NANTES
La salle d'audience est comble. Et l'ambiance est lourde déjà quand les trois policiers viennent s'asseoir au premier rang. Dans leur dos, des dizaines de collègues, syndiqués ou non, font corps. Leur hiérarchie est là aussi.
Deux ans et demi après la mort par noyade de Taoufik El-Amri, ces trois fonctionnaires aux
« bons états de service », âgés de 32, 36 et 45 ans, répondent de « faux témoignage » et de « délaissement d'une personne incapable de se protéger ». Une première en France.
Le premier délit n'est pas contesté. Après la disparition, tous les trois avaient menti sur le lieu où ils avaient déposé l'ouvrier tunisien.
« On a fait une connerie, on l'a toujours reconnu ! », répond le plus âgé à la barre.
« Tout le monde ne parlait que de ça. On était paniqué. Des commentaires tendancieux étaient faits. Certains laissaient entendre qu'il avait été tabassé. On ne voulait pas être accusés de tout ça. Tout ça était totalement faux. Mais on s'est dit que personne n'allait nous croire...
»Abandon ? Le procureur François Touron se lève. Et questionne les prévenus, comme on conduirait un interrogatoire. Selon lui,
« ce mensonge » a servi à masquer l'autre délit,
« beaucoup plus grave ». Les policiers ont toujours maintenu que Taoufik El-Amri avait bu, mais qu'il n'était
« pas ivre ». Ils sont restés sur leur position, hier à la barre.
« Mais des témoins l'ont vu ! Il était perdu ! Il tanguait ! Plus tôt, il avait vomi ! Et le légiste a estimé qu'il avait 3,74 d'alcool dans le sang ! Si ce n'est pas de l'ivresse publique manifeste, c'est quoi ? », tonne le procureur.
« Vous vous en êtes débarrassés comme d'un paquet encombrant ! »
« Apprécier l'ivresse...
C'est un acte médical qu'on nous demande », répondent les fonctionnaires, toujours solidaires.
« Si l'on devait prendre en charge tous les gens qui sortent des bars...
Ce serait impossible. » Et puis, il a pu boire
« après », dit la défense.
« On ignore ce qui s'est passé après...
»Six mois de sursis requisLe procureur a requis six mois de prison avec sursis à l'encontre des trois policiers. Il a renoncé à prononcer une interdiction d'exercer. Pendant six mois et demi après les faits, l'administration les avait déjà suspendus, avec baisse de salaires à la clé. Le jugement a été mis en délibéré au 26 février prochain, 14 h.
Priscillia, la veuve de Taoufik El-Amri, a suivi les débats, seule, en silence. La mort du père de sa fille reste un mystère. ?
Anne-Hélène Dorisonanne-helene.dorison@presse-ocean.com