Mort en 1642. 

ROHAULT (Jacques), né à Amiens, en 1620. Il abrégea et il exposa avec clarté et méthode la philosophie de Descartes: aujourd’hui cette philosophie, erronée presque en tout, n’a d’autre mérite que celui d’avoir été opposée aux erreurs anciennes. Mort en 1675. 

ROLLIN (Charles), né à Paris, en 1661, recteur de l’université. Le premier de ce corps qui a écrit en français avec pureté et noblesse. Quoique les derniers tomes de son Histoire ancienne, faits trop à la hâte, ne répondent pas aux premiers, c’est encore la meilleure compilation qu’on ait en aucune langue, parce que les compilateurs sont rarement éloquents et que Rollin l’était. Son livre vaudrait beaucoup mieux si l’auteur avait été philosophe. Il y a beaucoup d’histoires anciennes; il n’y en a aucune dans laquelle on aperçoive cet esprit philosophique qui distingue le faux du vrai, l’incroyable du vraisemblable et qui sacrifie l’inutile. Mort en 1740. 

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Charles Rollin (1661-1741).
Sculpture de Félix Lecomte. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

ROTROU (Jean), né en 1609, le fondateur du théâtre. La première scène et une partie du quatrième acte de Venceslas sont des chefs-d’oeuvre. Corneille l’appelait son père. On sait combien le père fut surpassé par le fils. Venceslas ne fut composé qu’après le Cid; il est tiré entièrement, comme le Cid, d’une tragédie espagnole. Mort en 1650. 

ROUSSEAU (Jean-Baptiste), né à Paris, en 1669(63). De beaux vers, de grandes fautes et de longs malheurs le rendirent très fameux. Il faut, ou lui imputer les couplets qui le firent bannir, couplets semblables à plusieurs qu’il avait avoués, ou flétrir deux tribunaux qui prononcèrent contre lui. Ce n’est pas que deux tribunaux, et même des corps plus nombreux, ne puissent commettre unanimement de très violentes injustices, quand l’esprit de parti domine Il y avait un parti furieux acharné contre Rousseau. Peu d’hommes ont autant excité et senti la haine. Tout le public fut soulevé contre lui jusqu’à son bannissement, et même encore quelques années après; mais enfin les succès de La Motte, son rival, l’accueil qu’on lui faisait, sa réputation qu’on croyait usurpée, l’art qu’il avait eu de s’établir une espèce d’empire dans la littérature, révoltèrent contre lui tous les gens de lettres, et les ramenèrent à Rousseau, qu’ils ne craignaient plus. Ils lui rendirent presque tout le public. La Motte leur parut trop heureux, parce qu’il était riche et accueilli. Ils oubliaient que cet homme était aveugle et accablé de maladies. Ils voyaient dans Rousseau un banni infortuné sans songer qu’il est plus triste d’être aveugle et malade que de vivre à Vienne et à Bruxelles. Tous deux étaient en effet très malheureux; l’un par la nature, l’autre par l’aventure funeste qui le fit condamner. Tous deux servent à faire voir combien les hommes sont injustes, combien ils varient dans leurs jugements, et qu’il y a de la folie à se tourmenter pour arracher leurs suffrages. Mort à Bruxelles en 1740(64).

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Jean-Baptiste Rousseau.
Peinture anonyme. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

Rousseau eut rarement dans ses ouvrages de l’aménité, des grâces, du sentiment, de l’invention; il savait très bien tourner une épigramme licencieuse et une stance. Ses épîtres sont écrites avec une plume de fer trempée dans le fiel le plus dégoûtant. Il appelle Mlles Louvancourt, qui étaient trois soeurs très aimables, trio de louves acharnées: ilappelle le conseiller d’État Rouillé tabarin mordant, caustique et rustre, après lui avoir prodigué des louanges dans une ode assez médiocre(65). Les mots de maroufles, de bélîtres, salissent ses épîtres. Il faut, sans doute, opposer une noble fierté à ses ennemis; mais ces basses injures sans gaieté, sans agréments, sont le contraire d’une âme noble 

Quant aux couplets qui le firent bannir, voyez les articles LA MOTTE et SAURIN. 

On se contentera de remarquer ici que Rousseau ayant avoué qu’il avait fait cinq de ces malheureux couplets, il était coupable de tous les autres au tribunal de tous les juges et de tous les honnêtes gens. Sa conduite après sa condamnation n’est nullement une preuve en sa faveur; on a entre les mains des lettres du sieur Médine de Bruxelles, du 7 mai 1737, conçues en ces termes: « Rousseau n’avait d’autre table que la mienne, d’autre asile que chez moi; il m’avait baisé et embrassé cent fois le jour qu’il força mes créanciers à me faire arrêter. » 

Qu’on joigne à cela un pèlerinage fait par Rousseau à Notre-Dame de Hall, et qu’on juge s’il doit en être cru sur sa parole dans l’affaire des couplets(66).

RUINART (Thierri), bénédictin, né en 1657, laborieux critique. Il a soutenu contre Dodwell l’opinion que l’Église eut dans les premiers temps une foule prodigieuse de martyrs. Peut-être n’a-t-il pas assez distingué les martyrs et les morts ordinaires; les persécutions pour cause de religion, et les persécutions politiques. Quoi qu’il en soit, il est au nombre des savants hommes du temps. C’est principalement dans ce siècle que les bénédictins ont fait les plus profondes recherches, comme Martène sur les anciens rites de l’Église. Thuillier et tant d’autres ont achevé de tirer de dessous terre les décombres du moyen âge. C’est encore un genre nouveau qui n’appartient qu’au siècle de Louis XIV; et ce n’est qu’en France que les bénédictins y ont excellé. Mort en 1709. 

SABLIÈRE (Antoine Rambouillet de la). Ses madrigaux sont écrits avec une finesse qui n’exclut pas le naturel. Mort en 1680. 

SACY (Louis-Isaac Le Maistre de), né en 1613, l’un des bons écrivains de Port-Royal. C’est de lui qu’est la Bible de Royaumont(67),et une traduction des comédies de Térence. Mort en 1684. Son frère, Antoine Le Maistre, se retira comme lui à Port-Royal. Il avait été avocat; on le croyait un homme très éloquent, mais on ne le crut plus dès qu’il eut cédé à la vanité de faire imprimer ses plaidoyers. Un autre Sacy, avocat et de l’Académie française, mais d’une autre famille, a donné une traduction estimée des Lettres de Pline en 1701. 

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Le Maistre de Sacy. (Site allemand sur Pascal): http://www.blaise-pascal.de/

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Louis Isaac Le Maistre de Sacy (1613-1684).
Peinture de l'atelier de Philippe de Champaigne. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

SAINT-AULAIRE (François-Joseph de Beaupoil, marquis de) C’est une chose très singulière que les plus jolis vers qu’on ait de lui aient été faits lorsqu’il était plus que nonagénaire. Il ne cultiva guère le talent de la poésie qu’à l’âge de plus de soixante ans, comme le marquis de La Fare. Dans les premiers vers qu’on connut de lui on trouve ceux-ci qu’on attribua à La Fare: 
 

O muse légère et facile, 
Qui, sur le coteau d’Hélicon, 
Vîntes offrir au vieil Anacréon 
Cet art charmant, cet art utile 
Qui sait rendre douce et tranquille 
La plus incommode saison; 
Vous qui de tant de fleurs sur le Parnasse écloses, 
Orniez à ses côtés les Grâces et les Ris, 
Et qui cachiez ses cheveux gris 
Sous tant de couronnes de roses, etc.

Ce fut sur cette pièce qu’il fut reçu à l’Académie; et Boileau alléguait cette même pièce pour lui refuser son suffrage. Il est mort en 1742, à près de cent ans, d’autres disent à cent deux. Un jour, à l’âge de plus de quatre-vingt-quinze ans, il soupait avec Mme la duchesse du Maine: elle l’appelait Apollon, et lui demandait je ne sais quel secret; il lui répondit: 
 

La divinité qui s’amuse 
A me demander mon secret, 
Si j’étais Apollon, ne serait point ma muse;
Elle serait Thétis, et le jour finirait.

Anacréon moins vieux fit de bien moins jolies choses. Si les Grecs avaient eu des écrivains tels que nos bons auteurs, ils auraient été encore plus vains; nous leur applaudirions aujourd’hui avec encore plus de raison. 

SAINTE-MARTHE (Gaucher de). Cette famille a été pendant plus de cent années féconde en savants. Le premier Gaucher de Sainte-Marthe fut Charles, qui fut éloquent pour son temps. Mort en 1555. 

Scévole, neveu de Charles, se distingua dans les lettres et dans les affaires. Ce fut lui qui réduisit Poitiers sous l’obéissance de Henri IV. Il mourut à Loudun, en 1623, et le fameux Urbain Grandier prononça son oraison funèbre. 

Abel de Sainte-Marthe, son fils, cultiva les lettres comme son père, et mourut en 1652. Son fils, nommé Abel comme lui, marcha sur ses traces. Mort en 1706. 

Scévole et Louis de Sainte-Marthe, frères jumeaux, fils du premier Scévole, enterrés tous deux à Paris, dans le même tombeau, à Saint-Severin, furent illustres par leur savoir. Ils composèrent ensemble la Gallia christiana. Scévole mort en 1650, Louis, mort en 1656. 

Denys de Sainte-Marthe, leur cousin, acheva cet ouvrage. Mort à Paris, en 1725. 

Pierre Scévole de Sainte-Marthe, frère aîné du dernier Scévole, fut historiographe de France. Mort en 1690. 

SAINT-ÉVREMOND (Charles de Saint Denys, de) né en Normandie, en 1613. Une morale voluptueuse, des lettres écrites à des gens de cour dans un temps ou ce mot de cour était prononcé avec emphase par tout le monde, des vers médiocres qu’on appelle vers de société, faits dans des sociétés illustres, tout cela avec beaucoup d’esprit, contribua à la réputation de ses ouvrages. Un nommé Desmaizeaux les a fait imprimer, avec une vie de l’auteur qui contient seule un gros volume; et dans ce gros volume il n’y a pas quatre pages intéressantes. Il n’est grossi que des mêmes choses qu’on trouve dans les Oeuvres de Saint-Évremond: c’est un artifice du libraire, un abus du métier d’éditeur. C’est par de tels artifices qu’on a trouvé le secret de multiplier les livres à l’infini sans multiplier les connaissances. On connaît son exil, sa philosophie et ses ouvrages. Quand on lui demanda à sa mort, s’il voulait se réconcilier, il répondit: « Je voudrais me réconcilier avec l’appétit. » Il est enterré à Westminster, avec les rois et les hommes illustres d’Angleterre. Mort en 1703. 

Site Gallica BNF:  http://gallica.bnf.fr/image?L=07722147&I=1
Charles de Saint-Denis, Seigneur de Saint-Évremond (1614-1703) (Document sur Gallica BNF)

SAINT-PAVIN (Denys Sanguin de). Il était au nombre des hommes de mérite que Despréaux confondit dans ses satires avec les mauvais écrivains. Le peu qu’on a de lui passe pour être d’un goût délicat. On peut connaître son mérite personnel par cette épitaphe, que fit pour lui Fieubet, le maître des requêtes, l’un des esprits les plus polis de ce siècle: 
 

Sous ce tombeau gît Saint-Pavin; 
Donne des larmes à sa fin. 
Tu fus de ses amis peut-être? 
Pleure sur ton sort et le sien: 
Tu n’en fus pas? pleure le tien, 
Passant, d’avoir manqué d’en être.

Mort en 1670. 

SAINT-PIERRE (Charles-Irénée Castel, abbé de), né en 1658, gentilhomme de Normandie, n’ayant qu’une fortune médiocre, la partagea quelque temps avec les célèbres Varignon et Fontenelle. Il écrivit beaucoup sur la politique. La meilleure définition qu’on ait faite en général de ses ouvrages, est ce qu’en disait le cardinal Dubois, que c’étaient les rêves d’un bon citoyen. Il avait la simplicité de rebattre, dans ses livres, les vérités les plus triviales de la morale et par une autre simplicité, il proposait presque toujours des choses impossibles comme praticables. Il ne cessa d’insister sur le projet d’une paix perpétuelle, et d’une espèce de parlement de l’Europe, qu’il appelle la diète europaine. On avait imputé une partie de ce projet chimérique au roi Henri IV, et l’abbé de Saint-Pierre, pour appuyer ses idées prétendait que cette diète europaine avait été approuvée et rédigée par le dauphin, duc de Bourgogne, et qu’on en avait trouvé le plan dans les papiers de ce prince. Il se permettait cette fiction pour mieux faire goûter son projet. Il rapporte, avec bonne foi, la lettre par laquelle le cardinal de Fleury répondit à ses propositions: « Vous avez oublié, monsieur, pour article préliminaire, de commencer par envoyer une troupe de missionnaires pour disposer le coeur et l’esprit des princes. » Cependant l’abbé de Saint-Pierre ne laissa pas enfin d’être très utile. Il travailla beaucoup pour délivrer la France de la tyrannie de la taille arbitraire, il écrivit et il agit en homme d’État sur cette seule matière. Il fut unanimement exclu de l’Académie française, pour avoir, sous la régence du duc d’Orléans, préféré un peu durement, dans sa Polysynodie l’établissement des conseils, à la manière de gouverner de Louis XIV, protecteur de l’Académie(68). Ce fut le cardinal de Polignac qui fit une brigue pour l’exclure, et qui en vint à bout. Ce qu’il y a d’étrange, c’est que, dans ce temps-là même, le cardinal de Polignac conspirait contre le régent, et que ce prince, qui donnait un logement au Palais-Royal à Saint-Pierre, et qui avait toute sa famille à son service, souffrit cette exclusion. L’abbé de Saint-Pierre ne se plaignit point. Il continua de vivre en philosophe avec ceux mêmes qui l’avaient exclu. Boyer, ancien évêque de Mirepoix, son confrère, empêcha qu’à sa mort on ne prononçât son éloge à l’Académie, selon la coutume. Ces vaines fleurs qu’on jette sur le tombeau d’un académicien n’ajoutent rien ni à sa réputation ni à son mérite; mais le refus fut un outrage; et les services que l’abbé de Saint-Pierre avait rendus, sa probité, et sa douceur, méritaient un autre traitement. Il mourut en 1743, âgé de quatre-vingt-six ans. Je lui demandai, quelques jours avant sa mort, comment il regardait ce passage; il me répondit: « Comme un voyage à la campagne. » 

Le traité le plus singulier qu’on trouve dans ses ouvrages est l’anéantissement futur du mahométisme. Il assure qu’un temps viendra où la raison remportera chez les hommes sur la superstition. Les hommes comprendront, dit-il, qu’il suffit de la patience, de la politesse, et de la bienfaisance, pour plaire à Dieu. Il est impossible, dit-il encore, qu’un livre où l’on trouve des propositions fausses données comme vraies, des choses absurdes opposées au sens commun, des louanges données à des actions injustes, ait été révélé par un être parfait. Il prétend que dans cinq cents ans tous les esprits, jusqu’aux plus grossiers, seront éclairés sur ce livre: que le grand muphti même et les cadis verront qu’il est de leur intérêt de détromper la multitude, et de se rendre plus nécessaires et plus respectés en rendant la religion plus simple. Ce traité est curieux. Dans ses Annales de Louis XIV, il dit que l’État devrait bâtir des loges aux Petites-Maisons pour les théologiens intolérants, et qu’il serait à propos de jouer ces espèces de fous sur le théâtre. 

C’est ici l’occasion d’observer que l’auteur du siècle de Louis XIV n’a donné cette liste des écrivains et des artistes qui ont fleuri sous Louis XIV, qu’après avoir vu leurs ouvrages, et souvent connu leurs personnes, recherchant tous les moyens de s’instruire sur ce siècle célèbre, depuis qu’il fut nommé historiographe de France. Il ne pouvait, dans cette liste, parler des Annales politiques de l’abbé de Saint-Pierre sous Louis XIV, puisque le Siècle fut imprimé en 1752 pour la première fois, et que les Annales de l’abbé de Saint-Pierre ne parurent qu’en 1758, ayant été imprimées en 1757. Ces Annales, il le faut avouer, sont une satire continuelle du gouvernement de ce monarque qui méritait plus d’estime; et cette satire n’est pas assez bien écrite pour faire pardonner son injustice. La famille de l’abbé, sentant quel dangereux effet cet ouvrage pouvait produire, engagea son auteur à le dérober au public il ne fut imprimé qu’après sa mort. Comment donc l’abbé Sabatier, natif de Castres, qui a donné depuis la liste des écrivains de Trois siècles, a-t-il pu dire « que l’auteur du Siècle de Louis XIV en a puisé l’idée mal remplie dans ces Annales politiques qui offrent un tableau frappant des progrès de l’esprit chez notre nation? » 

Premièrement, il est impossible que l’auteur du Siècle ait pu rien prendre des Annales de l’abbé de Saint-Pierre, qu’il ne pouvait connaître, et desquelles il a vengé la mémoire de Louis XIV, dès qu’il les a connues. Secondement, il est très faux que l’abbé de Saint-Pierre se soit étendu dans son livre sur les progrès de l’esprit humain chez notre nation. A peine en dit-il quelques mots; et quand il parle des beaux-arts, c’est pour les avilir. 

Voici comme il s’explique, page 155: « La peinture, la sculpture, la musique, la poésie, la comédie, l’architecture, prouvent le nombre des fainéants, leur goût pour la fainéantise, qui suffit à nourrir et à entretenir d’autres espèces de fainéants, gens qui se piquent d’esprit agréable, mais non pas d’esprit utile, etc. » 

Il est rare, sans doute, d’entendre un académicien dire que des arts qui exigent le travail le plus assidu sont des occupations de fainéants. 

Quant à la personne de Louis XIV, il veut l’avilir aussi bien que les arts dont le roi fut le protecteur. On ne peut rapporter qu’avec indignation ce qu’il en dit, page 265: « Louis se gouvernait à l’égard de ses voisins et de ses sujets comme s’il eût adopté la maxime d’un célèbre tyran: « Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent. » Il sacrifiait tout au plaisir de se venger, et de montrer au public qu’il était redoutable; c’est le goût des âmes médiocres, de tous les enfants, et de tous les hommes du commun. » 

Il traite enfin Louis XIV, en vingt endroits, de grand enfant. Et lui, qui était sans contredit un vieil enfant, finit son livre par cette formule, Paradis aux bienfaisants; mais il n’ose pas dire, Paradis aux médisants.

A l’égard de l’abbé Sabatier, natif de Castres, qui est venu à Paris faire le métier de calomniateur pour quelque argent, il est difficile d’espérer pour lui le paradis. C’est même un grand effort que de le lui souhaiter. 

SAINT-RÉAL (César Vichard de), né à Chambéry, mais élevé en France. Son Histoire de la conjuration de Venise est un chef-d’oeuvre. Sa Vie de Jésus-Christ est bien différente. Mort en 1692. 

SALLO (Denys de), né en 1626, conseiller au parlement de Paris, inventeur des journaux. Bayle perfectionna ce genre, déshonoré ensuite par quelques journaux que publièrent à l’envie des libraires avides, et que des écrivains obscurs remplirent d’extraits infidèles, d’inepties, et de mensonges. Enfin on est parvenu jusqu’à faire un trafic public d’éloges et de censures, surtout dans des feuilles périodiques; et la littérature a éprouvé le plus grand avilissement par ces infâmes manèges. Mort en 1669. 

SANDRAS, Voy. COURTILZ.

SANLECQUE (Louis), né à Paris en 1650(69), chanoine régulier, poète qui a fait quelques jolis vers. C’est un des effets du siècle de Louis XIV que le nombre prodigieux de poètes médiocres dans lesquels on trouve des vers heureux. La plupart de ces vers appartiennent au temps, et non au génie. Mort en 1714. 

SANSON (Nicolas), né à Abbeville en 1600; le père de la géographie, avant Guillaume Delisle, mort en 1667. Ses deux fils héritèrent de son mérite. 

SANTEUL (Jean-Baptiste), né à Paris en 1630. Il passe pour excellent poète latin, si on peut l’être, et ne pouvait faire des vers français. Ses hymnes sont chantées dans l’Église. Comme je n’ai point vécu chez Mécène entre Horace et Virgile, j’ignore si ces hymnes sont aussi bonnes qu’on le dit; si, par exemple, Orbis redemptor, nunc redemptus n’est pas un jeu de mots puéril. Je me défie beaucoup des vers modernes latins. Mort en 1697. 

Site Gallica BNF:  http://gallica.bnf.fr/image?L=07722169&I=1
Jean de Santeul (1630-1697) (Document sur Gallica BNF)

SARASIN (Jean-François), né près de Caen(70) en 1603, a écrit agréablement en prose et en vers. Mort en 1654. 

SAUMAISE (Claude), né an Bourgogne an 1588, retiré à Leyde pour être libre, homme d’une érudition immense. On prétend que le cardinal de Richelieu lui offrit une pension de douze mille francs pour revenir en France, à condition qu’il écrirait à la gloire de ce ministre et même qu’il écrirait sa vie; mais Saumaise aimait trop la liberté, et haïssait trop celui qu’il regardait comme le plus grand ennemi de cette même liberté, pour accepter ses offres. Le roi d’Angleterre, Charles II, l’engagea à composer le Cri du sang royal contre les parricides de Charles Ier. Le livre ne répondit pas à la réputation de l’auteur: Milton, auteur d’un poème barbare, quelquefois sublime, sur la pomme d’Adam, et le modèle de tous les poèmes barbares tirés de l’Ancien Testament, réfuta Saumaise; mais le réfuta comme une bête féroce combat un sauvage. Ces deux ouvrages, d’un pédantisme dégoûtant, sont tombés dans l’oubli. Les noms des auteurs n’ont pas péri. Mort en 1653. 

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Claude Saumaise (Document de l'Université de Mannheim)

SAURIN (Jacques), né à Nîmes en 1677. Il passa pour le meilleur prédicateur des Églises réformées. Cependant on lui reproche, comme à tous ses confrères, ce qu’on appelle le style réfugié. « Il est difficile, dit-il, que ceux qui ont sacrifié leur patrie à leur religion parlent leur langue avec pureté, etc. » De son temps, cependant, la français ne s’était pas corrompu en Hollande comme il l’est aujourd’hui. Bayle n’avait point le style réfugié; il ne péchait que par une familiarité qui approche quelquefois de la bassesse. Les défauts du langage des pasteurs calvinistes venaient de ce qu’ils copiaient les phrases incorrectes des premiers réformateurs; de plus, presque tous ayant été élevés à Saumur, en Poitou, en Dauphiné ou en Languedoc, ils conservaient les manières de parler vicieuses de la province. On créa pour Saurin une place de ministre de la noblesse à la Haye. Il était savant, et homme de plaisir. Mort en 1730. 

SAURIN (Joseph), né près d’Orange en 1659, de l’Académie des sciences. C’était un génie propre à tout; mais on n’a de lui que des extraits du Journal des savants, quelques Mémoires de mathématiques, et son fameux Factum contre Rousseau. Ce procès, si malheureusement célèbre, fit rechercher toute sa vie, et servit à susciter contre lui les plus infâmes accusations. Rousseau, réfugié en Suisse, et sachant que son ennemi avait été pasteur de l’Église réformée à Bercher, dans la bailliage d’Yverdun, remua tout pour avoir des témoignages contre lui. Il faut savoir que Joseph Saurin, dégoûté de son ministère, livré à la philosophie et aux mathématiques, avait préféré la France sa patrie, la ville de Paris, et l’Académie des sciences, au village de Bercher. Pour remplir ce dessein, il avait fallu rentrer dans le sein de l’Église romaine, et il y rentra dès l’année 1690. L’évêque de Meaux, Bossuet, crut avoir converti un ministre, et il ne fit que servir à la petite fortune d’un philosophe. Saurin retourna en Suisse plusieurs années après, pour y recueillir quelques biens de sa femme, qu’il avait persuadée de quitter aussi la religion réformée. Les magistrats le décrétèrent de prise de corps, comme un pasteur apostat qui avait fait apostasier sa femme. Cela se passait en 1712, après le fameux procès de Rousseau; et Rousseau était à Soleure précisément dans ce temps-là. Ce fut alors que les accusations les plus flétrissantes éclatèrent contre Saurin. On lui imputa d’anciens délits qui auraient mérité la corde; on produisit ensuite contre lui une ancienne lettre, dans laquelle il avait fait lui-même, disait-on, la confession de ses crimes à un pasteur de ses amis. Enfin, pour comble d’indignité, on eut la bassesse cruelle d’imprimer ces accusations et cette lettre dans plusieurs; journaux, dans le supplément de Bayle, dans celui de Moréri; nouveau moyen malheureusement inventé pour flétrir un homme dans l’Europe. C’est étrangement avilir la littérature que de faire d’un dictionnaire un greffe criminel, et de souiller d’opprobres scandaleux des ouvrages qui ne doivent être que le dépôt des sciences; ce n’était pas, sans doute, l’intention des premiers auteurs de ces archives de la littérature, qu’on a depuis infectées de tant d’additions aussi erronées qu’odieuses. L’art d’écrire est devenu souvent un vil métier, dans lequel des libraires qui ne savent pas lire payent des mensonges et des futilités, à tant la feuille, à des écrivains mercenaires qui ont fait de la littérature la plus lâche des professions. Il n’est pas permis au moins de consigner dans un dictionnaire des accusations criminelles et de s’ériger en délateur sans avoir des preuves juridiques. J’ai été à portée d’examiner ces accusations contre Joseph Saurin; j’ai parlé au seigneur de la terre de Bercher, dans laquelle Saurin avait été pasteur, Je me suis adressé à toute la famille du seigneur de cette terre: lui et tous ses parents m’ont dit unanimement qu’ils n’avaient jamais vu l’original de la lettre imputée à Saurin: ils m’ont tous marqué la plus vive indignation contre l’abus scandaleux dont on a charge les suppléments aux dictionnaires de Bayle et de Moréri; et cette juste indignation qu’ils m’ont témoignée doit passer dans le coeur de tous les honnêtes gens. J’ai en main les attestations de trois pasteurs, qui avouent « qu’ils n’ont jamais vu l’original de cette prétendue lettre de Saurin, ni connu personne qui l’eût vue, ni ouï dire qu’elle eût été adressée à aucun pasteur du pays de Vaud, et qu’ils ne peuvent qu’improuver l’usage qu’on a fait de cette pièce(71). » 

Joseph Saurin mourut en 1737, en philosophe intrépide qui connaissait le néant de toutes les choses de ce monde, et plein du plus profond mépris pour tous ces vains préjugés, pour toutes ces disputes, pour ces opinions errogées qui surchargent d’un nouveau poids les malheurs innombrables de la vie humaine(72).

Joseph Saurin a laissé un fils d’un vrai mérite, auteur d’une tragédie de Spartacus; dans laquelle il y a des traits comparables à ceux de la plus grande force de Corneille. 

SAUVEUR (Joseph), né à la Flèche, en 1663. Il apprit sans maître les éléments de la géométrie. Il est un des premiers qui aient calculé les avantages et les désavantages des jeux de hasard. Il disait que tout ce que peut un homme en mathématiques, un autre le peut aussi. Cela s’entend pour ceux qui se bornent à apprendre, mais non pour les inventeurs. Il avait été muet jusqu’à l’âge de sept ans. Mort en 1716. 

SAVARY (Jacques), né un 1622, le premier qui ait écrit sur le commerce. Il avait été longtemps négociant. Le conseil le consulta sur l’ordonnance de 1673, dans tout ce qui regarde le négoce, et il en rédigea presque tous les articles. Le Dictionnaire de commerce, qui est de lui(73) et de Philémon, son frère, chanoine de Saint-Maur, fut une entreprise aussi utile que nouvelle; mais il faut regarder ces livres à peu près comme les intérêts des princes, qui changent en moins de cinquante ans. Les objets et les canaux du commerce, les gains, les finesses, ne sont plus aujourd’hui ce qu’ils étaient du temps de Savary. Mort en 1690. 

SCARRON (Paul), fils d’un conseiller de la grand’chambre, né en 1610. Ses comédies sont plus burlesques que comiques. Son Virgile travesti n’est pardonnable qu’à un bouffon. Son Roman comique est presque le seul de ses ouvrages que les gens de goût aiment encore: mais ils ne l’aiment que comme un ouvrage gai, amusant, et médiocre. C’est ce que Boileau avait prédit. Louis XIV épousa sa veuve en 1685. Mort en 1660. 

SCUDÉRI (Georges de), né au Havre de Grâce, en 1601. Favorisé du cardinal de Richelieu, il balança quelque temps la réputation de Corneille, Son nom est plus connu que ses ouvrages. Mort en 1667. 

  

M. et Mlle de Scudéri

SCUDÉRI (Magdeleine), soeur de Georges, née au Havre en 1607, plus connue aujourd’hui par quelques vers agréables qui restent d’elle, que par les énormes romans de la Clélie et du Cyrus. Louis XIV lui donna une pension, et l’accueillit avec distinction. Ce fut elle qui remporta le premier prix d’éloquence fondé par l’Académie. Morte an 1701. 

SEGRAIS (Jean Regnault de), né à Caen, en 1625. Mademoiselle l’appelle une manière de bel esprit: mais c’était en effet un très bel esprit et un véritable homme de lettres. Il fut obligé de quitter le service de cette princesse, pour s’être opposé à son mariage avec le comte de Lauzun. Ses églogues et sa traduction de Virgile furent estimées; mais aujourd’hui on ne les lit plus. Il est remarquable qu’on a retenu des vers de la Pharsale de Brébeuf, et aucun de l’Énéide de Segrais. Cependant Boileau loue Segrais et dénigre Brébeuf! Mort en 1701. 

SENAUT (Jean-François), né en 1601, général de l’Oratoire. Prédicateur qui fut à l’égard du P. Bourdaloue ce que Rotrou est pour Corneille, son prédécesseur et rarement son égal. Il est compté parmi les premiers restaurateurs de l’éloquence, plutôt que dans le petit nombre des hommes véritablement éloquents. Mort en 1672. 

SÉNÉCÉ (Antoine Bauderon de), né en 1643, premier valet de chambre de Marie-Thérèse; poète d’une imagination singulière. Son conte du Kaïmac, à quelques endroits près, est un ouvrage distingué. C’est un exemple qui apprend qu’on peut très bien conter d’une autre manière que La Fontaine. On peut observer que cette pièce, la meilleure qu’il ait faite, est la seule qui ne se trouva pas dans son recueil. Il y a aussi dans ses Travaux d’Apollon des beautés singulières et neuves. Mort en 1737. 

SÉVIGNÉ (Marie de Rabutin-Chantal, marquise de), femme du marquis de Sévigné, née an 1626(74). Ses lettres, remplies d’anecdotes, écrites avec liberté, et d’un style qui peint et anime tout, sont la meilleure critique des lettres étudiées où l’on cherche l’esprit, et encore plus de ces lettres supposées dans lesquelles on veut imiter le style épistolaire, en étalant de faux sentiments et de fausses aventures à des correspondants imaginaires(75). C’est dommage qu’elle manque absolument de goût, qu’elle ne sache pas rendre justice à Racine, qu’elle égale l’oraison funèbre de Turenne, prononcée par Mascaron, au grand chef-d’oeuvre de Fléchier. Morte en 1696 

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Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné (1627-1696).
Portrait anonyme. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

SILVA (Jean-Baptiste), né à Bordeaux très célèbre médecin à Paris, a fait un livre estimé sur la saignée; il était fort au-dessus de son livre. C’était un de ces médecins que Molière n’eût pu ni osé rendre ridicules. Né en 1684. Mort vers l’an 1746. 

SIMON (Richard), né en 1638. de l’Oratoire; excellent critique. Son Histoire de l’origine et du progrès des revenus ecclésiastiques, son Histoire critique du vieux Testament, etc., sont lues de tous les savants. Mort à Dieppe, en 1712. 

SIRMOND (Jacques), jésuite, né vers l’an 1559. L’un des plus savants et des plus aimables hommes de son temps. On sait à peine qu’il fut confesseur de Louis XIII, parce qu’il fit à peine parler de lui dans ce poste délicat. Il fut préféré par le pape à tous les savants d’Italie pour faire la Préface de la Collection des conciles. Ses nombreux ouvrages furent très estimés, et sont très peu lus. Mort en 1651. 

SIRMOND (Jean), neveu du précédent. Historiographe de France, avec le brevet de conseiller d’État, qui était d’ordinaire attaché à la charge d’historiographe. L’un de ses principaux ouvrages est la Vie du cardinal d’Amboise, qu’il ne composa que pour mettre ce ministre au-dessous du cardinal de Richelieu, son protecteur. Il fut un des premiers académiciens. Mort en 1649. 

SORBIÈRE (Samuel), né en Dauphiné, en 1615. L’un de ceux qui ont porté la titre d’historiographe de France. Ami du pape Clément IX, avant son exaltation; ne recevant que de faibles marques de la générosité de ce pontife, il lui écrivit: « Saint-Père, vous envoyez des manchettes à celui qui n’a point de chemise. » Il effleura beaucoup de genres de science. Mort en 1670. 

SUZE (Henriette de Coligny, comtesse de la), célèbre dans son temps par son esprit et par ses élégies. C’est elle qui se fit catholique parce que son mari était huguenot, et qui s’en sépara, afin, disait la reine Christine, de ne voir son mari dans ce monde-ci ni dans l’autre. Née à Paris, en 1618. Morte dans la même ville, en 1673. 

TALLEMANT (François), né à la Rochelle, en 1620: second traducteur de Plutarque. Mort en 1693. 

TALLEMANT (Paul), né à Paris, en 1642. Quoiqu’il fût petit-fils du riche Montauron, et fils d’un maître des requêtes qui avait eu deux cent mille livres de rente de notre monnaie d’aujourd’hui, il se trouva presque sans fortune. Colbert lui fit du bien comme aux autres gens de lettres. Il a eu la principale part à l’Histoire du roi par médailles. Mort en 1712(76).

TALON (Omer), avocat général du parlement de Paris, a laissé des Mémoires utiles, dignes d’un bon magistrat et d’un bon citoyen; mais son éloquence n’est pas encore celle du bon temps. Mort en 1652. 

TARTERON (Jérôme), jésuite. Il a traduit les satires d’Horace, de Perse, et de Juvénal, et a supprimé les obscénités grossières dont il est étrange que Juvénal, et surtout Horace, aient souillé leurs ouvrages. Il a ménagé en cela la jeunesse, pour laquelle il croyait travailler; mais sa traduction n’est pas assez littérale pour elle; le sens est rendu, mais non pas la valeur des mots. Mort en 1720. 

TERRASSON (l’abbé Jean), né en 1669(77), philosophe pendant sa vie et à sa mort. Il y a de beaux morceaux dans son Séthos. Sa traduction de Diodore est utile: son examen d’Homère passe pour être sans goût. Mort en 1750. 

THIERS (Jean-Baptiste), né à Chartres, en 1641(78). On a de lui beaucoup de dissertations C’est lui qui écrivit contre l’inscription du couvent des cordeliers de Reims: A Dieu et à saint François, tous deux crucifiés. Mort en 1703. 

THOMASSIN (Louis), de l’Oratoire, né en Provence, en 1619, homme d’une érudition profonde. Il fit le premier des conférences sur les Pères, sur les conciles, et sur l’histoire. Il oublia sur la fin de sa vie tout ce qu’il avait su, et ne se souvint plus d’avoir écrit. Mort en 1695. 

THOYNARD (Nicolas), né à Orléans, en 1629. On prétend qu’il a eu grande part au traité du cardinal Noris sur les Époques syriennes. Sa Concordance des quatre Évangélistes, en grec, passe pour un ouvrage curieux. Il n’était que savant, mais il l’était profondément. Mort en 1706. 

TORCY (Jean-Baptiste Colbert de). Voy. COLBERT. 

TOURNEFORT (Joseph Pitton de), né en Provence, en 1656, la plus grand botaniste de son temps. Il fut envoyé par Louis XIV en Espagne, en Angleterre, en Hollande, en Grèce, et en Asie, pour perfectionner l’histoire naturelle. Il rapporta treize cent trente-six nouvelles espèces de plantes, et il nous apprit à connaître les nôtres. Mort en 1708. 

TOURREIL (Jacques de), né à Toulouse, en 1656, célèbre par sa traduction de Démosthène. Mort en 1715. 

TRISTAN (François), surnommé l’Ermite, gentilhomme de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII. Le prodigieux et long succès qu’eut sa tragédie de Mariamne fut le fruit de l’ignorance où l’on était alors. On n’avait pas mieux; et, quand la réputation de cette pièce fut établie, il fallut plus d’une tragédie de Corneille pour la faire oublier. Il y a encore des nations chez qui des ouvrages très médiocres passent pour des chefs-d’oeuvre, parce qu’il ne s’est pas trouvé de génie qui les ait surpassés. On ignore communément que Tristan ait mis en vers l’office de la Vierge, et il n’est pas étrange qu’on l’ignore. Mort en 1655. Voici son épitaphe, qu’il composa: 
 

Je fis le chien couchant auprès d’un grand seigneur; 
Je me vis toujours pauvre, et tâchai de paraître: 
Je vécus dans la peine, espérant le bonheur, 
Et mourus sur un coffre, en attendant mon maître.

TURENNE. Ce grand homme nous a laissé aussi des Mémoires qu’on trouve dans sa vie écrite par Ramsay. Nous avons beaucoup de Mémoires de nos généraux; mais ils n’ont pas écrit comme Xénophon et César. 

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Mort de Turenne. 27 juillet 1675.
Peinture de Chabord. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

VAILLANT (Jean-Foy),né à Beauvais, en 1632. La public lui doit la science des médailles; et le roi, la moitié de son cabinet. Le ministre Colbert le fit voyager en Italie, en Grèce, en Égypte, en Turquie, en Perse. Des corsaires d’Alger le prirent en 1674, avec l’architecte Desgodets. Le roi les racheta tous deux. Jamais savant n’essuya plus de dangers. Mort en 1706. 

VAILLANT (Jean-François-Foy), né à Rome, en 1665, pendant les voyages de son père: antiquaire comme lui. Mort an 1708. 

VALINCOURT (Jean-Baptiste-Henri du Trousset de), né en 1653. Une épître que Despréaux lui a adressée fait sa plus grande réputation. On a de lui quelques petits ouvrages: il était bon littérateur. Il fit une assez grande fortune, qu’il n’eût pas faite s’il n’eût été qu’homme de lettres. Les lettres seules, dénuées de cette sagacité laborieuse qui rend un homme utile, ne procurent presque jamais qu’une vie malheureuse et méprisée. Un des meilleurs discours qu’on ait jamais prononcés à l’Académie, est celui dans lequel M. de Valincourt tâche de guérir l’erreur de ce nombre prodigieux de jeunes gens qui, prenant leur fureur d’écrire pour du talent, vont présenter de mauvais vers à des princes, inondent le public de leurs brochures, et qui accusent l’ingratitude du siècle, parce qu’ils sont inutiles au monde et à eux-mêmes. Il les avertit que les professions qu’on croit les plus basses sont fort supérieures à celle qu’ils ont embrassée. Mort en 1730. 

VALOIS (Adrien de), né à Paris, en 1607, historiographe de France. Ses meilleurs ouvrages sont sa Notice des Gaules, et son Histoire de la première race(79). Mort en 1692. 

VALOIS (Henri de), frère du précédent, né en 1603. Ses ouvrages sont moins utiles à des Français que ceux de son frère. Mort en 1676. 

VARIGNON (Pierre), né à Caen, en 1654: mathématicien célèbre. Mort en 1722. 

VARILLAS (Antoine), né dans la Marche, en 1624, historien plus agréable qu’exact. Mort en 1696. 

VAVASSEUR (François), né dans le Charolais, en 1605, jésuite, grand littérateur. Il fit voir le premier que les Grecs et les Romains n’ont jamais connu le style burlesque, qui n’est qu’un reste de barbarie. Mort en 1681. 

VAUBAN (Sébastien Le Prestre, maréchal de), né en 1633. La Dîme royale qu’on lui a imputée n’est pas de lui, mais de Boisguillebert(80). Elle n’a pu être exécutée, et est en effet impraticable. On a de lui plusieurs Mémoires dignes d’un bon citoyens. Il contribua beaucoup par ses conseils à la construction du canal de Languedoc. Observons qu’il était très ignorant, qu’il l’avouait avec franchise, mais qu’il ne s’en vantait pas. Un grand courage, un zèle que rien ne rebutait, un talent naturel pour les sciences de combinaisons, de l’opiniâtreté dans le travail, le coup d’oeil dans les occasions, qui ne se trouva pas toujours ni avec les connaissances ni avec le talent; telles furent les qualités auxquelles il dut sa réputation. Il a prouvé, par sa conduite, qu’il pouvait y avoir des citoyens dans un gouvernement absolu. Mort en 1707. 

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Sébastien Le Prestre, seigneur de Vauban, maréchal de France (1633-1707).
Portrait anonyme. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

VAUGELAS (Claude Favre de), né à Bourg-en-Bresse, en 1585. C’est un des premiers qui ont épuré et réglé la langue, et de ceux qui pouvaient faire des vers italiens sans en pouvoir faire de français. Il retoucha pendant trente ans sa traduction de Quinte-Curce. Tout homme qui veut bien écrire doit corriger ses ouvrages toute sa vie. Mort en 1650. 

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Claude Fabre, seigneur de Vaugelas (1585-1650).
Peinture anonyme. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

VERGIER (Jacques), né à Paris, en 1657(81). Il est, à l’égard de La Fontaine, ce que Campistron est à Racine, imitateur faible, mais naturel: mort assassiné à Paris par des voleurs, en 1720. On laisse entendre, dans le Moréri, qu’il avait fait une parodie contre un prince puissant qui le fit tuer. Ce conte est faux. 

VERTOT (René Aubert de), né an Normandie(82), en 1655. Historien agréable et élégant. Mort en 1735. 

VILLARS (le maréchal, Louis-Claude duc de), né en 1652. Le premier tome des Mémoires qui portent son nom est entièrement de lui(83). Il savait par coeur les beaux endroits de Corneille, de Racine, et de Molière. Je lui ai entendu dire un jour à un homme d’État fort célèbre, qui était étonné qu’il sût tant de vers de comédie: « J’en ai moins joué que vous, mais j’en sais davantage. » Mort en 1734. 

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Villars à la bataille de Denain. 24 juillet 1712.
Peinture de Jean Alaux. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

VILLEDIEU(84) (Marie-Catherine Desjardins, plus connue sous le nom de Mme de). Ses romans lui firent de la réputation. Au reste, on est bien éloigné de vouloir donner ici quelque prix à tous ces romans dont la France a été et est encore inondée; ils ont presque tous été, excepté Zaïde, des productions d’esprits faibles qui écrivent avec facilité des choses indignes d’être lues par les esprits solides: ils sont même pour la plupart dénués d’imagination; et il y en a plus dans quatre pages de l’Arioste que dans tous ces insipides écrits qui gâtent le goût des jeunes gens. Née à Alençon, vers 1640; morte en 1683. 

VILLIERS (Pierre de), né à Cognac, en 1648, jésuite. Il cultiva las lettres, comme tous ceux qui sont sortis de cet ordre. Ses sermons, et son poème sur l’art de prêcher, eurent de son temps quelque réputation. Ses stances sur la solitude sont fort au-dessus de celles de Saint-Amant, qu’on avait tant vantées, mais ne sont pas encore tout à fait dignes d’un siècle si au-dessus de celui de Saint-Amant. Mort en 1728. 

VOITURE (Vincent), né à Amiens, en 1598. C’est le premier qui fut en France ce qu’on appelle un bel esprit. Il n’eut guère que ce mérite dans ses écrits, sur lesquels on ne peut se former le goût; mais ce mérite était alors très rare. On a de lui de très jolis vers, mais en petit nombre. Ceux qu’il fit pour la reine Anne d’Autriche, et qu’on n’imprima pas dans son recueil, sont un monument de cette liberté galante qui régnait à la cour de cette reine, dont les frondeurs lassèrent la douceur et la bonté. 
 

Je pensois si le cardinal, 
J’entends celui de La Valette, 
Pouvoit voir l’éclat sans égal 
Dans lequel maintenant vous éte(85);
J’entends celui de la beauté 
Car auprès je n’estime guère, 
Cela soit dit sans vous déplaire, 
Tout l’éclat de la majesté.

Il fit aussi des vers italiens et espagnols avec succès, Mort en 1648. 

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Vincent Voiture (1598-1648).
Portrait anonyme. (Base Joconde du Ministère de la Culture
)

Ce n’est pas la peine de pousser plus loin, ce catalogue. On y voit un petit nombre de grands génies, un assez grand d’imitateurs, et on pourrait donner une liste beaucoup plus longue des savants. Il sera difficile désormais qu’il s’élève des génies nouveaux, à moins que d’autres moeurs, une autre sorte de gouvernement, ne donnent un tour nouveau aux esprits. Il sera impossible qu’il se forme des savants universels, parce que chaque science est devenue immense. Il faudra nécessairement que chacun se réduise à cultiver une petite partie du vaste champ que le siècle de Louis XIV a défriché.

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