12.04.2007
LE TUNNEL EN PLEIN JOUR
On écrit parfois comme un jour chasse l’autre, pour recouvrir le passé. On parle parfois pour se cacher, par pudeur d’avoir un moi trop affirmé. Je lis en ce moment ‘Le Tunnel’ de Sabato, cette histoire d'amour et de meurtre. Implacable démonstration de tout ce qu’il ne faut pas dire dans une relation amoureuse, tout ce métalangage que beaucoup ne savent réprimer. Comme si l’amour pouvait seul résoudre le débordement vital, ces fuites de toutes parts que seule une relative discipline peut canaliser. Le narrateur s’accroche à Maria pour se sentir exister, s’arrime à elle comme si elle était l’âme de la marionnette qu’il se sent être. Naufrage de demander à l’autre qui on est, alors que ce qu’on peut faire de mieux est de se porter responsable. Malgré tout. Et tenter de parler sur le fil du trop-plein et du vide.
Toutes ces questions que le narrateur de Sabato ne sait pas retenir : m’aimes-tu ?, en aimerais-tu un autre ? Questions de qui croit à l’illusion que les autres ont une âme plus fixée, une identité plus établie. Cette illusion fait « quelques » ravages. Bien entendu, les autres n’ont pas une identité plus unie, ou rarement. On peut leur apprendre à colmater leurs brèches. Pas toutes, car aimer, c’est aussi risquer. Car se porter trop responsable est une erreur tout aussi envahissante. Le pompier pyromane. L’autre a besoin de s'exposer au risque. Un peu de brèches par où la végétation peut renaître. Aimer, passion fixe et mouvante, discipline contenue et débordement souterrain, laisser-venir vigilant, réduction de l'inquiétude : se porter volontaire pour l'épanouissement d'un jardin anglais – sans meurtre de préférence...
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