Saint Dominique à Toulouse

Saint Dominique - Cathédrale Saint Etienne de ToulouseToulouse, pour l'Ordre des Frères Prêcheurs, jouit d'un triple privilège ; celui de posséder, dans la maison de Pierre Seilan, le lieu de mémoire de la fondation de l'ordre par Saint Dominique en personne ; celui de garder le corps de Saint Thomas d'Aquin, dans l'église des Jacobins que le pape Urbain V lui avait choisi pour reliquaire monumental ; celui de conserver aux Jacobins, le souvenir de Sébastien Michaelis, dont la réforme qu'il impulsa au début du XVII° siècle fit de notre ville, pour la seconde fois, le berceau de l'Ordre.


Don de la règle à Saint Dominique par le pape - Institut Catholique de Toulouse

Paradoxalement, Toulouse berceau de l'Ordre des Frères Prêcheurs, a peu connu Saint Dominique. Il y est d'abord venu d'avril 1210 à mai 1211 pour soutenir l'évèque Foulques (1206-1231). Il y a fondé la première maison dominicaine en avril 1215 et s'en est éloigné à l'automne de la même année pour assister au III° Concile de Latran. Il est revenu à Toulouse en mai 1216 et y a décidé d'adopter la règle de Saint Augustin pour l'ordre qu'il venait de fonder. Peu après, en juillet, le chapitre de la cathédrale Saint Etienne confiait le prieuré Saint Romain à la jeune communauté dominicaine de Toulouse. En octobre 1216, Dominique reprit le chemin de Rome et ne revint plus jamais à Toulouse. Il mourut à Bologne en 1221.


Maison Seilhan à Toulouse

Le 25 avril 1215, Dominique reçut de Pierre, fils du viguier Bernard Seilan, des maisons " hautes et nobles " pour y installer ses frères prédicateurs. Sous réserve d'une étude archéologique très sérieuse, disons que ces constructions correspondent à l'immeuble portant actuellement le n° 7 de la Place du Parlement. Aussitôt, le fils du viguier, Pierre, devint le premier disciple de Saint Dominique.

En juin 1216, à la suite de la bataille de Muret (1213), du démantellement des remparts de Toulouse par Simon de Montfort (1215), l'évêque de Toulouse, sentant que la situation devenait dangereuse pour les prêcheurs, leur proposa le service de la chapelle du prieuré Saint Romain, sur le territoire paroissial de la cathédrale. Et ainsi, en août 1216, les frères déménagèrent à Saint Romain sans toutefois perdre la propriété de la maison Seilan.


L'église : la construction

Lorsque commencèrent en 1230 les travaux du nouveau couvent qui devait recevoir plus tard le nom de Jacobins, les prêcheurs abandonnèrent définitivement le prieuré Saint Romain

En dépit de sa magnifique apparence, l'église résulte d'une série de quatre campagnes de construction et de remaniements étalés sur plus d'un siècle.

Première campagne (1230-1234)

- en 1230, construction d'une église à deux nefs inégales, divisée en six travées par cinq piliers carrés et deux piliers adossés, l'un au chevet, l'autre au revers de la façade occidentale. Cette grande salle rectangulaire de 22x46 m et 13.6m de hauteur était seulement charpentée. Sa façade ouest forme la partie inférieure de la façade occidentale actuelle.

Deuxième campagne (1245-1252)

- en 1245-1252, agrandissement vers l'est par construction d'un chevet de deux travées couvertes d'arcs diaphragmes et d'une abside polygonale. le cloître est mis en chantier.

Troisième campagne (1275-1292)

"Palmier" des Jacobins

Il est vraiment regrettable qu'aucun historien n'ait conservé le nom du génial architecte qui réussit à donner au chevet son voûtement définitif, au cours de cette troisième campagne. En dépit de nombreux tâtonnements, il eut le mérite de concevoir une élévation d'une extraordinaire hardiesse, dont l'harmonie n'a pas eu d'équivalent dans toute l'architecture gothique.

"Palmier" des Jacobins

En effet, après avoir renoncé à une formule de voûte qui aurait fait rayonner les nervures seulement sur demi-cercle (sur les sept chapelles rayonnantes), il semble qu'il déplaça la dernière colonne de 2,50 m vers l'Est et engloba le voûtement de la dernière travée à celui de l'ensemble de l'abside. Sur cette colonne, il lança une voûte étoilée à onze divisions triangulaires, recoupées de lignes bissectrices. Cette disposition entraîna donc la mise en place de onze clés de voûte et vingt-deux arcs ogifs (soient onze arcs doubleaux et onze liernes).

Vue de la nef au soleil

Le résultat est stupéfiant : toute la voûte du chevet « tourne » dans sa totalité autour d'une seule colonne, que les Toulousains ont baptisée « palmier des Jacobins ».

Quatrième campagne

Au début du XIVème siècle, le contraste entre la vieille nef charpentée, dont la hauteur n'excédait pas 13,60 m, et le nouveau chevet (dont les clefs de voûte atteignent 28 m de hauteur) était devenu insupportable. On entreprit alors la reconstruction de la double nef de la vieille église autour de colonnes cylindriques prenant la place des colonnes à base carrée de l'édifice initial.






L'église

Plan de l'ECJ

L'église

Avant d'entrer dans l'église, prenons conscience de la beauté de cet immense vaisseau de briques scandé par le jaillissement de ses énormes contreforts à ressorts, surmontés de gâbles en bâtière à la hauteur de sa toiture. Reprenant une structure défensive déjà utilisée dans les églises fortifiées de l'époque romane, les constructeurs ont lancé, d'un contrefort à l'autre, des arcs en tiers-point qui n'ont des mâchicoulis que l'apparence : en l'absence d'arcs-boutants, ils n'ont pas d'autres buts que d'articuler dans le sens longitudinal les organes de contrebutement des voûtes.

Surmontées d'oculi dont la mission est d'aérer les charpentes, les fenêtres à deux meneaux viennent se loger sous les arcs, au-dessus des voûtes des chapelles latérales. Les gargouilles mises à part, aucun décor sculpté ne vient contrarier l'élégante rigueur de cette architecture.

Vue extérieure de l'église des Jacobins






La même harmonie a présidé l'organisation de la façade occidentale qui a conservé, à sa base, le portail en plein cintre et les murs de la première église (1230-1234). Ici, les arcs reliant les trois contreforts surmontent deux rosaces correspondant aux deux nefs de la reconstruction du XIVème siècle. Ils sont surmontés d'une galerie à colonnettes de marbre portant 26 arcs cintrés.

Les contreforts sont couronnés par des tourelles octogonales percées d'arcs en mitre et coiffées de toitures pyramidales. Le parvis devant la façade occidentale, correspond à l'emplacement du petit cloître des séculiers et les bâtiments modernes du Lycée Pierre-de-Fermat ont été construits dans l'espace qu'occupaient les jardins du couvent.

Le dispositif adopté au XIVème siècle a réduit à sept le nombre des supports centraux ou piliers et a rigoureusement égalisé les largeurs des deux vaisseaux pour équilibrer les voûtes.

L'ensemble du décor peint (en grande partie retrouvé sous les badigeons XIXème siècle) est contemporain de l'achèvement de l'édifice. Il simule un appareillage de pierre peint à la colle, avec alternance de rouges-verts et de rouges-jaunes. Les joints blancs sont soulignés de lignes noires.

Les chapiteaux des arcs d'entrée des chapelles sont ceux de l'ancien cloître (XIIIème siècle) qui ont été récupérés au XIVème siècle et remodelés pour être utilisés ici.

Les chapelles latérales (malheureusement détruites ou défigurées au XIVème siècle) ont été restaurées. Hélas, elles ne conservent que quelques restes d'un important programme iconographique peint qui présentait de nombreuses analogies avec les miniatures d'un missel dominicain du XIIIème siècle conservé à la Bibliothèque Municipale de Toulouse. Les armes du cardinal Godin figurent autant aux clefs de voûtes que dans les peintures.

Le cloître (1251-1352, puis 1306-1310)

Construit (ou reconstruit) entre 1306 et 1310, le cloître reliait l'église à la salle capitulaire,Le cloître à la Chapelle Saint Antonin et à l'infirmerie (galerie orientale), au réfectoire, aux cuisines, aux dortoirs et aux cellules (galerie occidentale). Les toitures en appentis reposent sur des arcs de briques retombant sur des chapiteaux et des colonnettes en marbre de Saint-Béat. Les corbeilles présentent un décor de feuillage qui ne manque pas de caractère, en dépit d'une certaine monotonie de facture qui révèle un travail de série.

Les éléments de l'ancien cloître, construit entre 1251 et 1352, sont utilisés pour ajouter un petit cloître à l'ouest de l'église.






Le clocher (1275 - 1298)

Le clocher, d'une hauteur de 45 mètres,accolé au flanc Nord de l'église surplombe la sacristie.Le clocherIl se compose d'une souche octogonale aveugle, voûtée intérieurement, à laquelle s'accroche un escalier hélicoïdal, et de quatre étages en retrait percés de baies géminées couvertes d'arc en mitre. Des lignes de dents d'engrenage relient les colonnettes d'angles à chaque étage, comme au niveau supérieur du clocher de Saint-Sernin. Mais, à la différence de ce dernier, celui des Jacobins n'a pas conservé sa flèche, parce que d'après la municipalité révolutionnaire de 1795, « elle outrageait le principe de l'égalité... »








Le réfectoire (1303)

Il se compose d'un magnifique vaisseau (60 m x 12 m) divisé en sept travées par des arcs diaphragmes maçonnés portant la charpente couverte d'un lambris. Il a été achevé pour la Noël 1303 sous le priorat de frère Loup (1301-1304) et avec ses 17 m de hauteur, il se présent comme l'un des plus vastes réfectoires monastiques de l'époque médiévale. Alors que les fenêtres orientales sont toujours obstruées, celles de l'ouest se composent de deux lancettes trilobées. Dans le mur méridional, la baie centrale comporte trois lancettes. Par contre, les deux baies qui l'encadrent, comme la fenêtre qui a pris la place de la chaire du lecteur, sont des pastiches du XXème siècle.

Les peintures des arcs diaphragmes, simplement nettoyées, datent du XVème siècle.






La chapelle Saint-Antonin (1335 - 1341)

Plafond de la hapelle Saint Antonin

Ange musicien de la chapelle Saint Antonin

Les peintures réalisées a tempera représentent la glorification de l'Agneau immolé sur les genoux du Père céleste (Apo. 4 et 5) par les vingt-quatre vieillards tenant des rebecs et des vases à parfums, dans les médaillons de voûtes. Auprès des fausses fenêtres à fleurs de lis blanches sur fond bleu, des anges s'associent à la louange céleste avec une série d'instruments parmi lesquels on peut identifier une viole, une cornemuse, une harpe, un orgue positif, un double bourdon et un psaltérion.

Au registre inférieur subsistent, sous des arcs trilobés, des scènes de la vie de Saint Antonin, martyr, patron de la ville de Pamiers. En effet, la chapelle avait été voulue et payée par le frère Dominique Grima, quatrième évêque de Pamiers (1326-1347) en vue de recevoir les sépultures des Dominicains et des chanoines de la cathédrale de Pamiers décédés à Toulouse.

Trente alvéoles avaient été prévues à cet effet. Après dissolution des corps, les ossements étaient enlevés et déposés dans un ossuaire voûté situé sous le pavement surélevé du choeur.

La salle capitulaire (1299-1301)

En dépit de la disparition de son ancien décor, elle conserve un charme peu commun. On y accède par un large portail à archivoltes de briques moulurées retombant sur des chapiteaux de pierre. Les deux baies qui l'encadrent ont malheureusement perdu leur remplage.

Elevée entre 1299 et 1301, la salle est prolongée vers l'est par une abside tenant le rôle de chapelle. Voûtée d'ogives et nettement surélevée, elle prolonge visuellement l'espace de la salle capitulaire.

La salle capitulaire

Mais ce qui frappe plus spécialement ici le visiteur, c'est l'étonnant contraste qui oppose la sveltesse des deux piliers hexagonaux de marbre à l'exubérance touffue des ogives et des doubleaux qui semblent jaillir de leurs chapiteaux. Car le voûtement de la salle est porté par six croisées d'ogives retombant, le long des murs, sur de minces colonnes adossées et au centre, sur ces deux seuls piliers. Les voûtains de la chapelle sont peints en bleu et parsemés d'étoiles. Sur les nervures des voûtes sont représentés de faux claveaux ocres jaunes à joints blancs, qui contribuent à mettre en valeur l'élégance de leur cambrure.