La façon dont une partie appréciable
de la population a réagi, dès avant l'ouverture de l'enquête,
qualifiée a priori de «bidon», est hautement
critiquable et, pour parler net, inadmissible. Dès novembre dernier,
le maire de Plogoff, Monsieur Jean-Marie Kerloc'h ne craignait pas de proclamer:
«J'appelle à la violence».
Propos d'un démagogue irresponsable,
et cas de révocation: ce monsieur est indigne de ceindre une écharpe
tricolore. Irresponsable, il l'est d'ailleurs devenu en fait, puisqu'aujourd'hui
un «comité de défense» s'est pratiquement substitué
à lui pour tout régenter dans la commune. Ces extrémistes
font régner un véritable terrorisme. Un habitant, M. Yven,
qui avait refusé de signer la pétition demandant le départ
des forces de l'ordre, a vu sa maison couverte de croix gammées,
et a porté plainte contre la présidente du comité.
Il décrit ainsi la situation: «On ne peut, en ce moment,
même pas être sans opinion. il faut non seulement être
antinucléaire, mais encore participer activement aux actions. J'affirme
qu'à Plogoff, les gens ne sont pas libres de s'exprimer.»
Une telle situation est intolérable,
et les pouvoirs publics ont raison de ne pas la tolérer. De tels
procédés ne sont pas en accord avec les buts élevés
qu'ils prétendent servir. Ils ne font que discréditer l'opposition
à la centrale et ôter beaucoup de crédibilité
aux «majorités» mobilisées contre elle. Quelles
majorités d'ailleurs? Dans les dix premiers jours de l'enquête,
120 personnes ont consulté les registres, dont plus de cent dans
les mairies annexes pourtant «surveillées» par le comité
de défense, les mairies elles-mêmes étant «en
grève» afin de faire obstacle au déroulement de l'enquête.
Soit en gros un dixième de la population concernée, si l'on
considère que chaque personne représente une famille. Sur
ce total, 28 observations seulement ont été consignées,
dont 19 en faveur de la centrale, 4 contre et 5 dubitatives ou interrogatives.
Apparemment, il n'est pas facile de se faire une opinion au vu du dossier!
S'opposer à l'application de la loi,
au libre exercice du droit à l'information et à la libre
expression, refuser l'information elle-même - ne fût-ce que
pour dénoncer de façon précise ses insuffisances -
n'est certes pas un bon moyen de faire valoir ses droits. Encourager l'amalgame
avec des factions tout à fait étrangères aux intérêts
locaux en jeu, c'est s'exposer à des récupérations,
politiques ou autres, qui ne feront qu'embrouiller le problème et
radicaliser les positions, sans profit pour les intéressés.
Ils sont quelques milliers, «mais par un prompt renfort, on les
compta vingt mille à camper sur le site» le dimanche 3
février qui suivait l'ouverture de l'enquête. Leurs affaires
en seront-elles avancées pour autant? il est permis d'en douter.
L'apparition plus récente de «cocktails Molotov»
fait craindre pire encore. De toutes façons, comme l'a relevé
le ministère de l'industrie, «on ne voit pas pourquoi certaines
minorités, parce qu'elles sont plus sonores, auraient plus de poids
que l'ensemble des citoyens. »
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Pourtant, il faudra bien trouver une
issue et, sur ce chemin, l'enquête publique n'est après tout
qu'une étape. Toutes les instances régionales et départementales
élues, y compris le député de la circonscription,
ont réaffirmé leur soutien au projet. Comment dès
lors convaincre les irréductibles? A notre avis, il y a quelque
chose à tenter dans une direction assez peu explorée jusqu'à
présent, et dont il serait fort étonnant qu'elle ne trouve
aucun écho auprès des gens de Plogoff, qui sont avant tout
des gens de mer. En effet, les deux tiers des actifs sont marins, embarqués
sur des unités de la «Royale» (la marine de guerre française)
ou de la flotte de commerce. Le reste s'adonne à la petite pêche,
au commerce ou à l'agriculture. Les retraités aussi sont
en majorité d'ex-marins. Le sens de la solidarité qu'ont
les gens de mer est connu. C'est en s'appuyant sur lui que, peut-être,
on pourra débloquer la situation.
Que veulent, au fond, les habitants de Plogoff?
Qu'on les laisse en paix vaquer à leurs occupations. Fi des retombées
économiques et sociales du chantier, des deux mille emplois qu'il
créera pendant une assez longue période et dont une part
appréciable ira à la main d'oeuvre locale, de la fraction
des dépenses d'investissement dépensée sur place et
du coup de fouet qu'elle donnera aux activités locales. Fi aussi
du produit de la taxe professionnelle que paiera la future centrale. On
est bien comme cela. C'est-à-dire?
C'est-à-dire que l'essentiel de la
force de travail est consacré à des activités d'intérêt
collectif et rémunéré par elle
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