Rivaldo ou Beckham ? Beckham ou Rivaldo ? Ainsi le match était-il généralement annoncé, au vu de ce que les deux hommes avaient réussi durant l'année, tant sur le plan individuel que collectif. Mais si un match eut bien lieu, ce fut un match à distance, soixante-cinq points séparant les deux hommes sous la banderole d'arrivée, et ce en faveur du Brésilien. Par quelque bout qu'on empoigna le sujet, le Ballon d'Or 1999 ne paraissait guère devoir échapper à Rivaldo, déjà signalé dans la compagnie des meilleurs l'année précédente (cinquième). Son palmarès ? Sans être inégalable, il aurait fait le bonheur de n'importe quel gros bras, et d'abord le bonheur de Zinédine Zidane, sorti aussi léger de l'année 1999 qu'il y avait pénétré. Champion d'Espagne avec Barcelone (24 buts), vainqueur, meilleur buteur et meilleur joueur de la Copa America avec le Brésil. Son talent ? Celui d'un passeur-buteur et, plus généralement, d'un animateur côté gauche, comme le football moderne aime les fabriquer, souvent flanqué de son pendant côté droit. Haut perché, regard circulaire, Rivaldo protège et caresse le ballon autant qu'il le fouette avec violence dans l'infinie variété de la gamme offerte au gaucher qu'il est naturellement ; le septième recensé au palmarès, après Suarez (1960), Sivori (1961), Charlton (1966), Rivera (1969), Blokhine (1975) et Stoitchkov (1994). Après Weah (1995) et Ronaldo (1997), l'artiste brésilien fut le troisième joueur non européen à inscrire son nom au « hit-parade » du Ballon d'Or depuis la « mondialisation » du trophée adoptée en 1995. |
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UN TRÉS GRAND SOLISTE | ||||||||||
Lorsqu'il arriva du Brésil à La Corogne, en 1996, il joua d'abord en pointe, dans une équipe qui aimait partir de loin. Il se montra à l'aise, car sa vitesse et son instinct des bonnes trajectoires de démarquage, ainsi que sa force en un contre un lui permettaient de se frayer un chemin jusqu'au gardien. S'il succéda à Ronaldo au Barça, il ne le remplaça pas vraiment. Tout en restant un attaquant presque exclusif, il dut faire appel à d'autres facettes de son talent. Au sein d'une équipe beaucoup plus dominatrice, il lui fallut jouer dans un mouchoir. Il fallait aussi partir de plus loin, car il y avait des attaquants-pivots devant lui. Cela ne lui posa pas de problème et il continua à marquer beaucoup de buts. Il est vrai que ce qu'il perdait de liberté par le style de sa nouvelle équipe, il le regagnait par l'exceptionnelle qualité de ses nouveaux coéquipiers : quand, en plus de Rivaldo, il faut aussi s'occuper de Kluivert, de Figo ou de Luis Enrique, tous joueurs de haute volée, il n'est pas question de doubler les postes ! Rivaldo est d'abord un buteur. Il sait enchaîner très vite et frapper avant le tacle du défenseur ou entre ses jambes. A courte distance, il utilise plutôt une frappe basse et croisée depuis sa position préférée, légèrement à gauche en regardant le but. Une frappe qui trouve souvent le petit filet opposé car, comme Gerd Müller ou Just Fontaine, ou comme les grands gardiens, ses rivaux, il sait toujours où sont les poteaux. Bien qu'il ne se serve pas outre mesure d'un gabarit plus que respectable, il possède une grande maîtrise corporelle qui lui permet des gestes acrobatiques difficiles. Il est gaucher, mais pas exclusivement, et comme la plupart des Brésiliens sa frappe de loin est très largement au-dessus de la moyenne. S'il peut faire marquer des buts, il n'est pas un grand joueur d'équipe comme Zidane ou Beckham, mais plutôt un très grand soliste. Lors du Mondial 98, il occupait une position plus reculée qu'à Barcelone, presque un rôle de meneur. Il n'y fut pas mauvais, mais ce n'est peut-être pas sa meilleure utilisation, et on aurait aimé voir ce qu'il aurait fait en se tenant plus près de Ronaldo, à la place d'un Bebeto un peu usé. Mais il est vrai qu'il ne semble pas y avoir de feeling naturel entre lui et le joueur de l'Inter, plus à l'aise lorsqu'il est associé en attaque à l'habile remiseur qu'est Romario. C'est peut-être un domaine où Rivaldo peut progresser. Mais il ne faudra jamais trop éloigner du but adverse cet artilleur d'élite. Jean-Jacques Vierne
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