Frank Cotton a déjà
tout expérimenté dans la vie : aucun plaisir qu'il ne connaisse
et dont il ne se soit lassé. Alors comme d'autres qui ici bas ont "épuisé
les futiles délices de la condition humaines", il a cherché
autre chose, l'interdit, le péché suprême. La boîte
de Lemarchand est un des chemins vers le dôme des plaisirs aussi interdits
qu'inconnus. Etant parvenu à l'ouvrir, Frank peut invoquer les Cénobites,
à l'origine du christianisme des moines vivant en communauté,
ici des puissances maléfiques vouées à la souffrance. Il
n'a récolté pour plaisir que celui de la douleur éternelle,
emmuré conscient dans la chambre où eut lieu l'invocation. Voilà
que quelques années plus tard emménagent dans la maison le frère
de Frank, Rory et sa belle-sur Julia qu'il jadis connue charnellement
et violemment la veille même de son mariage avec le fade Rory. La chambre
maudite restant imprégnée de la présence de Frank, la belle
Julia va en venir à tuer sauvagement des innocents pour apaiser la soif
de sang de son fantasme de jeunesse qui se réincarne peu à peu
au fur et à mesure de l'étanchement de sa soif. Mais il n'est
que chair et souffrance.
Les fans d'épouvante cinématographique connaissent tous la boîte
de Lemarchand et les Cénobites au look sado-maso: effet frayeur garanti
! Le film de Clive Barker, sorti en 1987 et interdit au moins de 18 ans est
devenu culte ainsi que Pinhead, le Prince de la Souffrance (Doug Bradley) ;
il a déjà connu (au moins) sept suites, toujours très très
sanglantes .
Le film en a empêché plus d'un de dormir. Mais pour le livre, vous
dormirez sur vos deux oreilles : la peur et la souffrance sont bien moins impressionnantes,
surtout à cause de la brièveté de l'histoire. Le lecteur
n'a pas le temps de s'intéresser à ces personnages trop vite esquissés,
et quand ils meurent, même pitoyablement, on s'en fiche complètement
! On n'entre pas dans la conscience souffrante et morbide de Frank et le voyage
s'arrête en surface. Frank n'apparaît que comme un monstre alors
qu'il est aussi victime et Julia comme une épouse insatisfaite en mal
de sensations. Sans images chocs et esthétiquement fortes pour soutenir
les mots, le roman inédit en français, décevra sûrement
les fans du film tout comme les amateurs d'horreur exigeants. Il reste cependant
intéressant, pour qui s'intéresse à l'uvre de Barker,
d'avoir désormais à disposition le livre à l'origine du
film.
Hellraiser (1986), Clive Barker traduit de l'anglais par Mélanie Fazi, Bragelonne (L'Ombre), décembre 2006, 166 pages, 9,99 €