Dans ces éliminatoires combinées mondial
/ CAN 2006, les Etalons ont alterné, jusqu'ici, bons et mauvais
résultats. L'équipe fanion du Burkina a fini de convaincre
qu'elle ne peut pas encore tutoyer, de façon constante le succès.
Souvenez-vous que les Etalons, en 1996 sont partis à la Can
sud-africaine sur une série de victoires éclatantes
pour aller friser le ridicule à Bloemfontein. En 1998 chez
nous, les Etalons ont réussi une chevauchée fantastique
avant d'encaisser gentiment et honteusement, dans la petite finale
la claque des Simba de la RD Congo.
A la CAN 2000, à Kano au Nigéria, puis à la CAN
du voisin malien, les Etalons " majeurs " se sont fait inviter
par la grande porte pour finalement recevoir la raclée dès
leurs premiers matchs ! Plus près de nous, notre participation
calamiteuse à la CAN tunisienne est là pour illustrer
la triste réalité. Les Etalons avaient littéralement
survolé leurs adversaires pour se retrouver à la table
des grands du continent à Tunis.
D'entrée de compétition, les Etalons avaient en face
d'eux les Lions de la Téranga qui avaient un grand appétit
depuis leur exploit au mondial 2002. Personne ne vendait chère
la peau des Etalons. Au terme des 90 mn de jeu, les nôtres ont
fait plus que simplement se défendre. Ils ont tillé
" les mondialistes " et surtout ils ont impressionné
les spécialistes qui se voyaient obligés de changer
de discours et de pronostic.
Après la gloire vient la chute
Les Burkinabè ont été renvoyés à
leur école quand on commençait à croire en eux.
Engagés cette année dans la conquête d'un ticket
qualificatif pour une sixième CAN d'affilée avec comme
premier adversaire le Ghana, la victoire des Etalons redonne un peu
de goût au public qui avait encore des souvenirs frais de la
déculottée du onze national en terre tunisienne. De
la façon la plus inattendue, les Etalons empochent les trois
points. Le match suivant, on croyait qu'ils allaient confirmer ! Mais
non ! Une défaite encore. Mais celle-là était
excusable. L'équipe du Burkina a été victime
d'un hold-up à Kinshasa.
Une évolution en dents de scie
Les Etalons n'avaient pas leur destin en main en RD Congo mais la
journée suivante, l'affrontement avec les Bafana -Bafana en
Afrique du Sud était loyal. Le Burkina a été
battu (0-2). Là aussi, il n'y a pas trop à rougir. L'Afrique
du Sud qui a été admise dans le gotha du football mondial
en 1990 seulement a déjà remporté la CAN et deux
participations à un mondial. Et après la défaite
contre les Bafana-Bafana, les Etalons vont faire la démonstration
à Ouagadougou qu'ils ne sont pas aussi mauvais que ça.
Par une soirée pluvieuse, sur une pelouse du Stade du 4 Août
qui avait bu l'eau jusqu'à la lie, les Etalons ont sorti le
grand jeu. Ils ont littéralement dominé leurs adversaires
venus de l'Ouganda. La qualité de jeu des nôtres était
si parfaite que le coach des Etalons, Ivica Todorov, n'a pas hésité
à comparer son équipe au Real. Le public va y croire
encore. Avant le match de Praia, l'entraîneur Ivica Todorov
a même déclaré que même si les Etalons gagnaient
au Cap-Vert, le Burkina pouvait espérer jouer pour la première
place du groupe synonyme d'une place pour le mondial. C'était
trop beau pour être vrai.
Le réveil a été cruel. Les Etalons sont passés
à côté du sujet. A Praia, l'équipe était
méconnaissable. Tels des amateurs, les Etalons offrent le but
de la victoire en cadeau à l'adversaire. Tout va s'écrouler
encore autour de l'équipe comme de coutume. C'est la déception
de trop.
La défaite fait partie des éventualités d'un
match. Il faut s'apprêter à l'accepter quand elle survient.
Mais au regard de la courbe évolutive des Etalons, on ne peut
pas ne pas se poser des questions. Il est clair que notre équipe
pour un pas en avant semble marquer deux en arrière. Pourtant,
tout semble dire aussi qu'il y a des indices de progrès du
sport roi au Faso. Aujourd'hui, le Burkina dispose, comme il n'en
a jamais été, d'une belle brochette de " pro ".
D'énormes moyens sont débloqués au profit du
ballon rond. L'époque où les primes de match ne se payaient
pas régulièrement est bien un lointain souvenir. On
peut même dire que les Etalons sont traités tels des
enfants " pourris " vu les réalités du pays.
La simple sélection en équipe nationale donne droit
à 400 000 F CFA pour chaque joueur. En plus, chaque joueur
reçoit 500 000 F CFA comme prime de victoire à l'issue
d'un match de compétition. C'est dire qu'en un seul regroupement,
un joueur peut s'en sortir avec un peu moins du million de nos francs.
Si les Etalons ne confirment pas, ce n'est donc plus une question
de motivation. Quoi alors ?
Les raisons des contre performances
Dans la plus part du temps, des problèmes extra- sportifs
ont toujours été à l'origine des contre performances
de notre équipe nationale. Les Etalons ont, le plus souvent,
évolué dans un environnement malsain. Si ce ne sont
pas les supporters, ce sont les dirigeants qui se font la guerre.
En Afrique du Sud, à Kano, au Mali, la guerre des clans a participé
pleinement à l'échec des Etalons. L'actuelle FBF, conduite
par Seydou Diakité a hérité de cette situation.
Elle se devait de maîtriser l'environnement des Etalons gage
du succès. Elle s'y emploie mais non sans peine. La FBF se
bute au dilemme de la gestion des staffs techniques. Faut-il donner
plein pouvoir au coach sans ingérence aucune concernant la
gestion de l'équipe ou faut-il de temps à autre lui
donner un coup de main ? L'idéal voudrait que les dirigeants
dirigent et que l'entraîneur entraîne.
Mais l'expérience a prouvé que les coachs ne rassurent
pas forcément, laissés à eux-mêmes. L'actuelle
fédération l'a beaucoup appris en Tunisie. L'entraîneur
de l'époque, Jean Paul Rabier, qui a refusé toute assistance
fédérale dans le dernier match du Burkina a sorti un
classement bidon devant le Kenya. Conséquence, les Etalons
ont pris 3 buts à 0. Fort de cette expérience, la FBF
se croit obligée d'avoir un regard sur les choix du nouvel
entraîneur Todorov. Cela a pourri l'ambiance de l'équipe.
Le vice président de la FBF, le colonel Jean Baptiste Parcouda
et le coach Ivica Todorov ne sont plus " ami ami " pour
cette raison. Chacun d'eux a tort et raison à la fois. Le coach
a raison de faire de la question technique son pré carré
jalousement gardé. C'est son rôle et c'est parce qu'on
a confiance en lui qu'on lui a confié ce travail. Toutefois,
à observer certains choix de l'entraîneur, on comprend
l'attitude de la FBF. Voilà un technicien qui, dès son
premier match, a pris le risque de titulariser des novices dans la
haute compétition comme Florent Rouamba et Abdramane Ouattara.
Ce fut un coup de maître. Les garçons lui ont donné
raison. Mais Todorov, les matchs suivants, décide de se passer
d'eux. Pourtant, ne dit-on pas qu'on ne change pas une équipe
qui gagne ? Entre temps, le même Todorov prend un autre risque
d'essayer Aziz Nikiema, un autre Etalon junior aux côtés
des seniors dans le rôle de meneur de jeu. Aziz a lui aussi
réussi son examen de passage. Tout à coup, l'équipe
qui a longtemps manqué de meneur de jeu se retrouve avec deux
joueurs à ce poste, Bebeto ayant fait son retour. A Praia,
Todorov laisse les deux joueurs sur le banc de touche. Il transforme
Wilfried Sanou en attaquant de soutien, lui qui est porté vers
les buts. La chose la plus incroyable dans le coaching que Todorov
a effectué dans ce match est ce remplacement de Moumouni Dagano
par Abdramane Ouattara. C'était en deuxième partie du
jeu. Les Etalons appuyaient constamment sur l'accélérateur
pour revenir au score. La pression était sur l'adversaire.
Dagano blessé demande le remplacement. On s'attendait à
ce que Todorov fasse rentrer un attaquant pour remplacer un attaquant.
Mais à la grande surprise de tous, c'est un défenseur
de métier, le latéral gauche Abdramane Ouattara qui
fera son entrée. Pour quelle raison ? Y avait-il un acquis
à conserver ? On ne s'explique pas ce changement. Il est difficile,
quand on est dans sa peau de dirigeant, de laisser faire des choses
pareilles.
L'indiscipline
des Etalons
Le vedettariat, voilà un des maux qui minent la sélection
du Burkina. La gestion des joueurs évoluant en Europe devient
de plus en plus difficile.
Les joueurs gagnent dans leur club respectif nettement plus que ce
qu'on leur propose en sélection nationale. Pour le commun du
Burkina, la prime de victoire de 500 000 F CFA est chère payée.
Mais ce n'est pas grand-chose comparé au gain des joueurs en
Europe. On comprend donc l'arrogance chez certains. Nécessairement,
il faut cultiver le sens du patriotisme et la discipline au sein de
l'équipe nationale. Si Amadou Touré a pu protester publiquement
contre son remplacement à Praia, c'est bien par manque de discipline.
La question est délicate. On a souvent peur de trop tirer sur
la corde de discipline pour ne pas révolter à la fin
les stars. On essaie de faire avec leurs caprices. Mais il y a un
minimum. Il est temps d'y penser.
J.J Traoré