Archives de la catégorie: 'ordonnance du 2 février 1945'

11 mars 2011

avocats0061.1238625074.gifCertains doutaient de sa capacité à réaffirmer fermement les grands principes juridiques de la démocratie française, le Conseil constitutionnel leur aura infligé un démenti vigoureux et vivifiant à travers sa décision du 10 mars 2011 sur le recours engagé contre la loi LOPPSI II. 

Ce n’est pas une première. On se souvient de la rigueur de la référence à l’articule 16 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 pour qui toute décision de justice doit être susceptible de recours pour condamner la loi portant ratification de l’accord franco-roumain qui permettait au procureur de la République d’expulser des enfants roumains. Le camouflet avait été cinglant . « Le Monde » sous la plume de Patrick Roger est trop gentil en parlant dans sa livraison du 12 mars 2011 de « sévère réprimande » infligée au gouvernement et à sa majorité. On n’a jamais vu autant de dispositions d’un texte tenu pour majeur, longuement débattu au parlement où siège nous dit-on autant d’éminents juristes, être autant vidé de son contenu, dépecé, éparpillé façon puzzle comme dirait l’Audiard des « Tontons flingueurs ». Au point où c’est bien une orientation politique, celle dégagée dans le discours « fondateur » de Grenoble du 31 juillet 2010 sur la sécurité, qui est désavouée dès lors qu’elle faisait fi de notre cadre juridique et institutionnel. En tout cas, le Conseil ne cède pas : la fin ne saurait justifier les moyens. 

Comment pouvait-on en douter de l’intérieur de l’appareil d’Etat en observant sa composition ? Il est difficile de revenir en détail sur cette décision majeure. Je m’attacherai donc aux dispositions concernant les moins de 18 ans quand il y a à peine 10 jours, l’encre de LOPPSI II étant à peine sèche et la décision du Conseil constitutionnel n’ayant pas encore été rendue, le gouvernement, pour répondre à la dernière commande du président de la République, annonçait une nouvelle couche de reforme (conf. mon précédent post) 

Ainsi le Conseil condamne l’extension du dispositif de peines-planchers au moins de 18 ans non reitérants. Cette mesure revenait à priver les tribunaux pour enfants de leur liberté d’appréciation et à les empêcher de rechercher un sur-mesure indispensable non seulement à la prise en compte de la personnalité de l’enfant-auteur d’infraction, mais à la protection réelle de la société. Le Conseil a vu dans la généralisation votée par le parlement « une atteinte au principe de la spécificité de la justice pénale des mineurs et à sa finalité éducative ».  L’essentiel de la censure vise le projet de la comparution immédiate pour les mineurs devant le tribunal pour enfants. L’introduction du « flagrant délit » était porteur de la contradiction même avec ce même principe constitutionnel qui veut que le temps de l’instruction soit mis à profit pour s’attacher à transformer la personne du jeune délinquant grâce à une démarche éducative. Comment peut-on imaginer que le seul fait d’infliger une peine, ou de menacer de l’infliger, puisse éradiquer ce qu’il est à l’origine d’une comportement asocial ? Le temps de l’instruction n’est pas du temps perdu, mais donne l’occasion de travailler la situation. L’utopie - souvent réalité - est bien qu’au moment du jugement le jeune ne soit plus le délinquant qu’il était. Dans l’intérêt général ! Depuis 1995, à coups de réformes successives, les partisans de la méthode dure ont eu le souci de

- limiter la capacité d’appréciation des juges (obligation de renvoyer devant le juge des enfants le jeune de 16-18 ans qui encourt 7 ans de prison, application des peines-plancher aux récidivistes, excuse de minorité vidée de son contenu pour les 16-18 ans);

- forcer l’agenda du juge en convoquant un jeune à telle date ou en demandant sous le contrôle de la cour d’appel qu’il soit jugé dans un délai de 1 à 3 mois;

- contourner le juge en saisissant directement le tribunal pour enfants grâce à la procédure de présentation immédiate qui permet le prononcé rapide d’une peine de prison rapide sauf à observer un délai d’un mois auquel  le jeune, avec l’accord de ses parents et de son conseil peut renoncer pour être jugé à la première audience utile.  Et ne parlons pas du recours au déférement – un cas sur 2 à Bobigny - au sortir de la garde à vue pour être présenté à un juge des enfants ou à un juge d’instruction et si nécessaire être incarcéré provisoirement.  

Clairement les tenants de la majorité parlementaire se méfie des juges tenus comme laxistes, mais surtout ils ne croient pas aux capacités du travail social pour désengluer un jeune de sa délinquance. La comparution immédiate était au cœur du projet de réforme porté par la commission Varinard de 2008 et du projet de code de justice pénale pour les mineurs encalminé du fait des incertitudes sur la réforme de l’instruction et des interrogations sur le statut du parquet. Laisser passer LOPPSI II sur ce point revenait à entériner la disposition phare de la révolution à laquelle la justice des mineurs est vouée qui supprime l‘instruction obligatoire au nom du « Juger vite pour juger fort ». Le Conseil Constitutionnel l’a parfaitement compris qui frappe un grand coup sur la table. 

La censure de cette disposition est d’autant plus importante que le Garde des Sceaux s’apprêtait à l’étendre en supprimant toute conditions liées à l’âge,  à la réitération ou à la gravité de l’infraction. Une disposition a trouvé grâce aux yeux du Conseil : celle qui veut que le juge des enfants - et non le préfet come cela était initialement proposé par le gouvernement - puisse imposer à tel jeune un couvre-feu en lui interdisant d’être dehors après une certaine heure.  Pour prendre une mesure de ce type depuis longtemps nsle cadre des règles sur le contrôle judiciaire d’ores et déjà applicables - j’interdis au jeune de sortir de chez lui après 19 heures sans l’accord de ses parents sur les lieux et personnes visitées et heure de retour, voire je lui interdis toute sortie nocturne -  je ne peux que me réjouir de voir cette disposition explicitement reprise !  

On se réjouira encore de la condamnation de l’introduction de la responsabilité pénale du fait d’autrui quand le législateur sur proposition de M. Ciotti n’avait pas hésité à décider que les parents pourraient être punis, pas seulement au portefeuille des allocations familiales, mais du fait de leur enfant qui désobéissait au juge. Pourquoi alors ne pas avoir proposé de punir le juge lui-même incapable de se faire respecter ou le procureur pas insuffisamment autoritaire, sinon le ministre de la justice pour n’avoir pas réuni les moyens à donner aux juges pour qu’ils soient performants ? Avec l’introduction de la responsabilité pénale du fait d’autrui une brèche liberticide aurait pu s’ouvrir. A juste titre, le Conseil Constitutionnel y a coupé court. Il reste maintenant au gouvernement à digérer la claque majeure qui vient de lui être infligée et qu’apparemment il n’avait pas vu venir si l’on s’en tient à ses annonces du 3 mars. Il lui revient d’en tirer les conséquences et désormais de bien vouloir être plus prudent, sauf à vouloir pratiquer les effets d’annonce. Il lui faut notemment renoncer à cette idée farfelue de tribunal correctionnel pour les 16 ans et plus où ne siégérait qu’un juge des enfants. Là encore ce serait violer la spécificité de la justice pénale des mineurs et risquer la censure. M. Estrosi peut reprendre sa propositon de loi visant à abaisser la majorité pénale à 16 ans : elle ne passera pas la Seine !!!! 

Pour avoir avancé voici des années avec le Bâtonnier Marcus mes inquiétudes à l’égard du projet formé par le ministère de l’intérieur de faire rendre la justice dans les aérogares à l’égard des personnes, adultes et enfants, en infraction avec les lois civiles sur le séjour,  je me réjouis également de voir le Conseil Constitutionnel ne pas accepter cette disposition introduite dans LOPPSI II.  Pas question d’installer des tribunaux dans les zones d’attente même si formellement on y crée des enceintes judicaires. La justice se rend dans le palais de justice adossée au contrôle du peuple français au nom duquel elle est rendue et non devant les trois clampins qui peuvent passer dans la zone de Zapi III de Roissy. La défense, ce n’est pas seulement un avocat fut-ce le plus brillant, mais un défenseur lui-même adossé à son Barreau et a ses confrères capables de le soutenir moralement ou physiquement par leur présence. Il fallait que cela soit dit et réaffirmé avec solennité. C’est fait.  Décidément le Conseil Constitutionnel fait souffler sur ce pays dans une période morose un vent de liberté. La révolution du jasmin ne serait-elle pas passée de l’autre côté de la méditerranée ? 

Le parfum est bon à humer et est de nature à remonter le moral des certains pisse-froids. Certains combats ne sont pas toujours perdus.

A lire en contrepoint c2livrejpr-cg-900.1287246987.jpg

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06 mars 2011

avocats0061.1238625074.gifLors de sa prestation télévisée du 16 février dernier le président de la République a de nouveau appelé à une réforme du droit pénal des enfants. Ce serait la 8° ou la 9° depuis 2002. L’encre de la dernière -à travers la loi LOPPSI II en cours d’examen par le Conseil constitutionnel - n’est même pas encore sèche. L’idée du Chef de l’Etat est bien d’en finir avec un droit spécifique pour les adolescents 16-18 ans qu’il présente comme plus matures que par le passé au prétexte qu’ils sont plus grands et forts que les générations précédentes. L’argument scientifique vaut déjà son pesant de cacahuètes !   En tout cas, le ministre de la justice a dû faire fissa pour répondre à la (nouvelle) commande présidentielle afin de tenir l’échéancier annoncé pour un vote avant l’été 2011. 

On passage il abandonne l’idée d’un Code de justice pénale pour les mineurs qui, dans la foulée du rapport Varinard remis le 3 octobre 2008 à Mme Dati, devait se substituer à l’ordonnance du 2 février 1945 sur la jeunesse délinquante pour « refonder » notre droit.  A défaut d’avoir définitivement réglé la délicate question de la garde à vue et d’avoir tranché les non moins difficiles questions du devenir du juge d’instruction et du statut du parquet qui conditionnaient l’adoption de ce Code, on continuera donc la démarche de démantèlement, pierre par pierre, de l’édifice législatif élaboré depuis 1912. Plus question donc de révolutionner la justice pénale des mineurs en supprimant le juge des enfants comme acteur central de cette justice au profit du procureur : on en reste à la stratégie consistant à vider petit à petit de son contenu la réponse spécifique du fait de leur minorité prévue pour les 16-18 ans. On a déjà bien avancé en ce sens ces dernières années. M. Mercier propose un nouveau pas décisif. Faut-il rappeler que deux lois votées en  mars et septembre 2007 ont quasiment privé les 16-18 ans du bénéfice de l’excuse de minorité qui veut que la peine encourue par un enfant soit la moitié de celle encourue à fait égal part un majeur. Soit le juge peut leur retirer le bénéfice de l’excuse de minorité en estimant que les faits sont particulièrement graves, soit la loi en prive automatiquement aux mineurs doublement récidivistes … quitte au juge à oser leur en rétablir le bénéfice. En pratique, avec ces deux textes, on est en quasiment rendu à la majorité pénale à 16 ans pour certains jeunes.  

On avait déjà privé le juge des enfants de la liberté d’appréciation quant aux suites à donner certaines procédures concernant les 16-18 ans. La loi veut que si la peine encourue est de 7 ans au moins (par exemple, pour le vol d’un téléphone portable arraché par un jeune aidé d’un complice), le jeune doit obligatoirement être renvoyé devant le tribunal pour enfants pour y encourir une peine quand en cabinet le juge des enfants ne peut prononcer que des mesures éducatives. Peu importe que depuis les faits, grâce au juge, aux travailleurs sociaux, à ses parents et à ses propres efforts, le jeune soit revenu à un meilleur esprit en passe plus à l’acte. On se prive ainsi du levier consistant à dire au jeune qu’on tiendra compote de son évolution après les faits.  Ajoutons à ces textes, le dispositif des peines-plancher applicable aux mineurs come aux majeurs qui lui aussi vise à brider la capacité d’appréciation judiciaire. On a fait mieux avec les lois de 2002 et de 2007 avec l’introduction de la procédure de présentation immédiate devant le tribunal pour enfants qui permet au procureur de la République de ne même plus saisir un juge des enfants au mépris de l’article 5 de l’ordonnance du 2 février 1945 qui veut que l’instruction soit obligatoire  pour les mineurs. On se prive ainsi du temps pour faire évoluer le jeune grâce à une démarche éducative tenue pour inutile. On veut juger vite pour juger fort. On le jugera sur les faits et non, plus sur l’évolution de sa personne. En renonçant au délai minimum d’un mois prévu par la loi pour cette audience fixée par le parquet, à condition que ses parents et son avocat y renoncent également, ce jeune peut etre jugé à la première audience utile, soit quasiment d’un jour à l’autre dans une grosse juridiction.  

Avec LOPSSI II un pas symbolique est franchi qui aurait valu il y a quelques années de mettre en nombre magistrats , travailleurs sociaux et avocats sur le pavé de la place Vendôme au nom d’un texte liberticide : on introduit carrément la comparution immédiate pour les mineurs. A l’initiative du parquet, le mineur de 16-18 ans au moment des faits, s’il est déjà connu de la juridiction dans les 6 derniers mois, pourra être présenté au tribunal pour enfants - et non au juge des enfants -, sauf faits criminels, pour y être jugé. Sous entendu là encore pour voir prononcé à son encontre une peine de prison ferme ou avec mise à l’épreuve. On en est donc quasiment rendu au flagrant délit. Comme pour les majeurs. Avec les limites de cette démarche : un jugement à l’émotion et surtout en se privant du temps pour transformer la situation. On est en contradiction avec ce qui fait la spécificité du droit pénal des enfants. Il est piquant de voir le Garde des Sceaux affirmer qu’il faudra revoir cette procédure pour l’accélérer encore alors même qu’elle vient à peine d’être adoptée par le Parlement, qu’elle n’a pas encore l’aval du Conseil Constitutionnel et surtout qu’elle n’est pas encore entrée en application et que dès lors il est difficile d’en apprécier l’impact. Que pourra-t-on gratter de plus ? Ouvrir cette procédure aux primo-délinquants ? S’en serait fait du droit pénal des mineurs. Quitte à aller vite on pourrait encore songer à transférer le pouvoir de juger au maire du domicile ou de la commission des faits en étendant les compétences qui lui ont été accordées par les lois de 2005 et 2007 !  Au passage, on peut être surpris de cette manière de faire la loi. M. Benisti, parlementaire UMP en mission qui n’a pas la réputation d’être un doux laxiste dénonce lui-même dans un récent rapport sur la prévention de la délinquance juvénile (décembre 2010), cette inflation législative et ce prurit répressif.   Mais il y a d’autres points préoccupants dans ce qui est avancé par M. Mercier pour le printemps. Ainsi, par-delà quelques mesures de bon sens comme celle de légaliser la constitution d’un dossier de personnalité pour chaque jeune, le ministre de la justice reprend l’idée qu’on croyait abandonnée d’un tribunal correctionnel pour mineurs qui, composé de deux magistrats classiques et d’un juge des enfants, aurait demain à juger les plus de 16 ans.  

Sous entendu, le tribunal pour enfants composé aujourd’hui juge des enfants et de deux assesseurs serait trop laxiste ! La remarque est piquante quand le président de la République demande à son Garde des sceaux d’introduire avant l’été des juges populaires en correctionnelle. On dispose de tels jurés populaires à travers les assesseurs des tribunaux pour enfants, et on entend les cantonner aux 13-16 ans et les supprimer pour les 16-18. Où est la cohérence ? La contradiction ne saute-t-elle pas aux yeux du ministre de la justice ? D’autant qu’il lui faudra franchir l’obstacle du Conseil Constitutionnel qui estime formellement depuis sa décision du 29 aout 2002 que les moins de 18 ans doivent bénéficier d’une spécificité de juridiction. On peut douter qu’un juge spécialisé sur trois réponde à cette exigence de principe. Il faut que le parlement refuse nettement cette disposition. Disons le nettement une fois de plus : la France s’est engagée dans une mauvaise voie en voulant aligner le statut des 16-18 ans sur celui des majeurs.  

Elle commet une erreur sur le terrain psychologie : la taille et le poids ne font pas la maturité.  Elle viole l’esprit et la règle des articles 37 et 40 de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989. Par deux fois déjà en 2004 et 2008 le Comité des experts de l’ONU a déjà eu l’occasion  de lui dire solennellement en condamnant cette orientation. Pour des raisons purement idéologiques et sur la base d’une approche scientiste on s’est attelé à démanteler notre droit des enfants. On entend contourner la position adoptée par le Conseil Constitutionnel en n’hésitant pas à forcer le trait. On avait eu quelques illustrations de cette démarche avec le projet Ciotti de rendre pénalement responsables les parents du non respect par leurs enfants des contraintes judiciaires ou de leur récidive ; encore récemment avec la proposition de loi Estrosi d’abaisser l’âge de la majorité pénale quand le Conseil constitutionnel a clairement affirmé que la loi de 1906 fixant à 18 ans cette majorité avait valeur de principe constitutionnel. Faut-il rappeler que le Conseil est loin d’être assoupi. En un trait de plume, il a annulé récemment la loi portant ratification, de l’accord franco-roumain qui visait à faire réexpédier des enfants sur simple décision du parquet sans voir un juge les privant ainsi d’un recours ! Il peut encore mettre à bât des textes mal ficelés tel que celui qui s’annonce.  Apparemment ceux qui nous gouvernent n’en ont cure ! Il faut montrer à une certaine opinion que l’Etat à travers eux est ferme. 

Notre justice des enfants est bien plus performante qu’on ne veut bien l’affirmer. Peu de jeunes qui ont été délinquants le temps de leur minorité le sont une fois devenus majeurs s’ils ont été bien pris en charge dans une démarche éducative. Il ne faut pas revenir au XIX° siècle comme nous y courrons réforme après réforme depuis 2002, mais au contraire il réunir les moyens de mieux encore appliquer la loi.  Rien ne justifie qu’on continue à démanteler notre justice des enfants, sauf le souci en pré campagne électoral de jouer sur la corde sensible des jeunes bafouant la loi avec le soutien plus ou moins explicite de parents qualifiés rapidement de démissionnaires. En arrière fond, pas très loin, on trouve la représentation des banlieues, terreau de la violence et de l’immigration source de délinquance..  En tout cas, le pays n’a rien à gagner à une telle reforme. Il prend encore le risque de perdre de son crédit international quand notre dispositif a singulièrement servi de référence à l’extérieur.  PS : A lirec2livrejpr-cg-900.1287246987.jpg« Quelles réponses à la justice des mineurs ? », Claude Goasguen, député UMP du XVI° arrondissement de Paris et JP Rosenczveig, président du TE de Bobigny, 2010, La Croix-Autrement

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12 janvier 2011

avocats0061.1238625074.gifC’est un lieu commun que de relever qu’à moins de 18 mois des élections présidentielles de 2012 tout est pensé, dit, mis en œuvre dans cette perspective chez eux qui aspirent à l’emporter. A l’orée de l’été le président de la République avait remis une feuille de route très claire dont tous les grands médias s’étaient fait l’écho : pendant l’été il fallait « cliver » l’opinion. On n’a pas été déçu du voyage ! On en a payé le prix fort en interne et à l’international avec l’attaque anti-roms. Aujourd’hui, le nouveau leader des députés UMP s’en prend à la fonction publique en remettant en cause de manière radicale le statut des fonctionnaires. Et bien évidemment le terrain de la sécurité offre une foultitude de pistes, souvent exploitées dans le passé, mais toujours susceptibles de faire recette dans la mobilisation médiatique de l’opinion. Et encore plus quand il s’agit déjà de reconquérir l’électorat droitiste perdu.

 

Le président lui-même reprend sa vieille idée de juges populaires élus auprès des juges correctionnels  et des juges de l’application des peines quand, dans son coin, apparemment en flibustier, Christian Estrosi agite à nouveau le spectre de la délinquance juvénile qui met à feu et à sang le pays en toute impunité. Pour le maire de Nice, en phase dans l’analyse avec le président, la jeunesse d’aujourd’hui serait différente de celle d’hier. il conviendrait donc de lui appliquer un droit différent : à tout dire celui des adultes qui serait plus performant.

 

Il propose déjà de revenir sur deux l’idée qui a dominé le XX° siécle depuis 1912 qui veut qu’un enfant ne doive pas être puni comme un adulte.

 

Il entend supprimer le bénéfice de l’excuse de minorité qui fait qu’une personne de moins de 18 ans encourt une peine moitié moins élevée que celle encourue par un majeur qui aurait commis des faits analogues : un an et demi pour un vol simple quand la peine est normalement de 3 ans, 2 ans et demi pour un vol avec violence au lieu de 5 ans, 3 ans et demi si ce vol avec violence est commis en réunion et pour peu qu’il soit commis dans un lieu destiné aux transports voyageurs la peine est de 5 ans quand pour un adulte elle pourrait être de 10 ans. Précisons que cette règle n’empêche pas un mineur d’être plus sévèrement puni qu’un majeur s’il a eu une part plus importante dans l’action delictuelle commune.

 

La proposition Estrosi ne vise que les 16-18 ans. En l’état elle épargne les moins de 16 ans pour lesquels cette réduction de la peine encourue est en toutes circonstances acquise : un moins de 16 ans ne peut pas être tenu pour un adulte. En revanche, le principe serait de punir systématiquement les 16-18 ans comme des adulte saufs à ce que le juge des enfants maintienne qu’ils n’ont pas la maturité d’un enfant.

 

Concrètement, et c’est la deuxième proposition Estrosi, les 16-18 seraient renvoyer devant un tribunal correctionnel normal pour être jugés, sauf à ce que le juge des enfants qui a instruit le dossier s’y refuse, mais il lui faudra se justifier.

 

En langage commun avec ces deux préconisations il s’agit bien d’abaisser a priori la majorité pénale à 16 ans au prétexte affirmé, mais pas démontré de l’évolution de la psychologique des jeunes. De même affirme-t-on que cette reforme serait conforme aux grands principes du droit et à l’ordre international auquel la France a adhéré.

 

On pourrait négliger ce projet et son argumentaire en considérant qu’une telle réforme n’a quasiment aucune chance d’être votée au regard déjà de l’ordre du jour parlementaire, avec un gouvernement et des élus qui doivent déjà faire face à la nécessité d’une réforme de la garde à vue, qui doivent se positionner sur le statut du parquet avant d’envisager de s’attaquer, réforme qui tient à coeur du président, à la suppression du juge d’instruction. La barque était déjà bien chargée pour une année qui doit certes être utile, mais qui on le relèvera aussi ne peut pas être concentrée sur la justice. Elle l’est encore plus qu’il faut d’ici un an introduire les juges correctionnels populaires et montrer que ce dispositif peut fonctionner.

 

Il faut pourtant mener le combat des idées afin de ne pas laisser s’installer insidieusement l’idée que M. Estrosi pourrait avoir raison sur un quelconque point quand il a tort sur l’ensemble.

 

Premier élément du constat faux : les 16-18 ans ont désormais une maturité d’adultes et non plus d’enfants.

 

Il va de soi qu’on doit se méfier des généralisations. Certains peuvent être mûrs très tôt et faire preuve de très grand sens des responsabilités – conf. la période de la Résistance – quand d’autres à 77 ans sont encore des enfants. Si M. Estrosi est si sûr de lui pourquoi n’en tire-t-il pas la conséquence en proposant l’abaissement de la majorité politique à 16 ans comme certains l’ont déjà fait dans le passé (les jeunes UDR, François Dolto). Il suffit de relire son texte pour en mesurer la vacuité. On affirme, on ne démontre pas. : « Un mineur de 1945 n’est plus un enfant en 2010 ! C’est d’ailleurs la raison qui a conduit les majorités successives à confier de plus en plus de responsabilités aux jeunes : abaissement de la majorité civile à 18 ans, création de la conduite accompagnée qui permet de conduire dès 16 ans, abaissement de l’âge pour devenir député à 18 ans voté à l’assemblée dans un texte en cours de discussion. » Bref, le seul exemple valable est tiré de la conduite assistée. Quelle rigueur scientifique et politique. Un peu plus loin – rigueur dans la pensée et dans l’écriture ! – M. Estrosi avance que « Cela parait plus en phase avec la réalité de notre temps et permet de coordonner la majorité pénale avec l’âge de la non obligation de scolarisation et l’âge légal du travail ». Travailleur, délinquant mais pas électeur ! Cherchez la cohérence.

 

Deuxième argument : la délinquance des moins de 18 ans a augmenté de 16,19 % entre 2004 et 2008.

 

Vrai en valeur absolue ; faux en valeur relative. La part de la délinquance des moins de 18 ans dans la délinquance globale décroit depuis 2000. Elle était de 16% dans les années 80 pour monter à 20,4 % en1999 et décroitre en 2008 à 17%. En d’autres termes, non seulement la délinquance de adultes reste de 4 fois supérieure à celle des moins de 18 ans, mais elle reprend plus d’ampleur dans la dernière période. M. Estrosi vise peut être les jeunes adultes de18-25 ans, mais cela ne concerne pas les moins de 18 ans !!!! Dit autrement : où est l’actualité sociologique d’une réforme qu’on présente comme révolutionnaire ? On est bien purement et simplement dans l’idéologie.

 

Troisième argument : la proposition de loi Estrosi se veut innovante.

 

Il estompe qu’en 2007 deux lois (mars et septembre) sont venues élargir considérablement les possibilités de retirer l’excuse atténuante de minorité aux 16-18 ans auteurs de délits ou de crimes introduite en 1992. Non seulement le juge peut considérer comme par le passé qu’au moment du délit le jeune de 16-18 ans a fait preuve d’une maturité digne d’un adulte, mais il peut encore s’attacher à la gravité de l’acte commis lui-même, ce qui est déjà aberrant. Mieux, la loi retire automatiquement le bénéfice de l’excuse de minorité au jeune en double récidive légale quitte au juge a lui en restituer le bénéfice s’il trouve des argument dans le dossier (et s’il est près à en assumer la responsabilité publique quand il sera interpellé). Ces deux réformes, l’une votée avec M. Sarkozy comme ministre de l’intérieur l’autre avec M. Sarkozy comme président de la République, étaient-elles aussi mal évaluées par leurs auteurs qu’il faille les revoir 3 ans plus tard?

 

Quatrième argument : tout cela est conforme à la Constitution et à l’ordre international. M. Estrosi affirme avoir beaucoup travaillé sur ce point. Là encore il est léger.

 

Dans sa décision du 29 août 2002 le Conseil Constitutionnel considère que « constituent des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, ayant à ce titre valeur constitutionnelle en vertu du Préambule de la Constitution de 1946, les principes de l’atténuation de responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, de la primauté de l’action éducative, s’agissant de la «nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité» et de la spécialisation des juridictions et des procédures concernant les mineurs. » Ainsi la loi de 1906 qui fixe à 18 ans la majorité pénale est un grand principe de constitutionnalité

 

Le Conseil Constitutionnel n’aurait pas à pousser très loin les investigations sur les intentions du législateur. M. Estrosi l’assène « Ces deux mesures reviendront à abaisser dans la plupart des cas l’âge de la majorité pénale à 16 ans. »

 

De même le Conseil entend-il garantir la spécificité de la justice des mineurs à travers des magistrats spécialisés. Il censurerait le renvoi devant un tribunal correctionnel auquel la Commission Varinard elle-même avait renoncé dans le rapport remis le 3 décembre 2008.

 

Nous avons ratifié la Convention internationale sur les droits de l’enfant en adhérant à la majorité civile et pénale à 18 ans. Ce texte fait un sort spécifique aux enfants parce que justement ce sont des enfants. Ce serait fantastique de voir la France revenir sur son engagement. Là encore n nous porterions un sacré coup de canif - un de plus - à notre fond de commerce international de patrie auto proclamée des Droits de l’homme.

 

***

 

On peut argumenter et polémiquer sur tout cela. La réalité est bien connue de ceux qui réellement se sont penchés sur le dossier et ne sont pas dans des enjeux électoraux où il faut agiter la peur d’une partie de la population en détournant son attention des vrais problèmes du pays. On doit refuser le discours sur les jeunes, (avec l’amalgame enfants et jeunes majeurs) responsables de tous nos maux, ne respectant pas l’autorité, pour ne pas viser les jeunes de certains quartiers et ceux issus de l’immigration récente !

 

LejugeOn peut résumer simplement les données du problème « Prévenir la récidive des enfants délinquants». Les lecteurs réguliers de ce blog ne seront pas surpris. Là encore on ne peut pas faire l’économie de les réaffirmer :

 

-       La loi est plus performante qu’on le dit pour avoir été régulièrement révisée. Il ne faut pas la révolutionner au point de supprimer le sort particulier fait aux enfants avec le souci d’etre non pas angélique, mais performant, les techniques appliquées aux adultes ne peuvent pas fonctionner pour eux. Il ne faut pas changer la loi, mais réunir les moyens pour la servir ;

 

-       Avant d’être judiciaire, le problème est policier : le taux de réussite de la police est de moins de 30% !

 

-       L’enjeu n’est pas tant de punir que de mettre en œuvre les mesures éducatives décidées. Ce qui est loin d’être le cas : on manque de structures d’accueil pour les jeunes que l’on veut éloigner et le milieu ouvert n’a pas les moyens nécessaires. Les délais de mises en œuvre des mesures restent trop longs.

 

-       Il faut s’inscrire dans la durée : vouloir revenir en quelques temps sur des années de dégradations relève de l’utopie, de même qu’on ne peut pas soigner une maladie grave en 5 mn avec un cachet d’aspirine ;

 

-       Il faut imaginer des réponses sur mesure pour les jeunes vraiment inscrits ou en passe de s’inscrire dans la délinquance ;

 

-       Il faut mobiliser les compétences parentales et non pas les dégrader et les pénaliser ;

 

-       Il faut valoriser les compétences des jeunes et non pas vouloir les mater ;

 

-       Il faut souvent les soigner avant de les punir ;

 

-       Surtout il faut leur donner de l’espoir de pouvoir vivre autre chose et déjà leur offrir de faire un long bout de route avec des adultes qui croient en eux et dans lesquels ils se reconnaissent.

 

-       S’ils suffisaient d’incarcérer les enfants pour éradiquer le crime cela se saurait depuis longtemps. Des hommes ( et des femmes) plus que des murs reste le vrai slogan à retenir.

 

A quelques détails près, telles sont les pistes à suivre pour répondre à la délinquance acquise des moins de 18 ans. Je ne reprends pas ici l’autre démarche qui vise à prevenir la primo-délinquance.

 

Interrogeons nous et vérifions si les conditions sont déjà réunies pour mettre en place ce programme. J’observe que malgré toutes les fausses critiques qui lui sont adressées (absence de réponse judiciaire, laxisme, lenteur, inefficacité etc.), notre justice tient la barre et contribue à protéger la population et à rendre justice aux enfants mais aussi aux victimes. Je ne relèverai qu’un point : 85% des jeunes personnes délinquants le temps de leurs enfants ne le sont pas après leur majorité. On est loin d’échouer.

 

Ce n’est pas en abaissant la majorité à 16 ans, à 14, à 10 voire à 3 ans comme je le proposais avec un brin d’humour qu’on éradiquera le crime, mais en menant une politique pénale de réinsertion fondée sur l’éducation, ce qui n’exclut pas la fermeté.

 

C’est sûrement plus facile de voter un texte de loi. Mais ce n’est pas protéger la population, réellement.

 

Même la commission Varinard n’a pas osé tordre le cou aux réalités comme M. Estrosi le fait. On est dans la démagogie pure et dure. Espérons que l’électeur s’en rendra compte car nous n’en sommes qu’aux hors d’œuvre de la campagne. 

 

A lire pour ceux qui m’accuseraient d’anti-UMP primaire: un ecrit commun sur le sujet avec un député UMP
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14 décembre 2010

avocats0061.1238625074.gifLes réactions de soutien de quelques 200 policiers à sept de leurs collègues condamnés vendredi dernier par le tribunal correctionnel de Bobigny pour faux en écriture publique ou pour violences aggravées ne manqueront pas de laisser des traces indélébiles dans l’histoire de ce pays. Et pas à la gloire de la République.

On pourrait voir à tort dans cette affaire un enième épisode du prétendu affrontement entre policiers et magistrats de Seine-Saint-Denis. Certains comme le ministre de l’intérieur de rappeler qu’un JLD de Bobigny n’a pas incarcéré un homme aux revenus non établis chez lequel on avait trouvé 3 kg de drogue et une kalachnikov au prétexte qu’il offrait des garanties de représentation avait-t-on avancé à l’époque. M. Hortefeux a omis de préciser que la cour d’appel de Paris a depuis confirmé cette décision surprenante pour tout quidam, preuve sans doute que le dosser devait être légèrement moins solide qu’allégué, soit sur le fond, soit dans la forme.

Non, il n’y a pas en Seine Saint-Denis, en tout cas pas plus qu’ailleurs, « une guerre » entre Police et Justice : chacune de ces institutions de la République tente de remplir sa tâche dans le cadre des règles fixées par la même République pour laquelle la fin ne justifie pas les moyens. Tout au plus y a-t-il une saine dialectique entre institutions qui, l’une comme l’autre à travers ses acteurs, croient en leur mission. Entre professionnels au quotidien les choses sont simples : chacun remplit son office et respecte l’autre, les articulations fonctionnent, éventuellement des recours existent quand telle attitude ou décision de l’un ou de l’autre est jugée inappropriée. A l’occasion de réunions interservices on tente de dégripper les engrenages quand cela s’impose, on définit régulièrement des protocoles de fonctionnement. La même dialectique existe entre la justice et les institutions sociales, la psychiatrie etc…, et en interne à la justice entre le parquet et le siège.

Certains souhaiteraient monter les uns contre les autres - les juges contre les parquetiers, les policiers contre les magistrats, l’ASE contre les juges des enfants etc…- ; il faut se refuser à entrer dans ce jeu auquel ni les professionnels, ni les institutions, ni le service public n’ont à gagner quoi que ce soit.

Dans cette affaire de Bobigny, les intéressés avaient la possibilité de saisir la cour d’appel s’ils estimaient que la sanction était trop sévère, sachant que la culpabilité n’était pas contestée.

On pourra faire reproche au ministre de l’intérieur – et le nouveau Garde des Sceaux l’a fait avec toute la subtilité et la fermeté d’un ancien sénateur- d’avoir contesté une décision de justice au mépris de la loi qui s’applique à tous comme le rappelait l’éditorial du Monde daté du 14 décembre. On pourra disserter sur la portée du commentaire du premier ministre qui estime que le comportement des policiers faussaires est tout bonnement injustifiable en ce qu’il porte atteinte à l’honneur de la police. Nous aurons été nombreux à voir dans le propos de M. Fillon un désaveu (attendu) de son ministre de l’intérieur qui ne s’attachait qu’à la sanction, oubliant la faute. Las ! Matignon dément qu’il s’agisse d’un désaveu. Disons alors que le premier ministre, avec un sens politique fort à propos, aura su remettre les choses dans le bon ordre.

De fait le fond de l’affaire est gravissime et n’a pas manqué d’être vu comme tel par des responsables politiques. Des policiers de la République se sont sciemment accordés pour mentir, pour accuser un homme au point de lui faire risquer la réclusion criminelle à perpétuité et, cerise sur le gâteau, pour le molester au point de le blesser.

Dépassons ces violences aggravées pour rester sur l’essentiel : le faux en écriture publique de nature à nuire à la réputation et à la liberté d’un homme de la part de ceux qui sont censés veiller au respect de la loi, sinon l’incarner. Tout cela pour camoufler la faute de conduite dont il était résulté qu’un policier soit blessé ! Quoi de plus grave ? A en croire les médias, l’un d’entre eux avait rapidement compris l’immensité de la faute et rapidement craqué et le commissaire n’a pas voulu couvrir ses troupes.

Chacun aura son point de vue sur l’adéquation de la sanction prononcée et, au final, la cour d’appel sera amenée à rejuger. Un an de prison dont 6 mois ferme peut être jugé comme une peine sévère pour un primo délinquant, mais qui fréquente la Correctionnelle au quotidienne n’en sera pas surpris surtout quand les faits reprochés sont ceux-là et la peine encourue est de 7 ans de prison et 100 000 euros d’amende  (art. 441-2 CP). De fait cette sanction vise à ne pas passer l’éponge et a pousser à la porte de la police les agents indignes.

Reste l’essentiel à mes yeux de juge des enfants : désormais que vais-je répondre aux jeunes qui régulièrement mettent en cause les constats faits par des policiers qui les ont interpellés, la dénégation étant même pour certains un mode de fonctionnement de principe ?

peoples_184.1185300072.gifFréquemment face aux affirmations péremptoires de policiers interpellateurs des jeunes mis en cause qui allèguent de leur bonne foi donnent le sentiment d’être crédibles, souvent ils n’ont jamais été mis en cause dans d’autres affaires. On leur donnerait le bon Dieu sans confession. C’est leur parole contre celle des policiers.  Pourtant combien de fois a-t-on fait pencher la balance contre eux dans cet affrontement parole contre parole sur la seule foi de ces constats policiers avec la ritournelle : « Les policiers sont des professionnels formés, qui plus est ils sont assermentés ; ils ont juré de dire la vérité. Ils peuvent se tromper comme tout un chacun, mais pas mentir et encore moins se concerter. C e serait gravissime pour eux et contraire à l’essence de leur mission. Pourquoi iraient-ils risquer leur carrière et de passer en correctionnelle pour un mensonge de cette nature ! »

Il n’est pas toujours facile de tenir ce discours de principe. Mais nous le tenons au nom de la République. Fermement. Il y a là un socle pour asseoir le vivre ensemble et légitimer le respect de la règle.

Comment tenir ce discours là demain avec toute la fermeté intellectuelle et morale que cela suppose quand non seulement des policiers ont osé violé le tabou, mais encore leurs collègues, sinon le ministre, minimisent la faute alors qu’ils auraient dû, policiers comme ministre, être vent debout non pas contre une sanction sévère, mais pour une condamnation morale sans complaisance à l’égard de personnes qui n’ont rien à faire dans la mission de service public après l’avoir poignardée ainsi ?

Comment comparer le sort de policiers primo délinquants avec des délinquants réitérants comme l’a fait le préfet de Seine Saint-Denis quand ils sont plus coupables en l’espèce que de vulgaires réitérants car la République et les citoyens sont invités à leur font confiance ?

Il nous faudra du temps pour amener nombre de jeunes et leurs parents à séparer le bon grain de l’ivraie. Pour leur expliquer qu’un juge doit faire confiance à un policer, sauf si des faits contredisent ses assertions, qu’il peut se tromper, mais pas mentir ?

Le coup n’est pas mortel porté à la JUSTICE, mais il est sévère.

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21 novembre 2010

avocats0061.1238625074.gifJe vous propose un QCM : de Marine Le Pen, Brice Hortefeux, François Bayrou, Martine Aubry, Jean-Luc Mélenchon qui a écrit ? : « (…) chaque grand bassin de vie verra la construction d’un centre de discipline et de réinsertion destiné aux jeunes délinquants multirécidivistes. La formation y sera strictement obligatoire et à la sortie de ces centres, un suivi éducatif et social sera poursuivi avec rigueur ».

Vous hésitez à attribuer ce projet comportementaliste et simpliste. Je vous comprends.

Je ne vous laisse pas languir plus longtemps tellement je vous sens hésiter au moins entre trois tenants de l’ordre. Pourtant, the winner is : la première secrétaire du parti socialiste dans une libre opinion publiée dans Le Monde daté du 17 novembre après la convention que son parti a tenu le dernier week-end à Créteil. Ce temps de réflexion est passé quasiment totalement inaperçu des médias pour cause de remaniement, même si Martine Aubry a pu en quelques minutes en développer la quintessence au journal de 20 h de France 2.

Dans ce texte il y a matière à « être interpellé au niveau du vécu » comme diraient des travailleurs sociaux ! Dépassons le premier reflexe répulsif pour raisonner.

On comprend l’importance pour le PS de mettre en avant ses analyses et propositions sur un sujet jugé infiniment délicat pour lui et dont on  dit qu’il est à l’origine de son échec cinglant de 2002.ce qui, entre nous, reste encore à démontrer.

En tout cas, Martine Aubry a raison d’affirmer que le PS qui a vocation à gouverner n’a pas à avoir de complexe sur ce sujet. Il est dans l’action au quotidien avec sa foultitude d’élus ; il sait innover.

La première secrétaire aurait pu ajouter que c’est la Gauche au pouvoir qui a su en 1998-1999 pour la première fois dans l’histoire de France avec Lionel Jospin et les décisions prises en Conseil de Sécurité Intérieure, aborder de front la question de la prévention de la délinquance.

C’est elle qui dès 1982 a mis en place des programmes encore en vigueur aujourd’hui comme les Opérations d’été en direction des jeunes en difficulté, appelées aujourd’hui opérations VVV.

C’est la Gauche qui, avec Gilbert Bonnemaison, a su en 1983 lancer la dynamique locale de mobilisation sur la délinquance,

C’est elle qui, avec Elizabeth Guigou et Marylise. Lebranchu en 1998, a remis en selle la Protection Judiciaire de la Jeunesse avec le programme de recrutement de 1000 éducateurs.

Mieux : elle a même obtenu de bons résultats puisque, contrairement à ce qui est affirmé aujourd’hui, la part des jeunes dans le délinquance globale a commencé à dimionuer sous Jospin (2000) et non pas en 2002 sous Chirac II (Conf. in Le Monde du 28  novembre 2008 le tableau du Ministère de l’intérieur). Elle l’a oublié.

La première secrétaire et ses collaborateurs n’utilisent donc pas toutes les cartouches dont ils disposent, mais il leur sera donné de se rattraper. Le plus préoccupant dans le discours de Martine Aubry n’est bien sûr pas là.

Il est certes de bonne guerre que son adversaire l’enferme dans une posture de laxisme dès qu’elle cherche à comprendre (et non à excuser)  que des personnes puissent être hors la loi avec le souci d’apporter des réponses qui s’attaquent aux causes et ne soient pas du pur affichage. Elle même ne cède-t-elle à la caricature sur d’autres sujets ?

Les accusations de désintérêt et d’angélisme lui collent à la peau et il est difficile, sinon impossible, de s’en défaire. Pour autant il serait irresponsable pour elle de ne pas tenter de desserrer l’étreinte dans laquelle l’adversaire l’enferme. Mais pas à n’importe quel prix !

La citation que j’ai rapportée est en effet révélatrice de l’ambigüité d’analyse et de positionnement du PS, du côté étriqué de sa pensée ; plus grave encore il me semble qu’elle décroche avec ses objectifs fondamentaux : justice sociale et défense des droits humains.

En premier reflexe son analyse me rappelle le propos tenu par lRobert Badinter, garde des sceaux, en comité interministériel sur la délinquance à Matignon le 5 mai 1982 a destination de Gaston Deferre, ministre de l’intérieur  : « N’essayons pas de faire la politique de la droite. Nous échouerons ! ». Et je crois qu’il ajoutait « Et nous y perdrions notre âme »

Qu’est ce d’autre aujourd’hui que ce projet de centre régional de discipline et de réinsertion qui déjà dans son affichage fait penser aux Maisons du peuple du PCF de jadis dans lesquels le peuple n’est jamais allé : la discipline et la réinsertion ne peuvent pas être circonscrites derrière des murs et constituer une fin en soi !

Quelle différence la première secrétaire du PS fait-elle avec les 42 centres éducatifs fermés – qui fondamentalement ne le sont pas -  créés grâce à la loi Perben I de 2002 ? Quelle place leur donner par rapport à la prison dont il faut pourtant assumer l’existence, le besoin et l’intérêt. Quitte à parler de sanction et de répression, il faut oser dire que la privation de liberté à travers l’incarcération est nécessaire quitte à n’être qu’un temps d’une prise en charge sociale. De cela pas question dans le projet du PS.

Mais il y a pire que cela dans une approche par définition synthétique dans laquelle tout logiquement les mots utilisés ont une place essentielle. Ainsi quand on avance comme slogan majeur qu’il ne peut pas y avoir d’acte délictueux sans sanction. Sanction signifie punition. N’eût-il pas fallu dire poru se différencier de la Droite que tout acte appelait à une réaction : une sanction pourquoi pas quand cela est nécessaire, mais le plus souvent aussi une démarche sociale ou éducative ?

Et qu’entend faire de plus le PS au pouvoir que ce qui se fait aujourd’hui quand le taux de réponse pénale est de 85 % pour les adultes et de quelques 91% pour les moins de 18 ans. Emporté par le souci de coller à la Droite, il passe à côté de l’essentiel en oubliant de rappeler que le taux d’efficacité de la police sur  la délinquance  de rue, même si le ministère de l’intérieur se targue d’une amélioration, reste faible : à peine de 30 %. Corroborée avec les travaux de chercheurs comme Sébastien Roche qui démontrent que  l’on ne connait pas un fait sur 5 de délinquance, cela veut dire que le problème rencontré dans la lutte contre l’insécurité actuelle est d’abord policier. La meilleure manière de rassurer la population n’est-elle pas déjà d’interpeller les délinquants? Bref il faut améliorer l’efficacité policière avant de s’interroger sur l’orientation judiciaire.

J’entends, et cela mérite un vrai débat, le souci d’introduire une « class action » au profit des maires pour revenir sur le sentiment d’abandon qu’ont certaines populations. Est-ce à dire que demain le maire pourra engager les poursuites pénales au nom d’un groupe de victimes? Il le peut déjà quand sa commune a été directement victime. On changerait de registre : est-ce à dire qu’on délèguera au maire le soin de déclencher l’action publique en justice ?

Plus largement, ceux nous gouvernent aujourd’hui sont porteurs – et en cela ils sont révolutionnaires - d’un droit pénal qui serait à la disposition des victimes. Pour eux peu importe l’auteur des faits et la nécessité d’individualiser la réponse judiciaire en fonction de sa personnalité quitte à veiller à protéger les droits, notamment moraux et matériels es victimes. Même dans l’exécution de la peine la victime devrait avoir son mot à dire. Etre mieux prise en considération certes, mais décider, c’est une autre paire de manches. A chacun son rôle. Osons le dire.

En tout cas, c’est bien une question centrale pour le PS  que de redessiner la place de la victime dans le procès pénal. Derrière, se profile la question majeure dans  le cadre d’un projet de société de la place de l’Etat pour rendre la justice. Est-il un rôle d’acteur premier ou simplement d’arbitre ?

Cette réflexion sur le rôle de l’Etat demain se retrouve en creux, quand on les affirme en plein, les responsabilités du maire sachant au passage que l’immensité des communes comptent moins de 5000 habitants. On entend en faire le pivot de la prévention de la sécurité. Pourquoi pas ! C’est la logique inscrite dans l’histoire depuis 20 ans et, je l’ai dit, le PS est cohérent avec lui-même qui a impulsé cette démarche.

Mais le propos est court : il aurait fallu s’interroger sur les nécessaires contre-pouvoirs à mettre en place quand le maire pourra faire la loi avec les arrêtés municipaux, disposer d’une police armée et pas seulement du teaser et que, depuis 2005, il peut rendre partiellement la justice à travers le conseil des droits et de devoirs des familles quand l’auteur est un mineur d’âge. Que pense le PS d’un maire qui se targue de prononcer des peines de travail d’intérêt général et des amendes ? (voir mon blog 403)  Est-il favorable à ce que dans l’avenir la justice rendue à l’échelon territorial dépende de la ville. Un peu comme au farwest américain ou dans la France avant 1789 avec ses suzerains locaux.

Lejuge Il ne s’agit pas de contester a priori ce déplacement des lieux de décisions et de justice, mais simplement de poser la question fondamentale du pouvoir et des contre-pouvoirs que la Gauche ne peut pas éluder eu égard à sa culture. Une personne interpellée pour dégradation ou agression peut aussi être innocente et conduite à s’accuser; la réponse peut être inadaptée, des recours peuvent s’imposer. Jusqu’où le maire disposera-t-il d’un pouvoir de contrainte ? Bref, comment le PS envisage-t-il de garantir les droits humains de base en matière de justice ? Le PS qui entend mettre au centre de son projet une réflexion sur la République a ici une entrée majeure qu’il n’a pas vue.

Le PS semble ligoté par la pensée dominante. Plus que jamais en reprenant l’analyse développée dans Le Monde par Luc Bronner, après avoir interpellé Nicolas Sarkozy dans la première partie de son quinquennat sur les valeurs, il entend affirmer aujourd’hui qu’il sait mieux gérer les questions de sécurité que lui.

.Il finit alors par retomber dans les mêmes errements comme de laisser à penser que l’insécurité est d’abord le fait des enfants. Je ne nie pas la part qu’y prennent les moins de 18 ans, mais je rappelle que pour 82% elle est le fait des majeurs. Quel programme du PS pour notamment les 18-26 ans ? Ils sont pourtant nombreux dans cette classe d’âge à n’avoir aucune perspective de survie en restant du bon côté de la loi. Ils sont même en révolte voire nihilistes : ils ne croient plus en rien, ni déjà en eux-mêmes. C’est le fruit d’une vingtaine d’années de dérive d’intégration. Il faut maintenant l’assumer.

En d’autres termes, sur son volet Réagir à la délinquance le programme du PS est classique et court quand les plaques tectoniques bougent. Augmenter les moyens de la police et de la justice ne peut pas suffire, les réponses par la contention des populations difficiles n’est pas à la hauteur.

C’est dommage car l’entame est bonne qui consiste à dire qu’il faut dans le même temps gérer le court et le long termes, réagir à la délinquance et créer les conditions d’une société  de sécurité en s’attaquant aux racines du mal. Comment ne pas approuver de vouloir quitter l’actuelle politique d’affichage pour une stratégie de résultat ? peoples_184.1185300072.gif

Comment ne pas être d’accord sur le fait qu’il faut s’attaquer à  l’économie souterraine ?  Mais là encore, pour nécessaires qu’ils soient, le renseignement et la police sont insuffisants si on ne redonne pas une dynamique économique aux quartiers.

Martine Aubry a raison de dire que la vidéo surveillance ne constitue pas une politique de prévention. Elle aurait pu ajouter que c’est la synergie d’un ensemble de politiques publiques, d’Etat comme locales qui peuvent y parvenir. Qu’il faut autant développer une politique de soutien à la condition parentale, d’insertion des populations, du cadre et de rythmes de vie. Martine Aubry ayant connaissance du nouveau gouvernement aurait déjà du dénoncer l’absence de ministère de la famille et/ou de l’enfance.

Elle a raison de dire fortement qu’il faut redonner confiance aux acteurs du service publics quand aujourd’hui on les dénigre et on les monte les uns contre les autres. Ainsi pourquoi ne pas réaffirmer que la police a deux missions l’une judiciaire (interpeler les délinquants),  l’autre administrative (éviter les infractions). On se souvient  que ministre de l’intérieur, l’actuel président de la République condamnait le fait que des policiers « jouent» au football avec des jeunes alors qu’ils ne faisaient que leur travail de police administrative.

Elle aurait pu aussi insister que l’importance d’offrir de l’espoir et des perspectives pour rompre l’angoisse.

En d’autres termes, prenons ce document de Créteil comme une contribution, un “document martyr” donc destiné à être critiqué, enrichi, amélioré. L’orientation générale est bonne, mais on sent que la réflexion est étriquée et qu’elle ne s’autorise pas à s’affirmer dans sa singularité au regard de ses valeurs. Elle élude plusieurs des vraies questions auxquelles la Gauche sera confrontée si elle revient au pouvoir au plan national. De ce point de vue elle a tort car dans le feu de l’action elle sera prise au collet et elle décevra. 

A l’école on dirait, « Bonne esquisse, bon fond mais peut mieux faire si vous voulez bien vous libérer pour défendre les libertés des autres »..

En tout cas on est déjà loin du discours démagogique consistant à promouvoir le simple recours à l’armée pour mâter les jeunes. C’est déjà cela.

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17 novembre 2010

 

avocats0061.1238625074.gifL’écriture d’un gouvernement est un acte politique majeur. On ne doit pas s’attacher qu’aux personnes choisies pour occuper tel ou tel créneau gouvernemental : on sait que la compétence technique n’est pas le critère retenu. Tel se retrouve ministre sur un poste qui le matin était dévolu a tel autre !

 

La nature du poste – ministre, de plein exercice, ministre délégué ou secrétaire d’Etat – est un marqueur de l’importance donnée à une personne, mais surtout à son domaine de compétence. En l’espèce, comme le relevait avec un brin de perfidie Jean-Michel Aphatie sur Canal +, on fera difficilement croire que la Défense et les Anciens combattants d’un côté  et les Affaires Etrangères et Européennes devaient être promues comme grandes causes nationales  au point où leurs titulaires deviennent ministre d’Etat quand dans le précédent gouvernement Fillon l’Ecologie et la Justice étaient explicitement affichées comme des priorités gouvernementales.

 

On sait ce qu’il en avenu trois ans plus tard pour l’Environnement qui après les avatars du Grenelle et l’abandon après condamnation parle conseil constitutionnel de la taxe carbone n’est plus la priorité du début du quinquennat.

 

Ne parlons pas de la Justice qui fait du yoyo depuis que le Garde des Sceaux n’est plus systématiquement le n°2 du gouvernement. A écouter le président de la République hier soir qui a été on ne peut plus succinct sur le sujet en se cantonnant à confirmer son projet d’annoncer le contrôle populaire sur le JAP  et les tribunaux correctionnels on entend que le projet Justice ne vaut pas  l’affichage d’une priorité. On sait que la reforme de la garde à vue pour répondre aux injonctions du Conseil Constitutionnel et aux normes européennes est une nécessité avant l’été 2011.

 

La Justice n’est pas une priorité politique ; éventuellement elle intéressé si elle peut être mise au service de l’enjeu sécuritaire une nouvelle fois affiché. En revanche l’accès au droit en matière civile (ex. la séparation ou le divorce), en matière commerciale ou dans le champ des relations du travail ne semble pas une préoccupation quand les besoins sont tellement immenses.

 

Passons. Le message qui passe à travers l’écriture gouvernementale se décrypte en pleins et … en creux. Ce qui manque est tout aussi important que ce qu’on y trouve.

 

On a déjà beaucoup glosé sur la disparition du Ministère de l’immigration et de l’identité nationale qui était primordial dans le précédent gouvernement. On sait qu’en liant l’Identité nationale à l’Immigration le président de la République avait pris le risque majeur de susciter de nombreux bords de l’échiquier réserves, incompréhensions sinon oppositions. Cela n’a pas manqué. Aujourd’hui après le débat sur l’identité nationale on parle de maladresse et le pragmatisme appelle a abandonné une orientation présentée en 2007  comme forte. Dont acte. Peu nombreux seront ceux qui regretteront cette suppression.

 

En revanche il est un manque majeur que très peu de commentateurs on relevé jusqu’ici : la disparition des thèmes famille et enfance. Depuis 1981 on avait quasiment toujours eu un département ministériel en charge de la famille, fréquemment un « ministère » de l’enfance, parfois comme sous L. Jospin le même ministre avait les deux objets en charge. Exit l’enfance et la famille qui ne sont donc plus des enjeux politiques explicites. Ce n’est pas rien. Qui plus est on ne peut pas parler de boulette comme dans ce gouvernement Chirac de 1995 – sauf erreur - on avait réalisé la boulette de l’absence de ministre de la famille pour, quelques jours plus tard, investir Mme Barzach.

 

Là il semble bien que le choix est assumé et qu’il s’inscrit dans la continuité de la dynamique du désinvestissement du précédent gouvernement Fillon. On se souvient de la caricature qu’avaient représentés les Etats généraux de l’enfance  au début 2010 auxquels les associations avaient du répondre par l’organisation d’un vrai travail de réflexion à travers les Etats génrEux de l’enfance. Le secrétariat d’Etat chargé de la famille confié à Mme Morano n’avait pas été plus existant sur son thème explicite de la famille. On retiendra les velléités de réforme de l’adoption, dont on ne regrettera pas qu’elles soient restées en l’état tellement elles étaient inappropriés ; on a encore souvenir d’une réflexion sur le statut des tiers restée aussi dans les limbes alors que le sujet tarde depuis 10 ans à être traité et concerne 2 millions d’enfants et leurs proches. En approfondissant, on pourrait trouver d’autres petites initiatives, mais en tout cas, pas les termes d’une politique familiale ambitieuse et adaptée aux « vivre en famille » modernes avec le souci de faciliter la vie des familles, dans leur intérêt certes et dans l’intérêt aussi du pays dans la mesure où pour une grande part les équilibres démographiques en dépendent. Sans compter l’importance d’un réseau familial identifié dans ses compétences pour socialiser les enfants.

 

Dans un billet posté il y a peu sur ce blog (le n° 402   ) j’essayais ici, es qualité d’ancien directeur de l’institut de l’enfance et de la famille et de militant, d’affirmer la nécessité d’une politique familiale. Je m’efforçais d’en relever les termes par-delà une simple politique des allocations familiales et des prestations sociales. De la même manière une politique de l’enfance s’impose au-delà une simple stratégie de protection de l’enfance en danger et en évitant d’avoir le souci d’instrumentaliser la protection de l’enfance au bénéfice des stratégies sécuritaires sachant que tout naturellement en protégeant mieux les enfants, la société y trouvera son compte en terme de paix sociale.

 

Dans son rapport remis voici quelques jours au président de la République M. J.M. Bockel, secrétaire d’Etat à la justice remercié depuis, ne disait rien d’autre quand il développait qu’il ne suffisait pas de vouloir punir les parents encore fallait-il créer les conditions pour que tous les parents de France puissent exercer leur autorité. En prenant un peu de recul nous affirmions qu’il fallait une démarche politique visant à poser publiquement les termes de la condition parentale : qui est parent en situation de responsabilité ? quels sont les termes des obligations parentales ? quels soutiens peuvent être apportés aux familles par les dispositifs sociaux ? etc…

 

Le rideau s’est levé dimanche sur la scène politique des 18 prochains mois. On est surpris et déçus.

 

Tout cela ne préoccupe pas l’actuel pouvoir. Que l’on se rassure : on va certainement inscrire l’enfance et la famille dans la répartition des périmètres gouvernementaux que traceront les décrets d’attribution à venir.

 

Concrètement un ministre aura bien ces responsabilités dans sa besace technique alors qu’on aurait pu imaginer un grand ministère de la famille, de l’enfance du handicap et  la dépendance

 

Las, le mal est fait. Jusqu’en 2012 – encore que !  - l’affaire est pliée : l’enfance et ses 13 millions d’intéressés et la famille ne sont plus des objectifs politiques à prendre en compte.

 

S’agissant de l’enfance, après la suppression du poste de Défenseur des enfants, le message en direction de la communauté internationale et du Comité des Experts de l’ONU qui veille au respect par les pays des termes de la convention internationale sur les droits de l’enfant est clair. Et ne parlons pas de l’affichage de la politique familiale à la française auprès des autres gouvernements européens.

 

Serait-ce que les enfants ne votent pas à la différence des personnes dépendantes et leurs familles ?

 

Demain on aura beau jeu d’entonner l’hymne aux responsabilités parentales alors qu’on n’aura rien fait pour mobiliser ces compétences. On proposera une enième fois la recette de la sanction par le retrait des allocations familiales, les stages parentaux et la responsabilité pénale des parents. C’est court, bien court !

 

PS

A ceux qui sont intéressés par une réflexion sur « l’intérêt  supérieur de l’enfant, leurre ou levier pour les droits de l’enfant », rendez vous au Palais Bourbon samedi prochain 20 novembre en prenant la précaution de vous inscrire à l’avance sur www.dei-france.org.

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16 octobre 2010

avocats0061.1238625074.gifIndéniablement les parents jouent un rôle majeur pour détourner leurs enfants de commettre des bêtises, sinon des actes de délinquance. Ils sont responsables dans les deux sens que l’on peut donner à ce terme : ils sont en charge de donner une bonne éducation à leur progéniture, et donc disposent à ce titre du pouvoir sur leurs enfants, mais ils ont également à rendre des comptes de leurs défaillances si elles sont dommageables pour autrui.

Les parents ont donc des responsabilités à exercer tant pour prévenir un premier passage à l’acte que pour accompagner leur enfants qui aurait déjà commis des actes de délinquance afin de leur permettre de retrouver à court ou moyen terme la bonne voie.

Deux écueils sont ici à éviter : surinvestir ou éliminer les parents.

La tendance dominante est bien de fustiger des parents défaillants et de vouloir réinvestir ceux là en les menaçant de toutes les foudres du Ciel. La dernière trouvaille en date étant la mise en jeun de la responsabilité pénale des parents du fait du comportement de leur enfant qui n’aurait pas respecté ses obligations judiciaires. J’ai déjà développé ici quelle révolution juridique – sous entendu quelle régression – constituerait la responsabilité pénale du fait d’autrui pour résultat un exorcisme de nature à satisfaire ceux qui nous gouvernent, mais sans efficacité réelle prévisible. Il ne sert pas à grand chose de fustiger les parents, mais il faut les mettre souvent en situation d’exercer leur rôle.

L’autre erreur serait de leur substituer l’intervention des institutions éducatives (la Protection  Judiciaire de la Jeunesse) ou coercitives (à travers l’Administration pénitentiaire) sous autorité judiciaire. Il est évident que ces institutions touchent rapidement leurs limites si elles ne disposent pas a minima du soutien et, mieux encore, de la mobilisation des parents. Même accueilli en institution et éloigné de son quartier et de son domicile un enfant doit voir ses parents se préoccuper de lui. A terme le plus souvent le jeune reviendra chez lui, dans sa famille, dans son quartier et sera repris par cette influence qui est l’eau de son bassin de vie. L’enjeu est de l’armer pour savoir résister aux pressions de ce milieu qu’il est appelé à retrouver à un moment ou un autre. Cette remarque amène à la modestie dans l’intervention éducative, ce qui ne signifie pas qu’elle soit inutile et inefficace.

Ces problématiques n’étant pas d’aujourd’hui, où est alors la modernité de ce sujet ?

Trois dimensions du contexte d’aujourd’hui doivent être relevées qui  éclairent les réponses possibles.

1)               Le vivre en famille a singulièrement évolué.

La famille classique des années 1930 décrite parle pr  François de Singly, avec des parents unis fermement dans le mariage (« Papa, Maman la bonne et moi ») existe toujours, mais est singulièrement concurrencée. 52% des enfants naissent hors le mariage des leurs géniteurs, nombre de familles (2 millions d’enfants sont concernés) se recomposent avec des beaux-pères et des belles-mères parfois en pagaille, l’allongement de la durée de la vie fait les quatre grands parents sont présents dans l’univers des enfants, etc. Certains enfants manquent de parents, d’autres en débordent. Ainsi 50 000 à 70 000 enfants naissent  chaque année sans père légal. Dès lors l’hymne à l’exercice des responsabilités parentales est entonné dans un vide relatif : il manque une paire d’oreilles pour l’entendre !

2)               L’insertion en France des populations issues massivement de l’immigration touche ses limites dans les milieux populaires.

Cette insertion est d’autant plus délicate que la crise dans laquelle nous sommes installés depuis la fin des Trente Glorieuses fait que l’ascenseur social est partiellement en panne. Il devient difficile d’expliquer aux enfants que s’ils travaillent bien à l’école ils gagneront bien leur vie ! En d’autres termes on ne peut pas raisonner l’exercice des responsabilités parentales selon avec la famille « ben de chez nous» composée d’un père berrichon et d’une mère bretonne. En rejoignant  Hugues Lagrange il faut aussi prendre compte des données non pas ethniques, mais culturelles Si les parents ne connaissent pas les codes sociaux du pays et ses institutions et déjà notre langue, leurs enfants seront en  difficulté pour quitter par le haut les ghettos sociaux qui se constituent. Le mitage social nous guette sans beaucoup de chance d’en sortir pour chacun. Un immigré est bien un étranger pauvre. Dans le XVI° arrondissement les enfants de diplomates ont moins de problèmes d’insertion que les enfants de l’immigration de certaines banlieues.

3)               Une redistribution des pôles des responsabilités publiques est en cours entre l’Etat et les collectivités locales (conf. Rapport Balladur) sur un fond de crise du financement des dépenses publiques.

Le recentrage de l’Etat sur ses fonctions régaliennes a des explications idéologiques et politiques mais aussi se justifie par le fait que l’Etat est proche de se déclarer en faillite. Derrière certaines reformes qui nous sont proposées comme celle de l’ordonnance du 2 février 1945 se découvre en filigrane cette nouvelle architecture qui nous est proposée avec notamment le maire comme pierre angulaire. Par cenvention avec le président du Conseil génral il peut se voir concéder l’aide sociale à l’enfance sur sa commune. Il a déjà compétence en matière de prévention de la délinquance ; il commence à avoir certaines responsabilités en matière de protection de l’enfance et est appelé demain à être le deus ex machina : celui qui fait la loi à travers ses arrêtés municipaux, qui dispose de la police – déjà sa police municipale armée et peut-être demain d’autorité sur la police d’Etat - et qui commence à obtenir le droit de rendre la justice avec les lois de 2005 et de 2007 (conf. ce qui se développe au sein de quelques conseils des droits et devoirs des familles comme à Châteaurenard ou le maire inflige des amende et des peines de travail d’intérêt général aux jeunes avec l’accord du procureur. En d’autres termes, la République est menacée : on en tend à revenir aux fiefs de l’Ancien Régime. Pourquoi pas mais où est la défense ? Où sont les indispensables contre-pouvoirs ?

Une dernière remarque s’impose qui est fondamentale : beaucoup espèrent restaurer l’autorité parentale défaillante pour dresser, sinon mater les enfants. En vérité, cette stratégie à courte vue est vouée à l’échec. Les enfants trouveront toujours les moyens de contourner cette autorité. Ils ne la respecteront que si elle est respectable. Ce n’est pas la blouse qui fait l’enseignant, mais le contenu de ce qu’il diffuse tant sur le plan technique que moral. Idem pour les parents. Le pouvoir donné aux parents sur les enfants a un objectif lui garantir la sécurité, l’hygiène, la santé et l’éducation. L’autorité des parents mai s aussi celle de l’enseignant, du policier ou du juge e sera respectée par les enfants si elle apparait légitime et juste, si elle est vécue come bénéfique, si elle apporte quelque chose. L’enfant râlera peut être mais se résoudra s’il perçoit le bénéfice à venir de l’exercice de cette autorité.

Si on élargit le focus, il ne s’agit pas d’avoir une politique de l’autorité mais une politique familiale. Le Conseil de sécurité intérieure de 1998 ne disait rien d’autre.

Dans ce contexte très compliqué où nous entrevoyons ce vers quoi nous nous dirigeons même si des zones de flou demeurent, où les responsabilités publiques sont plurielles et complémentaires pour permettre aux enfants de bénéficier d’une autorité parentale protectrice, quelles sont les principales pistes d’action qui peuvent se dégager ?

Quatre orientations doivent etre mises en exergue. 

1)               Il revient déjà l’Etat d’IDENTIFIER l’autorité parentale dans la loi qui a vocation à exercer cette autorité ?

Dans les années 1990-2000 on a réussi avec trois lois successives (1987, 1993, 2002) à affirmer que les deux parents devaient conjointement exercer l’autorité parentale, mais on a oublié de poser la première marche fondatrice qu’est la filiation. Il fallait, il faut toujours instituer deux parents systématiquement pour tout enfant. Aujourd’hui il est temps de veiller à ce que l’enfant ait une filiation paternelle et une filiation maternelle établies. Notre droit est toujours adulto-centré. Il prend d’abord en compte le droit des femmes et subsidiairement celui des hommes qui veulent etre libres de toute charge sur leur enfant. Il doit être dit que le parquet veille à instituer un père légal à l’enfant qui est déclaré de père inconnu. C’est le rôle de l’Etat.

Il est tout aussi indispensable d’affirmer que les beaux-pères et les belles mères te plus généralement les tiers qui élèvent un enfant sont légitimes à exercer des responsabilités sur lui s’agissant des actes usuels. Il ne s’agit pas de combattre les pères et les mèress, mais de veiller à ce qu’un enfant ne puisse pas dire à son beau-père « Qui t’es toi pour moi ? Rien alors tais-toi… ! »

Il est aussi nécessaire d’instituer dans  l’assurance parentale obligatoire comme il existe une assurance voiture ou une assurance appartement. Depuis 1997, l’enfant est un risque civil pour celui qui exerce en droit l’autorité parentale ; il faut dans son intérêt et celui des victimes rendre l’assurance obligatoire et prévoir un dispositif palliatif pour les parents démunis.

2)               INSTITUER l’autorité parentale. Faire la loi ne suffit pas s’il n’y a pas une pédagogie de la loi. C’est à travers des campagnes de communication notamment sur les médias télévisés ou internet qu’on y parviendra. Plus que jamais je suggère une campagne à travers des spots publicitaires cours et chocs.

3)               SOUTENIR ET ETAYER l’autorité parentale fragile ou défaillante en multipliant notemment les réseaux d’aide à la parentalité (REAPP) mais aussi en instituant du social dans l’école primaire pour repérer au bon sens du terme les enfants en difficulté et faire une offre d’aide sociale à leurs parents. Le service social scolaire et le service de santé scolaire sont avec la psychiatrie infantile les pans sinistrés du dispositif de protection de l’enfance.

4)               Enfin ASSISTER les familles en difficulté. On sait que l’Etat pour pouvoir recentrer la justice sur les mineurs délinquants se désengage de l’assistance éducative en ne concernant que le financement voire l’excercice des mesures d’investigation. Autant il est audible de vouloir réduire sinon inverser la tendance à la judiciarisation des familles les plus précaires, mais de là à se désengager il y a un fossé. C’est pourtant ce qui se passe ! Et déjà pour les jeunes délinquants, comment satisfaire d’avoir pour objectif qu’en moyenne la PJJ intervienne 37 jours après avoir été mandatée quand c’est dés le lendemain de la réception de la mesure qu’il devrait y avoir une intervention éducative ? En d’autres termes, on ne fera pas l’économie d’un débat sur les moyens alloués par l’Etat à la justice des enfants : ils sont certes plus importants qu’ils n’étaient avant 1998 ; ils restent chiches et inadaptés aux besoins pour ne pas être plus sévère.

On peut aussi SANCTIONNER l’autorité parentale défaillante soit pénalement en jouant ou en menaçant de jouer de l’article 227-17 du code pénal comme le démontre le procureur de la République de Paris, soit civilement par le retrait d’autorité parentale. Mais là il n’est pas besoin de changer la loi qui est déjà performante.

On le voit l’Etat a des responsabilités à tenir pour promouvoir les responsabilités parentales. On doit sortir de l’incantation.

Cela suppose de créer un climat favorable à l’exercice des responsabilités parentales et déjà d’arrêter de jeter l’anathème sur les mauvais parents Quand ce ne sont pas les professionnels qu’on fustige ou décdibilise les uns après les autres. Chacun doit respecter l’autre dans l’exercice de ses compétences si l’on veut par les synergies qui s’imposent dégager une valeur ajoutée On est  loin du compte. Les travailleurs sociaux n’échangeront pas d’informations s’ils n’ont pas le sentiment d’être reconnus dans leur spécificité. Ainsi la protection de l’enfance est une objectif en soi ; elle peut contribuer à la prévention de la délinquance des jeunes, mais elle ne doit pas etre instrumentalisée comme il en ressort de la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance ; d’où les blocages qui en résultent depuis. Il faut encore partager les informations et combattre le scientisme ambiant.[i]

Au politique également de jouer son rôle et de rassurer l’ensemble du champ politique et social pour dégager un minimum de son consensus et garantir ainsi que les nécessaires politiques publiques  pourront s’inscrire dans la durée afin de produire leurs effets. On est ici à un carrefour de vérité : si les choses sont aussi graves qu’il est dit aux plus hauts niveaux de l’Etat, il faut rechercher un consensus comme en 1945 et 1983 avec la commission des maires. Où alors on est devant un écran de fumée sécuritaire et il revient au pouvoir d’assumer seul ses positions au risque de n’être pas crédible et quoiqu’il arrive d’être disqualifié.

 

 Pour approfondir sur le sujet l’échange entre un juge de Bobigny et le deputé maire du XVI° arondissemnt de Paris

 

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A lire aussi Un point de vue pôlitique sur ces Assises


[1] Ce texte reprend l’intervention développée comme magistrat et président de DEI-France lors des Assises de la prévention de la délinquance juvénile organisée le jeudi 14  octobre dernier au palais de justice de Paris par le secrétaire d’Etat J.M. Bockel.


[i] Ce ne sont pas 300 000 enfants qui sont traduits devant les tribunaux pour enfants, mais 65 000 qui sont poursuivis pénalement. S’y ajoutent certes 80-100 000 enfants ayant violé la loi traités par les parquets, mais pour le surcroit de 150 000 il s’agit d’enfants en danger. Il faut pas tout mélanger et amalgamer.

C‘est encore une erreur que d’avancer que la justice pénale des enfants est défaillante : dans 85 % des cas un enfant délinquant ne l’est plus devenu majeur.

On ne gagne rien à travestir les chiffres. Un temps, certains, pour inquiéter l’opinion et jouer sur sa compassion certains augmentaient chaque année les chiffres des enfants maltraités au point où on en était arrivé à parler de 150 000 enfants sous la plume du recteur de l’Académie de Paris alors qu’ils sont heureusement – c’est déjà beaucoup – environ 20 000. Aujourd’hui on joue avec les statistiques de la délinquance des jeunes. Certes comme l’ensemble de la délinquance elle a augmenté ces dernières années mais on oublie de dire que depuis 2000, et non pas 2002, elle a baissé en proportion passant de 20% à 17% soit qu’à 83% elle est le fait des plus de 18 ans. Voilà bien une bonne nouvelle ! On laisse à penser que le danger vient des enfants ce qui est faux ! A quand des assises de la prévention de la délinquance en général ?

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15 octobre 2010

avocats0061.1238625074.gifA juste titre, si l’on veut bien revisiter l’histoire récente, la perspective de voir la jeunesse de France dans les rues inquiète les pouvoirs publics. Des indiscrétions venues de l’Elysée et au plus haut niveau, trouvées dans la presse, laissent même à penser que ce serait la pire des hypothèses pour le pouvoir, celle qui pourrait l’amener à revoir sa copie sur les retraites. 

Il ne faut pas être angélique : si certains redoutent cette perspective et croisent sûrement les doigts en pensant à Charles Pasqua et à la mort du jeune Malik Oussekine le 6 décembre 1986 pour qu’il n’y ait pas d’incidents dramatique, d’autres attendent de la voir prospérer et pourquoi pas y incitent, sinon explicitement, du moins dans les arrières-politiques militantes. Et les premiers d’accuser les seconds d’irresponsabilité en lançant la jeunesse de France sur le pavé. Chacun se fera ici son point de vue. 

Ce n’est pas la peine d’épiloguer sur le fait qu’en direction des jeunes tout est à conseiller sauf de les inviter à tenir telle attitude. Non seulement ils n’ont pas collectivement la révérence paternelle, mais surtout ils craignent comme la peste d’être récupérés et a fortiori d’être manipulés. Si l’on veut les voir dans la rue auprès des plus anciens, il ne faut surtoutles  y appeler, ni même y rêver devant eux !  Reste qu’objectivement  la question des retraites ne concerne pas que les personnes à quelques encablures de ce port, mais bien tout le peuple de France, y compris sa jeunesse. On ne voit pas pourquoi les plus jeunes seraient illégitimes à avoir un point de vue sur le sujet d’autant qu’à juste titre ils relèvent que le retard au départ de certains anciens rend encore plus difficile leur démarrage professionnel. Bref ils sont concernés dès aujourd’hui et pas seulement pour après demain.  

Il n’est pas question pour moi d’avoir un point de vue public sur cette question de la reforme des retraites. Je n’y serais pas ici légitime. Je m’attache uniquement à réfléchir sur la participation des plus jeunes à la bataille en cours. Et là, comme Cécile Duflot le relevait hier matin, c’est un peu fort de café que ceux qui nous disent qu’à 16 ans on est aujourd’hui bien plus mûr que par le passé contestent le droit de manifester de nos enfants.  

Je rappelle que depuis 2002, à défaut de pouvoir abaisser la majorité pénale à 16 ans – Conseil Constitutionnel oblige qui tient la loi de 1906 comme ayant valeur de principe constitutionnel-, les gouvernements successifs sous présidence Chirac et Sarkosy vident de son contenu l’excuse atténuante de minorité pénale : un 16-18 ans sera souvent punissable comme un adulte. Le juge doit rétablir le bénéfice de l’excuse atténuante que la loi supprime pour les doubles récidivistes. Par ailleurs, le dispositif des peines-plancher est applicable aux 16 ans et plus. Enfin, à travers la Procédure de présentation immédiate introduite en 2005 et, demain, la comparution immédiate votée il y a quelques jours par le Sénat on consacre le flagrant délit pour les mineurs et on gomme ainsi la spécificité du droit pénal des enfants en France qui consiste à se donner du temps pour s’attaquer à la personne du jeune pour “éradiquer” le crime.. Et l’on vient nous dire que ces responsables pénaux à l’instar des adultes que sont devenus les 16-18 ans ne devraient pas manifester ! Il fallait oser cette dialectique ! Beaucoup l’ont fait. 

Quelques rappels s’imposent ici de notre droit. On sait déjà qu’en fait il est impensable d’empêcher un enfant  - on est juridiquement  enfant de 0 à 18 ans – de manifester individuellement son mécontentement sinon son souhait. On sait aussi que très tôt – ma femme prétend avoir mené sa première grève à 11 ans pour protester contre la mauvaise qualité de la cantine scolaire – des enfants peuvent déclencher des mouvements collectifs. Ne parlons pas de la difficulté de « gérer » un adolescent en crise. On peut la jouer à l’autorité mais les résultats sont souvent négatifs. Le dialogue, le temps, la fermeté rasurtante sont généralement de meilleurs moyens de juguler la juvenile insistance. Pour dire les choses directement je ne connais pas un juge des enfants qui sous la menace parvient à imposerun jeune dit en danger – je ne parle pas de jeune delinquant - de vivre avec tel ou tel parent ou dans un foyer ; il va  falloir le convaincre. Le jeune sait que le magistrat ne dispose d’aucun pouvoir coercitif tout juge qu’il est. 

Au risque de surprendre notre ordre juridique reconnaît le droit de manifester des moins de 18 ans. Il est consacré par l’article 15 de la Convention internationale du 20 novembre 1989 sur les droits de l’enfant ratifiée par la France :“1                Les Etats parties reconnaissent les droits de l’enfant à la liberté d’association et à la liberté de réunion pacifique.2                L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet que des seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de l’ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publique, ou les droits et liberté d’autrui. » Cet article 15 ne peut s’entendre que si l’on a à l’esprit les trois articles qui le précédent et qui font la modernité démocratique de ce traité et de la représentation de l’enfant en tant que sujet de droit. 

Déjà l’article12 sur la liberté d’opinion donne le ton :« 1     Les Etats parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toutes les questions l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. (…) «   L’article 13 en tire une première conséquence :« 1     L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considérations de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.(…) » Et l’article 14 continue:      « 1     Les Etats parties respectent les droits de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion. (…) »          Fermez le ban juridique. 

En d’autres termes si une partie de la jeunesse de France - pas nécessairement celle qui objectivement a son avenir le plus bouché - descend dans la rue, c’est bien qu’elle ressent un malaise dans et par-delà la reforme des retraite. Au politique de l’entendre et de la rassurer. Cela ne veut pas dire obligatoirement céder mais engager un dialogue, ce dialogue social que les syndicats soutiennent ne pas avoir eu. En tous cas les attitudes de grands papas sont dépassées. Le droit de manifester non seulement historiquement se conquiert mais il est aujourd’hui consacré pour les plus jeunes, n’en déplaise à certains, ceux là qui veulent le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière quand ils parlent du statut des enfants. 

Pour reprendre la terminologie et la classification gouvernementales actuelles, ces manifestants de moins de 18 ans sont-ils des enfants pour lesquels nous devons avoir écoute et compassion ou des mineurs c’est- à-dire des délinquants? Pourquoi pas tout bonnement des citoyens, c’est-àdire des acteurs de la cité !

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10 octobre 2010

avocats0061.1238625074.gifLa page sécuritaire continue de se remplir jour après jour. Le JDD de ce week-end nous annonce que l’UMP renonce à mettre les parents en prison, mais pour autant le Sénat vient de voter la comparution immédiate pour les mineurs et accepte de valider l’accord franco-roumain qui permet au parquet de réacheminer vers leur pays les enfants trouvés en délinquance en France.

Sur le projet de responsabiliser les parents droit pénal au poing Eric Ciotti se défend de faire marche arrière après les remous suscités par sa proposition de l’été visant à permettre, comme le préconisait le président de la République dans son discours de Grenoble, l’incarcération des parents dont les enfants ne respecteraient pas les obligations judiciaires come de ne pas fréquenter tel lieu ou telle personne, d’être scolarisé ou confié à un foyer.

Tout au plus M. Ciotti accepte-t-il d’admettre avoir mis un peu d’eau dans son vin. Pas de prison certes, mais des poursuites pénales avec à la clé une forte amende de 7 000 euros et un stage de parentalité sachant que l’article 227-17 du code pénal prévoit déjà pour un non exercice dommageable de l’autorité parentale une peine de 2 ans d’emprisonnement et que chaque année 200 condamnations sont prononcées sur cette base ! Il n’en demeure pas moins que la disposition remaniée pose à tout le moins deux problèmes juridiques majeurs.

Première difficulté : n’introduit-on pas la responsabilité pénale du fait d’autrui ? Ce serait une première en France. Jusqu’à aujourd’hui chacun est pénalement responsable de sa faute personnelle, volontaire ou involontaire commise. Avec le projet Ciotti la faute de l’enfant qui ne respecterait pas les instructions judiciaires vaudrait au parent d’être puni. L’attitude de l’enfant ferait de son parent un délinquant ! Voir le post n°

Le député s’en défend en avançant qu’il s’agit de poser la présomption que si l’enfant entre enrebellion judiciaire c’est bien que son parent n’a pas voulu se faire obéir de lui. Obligation de moyens ou obligations de résultat ? Quid si le parent démontre avoir tenté, voire le procureur lui-même pour n’avoir pas su prendre ou requerir les mesures adaptées. Ainsi qu’en sera-t-il s’il est démontré que le parent a demandé que son enfant aille en maison de correction sinon en prison et que la justice n’aura pas accepté ou tout simplement n’aura pas pu mettre à exécution comme elle le fait souvent un projet de « placement »?

En tout cas, il faut attendre de voir le texte déposé par M. Ciotti et l’issue du débat parlementaire pour savoir s’il nous est proposé pour une efficacité douteuse une nouvelle entorse majeure à notre droit pénal.

L’autre question posée par le projet Ciotti est tout aussi délicate car l’idée est bien de demander au procureur de prononcer une injonction contre les parents et, si ceux-ci s’y dérobent, de les faire condamner. On s’oriente là aussi dans une voie sacrément préoccupante qui verrait le parquet prendre des décisions pénales contraignantes contre les gens quand jusque là ce pouvoir était réservé aux juges, certes à la demande du parquet, mais après un débat contradictoire, une défense pouvant s’exprimer et des recours étant ouverts. Quel débat est prévu dans le nouveau dispositif ? Quelle défense ? Quels recours contre un procureur qui prendrait cette « ordonnance de probation »

TintinOn retrouve somme toute la même démarche dans le dispositif – deuxième projet - décidé avec les autorités roumaines qui voudrait que désormais le procureur, et non plus le juge pour enfants dont on se méfie plus que jamais, décide du rapatriement dans son pays d’un enfant roumain, souvent rom, pour avoir été pris en France à commettre des délits. Pas de débat contradictoire là encore pour quelque chose qui ne peut pas ne pas s’assimiler à une décision d’expulsion quand les mineurs par définition sont inexpulsables !

Il ne s’agit pas de nier qu’il y ait un problème spécifique avec ces enfants avec quelques centaines d’enfants utilises pour voler dans les transports ou cambrioler quand ils ne se prostituent pas, mais il ne date pas d’aujourd’hui. De là à violer aujourd’hui nos règles fondamentales il y a un fossé ! D’autant que le problème de fond ne sera pas traité ni même abordé. On sait que les roumains expulsés même avec leur accord formel reviendront souvent. Le fait qu’on se ménage plus facilement que par le passé la preuve de leurs différentes interpellations n’y changera pas grand-chose. Mais plus grave : les enfants roms sont voués à des prisons peu ragoutantes quand ils ne seront pas carrément en danger sur leur vie de n’avoir pas pu respecter l’accord passé avec leurs parents !

5076enfantsprison.1176414614.gifEnfin – troisième régression conjoncturelle -, le Sénat a voté malgré l‘avis de sa Commission des lois la comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16ans déjà condamnés dans les six mois précédents. On est en train d’en finir, coup de butoir après coup de butoir, avec le droit pénal spécifique des enfants. Désormais s’il y a lieu à démarche éducative pour s‘attaquer aux problèmes de fond des enfants délinquants ce ne sera que dans la contrainte. Par cette posture coercitive, le pouvoir politique tente de pallier les carences des démarches éducatives développées dans la dernière période. Il ne sait plus se donner le temps et les moyens de s’attacher aux problèmes de fond ; il se raccroche à une illusion : la certitude d’une sanction est de nature à prévenir la récidive ! Illusion. Ou démission ?

En vérité, le mal est profond. L’action éducative avait des chances d’aboutir quand la société en développement permettait d’espérer raccrocher un wagon pour ces jeunes qui avait loupé le départ du train de l’insertion sociale. Certes ils ne seraient pas polytechniciens mais avaient une chance quand même de vivre correctement avec un « petit boulot », une « petite » formation, un « petit » revenu, une « brave » femme aimante et de chouettes enfants. Le temps des Trente Glorieuses est loin !

peoples_184.1185300072.gifAujourd’hui la société semble signifier qu’elle prend acte que la fracture sociale est définitivement acquise. Il ne s’agit plus de tenter d’essayer de prendre une passerelle qui n’existe plus, mais de contenir ceux sont de l’autre bord. Quel aveu d’impuissance !

Nota : Pour ne pas tout voir en noir : saluons pour nous en réjouir pour eux et leurs parents que le programme 2009-2014, consécutif à la Conférence nationale de juin 2008 de création de structures en faveur des enfants porteurs de handicaps, se déroule globalement selon les prévisions. Je rappellerai qu’il y a encore peu les pouvoirs publics refusaient d’admettre ce que nous disons depuis des années à savoir que pour le moins 15 000 enfants porteurs de handicap ne sont pas scolarisés (in ASH du 8 octobre 2010).

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19 septembre 2010

  avocats0061.1238625074.gifLe plan adopté par le président de la République au début de l’été continue de se dérouler : il s’agit bien de cliver au maximum l’opinion, pour faire exister une certaine offre de service politique alternative à la gauche ou au centre droit dans la perceptive de 2012. L’objectif a été énoncé  clairement ; tous les médias s’en sont fait l’écho et son développement, c’est le moins qu’on puisse dire, est conforme à l’annonce. Difficile de jouer la surprise. 

La sécurité est bien évidemment l’angle d’attaque privilégié de cette démarche. Peu importe que, sur le terrain, rien ne justifie fondamentalement de grands effets de manches. On crée artificiellement le besoin et comme toujours l’actualité, avec sa dose de drames, alimente la polémique. Il est alors toujours aisé de dénoncer des dysfonctionnements souvent allégués, d’exploiter l’émotion, etc… Effet garanti côté sondage, quitte à devoir assumer le fait que, si la réponse est politique, ceux qui gouvernent de longue date ont ipso facto une part de responsabilité dans la survenance de ce qu’ils dénoncent ! On ne peut gagner sur tous les tableaux. Difficulté de l’exercice : tous les sujets n’ont pas la même explosivité ; certains peuvent même déclencher des déflagrations avec des retours de flamme particulièrement délicats à gérer. Ainsi le dossier Rom dont nul ne sait quelle issue il va pouvoir trouver compte tenu de sa charge politique majeure. Une vague d’opinion anti-roms déroule aujourd’hui ses effets à peine contrebalancée par les images très dures d’enfants aux campements détruits. On peut désormais craindre des drames comme la prise à partie d’enfants dans le métro parisien ou des violences physiques sur des roms dans la rue. Espérons qu’il n’en sera rien. 

Dans le cadre de ce plan gouvernemental le ministre de l’intérieur passe la vitesse surmultipliée dans « Le Figaro Magazine » de ce week-end avec le souci de déclencher un gros «buzz» médiatique grâce aux énormités avancées et à une orchestration professionnelle. Comment laisser passer sans réagir un discours comme on en en rarement lu de la part d’un ministre de la République ? On peut difficilement imaginer plus grande défiance exprimée publiquement à l’égard de la justice de la République et des magistrats. Au final, les juges sont rendus coupables de l’existence même de la délinquance. On est au niveau quasi le plus élevé de la démagogie.  De cette critique d‘une justice qui pourtant tient les équilibres fondamentaux comme la loi le lui demande et qui refuse de se laisser instrumentaliser  par la police, découle une série de pistes plus ou moins «liberticides» (ex. l’extension des peines planchers aux primo délinquants, l’échevinage ou l’élection des juges, etc.) pour brider au maximum la liberté d’appréciation des magistrats. 

Pour des raisons stratégiques - le souci de ne pas enclencher une nouvelle querelle Intérieur-Justice ou la perspective du prochain remaniement - la Garde de sceaux a fait le choix de se taire alors même qu’elle ne peut pas cautionner ce discours, ni à titre personnel ni comme ministre de la justice. Elle ne pourra pas tenir longtemps cette posture au risque de se disqualifier au regard des professionnels de justice, toutes professions réunies, et aussi de perdre tout crédit politique. En revanche et en apparent reflexe, le premier ministre refuse l’élection des juges de l’application des peines, voire des juges correctionnels que propose son ministre de l’intérieur. Comme il refuse l’abaissement  de la majorité pénale à 16 ans que souhaiterait obtenir M. Hortefeux. Quand l’un rappelle que le Conseil constitutionnel a déclaré comme ayant valeur constitutionnelle la loi de 1906 fixant la majorité pénale à 18 ans, l’autre espère le voir se déjuger. 

Nouvelle cacophonie gouvernementale ? Jeu de rôles entre le premier ministre et son ministre avec une répartition des taches entre un méchant et un gentil ou bien conviction profonde et sincère du chef du gouvernement qui joue aussi une carte politique personnelle? L’histoire le dira. Reste que dans le même temps le rouleau compresseur de l’actuelle majorité continue sa marche en réduisant petit à petit à néant les dispositifs introduits dans notre droit pénal pour garantir les possibilités de réinsertion sociale. L’idée est bien que seule la sanction est dissuasive du passage à l’acte initial ou de la récidive.  

Loi après loi, sans grand débat national, le démantèlement du droit pénal des enfants engagé à coups de boutoir en 2002 continue, avec la caution de l’actuel premier ministre.  Ainsi cette semaine, contre l’avis de sa commission des lois, le Sénat a adopté dans le projet LOPPSI II un amendement d’origine gouvernementale qui introduit la comparution préalable - anciennement appelée flagrant délit - pour les mineurs (1). Certes un compromis a été trouvé qui exige que le mineur ait déjà été condamné à 6 mois d’emprisonnement. Mais il suffit de reprendre l’histoire de ce type de dispositions  - conf.  à nouveau l’exemple des peines planchers - pour savoir qu’une fois le principe de la mesure adoptée, lors de la réforme suivante, on fait sauter la condition initialement posée pour éviter les débordements et rassurer les opposants au coup de canif. 

Dès lors ,nous sommes donc quasiment à la fin du processus d’abandon du droit pénal spécifique des mineurs, particulièrement pour les plus de 16 ans qui souvent, dixit M. Hortefeux, ne sont plus des enfants.  Tel était l’objectif recherché par Nicolas Sarkozy ès-qualité ministre de l’Intérieur-candidat, puis président de la République. Le résultat est quasiment atteint sans qu’il y ait eu à voter une grande loi comme le projet de Code de justice pénale pour les mineurs qui devait rénover de fond en comble l’ordonnance du 2 février 1945.  

De fait, ceux qui nous gouvernent ont intégré la règle de base de la sociologie judiciaire : plus la justice juge vite au lendemain de l’acte ou de l’interpellation, plus elle est sévère. La justice des enfants moderne ne s’interdit pas de réagir sans délai, mais pas nécessairement pour sanctionner : il faut faire un diagnostic sur la personne de l’auteur et engager des mesures éducatives qui permettront de s’attaquer au fond de ses difficultés. Ce temps pris pour transformer la personne du jeune délinquant est vécu comme du temps perdu alors qu’il est essentiel ! On supprimera donc ce temps d’évaluation et de travail sur la personne, pour commencer par une condamnation qui sera sévère, donc dissuasive de récidive. Dès lors il faut faire sauter un par un les verrous qui font obstacle à cette stratégie Depuis 1996, tout est fait (conf. notemment mon post précédent), pour réduire ce temps d’instruction tenu pour inutile et débouchant sur des sanctions trop peu sévères : de la C.O.P.J. (convocation par officier de police judiciaire) pour mise en examen ou pour jugement délivré à la demande du parquet alors même que le jeune est au commissariat en allant jusqu’à la procédure de P.P.I. (procédure de présentation immédiate) qui permet au procureur de renvoyer dans un délai de 10 jours sans voir le juge des enfants, en passant par la procédure de jugement à bref délai et la pratique du déférement au sortir du commissariat, la loi a rogné ce temps réservé à s’attacher à la prise en charge de la situation pour ne s’attacher qu’à sanctionner un acte. Désormais on le supprime carrément. Par la comparution immédiate, on passe du commissariat à l’audience solennelle du tribunal pour enfants. 

Pour une plus grande efficacité? On peut en douter. La société ne sera pas mieux protégée si on ne s’attache pas à changer le mode de vie du jeune. On n’endiguera pas sa délinquance. On l’y enfermera. Rien aujourd’hui dans le fonctionnement de la justice ne justifie l’appréciation négative portée sur elle. Elle réagit à tous coups, elle juge vite, elle est sévère, elle est efficace. Je renvoie tous ceux qui en douteraient aux travaux scientifiques et parlementaires. Le gouvernement s’inscrit donc dans une posture purement idéologique.  

En vérité, ce sont moins les juges laxistes qui sont dans son collimateur que les travailleurs sociaux censés ne pas être efficaces et coûter cher dans cette période de crise des moyens publics. Jeu de rôle ou pas, le détricotage du droit pénal issu du XX° siècle se poursuit pour revenir au XIX° avec une justice distributive à l’acte. 

Pendant ce temps on ne s‘attache pas aux causes de l’insécurité. Ainsi on néglige de s’attaquer aux conditions de vie précaires de nombre des familles de certaines cités de banlieue où le bizness pallie les revenus  traditionnels. Or, par-delà l’approche policière aujourd’hui privilégiée,  la meilleure manière de s’attaquer à l’économie parallèle et à la drogue qui l’alimente reste le développement économique au bénéfice de tous. Mieux on oublie de créer les conditions de la sécurité : espoir et justice partagés.  Il ne faut pas être grand clerc pour pronostiquer que tout cela ne sera pas efficace pour lutter contre les violations de la loi. Pendant ce temps, le silence de la gauche appelée à gouverner est étourdissant, sauf la mobilisation de l’armée par S. Royal. Comme si un miracle allait se produire le 8 octobre prochain jour d’une convention PS sur la sécurité. Il ne suffit pas de refuser le tempo de son adversaire, il faut traiter les problèmes, en l’espèce non pas celui de l’insécurité mais les termes de la sécurité sans perdre son âme. Par ailleurs il ne s’agit pas de souhaiter être plus efficace, mais aussi de défendre les libertés publiques. 

(1)  Le Sénat a également entériné le couvre feu individuel adopté par l’Assemblée, mais il estime que c’est au juge des enfants d’en décider et non pas au préfet. On ne peut que se réjouir de cette décision qui consacre la pratique de certains juges d’interdire dans le cadre d’un strict contrôle judicaire à un jeune de se trouver seul dans la rue après 19 h sans l’autorisation des père et mère ou sans être accompagnés par eux, la violation de ce contrôle judiciaire pouvant entrainer l’incarcération provisoire.

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11 septembre 2010

avocats0061.1238625074.gifLe 8 septembre la commission des lois du Sénat a rejeté trois amendements déposés par le gouvernement  avec pour objet de durcir encore la loi sur la sécurité intérieure dite LOPPSI II en cours d’examen.

L’un d’eux visait à introduire la comparution immédiate - pour tout dire le flagrant délit - pour les mineurs d’âge. Mine de rien, en catimini, il s’agissait ni plus, ni moins d’introduire dans la loi l’une des préconisations-phare de la commission Varinard de 2008 qui estimait que le temps de l’instruction obligatoire du fait de l’article 5 de l’ordonnance du 2 février 1945 n’était plus nécessaire pour les enfants. 

Il y a 20 ans, à la simple l’idée d’introduire le flagrant délit pour les enfants délinquants, des milliers de magistrats et de travailleurs sociaux seraient descendus dans la rue. Un tel projet aurait été analysé comme un coup de canif majeur au dispositif pénal concerant les jeunes auteurs d’infraction quand on sait qu’il faut laisser du temps au travail social sous autorité judiciaire pour développer ses effets. Aujourd’hui, dans le silence ambiant, c’est le Sénat qui fait de la résistance au nom des principes. Et il a raison.

Cette disposition technique marque en effet la différence majeure entre le droit pénal des majeurs et la justice des mineurs que le Conseil constitutionnel et les engagements internationaux de la France consacrent.

On pense utile de pouvoir traduire rapidement des adultes devant un tribunal pour les sanctionner au mieux. On vist ceux les sans domicile ou sans revenus et ceux qui présentent des risques de réitération ou de non-représentation. En pratique, les personnes les plus fragiles. Cette justice rapide, proche de l’interpellation, sinon des faits qui ont pu troubler l’ordre public, débouche sur des sanctions généralement bien plus sévères que si l’on se laisse un peu de temps.

Soucieux d’une sanction ferme et rapide - rapide pour être ferme -, ceux qui nous gouvernent n’ont eu de cesse - et encore aujourd’hui - de lever les obstacles juridiques ou psychologiques qui, de leur point de vue, paralysent un jugement dans les meilleurs délais. Ils sont convaincus que juger vite résoudra le problème quand il doit s’agir en fait de réagir vite, sûrement et à bon escient ! Réforme après réforme – 5 sur la législature  2002-2007 – notre droit a été remodelé.

Il est loin le temps où le juge des enfants était le grand maître du temps judiciaire. Ce pouvoir a été transféré au parquet.

Celui-ci a dû commencer par balayer devant sa porte en apportant plus souvent une réponse pénale à l’enquête policière alors que, jusque-là, dans 40 à 60% des cas selon le type d’infractions il classait purement et simplement la procédure c’est-à-dire qu’il ne lui donnait aucune suite sans même prévenir les victimes. On faisait alors et déjà un faux procès en lenteur ou en laxisme aux juges des enfants quand il convenait tout bonnement que le parquet se préoccupe de la situation. Aujourd’hui pour les moins de 18 ans le taux de réponse pénale du parquet est quasiment de 92% quand il n’est que de 85 % pour les adultes. Reste que le taux d’élucidation de la police reste très faible (de 30 à 40%) ! Depuis 1992 le parquet fait le choix pour ne pas submerger les juges– et se garantir d’une réponse – de traiter lui-même 60% des cas où il estime une réponse pénale nécessaire. On parle de troisième voie ou de traitement autonome par le parquet.

Pour autant, pour les 40% des cas qu’il leur adresse, le parquet ne lâche pas le coude aux juges.

Là encore quelqu’un qui débarquerait dans la planète justice après l’avoir quittée depuis deux décennies serait sidéré.

Non seulement des procédures nouvelles ont été introduites qui permettent au parquet d’obtenir rapidement des juges une décision sur le fond, mais la justice s’est mise en quatre afin de connaitre rapidement des situations. Ainsi tous les services de police sont en relation téléphonique permanente 24 h sur 24 avec le parquet - c’est le travail en temps réel - permettant ainsi une orientation dans l’instant en cours ou en fin d’enquête policière. Le parquet intervient vite, mais fait en sorte que le juge prenne le relais rapidement.

Qu’on en juge !

La convocation par officier de police (COPJ) permet déjà depuis1995 de prendre prise sur l’agenda du juge. Le jeune étant au commissariat est informé d’une date où il doit de se présenter devant un juge des enfants nommément désigné, soit pour y être mis en examen, soit pour être jugé si l’affaire ne présente pas trop de difficultés. On n’attendra plus une convocation du juge qui pourrait intervenir tardivement, en tout cas trop tardivement puisque le rapport d’un jeune au temps n’est pas le même que celui d’un adulte. Ce délai ne peut pas être inférieur à 10 jours, mais sur la base de créneaux journaliers et horaires donnés au procureur par le juge, le jeune sera en  pratique devant un juge sous quelques semaines. Auparavant un rendez-vous lui aura été donné pour se présenter devant un service éducatif qui fera le point sur la mise en œuvre des mesures en cours. 

Mieux, la procédure de jugement à délai rapproché permet au procureur de demander au juge sous contrôle de la cour d’appel, soit le jour de la requête initiale, soit en cours de procédure, de bien vouloir juger sur le fond dans un délai de un à trois mois, soit en cabinet, soit devant le tribunal. Là, pour le coup, la loi permet au procureur de faire pression sur le juge pour qu’il juge sur le fond très rapidement. Cette procédure est notamment usitée pour les enfants sans domicile fixe qui se voient ainsi notifier, le jour de leur présentation au juge alors qu’il les a sous la main, une date de jugement devant le tribunal. Ce jour-là ils encourront une peine d’emprisonnement avec exécution immédiate par un jugement réputé contradictoire s’ils ne se présentent pas ce qui leur vaudra à la prochaine interpellation d’aller immédiatement en prison sans pouvoir faire opposition.

COPJ et délai rapproché : la révolution du temps judiciaire était déjà en marche.

Il faut ajouter en parallèle - les éléments pouvant se combiner entre eux - que depuis une quinzaine d’années le parquet use, sinon abuse dit-on parfois, du déférement c’est à dire de l’ordre donné au service de police de lui présenter ou de conduire à un juge tel jeune à sa sortie du commissariat ou de la gendarmerie. En Seine Saint-Denis on a pu recourir au déférement dans un cas sur deux. C’est trop car il ne suffit pas de faire venir le jeune au tribunal et d’y inviter ses parents, encore faut-il adopter ce jour-là une mesure qui apporte quelque chose de plus à la situation notamment quand celle-ci est déjà connue. A défaut, ce déférement qui doit être rare et solennel perd tout crédit.

Dans un délai qui ne doit pas excéder 20 h après l’issue de la garde à vue le jeune déféré verra un juge, juge des enfants généralement ou  juge d’instruction. Il se verra accordé le statut de témoin assisté ou sera mis en examen. Des mesures provisoires seront prises pouvant aller, au nom de l’ordre public, jusqu’à la demande d’incarcération présentée au juge de la liberté et de la détention (JLD) si le jeune a plus de 16 ans en matière délictuelle et à partir de13 ans en matière criminelle, sur réquisitions du parquet ou à l’initiative du juge. En pratique un jeune sur 3 passant devant un JLD se retrouve en prison le soir même. Tous ces juges peuvent aussi décider d’un éloignement du quartier, de la famille, mais aussi des potes, dans le cadre d’un strict contrôle judiciaire pouvant inclure le placement en centre éducatif fermé.

En d’autres termes, il existe déjà des dispositions juridiques et des pratiques judiciaires qui permettent des réponses pénales rapides et fermes.

Cerise sur le gâteau, la loi Perben I de 2002 rectifiée en 2007, a introduit une procédure qualifiée aujourd’hui de présentation immédiate (PPI) qui permet cette fois-ci de sauter allégrement la case juge des enfants en permettant au parquet de saisir lui-même et directement le Tribunal pour enfants. Non seulement il s’assure que le tribunal pour enfants – et non plus le juge en cabinet qui ne peut pas prononcer de peines - sera amené à connaitre de la situation. Mais il ouvre la possibilité d’une incarcération, à travers une peine (et pas seulement une détention provisoire). Il a en outre la maîtrise de la date de jugement qui cependant, en théorie, ne peut pas intervenir avant 10 jours. En théorie, car une disposition permet de retenir « la première date utile » si les parents, le jeune et son avocat renoncent à ce délai de 10 jours … dans l’intérêt du jeune. Ce faisant on a rendu possible le flagrant délit dans les grandes juridictions comme Bobigny où il y a audience du TPE tous les jours ouvrables ! Fort heureusement les parquets restent très prudents dans le maniement de ces dispositions qui dérogent au principe de l’instruction obligatoire

Pour recourir à la PPI il faut que les faits ne supportent pas d’instruction c’est-à-dire apparaissent incontestables, sachant que même un aveu obtenu devant les policiers peut être remis facilement en cause à l’audience.

Il faut aussi qu’aucune investigation ne soit nécessaire sur la personne du jeune, ce qui signifie qu’il est déjà connu. A priori dans l’esprit du législateur cette procédure s’applique à des jeunes réitérants sinon récidivistes ; mais dans le texte de la loi il suffit de disposer d’éléments de personnalité datés de moins d’un an. D’où certains déduisent que des éléments issus d’un dossier d’assistance éducative permettent d’user de la PPI pour des primo-délinquants.

Si, comme c’est également le cas, le jeune n’est pas cité à comparaitre le jour même, il faudra prendre des décisions provisoires notemment pour l’éloigner du quartier. La loi a tout prévu. On saisira non pas le JLD, mais le juge des enfants pour qu’il se prononce sur une demande d’incarcération ou de placement eninstitution dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

Désormais sur une année environ 2000 jugements interviennent sur PPI. A Bobigny, il n’est pas rare qu’à chaque audience du TPE il y ait au moins une PPI. Un jeune en a déjà eu une à l’audience du matin et une autre à l’audience de l’après midi.

En d’autres termes, il existe déjà dans la loi un quasi-flagrant délit pour mineurs et l’usage de cette procédure est de plus en plus courant.  

Alors pourquoi le gouvernement a-t-il voulu introduire subrepticement la comparution immédiate ? Il fallait passer du quasi flagrant délit au flagrant délit.

La PPI exige que l’affaire ne suppose pas d’actes d’instruction sur les faits, ni ,sur la personne et qu’il y ait renoncement au délai de 10 jours.

La comparution immédiate résoudrait tous ces problèmes même si le TPE comme le tribunal correctionnel pour les majeurs, estimant que l’affaire suppose une instruction, pourra toujours renvoyer devant un juge d’instruction pour un supplément d’information.

La possibilité de comparution immédiate devant le tribunal pour enfants pour y être jugé faciliterait donc la tâche du parquet pour faire juger rapidement des jeunes, sous entendu pour obtenir contre eux, sinon une incarcération, du moins une décision coercitive comme un sursis avec mise à l’épreuve

Bien évidemment sur le plan symbolique, ce serait un nouveau coup de gomme majeur à ce qui distingue le statut des majeurs de celui des mineurs face à la justice pénale.

Reste qu’outre que tout cela n’est pas franchement utile et part de l’idée que l’instruction par le juge des enfants est du temps perdu. Ce qui est faux.

Durant les 13 mois où en moyenne le juge pour enfants garde une procédure pénale un travail éducatif est développé sous son autorité par les services sociaux mandatés.

Il faut ajouter – et cette donnée concrète est essentielle, mais négligée par les politiques qui ignorent le cours de la justice - que dans le même temps il peut y avoir d’autres procédures pénales dans le cabinet du même juge car quand un jeune commet un délit il en commet dix. Précipiter un jugement dans une nouvelle affaire quand un travail éducatif est en cours, c’est prendre le risque de tout casser. Comme si l’on opérait un malade sans attendre que le traitement ambulatoire produise ses effets malgré de nouvelles poussées de fièvre.

Au-delà chacune des procédures, il s’agit bien d’apporter une réponse globale qui s’attache à la personne du jeune avec pour objectif de faire de quelqu’un qui est de longue date en conflit avec la loi devienne quelqu’un qui la respecte. Cela suppose de l’huile de coude en travail social et une mobilisation du jeune et de ses parents. Il n’y a pas de miracle en la matière. L’utopie est de juger un jeune qui a été délinquant, mais qui, grâce à toute cette mobilisation, ne l’est plus. C’est comme cela que la société sera protégée de la récidive.

Or, trop de politiques sont convaincus que la simple menace d’une sanction sévère et certaine est de nature à dissuader des jeunes de commettre des délits. On veut ignorer les causes ! Et c’est se tromper totalement sur la psyché des jeunes visés qui, généralement sont dans la toute puissance, encore plus convaincus que l’adolescent lambda qu’ils sont meilleurs que les adultes, qu’ils ne se feront pas prendre et que le bras du juge tremblera : ne dit-on pas que les juges sont laxistes. Ces politiques ont-ils été parents ? La voie à suivre est ailleurs qui vise, sans s’interdire d’user de la contrainte, à transformer la vie de ces jeunes. Avec trois pas en avant, deux pas en arrière. Et quand trop doutent, les résultats sont là qui démontrent que la justice des enfants arrivent à décrocher de la délinquance 85 % des jeunes dont elle a à connaître. Ici comme ailleurs, on ne voit que les trains qui n’arrivent pas à l’heure. Les 500 000 décès enregistrés chaque année ne condamnent ni les médecins, ni la médecine française !

La question qui nous est posée, par-delà la suspicion que renvoient certaines préconisations, est bien de savoir si la comparution immédiate de jeunes devant le TPE va mieux garantir la lutte contre la récidive et réduire les risques de nouveaux passages à l’acte. Quelle en sera la valeur ajoutée ?

Le risque est évident pour le coup que sautent les verrous limités, mais réels, posés en 2002-2007 sur la PPI – pour éviter que ne disparaisse la spécificité d’une justice des enfants attachée à prendre en compte une personne pour basculer vers la justice distributive à l’acte des majeurs.

C’est bien un basculement fondamental de la justice pénale des enfants qui nous est proposé insidieusement, en cohérence avec cette idée que les enfants délinquants d’aujourd’hui ne seraient plus des enfants, mais des mineurs, c’est-à-dire des personnes qui nous font peur et que nous rejettons.

Les sénateurs ont bien vu ce point de basculement proposé sous forme d’amendement discret et l’ont refusé. Saluons la commission des lois qui sous l’autorité de Jean-Jacques Hyest (dangereux élu UMP, mais éminent et reconnu juriste) a su ne pas céder à l’ambiance du moment !

La bataille n’est pas définitivement gagnée. La position de la commission des lois du Sénat est une «péripétie » pour le ministre de l’intérieur qui pense pouvoir obtenir une inversion de position lors de la séance publique. Le président de la République a tracé la voie mercredi en recevant les députés UMP : « les français ne nous reprocheront jamais d’en faire trop, mais de ne pas en faire assez ! ».

La bataille législative n’est pas terminée.

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