17 janvier 2011

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Tunisie : l'espoir d'un meilleur avenir



Il m'est impossible ce soir de décrie mon admiration pour ce peuple digne et courageux qui a installé un changement aussi rapide et profond. Cela porte un mot, parait-il : la révolution!

Il m'est aussi difficile de décrire la peur et la rage qui m'ont meurtri ces derniers jours en suivant les violences commises par les miliciens de Ben Ali et en m'inquiétant pour les miens.


Ben Ali, en plus d'avoir lâchement fui, a véritablement commis un crime contre son peuple. Il a été traitre, même après son départ. Les tunisiens ont bien fait de le "dégager". Le temps nous aidera à comprendre le complot qu'on a voulu monter contre le pays, tous les responsables seront démaqués. Il devront rendre compte à la justice un jour, à commencer par l'ex-dictateur. Nous y veillerons.


Pour l'instant, les tunisiens reprennent le travail, s'organisent et font de leur mieux pour reprendre un cours de vie normale. Ils se prêtent main forte pour mieux supporter ces moments difficiles et pour aider l'armée dans sa tâche difficile. D'autres s'engagent pour créer des associations, recommencent à construire des projets et s'expriment librement. Tous ont hâte de retrouver leur liberté de dire, d'agir. Et d'effacer les 23 ans de l'ère Ben Ali. L'euphorie de la liberté subitement retrouvée nous gagne de jour en jour. Elle nous rend plus fort.

Un nouveau gouvernement de transition vient de se constituer et cela suscite beaucoup de réactions. Beaucoup ne sont pas satisfaits de la présence dans ce gouvernement de 8 ministres sortants qui appartenaient au "système" Ben Ali. Ils expriment leur crainte de voir le RCD se réinstaller tranquillement et compromettre le changement. Et je les comprends. Tout ce qui appartient ou renvoie à l'ancien régime est violemment rejeté par une écrasante majorité de tunisiens. Le fait qu'on se soit pressé d'enlever par centaines les affiches de Ben Ali et qu'on ait déjà donné de nouveaux noms aux édifices et aux rues qui portaient son nom est un symbole fort de ce rejet. Les suspicions ne se dissiperont qu'une fois le rôle de chacun dans l'ancien régime soit éclairci et connu par tous.


Mais cela prendra du temps. Ce qui est urgent par contre, c'est de diriger le pays et relancer la machine de l'économie.


L'un des effets les plus pervers du pouvoir de Ben Ali est d'avoir écarté durant 23 ans toutes les figures de l'opposition des hautes fonctions de l'État. Cela ne s'improvise pas. Rares sont les figures de l'opposition qui ont l'expérience et l'expertise suffisantes pour diriger un ministère et assumer de telles responsabilités. Certaines personnes ont peut-être le potentiel de le faire, mais cela n'est pas suffisant, surtout en cette période risquée.


Ce nouveau gouvernement est loin d'être parfait. Il est encore trop frileux dans sa communication, et pas assez clair dans son message pour rassurer. Il a également exclu de facto des figures et des mouvements politiques qui, même s'ils n'ont jamais pu exercer dans la légalité sous Ben Ali, existent bien dans le paysage politique tunisien. L'exclusion par exemple de Moncef Marzouki, dirigeant du Congrès pour la république (CPR) et fervent opposant de l'ex dictateur, vient en contradiction des slogans portés par des millions de tunisiens ce dernier mois. Il faut également lever le tabou du parti Enahdha, ou ce qu'il en reste, et accepter le fait qu'une partie de nos concitoyens est pour un parti politique religieux. Nous le constatons autour de nous, nous vivons avec eux, ils ne sont pas tous des "terroristes". Il nous faut maintenant juger si ce parti est prêt à respecter les lois de la République, les acquis et les aspirations d'une majorité de tunisiens. Rappelons-nous, le peuple tunisien a été exclu durant 23 ans de la scène publique et politique, il a fini par se retourner contre son oppresseur...


Il nous faut donc rester vigilants mais raisonnables. Ne pas désespérer pour le moindre recul et la moindre erreur, et ne pas s'emporter pour la moindre avancée. Le système Ben Ali est en cours de démentellement, à nous de sécuriser et sauvegarder chaque pas fait en avant. Faisons en sorte que les libertés soient vraiment assurées en dénonçant chaque abus. Les prisonniers politiques vont être libérés et les exilés vont enfin pouvoir rentrer chez eux. Faisons en sorte que ce nouveau gouvernement respecte cette promesse. La censure vient d'être levée, sauvegardons une toile libre.


Le chemin à parcourir est encore long, il sera aussi semé d'embuches. Mais après ce que nous venons de vivre, comment ne pas nourrir l'espoir d'un meilleur avenir?

Photo prise lors de la manifestation de Samedi 15 janvier 2011 à Paris

29 décembre 2010

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Sidibouzid


Une onde de choc secoue une bonne partie de la Tunisie depuis les premières tentatives de suicide de jeunes chômeurs survenues à Sidibouzid il y a près de deux semaines. Alors que les émeutes de la faim à redeyef se sont limitées au gouvernorat de Gafsa, on assiste aujourd’hui à un effet boule de « feu » unique en son genre dans un pays étroitement contrôlé par la police et l’armée, et où les soulèvements populaires sont rares. Par effet de contagion, le sentiment de solidarité aux gens de Sidibouzid a traversé le pays.

Il y a plusieurs raisons à cela. Pour n’en citer que quelques unes : le symbole fort d’un geste violent et choquant – le suicide comme effet direct du chômage-, le rôle fédérateur joué par les syndicats, le courage de beaucoup de tunisiens qui ont osé affronter la répression policière dans la rue, et l’effort déployé par les internautes sur les réseaux de partage pour faire circuler l’information et créer le buzz malgré la censure.

Ces manifestations, qui ne s’estompent pas malgré la répression et le blackout des médias traditionnels, sont riches en enseignements.

Nous constatons d’abord que la peur du peuple tunisien a une limite, celle de la dignité perdue. La dignité peut-elle résister au chômage de longue durée, à la pauvreté, à l’exclusion sociale et aux gouvernants corrompus ?

Nous avons aussi une nouvelle fois la preuve que les solutions sécuritaires et la violence de la réponse du pouvoir à chaque soulèvement populaire ont un effet quasi-nul sur l’évolution de la situation. Quelque soient les promesses d’investissements faites par le gouvernement, la situation en région ne s’améliorera pas sans solutions durables, réfléchies et discutées avec les populations concernées.

Le corps syndical, et surtout sa base, se réaffirme au juste moment comme une force vive de la société et de la politique tunisienne. Il fait partie des rares parties prenantes au dialogue social capable de relayer des messages et de défendre les droits. Quant aux médias obéissants, ils ont encore une fois raté l’occasion de se racheter une crédibilité…

Le black-out médiatique, la désinformation et la censure continuent à montrer leurs limites. On n’a jamais été aussi bien renseigné sur ce qui se passe. Le partage viral et instantané des photos, vidéos et témoignages des manifestants sur Facebook et twitter a été intensif depuis le début du mouvement. La frontière entre le réel et le virtuel n’a jamais été aussi étroite, rendant possible aux tunisiens en Amérique et au Canada de suivre en direct le cours des choses, grâce aux informations qui remontent « du terrain ».

Rendons hommage enfin à tous ceux qui participent, de près ou de loin, à marquer ces jours dans l’histoire de la Tunisie. Car il s’agit véritablement d’une étape franchie, celle qui fait tomber les masques et qui réunit, une nouvelle fois depuis bien longtemps, les tunisiens de toutes régions. C'est déjà cela de gagné..

20 août 2010

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Tunisie : allegeance au souverain

Restant dans la pure tradition benna-liste, qui doit elle-même remonter à la vieille tradition d'allégeance beylicale, des personnalités tunisiennes "d'envergure" ont lancé un appel à l'officialisation de la présidence à vie.

Au delà du véritable poids de ces 1000 et quelques noms dans la société tunisienne, et de l'impact réel de telles manifestations de soutien sur l'opinion publique, ces nouvelles listes témoignent de deux faits inédits.

En premier lieu, la date de diffusion de ces nouveaux appels : un an environ après la réélection du président. Traditionnellement, ces messages de soutien précèdent les périodes électorales d'un ou deux ans maximum. Ces nouveaux appels sont alors bien précoces pour concerner les prochaines élections qui ne se déroulent qu'en 2014. Tout porte à croire qu'ils viennent en appui et en préparation d'un autre évènement qui surviendrait en mi-mandat : probablement une nouvelle piqure de botox pour rajeunir notre constitution...

Il y a ensuite la composition de cette liste de noms qui diffère des précédentes dans le poids des secteurs de la société tunisienne représentés. Dans l'appel des 1000, l'élite économique du pays, qui occupaient naguère des positions minoritaires, prend cette fois la tête de la liste et une place importante en termes de nombre de signataires. Le poids des élites intellectuelles (avocats et universitaires) reste néanmoins important dans la liste. Preuve s'il en faut de la maturité des nombreux réseaux de corruption et de clientélisme, proches du pouvoir, et qui contribuent à son maintien pour la sauvegarde de leurs propres rentes.

Ces appels sonnent en tous cas l'ouverture du bal "démocratique" tunisien qui va façonner la Tunisie de demain. Avec pour thème principal : l'art anticonstitutionnel de rester au pouvoir. A suivre...

20 mai 2010

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Message de Neo à AMMAR 404

Message de Neo à AMMAR 404 from Malek404 on Vimeo.

01 mai 2010

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Censored


Comme pour des dizaines de blogs et de sites tunisiens et étrangers, ce blog a été fauché par la dernière vague de censure qui s'est abattue sur le net tunisien cette semaine. Il est désormais inaccessible pour les lecteurs de Tunisie, même s'il existe toujours des moyens de contourner le blocage : en rajoutant S à http ou WWW à l'adresse du site, en s'abonnant aux posts par mail ou par flux RSS, en le suivant sur Facebook, en utilisant un proxy, etc.



La Tunisie prouve une nouvelle fois qu'elle est à la pointe de la
cybercenure. En dix ans de bons et loyaux services, l'ATI a eu le temps de faire des ravages et d'étendre sa censure au delà du champ politique, en ciblant aussi les réseaux sociaux et la blogosphère. Sur les 69 adresses de mon blogroll, 31 sont aujourd'hui censurées en Tunisie, soit un peu moins de la moitié! Les internautes tunisiens, tout en payant l'accès à un internet sensé être illimité, n'ont plus accès qu'à une version partielle et très allégée du net qui les prive de regarder des photos sur Flickr, des vidéos sur Youtube, de lire des articles sur Rue89, ou des blogs sur tunisr.com...Le plus ridicule dans cette situation est que les internautes ne payent pas seulement cher pour accéder à un internet limité, mais financent aussi cette limitation par l'argent de leurs impôts qui est dilapidé dans une censure....qui peut être contournée!

Hypocrisie, gaspillage d'argent, et atteinte aux droits et libertés constitutionnelles sont donc les ingrédients de cette censure qui place très justement la Tunisie parmi la liste très sélective des pays "
Ennemis d'Internet". Les tunisiens seront encore plus perdants qu'ils ne le sont déjà s'ils ne sont pas nombreux à exprimer leur désaccord avec cette censure massive et s'ils finissent par s'habituer à cette situation, au risque de la normaliser... Nous ne sommes pas libres réellement, tentons alors de le rester virtuellement!

Quelques liens pour aller plus loin sur la dernière vague de censure et pour participer aux différentes manifestations :


Censure massive de l’internet en Tunisie à l’approche des élections municipales
- ReadWriteWeb
Censure massive de l’internet en Tunisie
- minutebuzz
Massacre sur la toile
- Les Amis d'Attariq
Tunisie : Les pros du web face à l’erreur 404
- tekiano.com
Protestations contre la censure en Tunisie
- Korben
Tunisia: flickr, video-sharing websites, blogs aggregators and critial blogs are not welcome
- Global Voices Advocacy
Tunisie : La Journée noire du net
- TunisiaWatch
404 NOT FOUND
! Envoyez-vos photos pour protester
Liste de sites censurés en Tunisie

SAYEB SALAH
- Rejoignez le groupe Facebook de protestation
Manifestation réelle pour une liberté virtuelle
- Soyez présents
Le non-droit et l'arbitraire
Ammar : Arme de débilisation massive

مجزرة فكرية


25 avril 2010

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Elus de Tunisie


Preuve, s'il en faut, de l'état de dérèglement extrême dans lequel se trouvent l'État et le système politique tunisiens, une tendance pas tout à fait récente mais qui se confirme d'une échéance électorale à l'autre vient marquer les municipales du mois prochain. Il s'agit de la multiplication d'un nouveau genre "d'élus", qui sont avant tout de riches hommes d'affaires issus du sérail présidentiel.

Ces "élus" ont généralement commencé à construire des fortunes personnelles par des stratégies d'alliances familiales, claniques ou clientélistes qui leur ouvrent grand les portes du "marché". Ils partent ensuite à la quête de pouvoir politico-administratif, précieux sésame pour accélérer leur montée en puissance, en empruntant
évidemment les couloirs accueillants du parti au pouvoir.

On peut penser qu'avant même d'obtenir des mandats représentatifs et donc un certain pouvoir officiel de décision et de contrôle, ils bénéficiaient d'une manière informelle de facilités par leur statut de proche - privilégié. A la différence près qu'ils sont aujourd'hui nombreux à afficher leurs prétentions et à assumer une visibilité institutionnelle en devenant députés ou maires. Ainsi, le "changement" se fait de plus en plus dans la transparence...

Au delà de la question de la légitimité de ces parachutés, un tel mélange des genres nuit gravement à la crédibilité de l'État. Il vide les institutions de leur contenu en les court-circuitant et en supprimant toute notion de représentativité dans le système électoral. Il devient de plus en plus évident que les hommes clés de la machine étatique sont élus par en haut, plutôt que par en bas. Pourquoi alors continuer à reprocher aux citoyens et surtout aux plus jeunes d'entre eux leur désintéressement de la vie politique et leur retrait de la scène publique? Ces jeunes perçoivent les institutions de l'État soit comme des boites noires qui encadrent, surveillent censurent et répriment, soit comme des poules aux œufs d'or qui bénéficient à une infime minorité de privilégiés. Face à une telle réalité, on peut davantage parler de méfiance, de crainte ou de frustration que de désintéressement des citoyens de la vie politique de leur pays. Ils peuvent au contraire montrer un certain intérêt pour des élections étrangères, comme pour les présidentielles françaises.
Simplement parce qu'elles sont plus crédibles et qu'elles permettent de maintenir le lien entre la société et l'État, plutôt que de le détruire...

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27 mars 2010

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"Que pensez-vous des blogs?"


Qui fait attention aux sondages qui paraissent sur les sites des journaux et quotidiens tunisiens? Personnellement pas trop, les thèmes choisis sont souvent légers ou futiles, et leur construction hasardeuse...

C'est que nous n'avons pas encore la culture du sondage en Tunisie. L'opinion étant strictement contrôlée, ou plutôt "encadrée" selon la terminologie gouvernementale, les sondages n'ont pas lieu d'être dans le pays de la censure.

Mais... les deux derniers sondages parus sur le site du journal LeTemps retiennent l'attention. Le sondage de la semaine dernière traitait des blogs, une fois n'est pas coutume...Avec une question "bateau" :
Que pensez-vous des blogs? et le choix entre 4 réponses dont je vous laisse juger la pertinence:



Le résultat est intéressant : environ 37% des répondants portent un intérêt aux blogs, 34% pensent qu'ils sont inutiles, et 28% n'ont pas d'opinion. On peut croire qu'il y a autant d'opinions positives que d'opinions négatives exprimées par les sondés au sujet des blogs.

Ces résultats prennent encore plus de sens si l'on consulte le sondage suivant, paru cette semaine, qui concerne cette fois les journaux :



On peut certes douter de la représentativité de ces résultats. Mais il semble clair que la vraie question posée derrière ces sondages est celle du lectorat des journaux face à celui, encore tout relatif, des blogs. Et la question se pose vraiment aujourd'hui à l'ère du journalisme de désinformation et de propagande : qui les lirait encore si on supprimait les pages d'annonce, de pub, de sport et de nécrologie?