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Pierre Vidal-Naquet, De Faurisson et de Chomsky

21/11/1980 - Texte publié en appendice II à Un Eichmann de papier dans Les Juifs, la mémoire et le présent, publié aussi dans Esprit

 

Poursuivant sa croisade dont le thème peut se résumer ainsi : les chambres à gaz n'existent pas parce qu'elles ne peuvent exister, elles ne peuvent pas exister parce qu'elles ne doivent pas exister, ou encore : elles n'existent pas parce qu'elles n'existent pas, Robert Faurisson vient de publier un nouveau livre(1).
Ce travail n'est ni plus ni moins mensonger et malhonnête que les précédents. Je ne suis pas à la disposition de R. Faurisson, qui n'a du reste pas consacré une seule ligne à tenter de répondre au démontage que j'ai fait de ses mensonges, dans un texte dont il est pourtant clair, d'après divers détails de rédaction (2) (rectification de faux par trop évidents), qu'il le connaît. Si, chaque fois qu'un « révisionniste » produit une nouvelle affabulation, il fallait lui répondre, les forêts du Canada n'y suffiraient pas. Je remarquerai simplement ceci : le livre de Faurisson est centré sur le Journal du médecin SS d'Auschwitz J.P. Kremer, texte dont j'ai traité longuement en montrant que pas une seule fois, dans ce journal, les « actions spéciales » auxquelles participe le médecin n'ont un rapport quelconque avec la lutte contre le typhus. Faurisson est incapable, et pour cause, d'apporter sur ce point un seul argument, une seule réponse. Je l'ai dit et je le répète : son interprétation est un faux, dans toute la force du terme (3). S'il est un jour nécessaire d'analyser le reste de ses mensonges et de ses falsifications, je le ferai, mais cette opération me paraît de peu d'intérêt et serait sans utilité face à la secte dont il est désormais le prophète.

Plus inquiétante, parce qu'elle émane d'un homme à qui sa valeur scientifique, combinée au juste et courageux combat qu'il a mené contre la guerre américaine au Vietnam, ont valu un grand prestige, est la préface du livre de Faurisson, qui est due à Noam Chomsky. L'aubaine est riche : soutenir que le génocide des Juifs est un « mensonge historique » et être préfacé par un illustre linguiste, fils d'un professeur d'hébreu, libertaire et ennemi de tous les impérialismes, voilà qui est de meilleur effet que l'appui de Jean-Gabriel Cohn-Bendit...

J'ai lu ce texte avec attention, et avec une surprise croissante. Des adjectifs me sont venus au bout de la plume, qui exprimaient, sous la forme d'une progression, et ma surprise et mon indignation. J'ai décidé, finalement, de retirer ces adjectifs de mon texte. Les linguistes, et même les non-linguistes, les restitueront aisément (4). Je procéderai par ordre.


1) La préface en question relève d'un genre assez nouveau dans la République des lettres. En effet, Noam Chomsky n'a lu ni le livre qu'il préface, ni les travaux antérieurs de cet auteur, ni les critiques qui en ont été faites, et il est incompétent dans le domaine dont il traite : « Je ne dirai rien ici des travaux de Robert Faurisson ou de ses critiques, sur lesquels je ne sais pas grand-chose, ou sur les sujets qu'ils traitent, sur lesquels je n'ai pas de lumières particulières (5). » Voilà donc qui le qualifie remarquablement. Mais comme il faut cependant savoir affirmer à la fois une chose et son contraire, Chomsky n'en proclame pas moins, quelques pages plus loin, sa compétence. Faurisson est accusé d'être un antisémite : « Comme je l'ai dit, je ne connais pas très bien ses travaux. Mais d'après ce que j'ai lu, en grande partie à cause de la nature des attaques portées contre lui, je ne vois aucune preuve qui appuierait de telles conclusions » (Préface, p. XV). Il a lu aussi ses critiques, en l'espèce mon article d'Esprit (septembre 1980) et même les lettres personnelles que je lui ai adressées à ce sujet, « une correspondance privée qu'il ne serait pas convenable de citer en détail ici ». Bel exemple de scrupule, bel exemple aussi de double langage, car Chomsky ne s'est pas rendu compte qu'il préfaçait un livre où sont reproduites, sans autorisation, toute une série de lettres privées (6), et il ne se prive pas lui-même de résumer, en les falsifiant, mes propres lettres. Je lui dirai donc simplement ceci : « Publiez donc, je vous y autorise, l'ensemble de cette corrrespondance. On verra donc si vous êtes qualifié pour me donner une leçon d'honnêteté intellectuelle. »


2) Chomsky-le-double a donc lu Faurisson et il ne l'a pas lu, il a lu ses critiques et il ne les a pas lues. Essayons de préciser et de sérier les questions. Qu'a-t-il lu de Faurisson qui lui permette de lui accorder ainsi un beau certificat ? N'est-il pas « une sorte de libéral relativement apolitique » (p. XIV-XV) ? Comme Chomsky ne se réfère à rien, je ne puis le savoir, et je dirai simplement ceci : l'antisémitisme personnel de Faurisson m'intéresse à vrai dire peu. Il existe et je puis en témoigner, mais il n'est rien à côté de l'antisémitisme de ses textes. Écrire le plus tranquillement du monde qu'en imposant aux Juifs à partir de l'âge de six ans le port de l'étoile jaune « Hitler se préoccupait peut-être moins de la question juive que d'assurer la sécurité du soldat allemand » ( Vérité..., p. 190), est-ce de l'antisémitisme ? Certainement pas, dans la logique de Faurisson, puisqu'à la limite il n'y a pas d'antisémitisme pratique possible. Mais dans la logique de Chomsky ? Inventer de toute pièce une imaginaire déclaration de guerre à Hitler, au nom de la communauté juive internationale, par un imaginaire président du Congrès juif mondial (7), est-ce de l'antisémitisme ou est-ce un faux ? Peut-être Chomsky peut-il pousser l'imagination linguistique jusqu'au point de découvrir qu'il existe des faux antisémites ?

Posons maintenant l'autre face de la question. Que connaît Noam Chomsky des « critiques » qui ont été adressées à Faurisson, et particulièrement de l'étude qu'il cite, celle que j'ai publiée dans Esprit et qui s'efforce d'analyser historiquement la « méthode » de Faurisson et de quelques autres ? La réponse est simple. Sur un article qui occupe, dans Esprit, quarante-deux pages, Chomsky a lu un peu moins de cinq lignes qui disent ceci : « Certains ont pris pour des raisons de principe la défense de Faurisson. Une pétition qui a reçu plusieurs centaines de signatures, avec en tête celle de Noam Chomsky, a protesté contre le sort fait à Faurisson en présentant ses "conclusions" comme si elles étaient effectivement des découvertes ( Vérité..., p. 163). Cette pétition me paraît scandaleuse (8). »

Le contenu de ces lignes ne laisse aucun doute sur ce qui fait courir Chomsky. Il ne s'agit pas des chambres à gaz ; il s'agit fort peu de Faurisson, et secondairement de la liberté d'expression. Il s'agit d'abord et avant tout de Noam Chomsky. C'est de façon prémonitoire à son sujet, non à celui d'André Breton, que Jacques Prévert écrivait en 1930 : « Il était aussi très douillet : pour une coupure de presse, il gardait la chambre pendant huit jours (9). » Chomsky est, comme beaucoup d'intellectuels, peu sensible aux blessures qu'il inflige, très attentif aux égratignures qu'il lui faut supporter.

Mais quelle est son argumentation ? Il a, nous dit-il, signé une innocente pétition « pour la défense de la "liberté de parole et d'expression de Robert Faurisson". La pétition ne disait absolument rien sur le caractère, la qualité ou la validité de ses recherches, mais se cantonnait très explicitement à la défense des droits élémentaires qui sont considérés comme acquis dans les sociétés démocratiques... ». Mon erreur, selon lui, provient de ce que j'ai fait une faute d'anglais. J'ai cru que le mot findings signifiait « découvertes » alors qu'il signifie « conclusions ». Je ne chicanerai pas sur ce dernier point, insignifiant, à propos duquel Chomsky est d'autant plus fort qu'il a reçu, par lettre, mes aveux. Mais il oublie de préciser que l'erreur en question, qui figurait sur mon manuscrit original, a été rectifiée avant publication. Le texte paru dans Esprit n'en fait pas état, et si Chomsky peut, assez étrangement, me la reprocher, c'est qu'il s'appuie sur ma correspondance avec lui. Au reste, il ne s'agissait que d'une erreur infime ; findings fait partie du vocabulaire scientifique, et c'est légitimement que je pouvais jouer sur sa valeur étymologique qui est bel et bien celle de « découvertes ». Au reste voici ce que m'écrit, à ce minuscule sujet, un professeur de l'université de Cambridge (Angleterre), natif de New York, et qui doit connaître la langue que l'on parle à Cambridge (Massachusetts) : « La mauvaise foi de Chomsky dans sa façon de jouer sur les mots est consternante. Bien entendu, si l'on ouvre un dictionnaire au mot "findings", on y trouvera, parmi les divers sens, celui de "conclusions". Cependant, personne, et Chomsky le sait parfaitement bien, n'utiliserait jamais "findings" ou "discoveries", ou même "conclusions", dans ce contexte, au sens strictement neutre que Chomsky invoque maintenant. Ces mots, et tout particulièrement les deux premiers, impliquent absolument qu'on les prenne tout à fait au sérieux comme désignant la vérité. Il y a plus que suffisamment de mots neutres à la disposition de qui en a besoin : on peut utiliser par exemple : "views" ou "opinions". »

Mais revenons à l'essentiel. La pétition est-elle, oui ou non, l'innocent manifeste en faveur d'un homme persécuté, que chacun, moi-même tout le premier, aurait pu, ou dû, signer ?

Lisons : « Dr Robert Faurisson has served as a respected professor of twentieth century French literature and document criticism for over four years at the University of Lyon 2 in France. Since 1974 he has been conducting extensive independent historical research into the "Holocaust" question. Since he began making his findings public Professor Faurisson has been subject to a vicious campaign of harassment, intimidation, slander and physical violence in a crude attempt to silence him. Fearful officials have even tried to stop him from further research by denying him access to public libraries and archives. » C'est-à-dire : « Le Dr Robert Faurisson a occupé pendant plus de quatre ans, et avec considération, un poste de professeur de littérature française du XXe siècle et de critique documentaire à l'université de Lyon-II en France. Depuis 1974 il a entrepris une recherche historique indépendante et approfondie sur la question de l"'holocauste". Dès qu'il commença à publier ses conclusions, le professeur Faurisson a été l'objet d'une campagne venimeuse faite de tracasseries, d'intimidations, de calomnies et de violences physiques, avec pour objectif de le réduire purement et simplement au silence. Des responsables timorés ont même essayé de l'empêcher de poursuivre ses recherches en lui refusant l'accès aux bibliothèques et aux archives publiques. »

Passons sur ce qui, dans cette pétition, est excessif ou même tout à fait faux. Faurisson n'a été interdit ni de bibliothèques ni d'archives publiques(10). Oui ou non la pétition présente-t-elle Robert Faurisson comme un historien sérieux qui mène une recherche historique réelle ? Poser la question, c'est y répondre (11). Le plus cocasse est que, en tête des volumes publiés par La Vieille Taupe on trouve l'adage suivant, dont ce groupe a fait, semble-t-il, sa devise : « Ce qu'il y a de terrible quand on cherche la vérité, c'est qu'on la trouve. » Je soutiens, moi, et je prouve, que Faurisson, hors le cas vraiment limité du Journal d'Anne Frank (12), ne cherche pas le vrai mais le faux. Est-ce là un « détail » qui n'intéresse pas Chomsky ? Et, si l'on comprend que, mal informé, il ait signé de confiance un texte authentiquement « scandaleux », comment admettre qu'il accorde aujourd'hui sa caution à un faussaire ?


3) Mais il y a mieux : se considérant comme intouchable, inaccessible à la critique, inconscient de ce que fut le nazisme en Europe, drapé dans un orgueil impérial et dans un chauvinisme américain digne de ces « nouveaux mandarins » qu'il dénonçait autrefois, Chomsky accuse d'être des liberticides tous ceux qui se permettent d'être d'un avis différent du sien.

Ce numéro d'Esprit (septembre 1980) avait de quoi le rendre fou. A mes cinq lignes dans lesquelles le nom de Chomsky était cité à propos de Faurisson s'ajoutaient douze pages de Paul Thibaud (13) qui se permettaient de critiquer l'incapacité où se trouvent Chomsky (et Serge Thion) de prendre, à propos du Cambodge, la mesure d'un phénomène totalitaire. Ces pages sont ainsi commentées par Chomsky : « Je n'entrerai pas dans la discussion d'un article du directeur de la revue, dans le même numéro, qui ne mérite pas non plus de commentaire, au moins pour ceux qui conservent un respect élémentaire pour la vérité et l'honnêteté » (Préface, p. X). Un « respect élémentaire pour la vérité et l'honnêteté » n'aurait-il pas dû obliger Chomsky à signaler ce fait, lui aussi élémentaire : l'article de Thibaud (douze pages) répondait à un article de Serge Thion (14), long de dix sept pages, tout entier consacré à la défense et à l'illustration des thèses de... Noam Chomsky ? Est-ce ainsi que le directeur d'Esprit a montré son intolérance et sa malhonnêteté ?

« Je ne m'attaque pas à des personnes » écrit Chomsky, et aussitôt après, selon ce même discours double avec lequel nous commençons à être familiers, il s'en prend à un « individu » imaginaire qui « trouve effectivement cette pétition "scandaleuse" [c'est bien le terme que j'ai employé] non pas à cause d'une question d'interprétation, mais en raison de ce qu'elle dit réellement » (p. XI). Élégant procédé pour ne pas dire, et dire en même temps, que je m'en prends aux libertés de mes ennemis. Car Chomsky poursuit : « Nous devons en conclure que l'individu en question croit que la pétition était scandaleuse parce que Faurisson devrait effectivement être privé du droit normal de s'exprimer, qu'il devrait être tracassé et même soumis à des violences physiques, etc. » Il se trouve que j'ai écrit exactement le contraire, et cela dans la page même où Chomsky a déchiffré, si mal, les cinq lignes qui l'ont tant perturbé. Était-il vraiment impossible de lire cette page jusqu'au bout ? Les conditions dans lesquelles Faurisson a été conduit à demander à quitter Lyon, à entrer au Centre national de télé-enseignement, sont assurément regrettables, et je l'ai dit, mais sa liberté d'expression, sous réserve des lois en vigueur, n'a nullement été menacée. Il a pu, à deux reprises, être publié dans Le Monde. Le livre de Thion, où sont exprimées ses thèses, n'a nullement fait l'objet de poursuites, et si Faurisson fait l'objet d'un procès au civil, intenté par diverses associations antiracistes qui n'ont pas toutes la liberté pour but premier (15), ces poursuites ne l'empêchent pas d'écrire ou d'être publié. Le livre que préface Chomsky - toutes réserves étant faites sur les diffamations qu'il peut contenir à l'égard des personnes - n'en est-il pas la preuve ? Que faut-il de plus à Chomsky ? Souhaite-t-il qu'une loi de la République rende la lecture des oeuvres de Faurisson obligatoire dans les écoles ? Demande-t-il que tous les manuels d'histoire soient réécrits en fonction de ses découvertes, pardon, de ses conclusions (findings) ? Demande-t-il à tout le moins que l'affichage et la vente en soient imposés à la porte des synagogues ? Chaque intellectuel français est-il tenu de devenir à tour de rôle son exégète comme Serge Thion, son psychiatre comme Pierre Guillaume ou son bouffon ?

La vérité toute banale, Noam Chomsky, est que vous n'avez pas été capable de vous en tenir à la maxime que vous aviez posée. Vous aviez le droit de dire : mon pire ennemi a le droit d'être libre, sous réserve qu'il ne demande pas ma mort ou celle de mes frères. Vous n'avez pas le droit de dire : mon pire ennemi est un camarade, ou un « libéral relativement apolitique ».

Vous n'avez pas le droit de prendre un faussaire et de le repeindre aux couleurs de la vérité.

Il y a jadis, il n'y a pas si longtemps, un homme qui disait cette maxime simple et forte: « C'est la responsabilité des intellectuels que de dire la vérité et de mettre à jour les mensonges. » Cet homme, vous le connaissez, peut-être (16) ?

21/11/1980


P.S. Ce texte, écrit il y a six ans et demi, pourrait être prolongé indéfiniment. A peine avais-je posé la plume que l'affaire prenait un tour cocasse, puisque, par une lettre du 6 décembre adressée à Jean-Pierre Faye, Chomsky désavouait, en quelque sorte, non son texte mais l'utilisation qui en avait été faite avec son accord comme préface au livre de Robert Faurisson. Ce livre n'en avait pas moins été imprimé avec la préface en question qui est datée du 11 octobre 1980. Toujours le 6 décembre, il écrivait à Serge Thion à propos de ce même texte : « Si la publication n'est pas en cours, je suggère fermement que vous ne la mettiez pas dans un livre de Faurisson... », ce qui ne l'empêchait pas de maintenir son attitude de principe (17).

Répétons-le tranquillement : ce principe n'est pas en cause. Si Chomsky s'en était tenu à défendre le droit de Faurisson à s'exprimer, il n'y aurait pas, de mon point de vue en tout cas, de problème Chomsky. Mais il ne s'agit pas de cela. Il ne s'agit pas non plus pour moi de répondre aux innombrables proclamations, articles et lettres, au moyen desquels Chomsky a répandu, tel un ordinateur fatigué reproduisant le même discours, l'outrage contre tous ceux qui se sont permis de le critiquer, et notamment contre l'auteur de ces pages (18).

Il me suffira de constater : 1. qu'il est allé beaucoup plus loin qu'on ne le croyait dans le soutien personnel à Faurisson, correspondant amicalement avec celui-ci (19), acceptant même d'être préfacé par le chef de la ligue révisionniste P. Guillaume (20), alors qu'il avait prétendu - mensongèrement - n'avoir pas préfacé Faurisson (21), P. Guillaume qu'il qualifiait de « libertaire et antifasciste par principe (22) » (ce qui a dû, en ce qui concerne le deuxième qualificatif, bien faire rire l'intéressé, qui tient l'antifascisme comme mensonger par essence) ;

2. qu'il n'est pas demeuré fidèle à ses propres principes libertaires puisqu'il est allé jusqu'à menacer de poursuites judiciaires - lui que le moindre procès contre Faurisson met littéralement en transe - un éditeur qui se préparait à publier sur lui une notice biographique dont quelques phrases avaient le malheur de lui déplaire. Et, de fait, il obtint que la notice en question fût confiée à un rédacteur plus dévoué (23).

Certes, il n'est pas vrai que les thèses de Chomsky soient à rapprocher de celles des néo-nazis (24), mais pourquoi trouve-t-il tant d'énergie et même tant de tendresse pour défendre ceux qui se font effectivement les éditeurs et les défenseurs des néo-nazis (25), et tant de fureur contre ceux qui se permettent de les combattre (26) ? C'est cette simple question que je poserai. Quand la logique ne fonctionne plus que pour l'autodéfense, elle devient folle.

02/06/1987

Notes

1. Mémoire en défense contre ceux qui m'accusent de falsifier l'histoire. La question des chambres à gaz, La Vieille Taupe, 1980 ; c'est le livre annoncé à la note 91 de mon étude « Un Eichmann de papier » ; le titre annoncé est devenu le sous-titre. Une réfutation détaillée de ce texte a été publiée depuis : M. STEINBERG, Les yeux du témoin et le regard du borgne, Cerf, 1990.
2. C'est ce que j'ai écrit, et cru, en 1981, mais, renseignements pris, j'avais tort (note de1987).
3. Un faux que l'on a modifié sans prévenir le lecteur demeure bien entendu un faux. Alors que l'« action spéciale » (nom de code du gazage) était principalement (Vérité, p. 109) « le tri des malades et des bien portants », elle devient en plus (Mémoire, p. 34) le « nettoyage des wagons, soit de 3e classe, soit surtout de marchandises dans lesquels les nouveaux détenus venaient d'arriver ». Dans la première hypothèse, en quoi l'« action spéciale » devrait-elle concerner des arrivants de l'extérieur, non encore atteints par l'épidémie ? Dans la seconde, elle ne peut, et pour cause, concerner des « musulmans ». Et pourquoi, surtout, une même expression employée le même jour aurait-elle deux sens ?
4. La préface de Chomsky, longue de sept pages, est intitulée « Quelques commentaires élémentaires sur le droit à la liberté d'expression ».
5. Préface, p. IX.
6. C'était déjà le cas du livre précédent, celui de Serge Thion.
7. Voir Un Eichmann de papier, p. 59-60 et Esprit, p. 38.
8. Esprit, p. 52. Je reproduis ces lignes telles qu'elles ont été publiées. Par souci de précision, je les ai rephrasées dans la version définitive de mon texte Un Eichmann de papier, p. 83.
9. Maurice NADEAU, Histoire du surréalisme, II, Documents surréalistes Seuil, 1948, p. 154.
10. Sur le refus du personnel du Centre de documentation juive contemporaine (fondation privée) de le servir, cf. Esprit, p. 52, et Un Eichmann de papier p. 83.
11. Voilà des mots, m'ont dit des collègues anglais et américains, qui pourraient figurer dans un rapport de thèse, un rapport sur une bonne thèse.
12. Pour être complet, je dirai que dans son nouveau livre il y a un dossier sur les chambres à gaz imaginaires ou n'ayant pas fonctionné dans les camps de l'Ouest, Buchenwald, Dachau. Mais tout cela est historiquement si mal analysé que même cette documentation est difficilement utilisable.
13. « Le Cambodge, les droits de l'homme et l'opinion internationale » p. 112-113.
14. « Le Cambodge, la presse et ses bêtes noires », p. 95-111.
15. Quand un dirigeant régional de la LICRA proteste contre une représentation du Marchand de Venise de Shakespeare (cf. Le Monde 5 juillet 1980), il travaille pour Faurisson, lequel se fait une joie de mentionner cette venimeuse ineptie (Mémoire, p. 238).
16. Cf. Stephen LUKES, « Chomsky's betrayal of truths », Times, Higher Education Suppl., 7 novembre 1980, p. 31.
17. Voir P. GUILLAUME, Droit et Histoire, La Vieille Taupe, Paris, 1986 p. 158-159.
18. J'en possède un gros dossier ; qu'il me suffise de renvoyer à un petit livre, publié, hélas, par les éditions Spartacus (Paris, 1984), N. CHOMSKY Réponses inédites à mes détracteurs parisiens.
19. P. GUILLAUME, Droit et Histoire, p. 54.
20. P. Guillaume a préfacé de ses initiales le livre de Chomsky, cité supra n. 18.
21. Mon collègue et ami Arno J. Mayer, professeur à Princeton, s'est entretenu avec Chomsky de sa préface plusieurs semaines avant qu'elle soit publiée.
22. Voir sa lettre publiée dans le Village Voice du 18 mars 1986, p.7, répondant à un article de Paul BERMAN dans le même journal (18 février 1986).
23. Il s'agit de l'édition américaine du Biographical Companion to Modern Thought édité par A. Bullock, Fontana-Collins, Londres, 1983 ; on trouvera les détails de cette affaire dans l'article de G. SAMPSON (auteur de la notice), « Censoring 20th Century Culture : the Case of Noam Chomsky », The New Criterion, octobre 1984, p. 7-16.
24. L'article de W.D. RUBINSTEIN, « Chomsky and the Neo-Nazis » publié dans le périodique australien Quadrant, octobre 1981, p. 8-14, me paraît porter à faux ; un débat s'en est suivi, auquel participèrent Noam Chomsky lui-même - qui débita son discours habituel - et, sur le Cambodge, R. Manne (Quadrant, avril 1982, p. 6-22). Dans Droit et Histoire de P. GUILLAUME, p. 152-172, on trouve les traces d'une impayable polémique d'une certaine Chantal Beauchamp, qualifiée de « professeur agrégé d'histoire », contre Chomsky, accusé en somme d'être un exterminationniste honteux, et contre P. Guillaume son complice. On aimerait connaître les pièces de cette délectable affaire.
25. N. Chomsky ne semble, par exemple, avoir vu aucun inconvénient à ce que La Vieille Taupe publie le livre, authentiquement nazi celui-là, de W. STAGLICH sur Le Mythe d'Auschwitz (1986). A celui qui se permettait de lui demander ce qu'il en pensait, il répondit qu'il ne discutait pas avec des fascistes (témoignage de Paul Berman, 1986). Le plus intelligent des articles écrits pour défendre Chomsky, celui de Ch. HITCHENS, « The Chorus and Cassandra. What everyone knows about Noam Chomsky », Grand Street, automne 1985, p. 106-131, évite d'affronter ce type de question.
26. On renverra, par exemple, à sa polémique contre Nadine Fresco, Dissent, printemps 1982, p. 218-220.