Un virus responsable de la surmortalité des huîtres ?
Selon les chercheurs de l’Ifremer, la surmortalité dont sont victimes les huîtres juvéniles serait certainement due à un virus. Bien connu des scientifiques, cet agent pathogène aurait bénéficié, en cet été 2008, de conditions environnementales favorables.
L’Ostreid Herpes Virus 1 (OsHV-1) a été mis en évidence chez diverses espèces de Bivalves, provoquant à chaque fois des mortalités anormales [1]. Selon Tristan Renault, chercheur au centre Ifremer de La Tremblade (Charentes-Maritimes), ce virus serait responsable des records de mortalité enregistrés ces dernières semaines (40 à 100% selon les zones). Les conditions climatiques - un hiver doux et un printemps pluvieux - ont permis le développement des micro-algues, dont se nourrissent les huîtres. Cette nourriture abondante a entraîné une croissance rapide et une maturation précoce du coquillage, le laissant paradoxalement plus fragile face aux agents pathogènes : « Cette maturation n’est pas forcément un élément positif pour l’animal car il utilise alors beaucoup d’énergie pour développer ses produits génitaux et en utilise beaucoup moins pour se défendre », explique le chercheur.
Mais le virus OsHV-1 aurait pu également profiter d’une autre infection, cette fois-ci bactérienne. L’agent pathogène Vibrio splendidus, également détecté dans les échantillons analysés, est connu pour infecter les huîtres lorsque la température de l’eau atteint les 19°c et que les huîtres sont entrées dans une phase de maturation des gonades [2]. Cette infection aurait donc pu faciliter l’entrée du virus OsHV-1, augmentant ainsi la mortalité enregistrée.
L’épidémie a connu une propagation rapide : « C’est un phénomène particulier cette année parce que toutes les zones ont été touchées quasiment en même temps et avec des taux de mortalité très importants, jusqu’à 80 à 100% dans certains parcs », relève Tristan Renault. « Le pic se situe entre la fin juin et la mi-juillet, mais des mortalités sont encore rapportées dans certaine zones ». Les huîtres survivantes ne devraient cependant plus être sensibles à ce virus, ayant résisté à l’infection, et devraient attendre l’âge adulte sans conséquence pour la consommation humaine.
D’autres recherches sont actuellement en cours, notamment au laboratoire Ifremer de Concarneau (Finistère), afin d’identifier l’éventuelle présence d’algues toxiques durant ce pic de mortalité. Un premier bilan économique de la crise aura également lieu le 21 août, au Ministère de la Pèche. Si la filière ne sera pas perturbée par cette crise fin 2008, ses effets s’en feront sentir d’ici 2 à 3 ans, lorsque les huîtres juvéniles arriveront sur nos étals. Le Ministre Michel Barnier a déjà annoncé qu’il mobiliserait des fonds pour venir en aide aux ostréiculteurs touchés par cette mortalité.
Brève proposée par G. Calu
[1] A.J. Davison et coll., “A novel class of herpesvirus with bivalve hosts,” J Gen Virol, vol. 86, Jan. 2005, pp. 41-53.
[2] M. Garnier et coll., “Evidence for the involvement of pathogenic bacteria in summer mortalities of the Pacific oyster Crassostrea gigas,” Microbial Ecology, vol. 53, Fév. 2007, pp. 187-96.