10 mars 2011

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Ses récentes condamnations des manifestations de l’opposition n’auront pas suffi à l’épargner. À 76 ans, l’ex-président iranien modéré Ali-Akbar Hashemi Rafsandjani, surnommé “le requin”, vient de perdre son poste à la tête de la puissante Assemblée des experts, dernier organe clé en date à passer aux mains des ultraconservateurs iraniens.

Ali-Akbar Hashemi Rafsandjani, qui briguait un troisième mandat de deux ans a décidé de céder sa place suite à la candidature de dernière minute de l’ayatollah Mohammad Reza Mahdavi Kani, un religieux conservateur âgé de 80 ans et à la santé plus que fragile, soutenu par les conservateurs et les partisans du président Mahmoud Ahmadinejad.

Rafsanjani a expliqué à l’Assemblée qu’il ne serait pas candidat à sa succession, pour “éviter la division”, si Kani se présentait. Seul candidat de facto, ce dernier a été élu mardi avec 63 voix.

L’Assemblée des experts est un puissant organe composé de 86 religieux et qui a pour but de nommer, de surveiller, et le cas échéant, de révoquer le Guide suprême, l’ayatollah Khamenei, âgé de 71 ans.

Rafsandjani conserve néanmoins un autre poste important au sein du régime, à la présidence du Conseil de discernement qui conseille le Guide et arbitre les litiges entre Parlement et gouvernement, qui sont légions ces derniers mois.

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Proche de l’ayatollah Khomeiny, le père fondateur de la République islamique, Rafsandjani a été nommé chef du premier Parlement islamique en 1980. Nommé chef des armées iraniennes par Khomeiny en mars 1988, il impose un mois plus tard le cessez-le-feu avec l’Irak après huit ans de guerre. Contribuant grandement à l’écartement du pouvoir du Grand Ayatollah Montazeri et à la nomination de l’ayatollah Khamenei au poste de Guide suprême (celui-ci ne disposait pourtant pas des qualifications nécessaires), il a été élu président de la République pour deux mandats de 1989 à 1997.

Même si ses huit ans de présidence ont permis un redressement de l’économie iranienne d’après guerre et une ouverture politique et commerciale vis à vis de l’Occident, ils ont également été marqués par l’exécution de nombreux intellectuels et prisonniers politiques et ont installés en Iran un climat de répression et de confiscation des libertés, notamment des jeunes et des femmes.

Malgré les faveurs de l’Occident, Hashemi Rafsandjani a lui aussi été l’auteur de violentes diatribes. En 2001, il annonce que « le pays d’Israël doit être anéanti par une bombe atomique islamique » sans occasionner la moindre condamnation occidentale. Il est également sous le coup d’un double mandat d’arrêt à la suite de l’assassinat d’opposants kurdes iraniens dans un restaurant de Berlin en 1993, et pour l’attentat à la bombe contre un centre culturel juif, en 1998 en plein Buenos Aires.

En 2005, il est le favori de l’élection présidentielle pour laquelle il va jusqu’à payer des jeunes filles et garçons « fashion » pour assurer sa publicité dans les rues de la capitale. Lors d’une interview télévisée début 2005, il a même annoncé que les femmes ne devraient porter, s’il est élu, « qu’un petit quelque chose sur leurs cheveux » en guise de foulard.

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Mais celui qu’on appelle le requin pour son absence de barbe est vite rattrapé par son passé. Accusé de s’être copieusement enrichi durant sa présidence, ce magnat de la pistache est battu au second tour par un inconnu populiste d’apparence modeste, qui s’est attiré les faveurs du Guide suprême : Mahmoud Ahmadinejad…

Après un an de silence et malgré de vastes allégations de fraudes en 2005, il obtient sa revanche en décembre 2006, en étant nommé président de l’Assemblée des experts, et en obtenant une majorité de sièges aux élections municipales. Deux ans plus tard, il est réélu à l’Assemblée des experts, se permettant au passage de battre le mentor idéologique de Mahmoud Ahmadinejad, l’ayatollah ultraconservateur Mesbah Yazdi.

Tout se passe alors à merveille pour l’un des hommes clés du Régime iranien, jusqu’à une certaine présidentielle de 2009, durant laquelle il soutient financièrement et politiquement MirHossein Moussavi et son mouvement vert réformateur. Lors des débats télévisés, une première en République islamique, Mahmoud Ahmadinejd accuse publiquement Rafsandjani et sa famille de s’être illégalement enrichis, une attaque sans précédent contre un haut dignitaire du Régime. Et le point de non retour est atteint le 17 juillet 2009, à la prière du vendredi, lorsque Hashemi appelle le pouvoir à « répondre aux doutes du peuple sur l’élection », estimant que le scrutin « entame la confiance d’une partie de la population envers le Régime ». Dès lors, les ultraconservateurs vont tout faire pour l’éliminer de la scène politique.

Malgré ses déclarations contradictoires, soutenant tour à tour opposition et gouvernement en fonction de ses intérêts, l’étau va peu à peu se resserrer autour de l’ex-président, qui va voir son fils Mehdi être contraint de fuir le pays après qu’un mandat d’arrêt ait été délivré contre lui. Son autre fils, Mohsen, va devoir démissionner de la tête du métro de Téhéran qu’il dirigeait depuis 13 ans. Sa fille Faezeh va être brièvement arrêtée lors d’une manifestation de l’opposition et être traitée de « prostituée ».

Peut-on en déduire que Rafsandjani est définitivement écarté de la vie politique iranienne, et l’opposition, orpheline de toute grande figure après l’arrestation de ses leaders ?

« Rafsandjani est un véritable requin politique, beaucoup trop rusé pour se laisser éliminer de la sorte », explique un analyste politique iranien ayant requis l’anonymat. « Il est déjà réapparu à de multiples reprises encore plus fort, alors que tout le monde l’avait déjà enterré ». Ainsi, lors de son discours d’adieu devant l’Assemblée, repris par l’agence de presse ISNA, l’ex-président s’est livré à une critique sans précédent du Régime iranien : « La République islamique a perdu la confiance des fidèles, la solution n’est pas la terreur mais le dialogue », a-t-il déclaré, avant d’affirmer que « les décisions sont prises en dehors de l’assemblée », une allusion à peine voilée au Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei.

« Le divorce entre Rafsandjani et le Guide est définitivement consommé », reprend l’analyste. « De toute façon, cela fait des années que cette assemblée ne dispose d’aucun pouvoir ».

Mardi, le site d’opposition Kaleme, a annoncé que le leader d’opposition Mir Hossein Moussavi et sa femme Zahra Rahnavard se trouvaient à leur domicile et n’avaient pas été emprisonnés, comme indiqué précédemment. Présentant ses excuses, le site de l’opposant a ajouté que les deux opposants restaient tout de même assignés à domicile, une sanction décrite comme « illégale ». L’autre site de l’opposition, Sahamnews.org, a affirmé pour sa part qu’il ne disposait « d’aucune information sur la situation de Mehdi Karoubi (autre opposant) et de sa femme », mais qu’il avait de fortes raisons de penser qu’ils avaient été « transférés vers un lieu inconnu ».

Le même jour, l’opposition iranienne a tenté à nouveau de manifester à l’occasion de la journée mondiale de la femme, mais s’est heurtée aux forces de sécurité qui s’étaient déployées sur les principales places de la capitale pour étouffer toute tentative de manifestation, affirme Kaleme. “Plusieurs grenades lacrymogènes ont été tirées par les forces de l’ordre sur la place Enqelab pour disperser les manifestants”, annonce le site.

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Commentaires

  1. […] À 76 ans, l’ex-président iranien modéré Ali-Akbar Hashemi Rafsandjani, vient de perdre son poste à la tête de la puissante Assemblée des experts, dernier organe clé en date à passer aux mains des ultraconservateurs iraniens. Le Monde.fr : à la Une […]

  2. […] Lire la suite : Iran : la fin du requin Rafsandjani ? Cet article est sur : Le Monde […]

  3. Gérontocratie!

  4. Les rats quittent le navire, euh, les requins sautent du barrage! Enfin bref…

  5. Je propose un compromis : les requins viennent pour manger les rats qui quittent le navire suite à l’effondrement du barrage.

  6. […] Source de l’article publié par Classé dans : Crise financiere « Articles précédents : «La galère de vivre dans 9m² pour 400 euros…» Articles suivants : Joseph Blatter contesté à la tête de la FIFA » articles d’actualité immobilieres relatives:Iran : "Moussavi et Karoubi pourraient être condamnés"Nombreuses manifestations pour la démocratie au Proche-OrientNombreuses manifestations pour la démocratie au Proche-OrientNombreuses manifestations pour la démocratie au Proche-OrientJoseph Blatter contesté à la tête de la FIFA […]

  7. Devant le durcissement de plus en prononcé du régime, Rafsandjani a compris qu’il n’avait aucun intérêt à s’associer trop clairement avec ce pouvoir et qu’il en serait éjecté s’il ne partait pas de bonne grâce.
    Je l’approuverais par ailleurs de n’être pas barbu : qui est doté par la nature d’un menton énergique n’a aucun intérêt à le cacher, c’est un facteur d’autorité. Pourtant, Monsieur Balladur n’a jamais été barbu à ma connaissance.
    Pour son avenir, à 76 ans, c’est aussi une question d’espérance de vie… Si le régime perdure et s’il obtient la bombe atomique, il n’aura plus besoin des extrémistes et Ahmadinedjad sera remplacé par quelqu’un de plus consensuel, ça c’est probable mais ça fait deux “si”.

  8. Rafsandjani n’est pas barbu pour la seule raison qu’il est imberbe “génétiquement”, il ne peut pas avoir de barbe ! C’est vrai que cela doit être difficile à porter en Iran !

  9. Imaginez que la France soit dirigée par un gouvernement et un parlement constitués d’évêques, d’archevêques, de curés. Non ce ne serait pas drôle du tout.

  10. La fin d’un requin? En France, nous avons aussi un beau banc de requins. Imaginez ce titre pour une personnalité française.Je ne suis pas certain pour l’auteur que notre soi-disant démocratie laisse passer cela.

  11. Encore un de debarqué et il y en aura d’autres c’est quasiment sur.Celui-là a ete mis sur la touche mais les autres opposants seront politiquement eliminés pour toujours exactement comme les opposants royalistes.Et savez vous pourquoi ? Tout simplement pour avoir été soutenus par l’occident.Un coup de main impardonnable aux yeux des Iraniens qui forment la majorité qui a voté Ahmadinajed.Les autres pretendent que la victoire leur a été volée sans apporter la preuve.c’est comme dans un match de football,le vaincu dira que c’est la faute à l’arbitre ou le mauvais terrain ou le mauvais temps ou tout simplement que les joueurs (electeurs )etaient dans un mauvais jour mais jamais ces vaincus,par manque de Fair-play,ne diront bravo et la prochaine.Amoins qu’ils savent que la prochaine sera un Bis-repetita er là on les comprend s’ils l’avouent.

  12. les dirigeants sont trop virulent envers les juifs ca va leur retomber sur la geule

  13. Par Katave.V

    Bonjour,

    Après le printemps arabe, le Norouz persan ?

    Un peuple riche d’une jeunesse cultivée tournée vers la modernité. La dictature est sans pitié…Juin 2009 , les prémisses d’un retournement inévitable.Le peuple iranien a été victime d’un gros bluff politique en 1978,amalgamant pour un temps… toutes les franges politiques du pays enfin retrouvé mené par le guide et qui subit quelques années plus tard une hémorragie effroyable face à l’Irak nécessaire politiquement pour raviver le nationalisme persan toujours à fleur de peau.Un peuple qui lit et psaume ses poètes en cuisinant :-) ne peut que s’ouvrir au jeu démocratique tant vanté par Darius Shayegan

  14. Je suis tombé par hasard sur un article d’Armin Arefi sur TV5 Monde, qui parle d’un sujet qu’il n’a pas encore abordé ici :
    http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/info/Les-dossiers-de-la-redaction/Shoah-Iran/p-14969-Reception-en-Iran-de-Shoah-un-coup-d-epee-dans-l-eau-.htm

  15. Merci, David, pour cette précision.
    Je donnerais bien les poils qui m’obligent à me raser chaque jour contre un peu plus de cheveux sur le crâne.

  16. La préparation de tcharshambeh souri et Norouz (nouvelle année iranienne .

  17. Paul David >
    c’est une rumeur . en Iran on l’appelle le requin pour çà ;)

  18. Barigot ; Troll de type classique - argumentation primaire et maintes fois répertoriée - pro RI - aucune influence - oubliette

  19. vous certains sur ces sites , arrêtez vos provocations, les iraniens ne sont pas anti-juif, ils sont des amis;
    Mais, le problème avec israel c’est la même chose que la france ou d’autre pays LES critiques envers Iarael;
    C’est la colonistion de la palestine par israel qui est critiqué par l’IRAN , la France et bien d’autres pays.Les iraniens et les juifs sont très proches .
    Cessez-vos bêtises, vos provocations, vos faux jugements…
    La paix vous dérange,n’est-ce pas ?


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