G@zette N°35/36
PLOGOFF
 

BONNES FEUILLES
     Sous le titre «Les Santons de Plogoff», l'éditorialiste habituel de la très officieuse Revue de l'Energie[1] se livre à un exercice de style qu'il ne faut pas manquer. Nous vous en donnons ici, sans aucun commentatre, un large extrait:
 

     La façon dont une partie appréciable de la population a réagi, dès avant l'ouverture de l'enquête, qualifiée a priori de «bidon», est hautement critiquable et, pour parler net, inadmissible. Dès novembre dernier, le maire de Plogoff, Monsieur Jean-Marie Kerloc'h ne craignait pas de proclamer:
     «J'appelle à la violence».
     Propos d'un démagogue irresponsable, et cas de révocation: ce monsieur est indigne de ceindre une écharpe tricolore. Irresponsable, il l'est d'ailleurs devenu en fait, puisqu'aujourd'hui un «comité de défense» s'est pratiquement substitué à lui pour tout régenter dans la commune. Ces extrémistes font régner un véritable terrorisme. Un habitant, M. Yven, qui avait refusé de signer la pétition demandant le départ des forces de l'ordre, a vu sa maison couverte de croix gammées, et a porté plainte contre la présidente du comité. Il décrit ainsi la situation: «On ne peut, en ce moment, même pas être sans opinion. il faut non seulement être antinucléaire, mais encore participer activement aux actions. J'affirme qu'à Plogoff, les gens ne sont pas libres de s'exprimer
     Une telle situation est intolérable, et les pouvoirs publics ont raison de ne pas la tolérer. De tels procédés ne sont pas en accord avec les buts élevés qu'ils prétendent servir. Ils ne font que discréditer l'opposition à la centrale et ôter beaucoup de crédibilité aux «majorités» mobilisées contre elle. Quelles majorités d'ailleurs? Dans les dix premiers jours de l'enquête, 120 personnes ont consulté les registres, dont plus de cent dans les mairies annexes pourtant «surveillées» par le comité de défense, les mairies elles-mêmes étant «en grève» afin de faire obstacle au déroulement de l'enquête. Soit en gros un dixième de la population concernée, si l'on considère que chaque personne représente une famille. Sur ce total, 28 observations seulement ont été consignées, dont 19 en faveur de la centrale, 4 contre et 5 dubitatives ou interrogatives. Apparemment, il n'est pas facile de se faire une opinion au vu du dossier!
     S'opposer à l'application de la loi, au libre exercice du droit à l'information et à la libre expression, refuser l'information elle-même - ne fût-ce que pour dénoncer de façon précise ses insuffisances - n'est certes pas un bon moyen de faire valoir ses droits. Encourager l'amalgame avec des factions tout à fait étrangères aux intérêts locaux en jeu, c'est s'exposer à des récupérations, politiques ou autres, qui ne feront qu'embrouiller le problème et radicaliser les positions, sans profit pour les intéressés. Ils sont quelques milliers, «mais par un prompt renfort, on les compta vingt mille à camper sur le site» le dimanche 3 février qui suivait l'ouverture de l'enquête. Leurs affaires en seront-elles avancées pour autant? il est permis d'en douter. L'apparition plus récente de «cocktails Molotov» fait craindre pire encore. De toutes façons, comme l'a relevé le ministère de l'industrie, «on ne voit pas pourquoi certaines minorités, parce qu'elles sont plus sonores, auraient plus de poids que l'ensemble des citoyens. »
suite:
     Pourtant, il faudra bien trouver une issue et, sur ce chemin, l'enquête publique n'est après tout qu'une étape. Toutes les instances régionales et départementales élues, y compris le député de la circonscription, ont réaffirmé leur soutien au projet. Comment dès lors convaincre les irréductibles? A notre avis, il y a quelque chose à tenter dans une direction assez peu explorée jusqu'à présent, et dont il serait fort étonnant qu'elle ne trouve aucun écho auprès des gens de Plogoff, qui sont avant tout des gens de mer. En effet, les deux tiers des actifs sont marins, embarqués sur des unités de la «Royale» (la marine de guerre française) ou de la flotte de commerce. Le reste s'adonne à la petite pêche, au commerce ou à l'agriculture. Les retraités aussi sont en majorité d'ex-marins. Le sens de la solidarité qu'ont les gens de mer est connu. C'est en s'appuyant sur lui que, peut-être, on pourra débloquer la situation.
     Que veulent, au fond, les habitants de Plogoff? Qu'on les laisse en paix vaquer à leurs occupations. Fi des retombées économiques et sociales du chantier, des deux mille emplois qu'il créera pendant une assez longue période et dont une part appréciable ira à la main d'oeuvre locale, de la fraction des dépenses d'investissement dépensée sur place et du coup de fouet qu'elle donnera aux activités locales. Fi aussi du produit de la taxe professionnelle que paiera la future centrale. On est bien comme cela. C'est-à-dire?
     C'est-à-dire que l'essentiel de la force de travail est consacré à des activités d'intérêt collectif et rémunéré par elle