Archives de la catégorie: 'président du conseil général'

27 mars 2011

 

avocats0061.1238625074.gifPar-delà l’intérêt légitime qu’ils suscitent les événements gravissimes qui animent la planète écrasent certaines informations et annihilent des débats sociétaux pourtant importants. Ainsi, au-delà des cercles professionnels et militants, on aura peu parlédu rapport sur l’adoption entériné par Académie de médecine en février.  

Le titre « Faciliter l’adoption nationale » est tout un programme et rappelle des musiques déjà largement entonnées dans ce pays quasiment par tous les bords politiques. 

Les auteurs (Jean Marie Mentz, Adeline Marcelli et Francis Watter) surfent sur la compassion naturelle qu’inspirent les enfants maltraités et ces adultes qui demeurent sans possibilité de déverser leur trop-plein d’amour! Comment ne pas partager la conclusion consistant à vouloir faire d’une pierre deux coups : satisfaire les uns et les autres en recourant à une adoption ?  

Rapidement on dresse bien évidemment le procès de la loi, des administrations sociales et de leurs acteurs, de la justice et des juges qui, sans cœur, ni humanité, multiplient les obstacles à l’adoption. Il suffit de combattre ces résistances pour faciliter l’adoption nationale qui s’effondre d’année en année (1). Le bon sens y invite tout logiquement ! 

Une nouvelle fois le rapport illustre parfaitement le scientisme qui aujourd’hui plus que jamais prévaut dans le champ des questions sociales. Le fait de brandir l’intérêt supérieur de l’enfant, concept clé de la Convention internationale du 20 novembre 1989 sur les droits de l’enfant ne suffit pas à absoudre de toutes approximations ou des erreurs. Ainsi il n’y a pas 20 000 à 30000 candidats à l’adoption, mais 15 000 d’après le ministère lui-même. Et quel manque de culture institutionnelle que de négliger la décentralisation en souhaitant que le Conseil supérieur de l’adoption gère depuis Paris une question intrinsèquement liée à celle des politiques locales de protection de l’enfance menées par les Conseils généraux. On ne peut pas laisser passer ces approximations de la part de personnes qui critiquent nos institutions et prônent une réforme. 

On peut admettre qu’un rapporteur ne connaisse pas un sujet ; c‘est même souvent une bonne démarche que de confier l’analyse d’une question délicate à un œil neuf. Encore faut-il que celui–ci lise, renoue les fils de l’histoire, auditionne, repère les vrais blocages et s’interroge sur les résistances à une politique présentée comme évidente, rencontre des acteurs de terrain dans leur diversité et, tout simplement, teste les bonnes idées qu’en chambre chacun peut élaborer pour résoudre un problème. Rien de cela dans ce travail de l’Académie de Médecine.  

Pour ne prendre qu’un exemple tiré de ce document, comment imaginer que les conseils généraux puissent se doter d’un réseau de familles d’accueil bénévoles, choisies parmi les familles soucieuses d’adopter et différentes des familles d’accueil classiques rémunérées de l’aide sociale à l’enfance afin d’accueillir les enfants adoptables ? L’argument est de poids : « Cela permettrait aux candidats de montrer la priorité qu’ils accordent au bonheur de l’enfant et donnerait à l’adoption son véritable sens : donner une famille à l’enfant et non l’inverse ». Rapport scientifique ou discours de convenance ? Chacun appréciera. 

Mais il y a bien sûr bien plus grave comme le fait de prétendre que les 260 000 enfants objets de mesures de protection de l’enfance sont, d’une manière ou de l’autre, adoptables. Juridiquement c’est bien évidement faux, mais même socialement et psychologiquement c’est également tout autant erroné. Pour l’immensité d’entre eux y compris d’entre eux y compris pour les 140 000 qui chaque année sont accueillis physiquement par les services de l’Aide sociale à l‘il n’y a pas de maltraitance, mais des difficultés pour les parents à exercer leurs responsabilités d’une manière passagère ou chronique. Et si l’on s’arrête spécialement sur les 140 000 enfants accueillis ils ne sont pas délaissés, en tous cas, ils sont rarement abandonnés, loin de là : pour la plupart ils vont retrouver rapidement leur place chez eux, auprès de leurs parents.  

En rupture avec l’assistance publique de Saint Vincent de Paul qui recueillait les enfants des rues, mais aussi avec la DDASS de la première partie du XX° siècle qui se contentait trop souvent d’accueillir un enfant sans se préoccuper de l’essentiel, les relations parents-enfants, le service moderne de l’Aide sociale à l‘enfance vise à éviter l’éclatement de la cellule familiale par des aides à domicile, à empêcher la rupture du lien enfant-parents avec le souci au contraire de le faire fonctionner au mieux en aidant les parents à exercer leurs responsabilités au nom du droit de l’enfant d’être élevé par ses parents. Oui tout enfant a droit à une famille, d’abord la sienne, à défaut une autre qui éventuellement a vocation à devenir la sienne par l’adoption si sa famille biologique est défaillante. 

Mme Nadine Morano, éphémère ministre en charge de la famille, faisait déjà des amalgames en estimant que les 26 000 enfants confiés par justice à l’ASE étaient adoptables. 

Au lieu de pleurer sur le fait que le nombre d’enfants adoptables baisse régulièrement - 2200 pupilles de l’Etat en 2010 pour 150 000 en 1900 , 40 000 en 1960, 20 000 en 1980  -on devrait se réjouir du fait que les 820 000 enfants qui naissent désormais chaque année sont plus souvent désirés qu’imposés par les circonstances de la vie, que les aides aux familles, spécialement aux mères célibataires, permettent d’éviter nombre de délaissement, et que les soutiens apportés aux familles est performant. La maitrise de la contraception, les politiques d’accueil de la petite enfance, le statut des parents au-delà la vie commune, tout se conjugue pour réduire les rejets d’enfants et la maltraitance. 

En d’autres termes, pousser les feux de l’adoption comme réponse avec un grand R aux enfants en difficulté reviendrait à scier la branche de l’aide sociale à l’enfance sur laquelle repose la protection de l’enfance .  

J’entends que certains y sont enclins pour réduire les dépensées des départements en matière d’ASE qui nationalement et en données consolidées s’élèvent à quasiment 6 milliards d’euros. Plus vite et plus souvent adoptés, moins onéreux ils seraient pour les finances publiques… D’autres veulent avant tout répondre aux adultes – leurs électeurs - en quête d’adoption en leur faisant « servir » l’enfant qui leur fait défaut.  

Reste que l’attente des adoptants potentiels – un enfant de moins de trois mois, de type européen et en bonne santé - ne répond pas aux caractéristiques des enfants sans parents qui sont plus âgés, pas toujours en bonne santé, fréquemment de couleur et en fratrie. En d’autres termes les deux questions contenues dans le terme adoption – offrir une famille à un enfant qui en manque et donner un enfant à des gens qui veulent fonder ou développer une famille – ne se recouvrent pas totalement  sauf dans un millier de cas par an.

 

Tout cela ne signifie pas que notre dispositif ne doit pas encore et encore être amélioré dans son fonctionnement. Ainsi plus dans l’esprit et la lettre de la loi du 5 mars 2007 plus on suivra de près la situation d’un enfant accueilli à l’ASE, plus on s‘efforcera de faire vivre le lien parents-enfant, et plus vite et au mieux on constatera qu’un enfant est délaissé ou en passe de l’être : un projet d’adoption pourra alors être formé rapidement pour lui.  

Notre droit civil et notre droit social constituent un équilibre subtil qui ménage toutes les possibilités en tenant compte de l’évolution des comportements de adultes, sinon des besoins enfants. Regardez le cas de la petite Cindy – traité dans mon blog 413 - quand en entame de la prise en charge de l’enfant alors âgée de 2 mois les parents étaient hors jeu- la mère malade, le père n’ayant pas reconnu l’enfant. Dans ces conditions, la famille d’accueil a pu légitimement se poser la question de l’adoption même si initialement elle ne l’avait pas envisagé. L’Aide sociale à l‘enfance elle-même était sur ces bases avant de devoir rétropédaler. Le temps ayant passé avec le réinvestissement des parents, l’adoption – en tout cas l’adoption plénière – n’est plus apparue d’actualité. Reste qu’entre temps des liens s’étaient noués entre l’enfant et sa famille d’accueil … comme avec ses parents biologiques. 

C’est bien à l’une des décisions les plus délicates à laquelle ils puissent être confrontées que le  président du conseil général du Gers et ses services doivent aujourd’hui se colleter : il leur revient de faire fonctionner au mieux les relations de l’enfant avec ses parents biologiques et dans le même temps de lui assurer une certaine sécurité et de veiller au respect de ses attachements. 

Comment imaginer des réponses simplistes et linéaires à des sujets aussi complexes ? 

L’intérêt de l’enfant ne peut pas se définir dans l’absolu, mais au cas par cas. 

En revanche, si la loi met en exergue les différents droits de l’enfant qu’il faut concilier il ne va pas jusqu’à affirmer, au grand dam de certains, le droit de chacun d’adopter. D’ailleurs je le répète ici, comment pourrait-t-on gager ce droit s’il était consacré légalement ? De la même manière que l’ASE n’est pas un réservoir d’enfants adoptables, on ne peut-pas laisser croire que tous les enfants qui souffrent dans le monde peuvent être voués à une adoption trans nationale et que la fin justifie les moyens comme on l’a vu parfois se dire ou se pratiquer à travers les trafics d’enfants. 

Pour couper court à ces rapports nullissimes et dangereux par ce qu’ils véhiculent il serait temps que sur cette question un discours raisonnable et public soit tenu qui évite de faire souffrir ceux qui sont en quête d’enfant et croient à chaque annonce que leur problème va être résolu.  

Non, contrairement à ce que déclare l’Académie de Médecine, après nombre de ministres, l’ASE n’est pas une réserve d’enfants adoptables. Ce n’est qu’à la marge que des enfants pourraient se voir proposer l’adoption qui aujourd’hui passent à travers cette réponse.  

Tout simplement, il doit être affirmé que l’adoption n’est pas là pour satisfaire le désir d’enfant de quiconque, jeune ou vieux, célèbre ou pas, hétéro ou homosexuel. 

Quel(le) responsable politique aura le courage de tenir ce discours ?  

Ici comme sur d’autres sujets; nous allons payer l’absence d’un ministre à part entière de l’enfance sinon de la famille. 

 

(1)   Si l’adoption des enfants confiés à l’ASE baisse, en revanche l’adoption, intrafamiliale dans les familles recomposées se développe.

Partager et découvrir
  • Envoyez cette page à un ami par courriel!
  • Facebook
  • TwitThis
  • Technorati
  • del.icio.us
05 février 2011

 

avocats0061.1238625074.gifA juste titre, la décision du Conseil général du Gers de séparer la petite Cindy, âgée de 5 ans et demi, de la famille qui l’accueille depuis quasiment sa naissance a choqué. On peut même affirmer que s’il n’y avait eu dans l’actualité la concurrence d’événements majeurs comme ceux qui se déroulent en Egypte et le meurtre de Nantes, cette affaire aurait fait la Une de tous les médias et reçu un écho encore plus important que celui qu’elle a déjà généré.

 

De fait, la décision, mais encore plus ses modalités d’exécution, nous ramènent à une époque du travail social que nous pensions avoir quitté de longue date. Qui plus est, en se donnant l’habillage moderne de la Convention internationale sur les droits de l’enfant quand l’Aide sociale à l’enfance invoque « l’intérêt supérieur de l’enfant » !

 

Si l’on comprend bien, après avoir donné un certain délai à M. et Mme Boyer pour appliquer la décision de leur retirer Cindy et de la confier à une autre famille d’accueil, c’est finalement dans un tour de passe-passe inqualifiable qu’elle a été mise en œuvre au prétexte ces salariés de l’ASE avaient entamé de mobiliser autour d’eux via Facebook. Qu’on en juge ! La famille d’accueil a été convoquée au Service avec l’enfant. Pendant que les Boyer attendaient dans une pièce, Cindy était emmenée « pour une heure ». Au final, elle ne devait pas revenir. Elle était orientée vers une autre famille. Sans pouvoir dire ne fut-ce qu’un « Au revoir » à ceux qui l’élèvent depuis toujours, elle était privée brutalement de son environnement, de sa chambre, de ses jouets, de tout ce qui lui était cher depuis des années.  

 

Lucide, le président du Conseil général qui a couvert son Service au nom de la confiance due aux travailleurs sociaux, pouvait effectivement avancer au micro de RMC « Je sais très bien que, quels que ce soient mes arguments, je serai le « méchant !».  

Tout cela est tellement énorme qu’on peut d’ores et déjà affirmer sans se tromper que M et Mme Boyer « retrouveront » rapidement Cindy et réciproquement que Cindy « retrouvera » cette famille. Je ne parie même pas tellement je suis certain de ce que j’avance.

 

Officiellement, par cette pratique moyenâgeuse digne de la DDASS de grandes heures, on a voulu épargner à Cindy le traumatisme de la séparation physique, mais il ne faut pas être grand sorcier pour voir qu’on l’aura reporté de quelques heures. En vérité, soyons lucides, en l’espèce, les travailleurs sociaux ont d’abord voulu s’éviter à eux-mêmes la gestion d’une situation difficile ! L’intérêt de l’enfant a beau jeu.

 

Pour prendre régulièrement la défense des professionnels sociaux et des institutions sociales, en vertu du «Qui aime bien châtie bien !», j’ose l’affirmer que tout cela est pitoyable et d’un effet dévastateur redoutable pour l’image du Service de l’aide sociale à l’enfance, du travail social et des Conseils généraux en charge de l’aide sociale à l’enfance.

 

On peut même ajouter que beaucoup doivent aujourd’hui avoir du mal à se regarder dans la glace quand ils affichent au quotidien comme valeurs de référence : le respect de la personne, les droits des enfants, les droits humains etc. ! Et que penser, en l’espèce, du président du conseil général, dois-je ajouter PS ?, qui se positionne en défenseur de l’institution pur et dur comme un banal chef d’entreprise qui cautionne ses salariés ? Il voudrait nous tirer les larmes des yeux en compatissant avec lui. On croit rêver.

 

Y avait-il au moins un juste motif au départ de la fillette de la famille d’accueil par-delà les modalités plus que douteuses  retenues?

 

Oui répond le service ! Et d’avancer comme argument massif le trop gros attachement des Boyer à l’enfant. Sans doute pensent-ils sans le dire, que « réciproquement, l’enfant est trop attachée à eux ! » On va alors de Charybde en Scylla. Combien de fois n’a-t-on pas entendu cet argument dans l’histoire de l’action sociale auquel lui fait écho l’accusation d’arbitraire et de manque d’humanité portée contre les services sociaux et ses acteurs qualifiés de fonctionnaires sans cœur ?

 

Bien évidemment, une famille d’accueil sait qu’elle ne doit pas s’imaginer pouvoir s’approprier l’enfant qu’on lui confie et qui généralement n’est pas sans parent juridique. Seulement 2200 des 110 000 enfants accueillis, directement ou pas, par l’ASE - 140 000 sur une année - sont sans famille pour être pupilles de l’Etat. En d’autres termes, quasiment tous les enfants hébergés physiquement ont un ou deux parents vivants titualires de l’autorité parentale, quand ce n’est pas des grands parents, des frères et sœurs, des oncles et tantes.

 

Toute famille d’accueil sait être recrutée – et salariée – par le Conseil général pour être un lieu d’accueil, a priori plus adapté pour l’enfant qu’un lieu collectif. Cette famille accepte d’ouvrir un certain temps son foyer à cet enfant, sans savoir, et généralement personne ne le sait, combien de temps peut durer cet accueil. 60% des enfants hébergés par l’ASE le sont en familles d’accueil.

 

Comme toutes les autres familles d’accueil, les Boyer qui ont déjà accueilli une dizaine d’enfants le savent bien et ne se privent pas de le dire publiquement.

 

Comme les travailleurs sociaux, tout un chacun sait qu’une famille d’accueil n’est pas qu’un hôtel et un lieu de gavage, mais constitue un univers généralement chaleureux. On n’est plus du temps des Thénardier de Montfermeil. Des liens se nouent très rapidement entre l’assistante familiale et l’enfant, mais aussi entre celui-ci et le mari ou compagnon de l’assistante familiale, avec les autres enfants présents, y compris ceux de la famille d’accueil et les autres membres de cette famille. Des liens encore plus forts si la situation s’éternise comme pour Cindy.

 

Comment peut-il en être autrement ? Le président du Conseil général a raison de dire que les familles d’accueil sont formées, professionnalisées et rémunérées, mais il se joue autre chose entre elles et les enfants accueillis qui est de l’ordre de l’humanité. Ajoutons que c’est aussi ce qui leur est demandé par-delà le gite et le couvert. Sinon on ferait appel à un Formule 1.

 

Il faut donc trouver la juste mesure. Donner de l’affection à ces enfants souvent en manque et généralement attachants et pour autant garder cette distance du professionnel qui permet de se projeter dans un avenir - où l’on ne vivra généralement pas ensemble - et surtout laisser un place au travail engagé pour restaurer, sinon installer, le lien parents biologiques-enfant qui, dans la plupart du temps, ne sera pas simple à construire ou à faire vivre. Communément on y parvient : l’enfant ne fait que séjourner à l’ASE avant de retrouver les siens. Peu aujourd’hui demeurent jusqu’à la majorité à l’ASE

 

Reste qu’il faudra parfois rompre le lien juridique lié du biologique malgré les efforts entrepris pour répondre à nos lois qui veulent que les parents de l’enfant accueilli à l’ASE demeurent titulaires de l’autorité parentale. Il faudra alors une décision de justice de retrait d’autorité parentale ou de déclaration judiciaire d’abandon rendue par le tribunal de grande instance.

 

Dans d’autres cas, on constatera que les parents n’exercent pas, volontairement ou non, l’autorité parentale et on transféra l’exercice à l’ASE ou à une tierce personne. Là encore via le TGI.

 

Les enfants sont pris en charge par l’ASE à la demande d’un parent ou des deux dans le cadre d’un accueil administratif (ex-Recueil Temporaire), mais le plus souvent (80% des cas) les accueils se font sur décision du juge des enfants (ou du procureur de la République quitte à saisir ensuite le juge des enfants). Même dans ces hypothèses, les parents conservent l’autorité parentale : l’exercice de leurs droits est simplement restreint avec pour objectif fixé par la loi à la justice de les leur restituer … sauf à constater qu’ils sont incapables de les exercer, voire qu’ils y renoncent pas leur comportement.

 

En l’espèce, la mère de Cindy semble avoir très tôt disparu de son univers. On la présente comme malade, souffrant d’alcoolisme, puis comme s’étant éloignée de sa fille. En revanche, le père de Cindy est dans son univers et la visite régulièrement après l’avoir reconnue il y a un ou deux ans. On ne sait pas s’il entend - et s’il en est capable - la prendre en charge dans un délai raisonnable en assumant pleinement ses responsabilités. L’ASE travaille d’évidence en ce sens, je le rappelle, comme le veut la loi. Bien évidemment, elle-même ne sait pas ce qu’il va réellement advenir. Ce Monsieur se mettra-t-il réellement en situation de vivre avec sa fille ? Le juge - car il doit normalement y avoir un juge des enfants dans cette situation -  l’acceptera-t-il ?

 

Bien évidemment, l’ASE essaie de faire en sorte que des éléments exogènes, comme un lien d’attachement trop fort avec une famille d’accueil - ne viennent pas paralyser ce projet qui est de l’essence même de sa mission. Ne le ferait-elle pas qu’on le lui reprocherait et qu’on viendrait l’accuser d’avoir d’entrée de jeu rapté l’enfant.

 

On le voit les places de chacun ne sont pas faciles à tenir pour véritablement prendre en compte l’intérêt de l’enfant qui a besoin de stabilité dans tous les sens du terme, mais qui ne doit être privé ni de son lien biologique, ni des liens qui ont pu se nouer avec d’autres.

 

Nous disposons aujourd’hui de tous les outils juridiques pour gérer une telle situation, du plus léger (le recueil temporaire signé par le père) au plus lourd (comme l’adoption plénière s’il y a déclaration judiciaire d’abandon ou délégation d‘autorité parentale) en passant par des réponses intermédiaires comme l’adoption simple.

 

La loi du 6 juin 1984, réfléchie pour répondre à ce type de cas, est venue affirmer que l’on devait respecter les liens existants entre un enfant et ceux qui lui sont chers. Pour avoir porté ce texte, au parlement sous l’autorité de G. Dufoix, je peux affirmer que dans le contexte – l’affaire Tamburini – nous visions justement à respecter les liens affectifs noués entre un enfant et sa famille d’accueil de l’ASE. En d’autres termes, si l’enfant doit rejoindre ses parents ou aller vers une adoption par une tierce famille, il pourra continuer à entretenir des relations – droit de visite et d’hébergement – avec sa famille d’accueil.

 

On peut aussi imaginer que sans pouvoir héberger sa fille, le père de Cindy s’installe dans son univers et exerce à sa hauteur ses responsabilités. Il doit pouvoir s’articuler avec la famille d’accueil qui, éventuellement adopterait l’enfant. Il faut ici étant préciser que contrairement à ce qui a été affirmé par le Conseil général, un enfant même reconnu par ses parents comme c’est le cas pour Cindy peut faire l’objet d’une adoption simple qui le fait entrer juridiquement dans la famille d’accueil sans pour autant effacer sa filiation avec sa famille biologique.

 

Dans le cas de Cindy, sauf à démontrer que les Boyer sont devenus pathogènes pour l’enfant – il aura fallu 5 ans pour s’en apercevoir ou cela est-il récent ?-, il est évident, je l’ai affirmé en entame, qu’on ne pourra pas priver l’enfant de relations avec ces gens qui l’élèvent depuis quasiment sa naissance. Il se peut qu’avec le temps cette relation s’estompe ; il se peut aussi qu’elle reste majeure.

 

S’il n’est pas déjà saisi, un juge des enfants devra l’être pour rechercher, non pas un compromis, mais le respect de ces différentes relations essentielles à Cindy. Il devra aussi lui expliquer ce qui se joue autour d’elle et ce qu’il va advenir. Il l’entendra et prendra « dument en compte son opinion » (art. 12 de la Convention des droits de l’enfant). Il faut réfléchir avec le père et avec chacun, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu - le cabinet du juge des enfants - pour que tous entendent la même chose et que soit énoncé les termes du projet formé pour Cindy (loi du 5 mars 2007).

 

Tout cela, services sociaux et juges des enfants, nous le faisons tous les jours et l’opinion ne le sait pas comme elle ne voit pas les trains qui arrivent à l’heure. Cette affaire du Gers, si elle continue à être aussi mal gérée du haut de l‘impérium du Conseil général qui demande que l‘on fasse confiance aux services social, va faire un mal fou au travail social, à l’Aide sociale à l’enfance qui déjà a du mal à voir son image se détacher de celle de l’assistance publique de jadis et de la DDASS d’hier, comme l’affaire d’Outreau continue de nuire plusieurs années plus tard à la justice.

 

Bien évidemment, il n’est pas facile de faire face à l’émotion et aux réactions primaires, mais on peut aussi tenter de s’expliquer simplement et avoir des attitudes de bon sens. Aucun travailleur social n’aurait supporté qu’on lui fasse vivre au nom de son intérêt supérieur ce qui a été infligé à Cindy !

 

Je n’ignore pas que ces lignes peuvent être mal vécues de certains travailleurs sociaux ou élus, mais je le répète, qui aime bien châtie bien. L’ASE avec ses quelques 6 milliards d’euros l’an fait un travail extraordinaire pour les  450 000 enfants qu’elle suit. Elle peut aussi se tromper et elle se trompe tous les jours comme les juges des enfants se trompent. La caractéristique de notre intervention est de pouvoir réparer rapidement nos erreurs. Il faut le faire d’urgence pour Cindy en rassurant l’enfant et en remettant les Boyer à leur juste place : ils sont beaucoup aujourd’hui pour Cindy. Ils ne peuvent pas être jetés. Là encore je prône la stratégie du fort au faible : c’est au Conseil général d’être intelligent en faisant le premier pas !

 

 A toutes fins utiles

c2livrejpr-cg-900.1287246987.jpg

 

Partager et découvrir
  • Envoyez cette page à un ami par courriel!
  • Facebook
  • TwitThis
  • Technorati
  • del.icio.us