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31 mars 2010

interview-small1239968427-1.1269960796.jpgHenscher, rien que le nom appelle à creuser derrière son mystère. Jeune scénariste promis à un très bel avenir, il est l’auteur du Banni, au Lombard, qui promet plus qu’il ne tient pour le moment, mais les promesses en question sont réellement alléchantes. Il a répondu à quelques questions de ma pomme avec une belle générosité et une vraie réflexion. On sent bien que ce garçon, qui intervient depuis un bon moment dans les commentaires de ce blog par ailleurs, a la tête bien faite et bien pleine. Il nous invite de son coté du mirphoto_henscher2.1269892179.JPGoir, et me permet ainsi de faire un clin d’oeil en titre à un de mes illustrateurs préférés… Rien que pour ça, je suis content de lui consacrer un billet !

Le Comptoir de la BD : Un peu de provocation pour commencer : le Banni c’est Space Cowboy dans un univers médiéval, comment t’est venue cette idée d’une tragédie classique avec des seniors ?
Henscher : Il y a un peu de ça. Sauf que dans Le Banni, les personnages qui font l’objet d’une légende ont effectivement décroché la Lune, contrairement à ceux de Space Cowboys. En tout cas, la référence à Clint Eastwood est bien vue. Impitoyable fait probablement partie des références plus ou moins conscientes qui ont contribué à la naissance de cette série.
En fait, à l’époque (en 2007), je dévorais Le Trône de Fer, de GRR Martin. Je trouvais que l’un des personnages – Jaime Lannister, pour les connaisseurs – était rudement intéressant, probablement l’un des plus complexes de la saga. Je me suis fait la réflexion qu’il serait encore plus intéressant dans 30 ans. Je crois que c’est parti de là, de ce postulat : « C’est l’histoire d’une vieille gloire, déchue de son statut de champion… A quoi peut bien ressembler la vie de ce type ? »
Le Banni est né suite à cette idée, et avec lui toute la galerie de personnages qui gravitent autour, amis et ennemis. Le plus
dur a été de trouver le dessinateur. Un ami m’a mis en contact avec un dessinateur qui cherchait un scénariste, et nous avons commencé à travailler sur un dossier pour les éditeurs mais, très rapidement, il s’est rendu compte que ce qu’il voulait vraiment faire, c’était un western.
Donc je me suis retrouvé avec un scénario sur les bras, que je suis allé pitcher sur le Café Salé. C’est là que j’ai rencontré Tarumbana. Il s’est imposé de façon éclatante dès ses premières esquisses, mais là où il m’a vraiment bluffé, c’est quand j’ai reçu la première planche couleurs (la page 6 de l’album, pour les curieux). C’était tout simplement magistral, et j’ai su dès ce moment là que nous signerions ce projet.

Le dessin en full couleurs, est-ce du CG ou de la “vraie” peinture ?
L’album est intégralement réalisé en numérique. De fait, il y a très peu d’ « originaux » du travail de Tarumbana – essentiellement, ses dédicaces. Paradoxalement, lorsque j’ai fait sa connaissance, cela faisait très peu de temps qu’il s’était mis au numérique. Il a en effet une solide formation traditionnelle – il est notamment passé par l’le-trone-de-fer.1269895944.jpgécole de la Cambre, en peinture – ce qui explique ce rendu très pictural. L’outil informatique en soi a un réel intérêt – sa souplesse, qui permet de modifier un dessin à la volée de façon très rapide – mais obtenir un résultat à la fois de qualité et très personnel requière de vraies qualités traditionnelles. L’ordinateur ne palliera jamais les défauts d’un mauvais dessinateur. Ce n’est pas une baguette magique, contrairement à ce que de plus en plus de dessinateurs débutants semblent penser.

Comment s’est imposé le choix de cette forme très longue à élaborer, un dessin réaliste en full couleurs avec des grandes cases ?
En vérité, Tarumbana a une rapidité d’exécution impressionnante, d’autant plus que l’outil informatique est souvent un piège, poussant à peaufiner toujours plus les détails, quand l’image est terminée depuis longtemps.
Le plus long, c’est se mettre d’accord sur le découpage. Je fais une première proposition entièrement écrite, très détaillée – je ne « storyboarde » pas, j’en suis proprement incapable. Puis Tarumbana teste cette première intention. Quand cela fonctionne – très rarement – il passe directement à la réalisation. Mais la plupart du temps, il me fait une contre-proposition, et nous en discutons ensemble.
A dire vrai, je ne suis pas très attaché à mon découpage initial, notamment parce que j’ai la conscience aigüe de ne pas être celui des deux qui réfléchit graphiquement. A mes yeux, l’important est que l’esprit de la scène soit respecté – notamment sa chute - et que le mariage entre le dessin et le texte soit le plus harmonieux possible.
Ensuite, pour beaucoup de choses, c’est Tarumbana qui reste seul maitre à bord, notamment pour tout ce qui concerne les designs de personnages. A cet effet, mes descriptions de personnages sont surtout psychologiques, et comportent peu d’éléments physiques (sauf quand c’est vraiment important narrativement).
Ainsi, Tarumbana peut s’imprégner du caractère du personnage et le restituer tel qu’il lui vient. Il a « trouvé » plus d’une fois des personnages bien mieux que je ne les imaginais au départ. C’est ce qui fait le sel d’une collaboration avec un tel dessinateur. Vous avez beau vous y attendre, vous ne vous habituez jamais à la surprise de voir votre histoire prendre vie d’aussi belle manière.

Plusieurs images me rappellent furieusement des illustrations tirées du Seigneur des Anneaux, à commencer par le passage sur le sentier à-pic enneigé (voir images ci-dessous) - j’imagine que c’est délibéré ?
Pas vraiment. Je voulais surtout qu’on sente qu’Hector et Myrille vivaient vraiment dans des terres reculées, auxle-banni-extrait.1269894133.jpg confins du royaume, difficiles d’accès. Donc le passage par un col enneigé était en quelque sorte « incontournable ». Mais il est vrai qu’on pense tout de suite au Seigneur des Anneaux, et pour cause. Le travail de Peter Jackson et de son équipe a durablement marqué les rétines. Donc forcément, on y pense immédiatement. La même chose est vraie de Myrmirrine, qu’on pourrait rapprocher de Minas Tirith. Cependant, ladite Minas Tirith s’inspire très vraisemblablement d’une vue ultra connue de Babel en construction ou, plus proche de nous, du Mont Saint Michel.

Ce n’est pas si fréquent de raconter l’histoire de “vieilles gloires” au temps des Chevaliers qui se retrouvent et s’opposent des décennies plus tard. Qu’est-ce qui t’attire dans cette approche ?
L’idée de départ était que toute légende est un mensonge. Et plus elle est belle, plus le mensonge cache une vérité d’autant moins reluisante. Je voulais que le Banni ait atteint cette gloire, qu’il ait connu cette ivresse, qu’il s’y soit perdu, et qu’il ait chuté. De très haut. Je souhaitais également qu’il soit en décalage avec le monde qu’il a laissé derrière lui, qu’il ait perdu ses repères. Et pour cela, il fallait laisser passer suffisamment de temps entre l’époque de sa gloire et son retour.
Pour moi, le Banni fait partie des souvenirs poussiéreux d’un monde qui se souvient de moins en moins de cette époque, ne serait-ce que parce que la nouvelle génération désire écrire ses propres pages, sa propre légende.
Face à eux, il y a ces anciens guerriers, dont le plus célèbre d’entre eux, Hector le Banni, qui sont aux commandes depuis des dizaines d’années. Ces « vieilles gloires » s’accrochent à un pouvoir qui leur échappe d’autant plus qu’ils n’en ont rien fait, alors qu’ils étaient en position de changer le monde qu’ils avaient conquis. Eux savent parfaitement ce que désirent les jeunes gens qui « poussent » derrière, et pour cause. Ils ont connu cette « faim », cette ivresse des sommets du pouvoir et certains comme Hector ont même payé le prix fort.
E
colere_de_la_montagne_nasmith.1269894206.jpgt tout cela pour quoi, en vérité ? Finir malade, aigri, oublié de tous – inutile après avoir été la Muraille, le meilleur rempart du royaume contre l’ennemi.
C’est tout ce que cela implique qui m’intéressait : le temps qui passe, le rapport à l’Histoire telle qu’on l’a connue et telle qu’elle est fabriquée – surtout quand on en est le sujet principal. Il y a malgré tout, chez Hector, cette incapacité à en finir, à renoncer – il saute sur la première occasion de revenir sur le devant de la scène.
Derrière tout cela, il y a des interrogations très personnelles sur le prix à payer pour accéder à la gloire, et surtout, une vraie question : est-ce que, au bout du compte, tout cela en vaut réellement la peine ? Notez que je n’ai pas la réponse – et je ne suis pas sûr qu’Hector non plus, en définitive.

Des enfants innocents, une jeune femme pure, un poète troubadour, un guerrier gay, un vieillard qui les guide… Ca sent le schéma classique des communautés de héros, ça, comme chez David Eddings par exemple. Classicisme éhonté ou fausse piste ?
Ces personnages sont surtout vraisemblables et, je pense, très humains, par rapport à ce qui se fait d’habitude en médiéval fantastique. Pour l’instant, il y a effectivement un côté très archétypale dans la galerie de personnages, mais c’est une des figures imposées du genre médiéval fantastique. On en revient souvent à des incarnations familières pour les lecteurs, comme autant de balises annonçant la nature du territoire dans lequel se déroule l’histoire.
Mais ce n’est qu’un point de départ. Ce qui compte réellement, c’est ce que les auteurs vont apporter, comment ils vont s’approprier ces schémas classiques et ce qu’ils vont y insuffler.
Myrille est une jeune servante, une fille de la campagne qui vit recluse avec le Banni depuis quasiment sa naissance. Elle ne connait rien du reste du monde, et encore moins son histoire – elle est même illettrée. Elle a donc une certaine fraicheur, une certaine naïveté dans son appréhension du monde et des gens. C’est cette naïveté que je voulais mettre à l’épreuve dans sa rencontre avec un univers violent, chaotique.
Pareillement, Hector n’est pas un personnage franchement sympathique. C’est un ancien « boucher », ni plus ni moins, un homme qui ne vivait que par et pour l’épée, et le sang qu’il a fait couler. C’est devenu un vieillard acariâtre, misanthrope, malade, alcoolique, qui ressasse sans cesse des souvenirs qu’il est bien l’un des rares à encore posséder. Car le monde a évolué sans lui pendant ses trente années d’absence. Plus que l’approche de la Mort, c’est cette c
la-cite-dans-le-banni.1269895855.jpgonscience lancinante que finalement, tout ce qu’il a fait n’avait que très peu d’importance, qui le ronge et le hante.
Pour les autres personnages, sans trop en dire, ils réservent en effet leur lot de surprises. Ou tout du moins, ils sont appelés à évoluer, à gagner en complexité, selon les situations auxquelles ils vont être confrontées. Car finalement, ce sont ces personnages qui font le récit. Ce sont à eux que les lecteurs vont s’attacher, et avec lesquels ils vont développer un « lien », quel qu’en soit la nature (fascination, rejet, affection).
Si ce lien se crée, alors les auteurs ont réussi leur coup.

En combien de tomes prévois-tu le développement de l’histoire ?
Nous avons signé pour trois albums. De toute évidence, nous avons du matériau pour d’avantage, donc nous ne nous interdisons rien. Cela dit, au bout de trois tomes, Tarumbana aura probablement envie de faire une pause, peut-être aura-t-il assez de ces longues heures passées en tête à tête avec tous ces personnages.
Au départ, la série a été conçue de telle manière qu’une série parallèle soit envisageable, qui raconterait les aventures d’Hector et ses compagnons, telles qu’elles ont réellement eu lieu. Des références constantes sont faites à cette histoire dans la série actuelle, mais il ne s’agit jamais que de la version « officielle », la seule que le Roi autorise à être chantée par les poètes. Même si la série principale dévoilera les principaux tenants et aboutissants du passé d’Hector, il y a matière à faire une vraie série sur sa jeunesse. Les thèmes abordés seraient évidemment différents mais, je pense, tout aussi intéressants.
Maintenant, il faut bien dire qu’un éventuel prolongement de la série dépend de facteurs sur lesquels nous n’avons aucune prise, à commencer par l’envie des lecteurs – plus prosaïquement, des ventes.
Pour le moment, nous nous concentrons sur la réalisation du tome 2. Dans ce métier, il est préférable d’être à ce qu’on fait et éviter de trop se projeter. C’est encore le meilleur moyen d’avancer. Une planche après l’autre, un tome après l’autre.

gandalf_et_pippin_nasmith.1269896615.jpg

Tu es assez actif sur ton blog , où on peut apprécier ton regard lucide et féroce sur le milieu de l’édition ainsi que l’étendue de tes (bonnes) lectures. Es tu aussi écrivain en plus d’être blogueur et scénariste ?
Je ne me revendique pas blogueur, au sens où le blog n’est pas mon principal outil d’expression.
Je suis un scénariste qui a fait comme tout le monde, en ouvrant un blog il y a bientôt trois ans de cela. Je voulais éviter l’écueil de l’outil purement promotionnel ou du journal intime public, donc je me suis lancé dans une tentative de séries de réflexions sur le métier, tel que je le connais soit à travers mon expérience propre, soit à travers les témoignages, anecdotes, de gens du métier que je rencontre. Et je voulais le faire de façon suffisamment décalée et humoristique, parce qu’il faut bien l’avouer, certains sujets ne sont pas a priori très réjouissants.
En réalité, alimenter cette satanée bestiole est plus compliqué qu’il n’y parait. Il faut trouver un sujet intéressant, avec le bon angle, qui puisse si possible être compris par des lecteurs non-initiés. Et il faut trouver le temps d’écrire les notes, ce dont je dispose de moins en moins. D’où le caractère désormais erratique de ma production. Mais à défaut de contenter les lecteurs, cela me va parfaitement ainsi.
Un copain romancier, Richard Dansky, m’a dit un jour qu’un blog devait rester sous contrôle et non pas contrôler son auteur. Je vois trop de blogs qui sont devenus de véritables gouffres temporels pour leurs auteurs, qui du coup n’ont plus de temps pour leurs propres créations – ou si peu. Et quand bien même ils se feraient repérer par un éditeur – c’est le but avoué de pas mal de blogs de plumitifs en herbe – ils se retrouveraient alors devant un choix cornélien, puisqu’il leur faudrait abandonner leur public – pour ceux qui s’en sont créé un via leur blog. Au moins, pour ma part, je suis sûr de ne décevoir personne, puisque je poste de façon suffisamment irrégulière.
Cela dit, la prochaine note devrait te plaire, puisqu’elle traite… des interviews.
Pour la notion d’ « écrivain », c’est une envie qui me taraude en effet. Pour rester dans la BD, je réfléchis à transposer le Banni en romans. On n’est jamais mieux servi que par soi-même donc autant le faire. Il y a une quantité astronomique de scènes qui ont été coupées – ou qui n’ont même pas vu le jour en raison du format étriqué des 46 planches – donc il y a matière à faire une vraie série de bouquins, et pas juste une adaptation à la sauvette.
J’ai également d’autres histoires, d’autres personnages en tête. L’avantage de ce métier est que la forme importe peu, tout comme le média. Avant toute chose, ce qui me motive, c’est de raconter des histoires, et de gagner ma vie ainsi. Et c’est déjà pas mal.

Y a t-il une question particulière que tu voudrais aborder dans le cadre de cette interview écrite ?
Je ne peux pas finir sans un mot pour le Café Salé, sans lequel ma rencontre avec Tarumbana n’aurait jamais eu lieu. Internet a drastiquement changé la donne pour les auteurs – dessinateurs, scénaristes, coloristes – en leur permettant tout simplement de se rencontrer. Avant, il fallait compter sur les hasards de la vie (cela a marché pour rencontrer Fabien Rondet, avec qui je fais le Seigneur des Couteaux chez Casterman), ou bien faire partie du sérail, de près ou de loin.
Il y avait bien les magazines et les fanzines, qui jouaient un rôle important dans la réunion de tous les acteurs de la BD, mais cet espace s’est réduit comme peau de chagrin, donc Internet s’est imposé comme un relais bienvenu.
A ce titre, le Café Salé – dont je sais que tu parles régulièrement – est un vivier de plus en plus impressionnant de la « jeune garde » francophone, notamment en BD.
On peut y suivre le développement des projets de gens comme Benec et Thomas Legrain (Sisco, Le Lombard), Mathieu Mariolle et Yann Corboz (Shanghai, chez Drugstore), Bengal bNaja, avec JD Morvan, Dargaud), Thomas Allart (Human Stock Exchange, avec Xavier Dorison, chez Dargaud), Alain Brion et Julien Blondel (Gilgamesh, Soleil), Emmanuel Herzet et Eric Loutte (Alpha : premières armes, chez Le Lombard), Xavier Collette (Alice au pays des merveilles, avec David Chauvel, chez Drugstore) , ou encore Jaouen Salaün (qui travaille sur le prochain projet de Christophe Bec pour les Humanoïdes Associés).
J’en oublie – et ils vont m’en vouloir – mais la liste est tellement longue.
Le Café se lance également dans l’édition, avec les Carnets de la Grenouille Noire, par Black Frog, le bien nommé, et bientôt un recueil d’histoires courtes BD, intitulé Brume, qui donnera un meilleur aperçu de la richesse de cette communauté dont, j’en suis convaincu, serons issus à terme les prochains Moebius, Tardi ou Bilal, ou leurs équivalents– oui, rien que ça.

Merci à Henscher pour sa disponibilité et la richesse de ses réponses.

(illustrations : portrait de Henscher fourni par lui-même, couverture du premier tome du Trône de Fer de GRR Martin, deux planches tirées du Banni et leur pendant dans l’univers de Tolkien, mis en image par Ted Nasmith, pour comparer les inspirations graphiques…)

01 février 2010

dossier-de-fond-small1240094685-1.1260963324.jpgElle se prénomme Isabelle et a moins de trente ans. Elle est scénariste avec un premier pied dans la BD et l’autre dans les projets cinématographiques. Quand elle n’est pas à Angoulême, elle s’enferme pour écrire à Paris. Elle a une volonté farouche de défendre ses projets. Elle court de stands en stands pour présenter aux éditeurs et autres directeurs de collection ses créations, quand elle ne rayonne pas en séances de dédicace. Elle a déjà plusieurs projets publiés ou en cours chez les uns et les autres, elle ne prend rien pour acquis et défend ses projets pied à pied. Elle a longuement préparé sa venue, budgété tous les centres de coût, logement-alimentation-imprévus-bagatelle. Si son charme et sa grâce sont des atouts, elle n’ignore pas que l’édition est aussi une question de sensibilitéisabelle-bauthian-portrait.1264958327.jpg et de personnes et que cela est à double tranchant. Plaire, séduire, convaincre sont des synonymes ici aussi. Placer un projet tient autant de la qualité de celui-ci que de la chance, du hasard et d’un réel pouvoir de séduction intellectuel avec ses interlocuteurs. Si elle dissimule sa sensibilité sous un bagou et une énergie touchants, nul doute qu’elle ressort de ses rendez-vous gonflées à bloc tout autant que vidée.

Au moment où j’écris ces mots (dimanche après-midi, coincé dans le TGV), des dizaines « d’ Isabelle », hommes et femmes, doivent retenir leurs larmes de soulagement ou de frustration et s’accorder un peu de temps pour faire le vide avant d’entamer la seconde partie du voyage : reprendre les critiques reçues, les partager avec ses collaborateurs et collaboratrices, décider de continuer ou d’interrompre. Pour de nombreux auteurs, novices, confirmés et même reconnus, Angoulême donne le la pour l’année à venir, confirme ou infirme les plannings de production, achève ou relance des projets déjà présentés un an en arrière dans des conditions similaires. Isabelle sera à nouveau là l’an prochain, et si les astres restent bien alignés, aura de nouveaux projets et de nouveaux arguments à faire valoir.

Sébastien NAECO

(illustration : “une” Isabelle scénariste, Isabelle Bauthian, avec l’autorisation de l’auteur, crédit : Lepithec - toutes ressemblances (…) ne seraient absolument pas fortuites !)

01 décembre 2009

nouveau-small.1254773414.jpgEn toute modestie, je voudrais commencer ce billet par une anecdote personnelle : il y a quatre ou cinq ans, j’ai contacté Yvan Delporte via son compte sur la Maison des Auteurs BD, pour lui demander une interview. Il a gentiment décliné car il souhaitait réserver ses révélations à Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault, auteurs du présent ouvrage de référence sur cette formidable personnalité de la BD : Yvan Delporte, réacteur en chef, chez Dupuis. J’ai donc un sentiment de rencontre manquée mais je salue encore la probité du monsieur, élégant et cordial. Et à la lecture de cet ouvrage très complet, succession de témoignages croisés et chronologiques, retraçant la très riche carrière de cette personnalité unique de la BD.delporte_dupuis_2009.1253440796.JPG

Si vous voulez un livre qui parle de BD de l’intérieur, au plus près de l’humain (et quel meilleur hôte qu’Yvan Delporte lui-même ?), à mettre sous le sapin et qui vous fera briller en donnant l’origine vraisemblable du personnage de Gaston, en racontant qu’un certain Enki Bilal, alors débutant, avait contribué au Trombone Illustré, au même titre que le jeune Rosinsky (Thorgal), que le sieur Delporte dissimulait sous sa barbe un sourire éclatant avec deux belles dents du bonheur, que de tous les auteurs qu’il avait refusé il regrettait toujours d’avoir manqué Marc Wasterlain (créateur de Docteur Poche, qui ressort ces jours en intégral, autre très beau cadeau à offrir), qu’il comptait dans ses amies la chanteuse Barbara qui ne manquait jamais de venir l’embrasser quand elle passait à Bruxelles, que toute la rédaction de Spirou en pinçait sévère pour Claire Brétecher (entre 1000 autres anecdotes) - ou enfin, si vous animez un blog sur la BD et cherchez des histoires pour alimenter des dizaines de billets à moindre frais, ce livre est pour vous. 50 ans d’histoires pour éclairer la génèse d’oeuvres majeures, comme l’écriture des meilleurs albums des Schtroumpfs par Yvan et l’aventure américaine (la série télévisuelle dont, hop, le générique s’enclenche aussi sec dans votre tête)…

Agrémenté d’illustrations (dont beaucoup d’extraits du Journal de Spirou, pas mal de reproductions des fameux bas de page de Conrad et Yann), de photos tirées de collections personnelles qui montrent toute la bande autour d’Yvan, non seulement les figures connues (Hergé, Roba, Franquin, Peyo, Jidéhem, Rosy, Charles Dupuis, Greg, même Uderzo et Goscinny…) mais aussi les petites mains, les secrétaires, typographes, assistants, dont certaines deviendront des chefs de file (Raoul Cauvin, Willy Lambil, puis Frédéric Jannin, Thierry Tinlot…). Les rivalités, les humeurs du monsieur (dont clairement un ego démesuré et une franchise à la limite du dédain avec les petits nouveaux, tremblants, venant montrer leurs travaux), une fidélité sans faille à ses amis, un talent certain pour libérer les créativités et créer des synergies entre auteurs, un bordélique malicieux perfusé au Coca (d’où la couverture de l’album) tout cela c’était Yvan Delporte.

yvan-delporte-sparing-partner-ideal-de-la-bdm26978.1259662191.jpg

L’ouvrage de Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault n’a qu’un petit défaut, c’est son prix - plus de 60 € (mais donnez donc la valeur d’une pépite, pour voir), mais cela ne doit pas vous freiner. C’est LE livre incontournable pour passer des heures à lire les témoignages de tous ces formidables acteurs de la BD des cinquante dernières années, pour saisir la perte que constitue la disparition de ce sacré bonhomme parti il y a deux ans, pour plonger aux sources et remplir ses accus de créateur et y puiser inspiration. Qui sera le Yvan Delporte de la BD numérique par exemple ? Devra t-il nécessairement porter une barbe limite hirsute ? Le passage de témoin passe aussi par ce livre admirable.

Sébastien NAECO

(illustrations : couverture d’Yvan Delporte, Réacteur en chef, par Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault, éditions Dupuis ; extrait du livre : photo réunissant Hergé, Franquin et Delporte)

10 novembre 2009

dossier-de-fond-small.1255559434.jpgAu printemps, je me suis lancé dans la narration vue de l’intérieur de la conception d’un projet de BD. Cette première série de billets, baptisés l’aventure d’un scénario, trace, après un prélude, le dévoilement de l’idée matrice, son exploration puis la coloration, ying ou yang, qui est la plus attractive. Et puis plus rien. Plusieurs mois sont passés sans que j’y revienne. Aucune excuse, aucun faux-semblant. J’ai perdu le souffle, je me suis laissé dépasser, j’ai eu, comme on dit en bon manager à deux balles, d’autres priorités.

Mais ce n’est pas pour me trouver des excuses ni pour pérorer sur le temps qui passe que je reprends cette série. Cela s’appelle simplement un aléas de la vie. Cela démontre également, si besoin, que construire un scénario de bande-dessinée, lorsque l’on est pris dans le flot de la vie active, tient de la gageure. C’est une entreprise fragile. J’ai encore des copains de faculté qui ont des histoires plein la tête, dix ans plus tard, des bouts de script sur des disquettes (oui, des disquettes), qui rêvent toujours de faire leur BD ou d’écrire leur roman. Le travail, les enfants, la vie de famillevague1.1257806260.jpg, les traites, les crédits, les échéances. Le temps nous emporte et l’amertume par chance ne nous paralyse pas. Les rêves persistent, c’est ce qui compte. Jacques Brel chantait que son père était un chercheur d’or, et l’ennui, c’est qu’il en avait trouvé. Je suis père et je ne me lasse pas d’être en quête de mon Eldorado intime. Et je me fous de savoir si de l’or est réellement à l’issue du voyage.

Bref, rappellez vous, les quelques uns qui ont déjà eu le courage de lire les précédents billets, j’avais tranché sur plusieurs points cruciaux pour la suite de la construction de mon récit. Le récit serait fantastique. Son personnage central, un être noir rongé par le pouvoir qui le rend tout puissant, la télékynésie, ou l’art de déplacer les objets avec la pensée. Je veux pour ce pouvoir une représentation inédite, qui prenne en compte certaines réalités physiques (changements de température, intéraction inattendue et chimique entre les matériaux, importance de l’action de l’air et de la gravité…). Pour illustrer le propos, j’ai déjà en tête des images “choc” : un enfant élevé dans une bulle où la nourriture lui est transmis par un trou dans le plafond ; un berceau d’où sort une petite main au dessus de laquelle flotte un bijou, un collier par exemple (j’avais aussi pensé à un couteau, mais c’était trop cheap à mon goût) ; une mère qui accouche d’un nourrisson qui la déchire littéralement dès qu’il prend son premier souffle et pousse son premier cri ; un homme qui se disloque suite à un jeu non maîtrisé d’un enfant qui se met en colère…Il y a de quoi s’amuser, tant dans l’écriture que dans le dessin.

Il était une fois… une époque

Oui, mais voilà. Dans quelle époque et en quels lieux vais-je faire évoluer mes personnages ? Oui, il n’est jamais trop tard pour se poser la question ! De ces choix on conditionne la portée politique, la représentation sociale, lesquelles peuvent nécessiter des recherches particulières. Il faut explorer les liens aux mythes et à l’imaginaire (car un personnage élevé à l’abri du monde se déploie dans son propre imaginaire et une fois libéré crée ses repères en fonctpeles-castle.1257807264.jpgion de ce qu’il croit être vrai), une éducation qui soit cohérente avec les avancées scientifiques, l’évolution culturelle, lesquelles dépendent très fortement des moyens de communiquer, de la liberté d’expression, du contexte politique, des libertés fondamentales de l’époque choisie… C’est un puzzle passionnant que l’on construit, soit en le calquant sur une réalité ferme, soit en le peignant aux couleurs qui arrangent, en espérant que la mixture prenne. Il n’y a rien de pire qu’un univers qui soit bancal et incohérent.

Il faut aussi essayer de ne pas tomber trop dans des genres déjà bien balisés (ou alors savoir les travestir avec habileté, là aussi cela demande beaucoup de travail), comme les univers steampunk (les romans de Christopher Priest comme le Prestige), les univers post-apocalyptiques (Mad Max, Akira), les univers cybernétiques (Matrix, Ghost in the Shell, Asimov), la science-fiction débridée (Dan Simmons)… L’univers fait toute la différence. J’avoue que j’ai cogité longtemps, hésité tout autant, avant de trancher (car il le faut bien). Et… roulements de tambour… mon choix s’est fixé sur une époque récente, juste avant l’internet, dans une ville portuaire imaginaire, au croisement des commerces et des cultures, dans une Afrique fantasmée. L’idée est d’associer le pouvoir de mon héros à certains mythes africains, de montrer son pouvoir comme une alternative aux énergies fossiles, l’avènement d’un type de “surhomme” (attention, je ne suis pas en train de lever le bras droit) dont le pouvoir effraie autant qu’il fascine.

L’histoire collera au personnage central et dévoilera très progressivement la situation et l’état de son monde tout en suivant son évolution, de sa naissance à son adolescence, temps de son éclosion et de son explosion. On avance encore un peu, allez, rendez-vous… très bientôt pour échanger à nouveau sur l’aventure d’un scénario. Notez d’ailleurs que d’ici quelques semaines je lancerai ma recherche d’un dessinateur, cela va donner sans doute lieu à des témoignages et réactions intéressants !

Sébastien NAECO

(illustrations : image d’une vague, DR ; image du Chateau de Peles en Roumanie, DR)

03 novembre 2009

dossier-de-fond-small.1255559434.jpgC’est un effet collatéral intéressant : en ouvrant la série des billets sur la BD numérique, des voix de différents horizons se sont exprimées. Thomas Ribreau pour Ave!Comics, JiF alias Julien Falgas l’expert enthousiaste, Balak le roi de l’intuition et futur gourou du récit animé… C’est au tour de Joseph Béhé, scénariste et dessinateur en activité depuis plus de 15 ans, d’apporter son avis. Il est notamment l’un des brillants auteurs du Décalogue, monument de la BD, récit mosaïque courant sur plusieurs siècles. Il a posté un long commentaire et a autorisé que je le présente ici et le complète avec ma propre réflexion. Il écrit :

En tant qu’auteur de BD, je vais essayer de répondre à ma manière à la question suivante :
Pourquoi les auteurs ne se lancent pas dans une utilisation spécifique de la publication numérique?
En vrac (liste non exhaustive et plus ou moins juste et certaines raisons déjà très justement évoquées par Balak)

1 : FAUTE D’IMAGINATION. Beaucoup d’auteurs n’en imaginent tout simplement pas le potentiel. Formatés qu’ils sont par leurs lectures, par les éditeurs, par leur propre pratique. Meilleurs ils sont dans leur domaine, moins ils sont portés par l’envie de recommencer à réfléchir sur leur médium.

2 : FAUTE DE PROJETS SCÉNARISTIQUES. Beaucoup d’auteurs ne sont pas scénaristes et il faut bien une histoire, un scénario pour se lancer. Dans le même ordre d’idée, beaucoup ne sont même pas vraiment metteurs en scène, se reposant sur le découpage du scénariste. Et dans le cas qui nous occupe, il faut une très bonne compréhension des plans, de leur succession pour faire de la mise en scène spécifique à la publication numérique. Et les scénaristes non visuels ? sont-il capables de cela ?behe-site-perso.1257197554.jpg

3 : FAUTE DE FINANCEMENT. Beaucoup d’auteurs n’ont pas les moyens financiers de se lancer dans ce médium.
(les premières expériences que j’ai vues comportent beaucoup d’images “évolutives” donc plusieurs images par “plan”. Déjà que la bande dessinée comporte plusieurs images par scène, cela multiplie d’autant le temps de la création). On en revient à la question des à-valoirs et donc d’un éditeur courageux.

Vous me direz que les auteurs n’ont qu’à auto-financer des “pilotes”. Beaucoup de bons auteurs ont un ou deux ans de contrats d’avance mais sans qu’ils arrivent pour autant à négocier des conditions qui leur permettraient de prendre 5 ou 6 mois de vacances pour plancher sur de nouveaux projets. Reste le CNL (le livre qui finance le numérique, ce serait intéressant!)

4 : FAUTE DE FORMATION. Parce que la plupart des écoles d’art “classiques” (Illustration ou Bande Dessinée) n’enseignent pas cette mise en scène spécifique à la publication numérique. (ça viendra, mais c’est pas encore en route) Il suffit de compter le nombre d’enseignants qui sont metteur en scène… ça court pas les écoles d’art.
Au mieux, ici ou là quelques cours dans les écoles d’animation ou de jeux vidéo…

decalogue01.1257197806.jpgEnfin, je vais conclure par une autre question essentielle:

Qu’est ce que la spécificité de la publication numérique apporte vraiment à la lecture ? (réponse provisoire compte tenu de ce que j’en ai vu)

- Soit ce sont des effets (zooms, bruits, travellings,…) où la vitesse de lecture est programmée. Cela devient alors une espèce de cinéma du pauvre, au mieux un animatic. Au cinéma, on est spectateur (pas lecteur). Or comparé au lecteur, le spectateur est plus exigeant, un peu fainéant et la seule manière de lui éviter la lassitude est de capter totalement son attention (salle obscure, rythme rapide, son puissant, etc…) Le cinéma, le jeu vidéo et le dessin animé y parviennent très bien.

- Soit les effets sont actionnés par le lecteur à son rythme (voir les formidables essais de Balak). Ces procédés me semble nettement plus intéressants. (Découpage du mouvement, surgissement des plans, effacement des plans précédents) toutes choses qui sont présentes dans la lecture classique.

Ma seule crainte serait que ces effets ne soient juste qu’une fluidification des processus déjà en oeuvre dans la lecture classique d’une BD. Mais ce n’est qu’une crainte et j’ai hâte d’être contredit.

Joseph Béhé selon moi a raison sur plusieurs points : manque de formation et manque de moyens, manque de curiosité des auteurs… Je prolongerai son apport important en précisant que :

- Un préalable simple et fondamental à avoir en tête quand on est auteur pour BD numérique : quel est le mode de format et de narration qu’il faut plébisciter ? Et là, au risque de décourager tout le monde, il n’y a rien de fixé ! Cela implique donc qu’il faut penser l’histoire et les personnages indépendamment du support final, du moins au début. Artistiquement parlant, il me paraît de prime abord évident qu’il faut rendre le trait simple et lisible. Ne perdons jamais de vue que le marché de la BD numérique va sans doute se développer sur des écrans nomades, et donc avec des dimensions modestes.

- Il ne faut plus penser un projet en BD numérique comme un projet en BD papier. Le dialogue entre un dessinateur et un scénariste, dans l’hypothèse où et l’un et l’autre peuvent s’offrir le temps de développer un projet et surtout dans l’espoir que l’un des deux a une maîtrise claire des outils techniques de montage, doit se jouer à un autre niveau.palette-wacom.1257263531.jpg

- Qui sont les interlocuteurs chez les éditeurs qui peuvent accueillir, évaluer, pousser un projet de BD numérique ? C’est bien la question ! Un directeur de collection ? Le webmaster du site ? Le grand patron himself qui est déjà bien occupé ? Même question pour les studios de jeux vidéo qui pourraient être tentés par un appel à projets. C’est aujourd’hui la grande inconnue : dans la BD traditionnelle, quand on propose un projet à un éditeur il est a priori pensé pour correspondre à sa ligne éditoriale. L’écosystème ici est à construire. Quel type de BD numérique intéresserait Dupuis, Soleil, Bamboo, l’Association… ? C’est l’une des raisons pour laquelle il est essentiel que les éditeurs, s’ils le peuvent, forment en embauchent des responsables de projet à même de définir, comprendre, définir et développer les collections de BD numériques.

- Dans la BD numérique, il y a deux pistes créatives à explorer : la création originale (à mon avis la plus difficile à développer aujourd’hui) et la déclinaison de licences. Sur ce second point, les éditeurs ne cherchent (chercheront ? Je pense qu’ils sont déjà sur le coup à vrai dire) pas des auteurs avec leurs univers, mais des gens capables de réaliser des épisodes resucés ou inédits en BD numérique en respectant le cahier des charges graphique. Le genre de candidats pour ça ne viennent pas de la BD a priori, mais du dessin animé. Par bonheur, nous connaissons en France des écoles parmi les plus réputées dans le Monde (ce n’est pas Dreamworks qui me contredira !).

- Réaction observée à plusieurs reprises chez les auteurs : pour la BD numérique, on veut que le rapport à l’éditeur change, quitte à devenir son propre éditeur. Ce changement doit se situer au niveau du statut et des droits d’auteur, problèmes très français pour lesquels des études sont en cours de réalisation, mais non encore fixées. On peut comprendre qu’un auteur qui devient son propre metteur en scène et son propre producteur, limitant l’apport technique et commercial de l’éditeur, puisse vouloir davantage de revenus en pourcentages. En outre, pour un éditeur, les investissements techniques sont moindres sur la durée que ceux nécessaires à l’impression et à la diffusion d’ouvrages papier.

- En conséquence de quoi je recommande aux auteurs attirés par la BD numérique en tant que création originale de se rapprocher du syndicat des auteurs de BD ou des communautés et initiatives en ligne comme Webcomics et Manolosanctis, et de se pencher sérieusement sur les statuts des créateurs de contenu numérique. Je vois par exemple des passerelles tout à fait intéressantes à faire avec les créateurs de jeux vidéo indépendants, mais c’est là un autre sujet !

- Enfin, pour les auteurs qui maitrisent les outils techniques, je ne saurai trop recommander de créer et proposer des modules de formation à des écoles d’art - il n’y a pas de petit profit et la transmission de compétences a un prix. Cela pourrait les aider à financer un tout petit peu leurs projets. A bon entendeur…

Sébastien NAECO

PS : Merci Joseph pour votre très intéressant commentaire.

(illustrations : capture d’écran du blog personnel de Joseph Béhé ; couverture du tome 1 de la série le Décalogue chez Glénat ; photo d’un illustrateur (illustratrice ?) s’appliquant sur une palette graphique, DR)

20 août 2009

dossier-de-fond-small.1249936398.jpgEn littérature générale, on appelle cela une nouvelle. En BD, il n’y a pas vraiment d’appelation précise. Récit court ? Historiette ? Short story ? Quoiqu’il en soit,tout le monde en lit, tout le temps, parfois sans même s’en rendre compte. les mini récits dans Spirou magazine ? C’est ça ! Les aventures de Mickey, Donald, Picsou et consorts dans le Journal de Mickey ou Picsou Géant, tout pareil ! Les gags poilesques de Fluide Glacial, les albums thématiques (genre la Guerre de 14-18), les aventures de Tarzan, Zorro, Klip et Klop, certains albums comme les Coeurs Boudinés de Jean-Paul Krassinsky, les Chroniques de Sillage, les hommages aux chanteurs comme Brassens, Brel, Renaud… Oui, vous connaissez le refrain.

Il y a déjà quelques temps j’ai interrogé trois auteurs, confirmés ou débutants, sur leur approche des récits courts, super_picsou_geant_81.1250631251.jpgexercice pas si évident car la concision est indispensable et le sens et la portée ne doivent pas pour autant être bradés. Voici deux témoignages de deux scénaristes. Le premier, Thierry Lamy, a publié une dizaine de livres et écrit nombre de nouvelles et de récits courts en BD depuis 2004. Le second, Fabien Vehlmann, est un auteur reconnu qui a commencé chez Spirou. Il est notamment le coscénariste de Jolies Ténèbres dont je vous ai parlé au printemps et il reprend la série officielle de Spirou & Fantasio. Il est l’auteur de la série en trois volumes Green Manor, véritable démonstration de sa maîtrise des récits courts, et une de mes séries préférées. Je me suis attaché à leur poser par écrit peu ou prou les mêmes questions, d’où parfois l’étonnante similitude de leurs réponses.

thierry.1250757277.jpgLe Comptoir de la BD : Thierry, comment définis tu les formats courts en BD, équivalents des nouvelles en littérature ?

Je définis le format court en BD comme une histoire complète tenant en une quinzaine de pages maximum. Ce sont essentiellement des récits destinés à des publications périodiques (fanzines, magazines, webzines) ou à des ouvrages collectifs. Je crois que le format court a d’abord la même fonction que le court métrage au ciné : une mise en situation rapide de moyens artistiques qui sur un album demandent du temps. Ces « nouvelles » sont donc pour un auteur un excellent terrain d’entraînement, d’exploration, d’essai,…

Ce format est aussi un outil pédagogique très pratique dans le cadre d’un atelier BD puisqu’il offre en condensé tout les ingrédients du récit « normal » et le rend donc facile à analyser… Enfin j’ajouterais que le gag, (en strip ou à la page) ainsi que tout ce qui est blog « tranche de vie » n’entrent pas dans la définition du format court, l’exercice étant à mon sens différent…

Dans ton travail de scénariste, alterner les formats d’histoire est sans doute stimulant - comment détermines tu le meilleur format (en dehors du cas de la commande bien sûr !) ?

Tout d’abord, je précise qu’avant l’alternance des formats, c’est surtout de pouvoir écrire des histoires dans des genres et des univers différents qui est stimulant. ;) Ceci dit, dans la genèse des projets sur lesquels je travaille, la détermination du format se fait essentiellement avec le dessinateur. Ensuite bien sûr, il peut aussi y avoir discussion avec l’éditeur selon ses contraintes éditoriales, ses collections… Bref, la détermination du meilleur format est avant tout une affaire de collaboration…

Les formats courts sont historiquement liés à la prépublication dans les magazines de BD, leur raréfaction semble limiter les possibilités, en dehors justement des commandes (Journal de Mickey par exemple) - qu’en penses tu et collabores tu pour des commandes ?

Je regrette la quasi disparition de cette presse BD, d’autant plus que ma passion pour la bande dessinée s’est nourrie essentiellement de la lecture des magazines tels que Tintin et Pilote. Ces journaux étaient un très bon moyen pour le lecteur de découvrir une multitude d’histoires, de séries et d’auteurs. Et bien sûr de lire des « nouvelles » qui n’auraient jamais étés publiées ou lues sans ces magazines. Je regrette aussi que la presse BD n’ait pas profité du net pour renaître de ses cendres, tout comme le concept fanzine a migré naturellement en webzine. Il y a peut-être là une occasion contes-et-legendes-pays-celtes.1250631661.jpgmanquée…

Pour revenir à l’historique du format court, il ne faut pas non plus oublier les fascicules poches qui ont fleurit jusque dans les années 80 et plus particulièrement les recueils d’épouvante type Les contes de la Crypte

On voit apparaître de plus en plus de recueils de nouvelles regroupant des collectifs, as tu une expérience en la matière et peux tu la raconter ?

Ma principale expérience de formats courts vient effectivement de collectifs pour les Éditions Petit à Petit. Il y a quelques mois Olivier Petit a eu connaissance d’un projet de recueils regroupant différents contes du Moyen Âge que je menais avec le dessinateur Guillaume Tavernier. Comme Olivier montait de son côté un collectif sur le même thème, il nous a demandé si nous souhaitions intégrer l’équipe… Par la suite, Olivier m’a demandé de participer à l’adaptation en BD de Contes Yiddish et de Contes Celtes et Bretons (à paraître en Septembre).

Cette expérience est enrichissante en terme de rencontres humaines car elle me permet de travailler avec des dessinateurs et dessinatrices de grands talents. Et puis l’écriture de ces petites histoires est un exercice plutôt récréatif. Le fait de se baser sur des contes déjà existants me permet de me concentrer sur la narration, les dialogues, d’essayer des effets, des styles, etc…

Enfin, le format récit court semble très bien pour l’exploitation en chapitre sur des téléphones portables, as tu un avis ou des envies sur la question ?

Je n’ai pas vraiment d’avis sur la question n’ayant jamais eu l’occasion de lire des BD sur un portable… Au delà de l’aspect technologique, l’important est que quelque soit le support (un mur, des feuilles, le net ou un portable) la BD soit le fruit d’un véritable travail d’auteur et non un produit formaté sans autre but qu’une rentabilité économique à court terme…

fabien-vehlmann-recadre.1250630966.jpgFabien, comment appelles-tu les formats courts en BD, équivalents des nouvelles en littérature ?

C’est vrai qu’il n’y pas d’appellation officielle… Personnellement, j’appelle ça des “récits courts”,et j’y inclus grosso modo toute histoire de moins de 12 ou 13 pages, et de plus de 1 page (sinon, j’appelerais ça du “gag en une planche”).

Dans ton travail de scénariste, alterner les formats d’histoire est sans doute stimulant - comment détermines-tu le meilleur format (en dehors du cas de la commande bien sûr) ?

Le format est généralement impliqué par le sujet et la “force” de l’histoire. Une partie du talent d’un scénariste est précisément de savoir déterminer quelle longueur conviendra à telle ou telle idée. Question d’expérience.. et d’erreurs ! Il m’est malheureusement arrivé de faire un album complet sur une idée trop “légère”, ou inversement, de “tasser” une idée trop riche dans un format trop court. Dans les deux cas, ça foire. L’idée idéale pour une histoire courte doit être une idée efficace, percutante, et qui n’aurait pas eu besoin de plus de place pour donner toute sa saveur.

Les formats courts sont historiquement liés à la prépublication dans les magazines de BD, tu en sais quelque chose. Frédéric Niffle, rédacteur en chef de Spirou, me disait que c’était souvent utile et pour tester des jeunes auteurs, et aussi pour installer des séries. C’est ce qu’il s’est passé sur Green Manor, non ? Peux tu parler de cette aventure ?

Une réponse en deux temps : oui, un magazine comme Spirou est idéal pour faire ses preuves, tenter des trucs, se planter, revoir sa copie, s’améliorer peu à peu. Finalement, Spirou a été mon “école de scénario”, à défaut d’en trouver une vraie. J’ai presque tout appris en faisant des récits courts !

Par contre, je ne sais pas si les histoires courtes sont forcément un bon moyen “d’installer” une série. Ecrire une histoire courte est vraiment une écriture à part, qui n’est pas forcément adaptable ensuite en “long”. Par exemple, pour moi, il est vraiment important dans un récit court de pouvoir totalement surprendre le lecteur, quitte pour cela à tuer tous ses personnages par exemple, ou à prendre le lecteur à rebrousse-poil en fin d’histoire… Autant de pratiques qui ne sont pas évidentes à concilier avec un héros récurrent, par exemple.

Le cas de Green Manor est un peu à part : ce n’était pas destiné à être une série, mais bon an mal an, on y a pris goût, greenmanor3.1250631178.jpgavec Denis (Bodart, le dessinateur), et on a fini par réunir nos histoires, leur donner une cohérence d’ensemble, et à en faire des albums. Il a toutefois fallu convaincre Dupuis de l’intérêt d’une “série sans héros”… Pas évident ! Mais finalement, les albums ont bien marché, coup de chance.

Inversement, une de mes séries débutée avec des récits courts, WonderTown (dessinée par Benoît Feroumont), a sans doute manqué un peu de cohérence à cause de son côté “morcellé”, et on en a payé le prix par la suite lors de sa sortie en albums : la série n’a pas marché bien longtemps, alors même qu’elle avait un “héros récurrent”… Tout cela n’est donc pas une science exacte ! Mais en résumé, je dirais que des histoires courtes peuvent permettre une sortie en albums derrière, une “série”, si elles ont vraiment un fil directeur très fort, une cohérence d’ensemble, une thématique commune évidente.

Enfin, le format récit court semble très bien pour l’exploitation en chapitre sur des téléphones portables, as tu un avis ou des envies sur la question ?

Je dirais presque que c’est le format “strip” qui a le plus d’avenir sur les portables, car sa rapidité de lecture devrait tout à fait convenir à des lecteurs impatients et zappeurs. Maintenant, peut-être effectivement que les “récits courts” de quelques pages ont de beaux jours devant eux ? Ca ne me déplairait pas, c’est vraiment un genre que j’affectionne : il permet de tout donner, tout de suite, au lecteur, c’est une vraie forme de générosité (quand c’est réussi) ! En tous cas, je ne m’interdis pas de faire des essais dans ce sens, dans le numérique… L’avenir le dira !

Merci très amical à Thierry et Fabien pour leurs réponses et leur temps.

(illustrations : couverture d’un Super Picsou Géant ; portraits de Thierry Lamy en lutin vert qui se réveille ; couverture des Contes des Pays Celtes, Collectif, éditions Petit à Petit ; portrait de Fabien Vehlmann, DR ; couverture de Green Manor volume 3, par Bodart et Vehlmann, éditions Dupuis)

24 juin 2009

Un héros (ou un personnage central) doit-il toujours être bon ? Comment expliquer que le personnage central de la Guerre des Etoiles s’avère au final le ténébreux Darth Vader et non son propre fils, falot il est vrai, le blond Luke Skywalker ? Je suis tout à fait d’accord avec le principe narratif qui dit que plus un méchant est crédible, plus l’histoire a des chances d’être réussie. Parfois, en littérature, au cinéma ou en BD, on se souvient davantage des méchants que des gentils, des vilains que des héros. Il est vrai que les bad guys ont l’avantage suprême de pouvoir faire ce que ne s’autorisent pas les gentils. Voilà ma problématique en cours concernant ma petite aventure éditoriale déjà entamée il y a trois billets, ici, ici et là (dans l’ordre chronologique). Pour mémoire, je vous raconte de l’intérieur comment se développe un projet de scénario de BD, les questions, les références que l’on convoque, sciemment ou pas, les doutes enfin. Continuons donc le chemin ensemble.

Question de distance

clay.1245846373.jpgJ’avais laissé le projet sur la représentation d’un pouvoir singulier, celui de déplacer les objets, de modifier la matière en d’autres termes, par la pensée : la télékynésie. J’en étais à la couleur du personnage doué de ce pouvoir : noir ou blanc ? Entre gris clair ou gris foncé ? A cette question s’en ajoutent d’autres : s’il est mauvais, le héros va t-il vers une rédemption ou à l’inverse vers davantage de noirceur ? Quel va être son parcours ? Vais-je raconter son histoire ou ses effets, sera t-on sur une histoire où on cherche le héros ou une histoire où on le voit à l’oeuvre ? Ces questions ne sont pas vaines : il m’est impossible de dissocier la forme de la narration du fond de l’histoire. Je recherche ce qui correspond le plus à une “bonne” histoire. Je veux m’aménager le cadre le plus adéquat pour que les messages sous-jacents soient bien palpables, pour que le lecteur soit enthousiasmé par la maîtrise des temps forts du récit - c’est le coeur en réalité du métier de scénariste. En tant que lecteur lambda, mon critère essentiel pour apprécier et adhérer à une oeuvre tient dans une simple demande : je veux sentir qu’on ne me prend pas pour un imbécile. Cela signifie simplement que je ne veux pas d’une propagande à deux balles (dont nombre d’oeuvres américaines par exemple sont truffées, au cinéma et également en comics), ni d’un scénario où l’invraisemblable rivalise avec l’incohérent, ni d’une histoire qui ne va pas au bout de sa démarche, comme, en roman, l’inénarrable Da Vinci Code. Bien sûr, ces critères sont entièrement subjectifs et mouvants - et l’âge et l’expérience (pouah !) ne me rendent pas nécessairement moins indulgents.

sculpt.1245846470.jpgEn contrepartie, je me dois, quand je m’essaie au scénario moi-même, de répondre à mes propres critères. Pas facil-facile, vous vous en doutez ! Et pour penser un projet, il est essentiel de l’embrasser dans sa globalité, l’appréhender à bonne distance. Cela ne veut pas dire que l’on écrit tout tout de suite, mais que l’on détermine les grandes étapes, le début et surtout (et c’est fondamental pour l’éditeur à qui on destine son projet) la fin. Sans cette vision, qui dans les faits peut représenter des mois voir des années de travail (pour moi) et d’attentes (pour le lecteur), point de salut ou presque. Je suis souvent parti dans des projets d’envergure qui effrayaient dessinateurs et éditeurs car il était impossible de leur donner une taille, démesurés dans tous les cas. Il faut sans cesse surveiller son imagination, sans une bride, elle a tendance par nature à dépasser les cadres, multiplier les ajouts, les péripéties, les boursouflures même. Comme un morceau de glaise informe et boursouflée qui représenterait le projet, il faut couper, élaguer, cisailler, creuser, encore et encore pour qu’une forme significative apparaisse.

“Tu seras un monstre, mon fils”

Et comme souvent, pour les décisions fondamentales dans la création d’un scénario, ce n’est pas la raison qui s’exprime mais l’intuition, c’est le désir du fun qui me stimule. Il va de soit que mon héros central doué de télékynésie incarne un ensemble de forces contradictoires, dévastatrices, propices à l’exploration de la nature monstrueuse de l’homme, cristallisée non seulement par son pouvoir en tant que tel, mais également par l’usage qu’il en fait, sous l’emprise de ses pulsions et, également, de ses aspirations légitimes (légitimes en ce sens où le héros peut user de son pouvoir à dessein, pour un résultat qui peut s’avérer négatif aux yeux du profane mais profondément positif pour lui). Bref, mon héros sera noir, très noir, et je me régale d’avance !

Jusqu’à ce que j’écrive ce billet (rédigé sur plusieurs jours, d’où le délai de publication), je n’avais pas encore tranché en réalité sur le taux de lumières ou de ténèbres de mon héros. C’est un échange sur un forum (celui de Catsuka.com pour ne pas le nommer) qui m’a provoqué unaliencar.1245846483.jpg déclic. Sur une question relative à la BD numérique, où j’encourageais les talents présents à se réunir sous un même drapeau et à coordonner ensemble leurs forces, Gobi, un dessinateur farouchement indépendant (il participe à l’excellente série Lucha Libre aux Humanoïdes Associés) m’a renvoyé dans mes 22 en proclamant qu’il ne voulait pas corrompre sa créativité et son talent (d’une grande valeur à mes yeux d’ailleurs), qu’il fallait casser toutes les conventions et ne pas céder aux compromis, et que ma suggestion était prématurée. Sa réaction mérite le respect et également agit sur moi comme un très fort stimulant. Sa radicalité d’artiste m’inspire, même si quoiqu’il en dise, on fait toujours des compromis : par rapport à sa culture, par rapport à sa sensibilité, par rapport à ses propres tabous sociologiques, mais peu importe… Cette affirmation de sa liberté de créateur, décomplexée et subversive (dans sa définition exacte : Qui agit dans un sens contraire à l’ordre social établi, qui n’est pas nécessairement opposé à l’ordre), a été un rafraîchissant et salvateur coup de masse derrière ma tête. Et pour exprimer cette liberté, rien de tel, de fait, que de choisir d’explorer le chaos, c’est plus stimulant et attirant qu’un simple suivisme vaguement inspiré comme j’en avais (un peu, inconsciemment) l’intention de prime abord. Il y a des monstres en moi qui ne demandent que cela !

La prochaine fois… La suite, quoi !

(illustrations : boule d’argile, droits réservés ; sculpture dans la roche, inachevée, droits réservés ; une voiture croisée avec une Reine Alien, droits réservés)

12 juin 2009

dossier-de-fond-small.1240094685.jpgNous revoilà repartis dans l’aventure d’un scénario (avec donc un costume, il faudra que je dépose le nom, de scénaronaute), après un premier billet de mise en condition et un second où je vous donnais le sujet principal de l’histoire que je vais développer sous vos yeux au fil des semaines. Histoire d’être dans le coup avec le succès de nos amis super-héros américains d’X-Men, j’ai jeté mon dévolu sur le pouvoir de télékinésie.

Déplacer les objets par la seule force de la pensée, voilà la télékinésie. Nous l’appelerons sobrement le pouvoir, comme nous appelerons celui qui possède et use de ce pouvoir le télékinésiste. Tendre la main et tenir en l’air, à quelques centimètres, un objet, sans avoir à se soucier de son équilibre ni de son poids : tout le monde en a rêvé. Tout le monde a vu des héros et des super-héros monter et démonter jusqu’à des horloges atomiques en quelques instants. Les pièces s’imbriquant sans se heurter, dans un ensemble parfait… C’est pour moi encore plus invraisemblable que le pouvoir lui-même. Invraisemblable mais loin d’être inintéressant, vous vous en doutez !

De nombreuses questions à trancher

A quoi pourrait ressembler, s’il apparaissait soudain sous forme d’ondes colorées, le pouvoir du telékinésiste ? A des tentacules d’énergie qui agrippent les objets ? A des fils brillants, reliés aux mains, à la tête, à la poitrine peut-être, qui tâtonnent la matière comme des anémones de mer les poissons venant les explorer ? Est une forme de gaz qui fractal.1244756149.jpgemprisonne l’objet sans l’écraser, qui est donc capable d’en mesurer la fragilité, sans points de contact direct ? Est-il un scintillement qui apparait comme après s’être trop longtemps frotté les yeux ? Peut-on couper la trajectoire du pouvoir ? Comment évaluer son rayon d’action ? A quelle distance maximum le pouvoir est-il toujours actif ? Comme vous le voyez, ça ne peut pas être aussi simple.

Réaction de la matière…

Dès que l’on creuse un tout petit peu, on voit bien qu’on va se heurter à des problèmes physiques simples. Prenons un liquide : sous quelle forme le représenter s’il est saisi par le pouvoir ? Sous forme d’une boule roulant sur elle-même, s’étirant et s’émiettant comme du mercure ou comme on a pu le voir dans des documentaires sur le comportement des liquides en situation d’impesanteur ? Imaginez par ailleurs que le télékinésiste veuille couper un objet en deux. Comment va être marquée la césure ? Comme une coupure nette à la manière d’un laser ? D’où va venir la force qui va rompre l’objet ? De l’extérieur, comme on ouvre un fruit par la pression des doigts ? De l’intérieur, comme une onde sismique qui lésarde la matière ? Le bois, le bêton, le verre ne réagissent pas de la même manière. Si un objet est dur ou mou, s’il est fragile ou au contraire aussi compact qu’un diamant, le pouvoir aura des effets très diverses qu’il faudra penser bien en amont.

Chimie simple, chimie complexe…

img-images-nuage-fractal-cebeul-8721.1244756282.jpgImaginez une scène de combat dans une cuisine d’un restaurant : face au héros doué du pouvoir, un méchant désespéré balance une casserole remplie d’huile brûlante. Comment se comporte ce liquide ? Est-ce que la chaleur peut avoir un effet sur le pouvoir ? Est-ce que le pouvoir peut saisir toute la masse liquide qui jaillit vers le héros ? Est-ce que pour se protéger il peut par exemple projeter une carafe d’eau ? Dans ce cas, de l’eau plus de l’huile bouillante… Devinez le résultat ! Pas besoin d’un master de chimie pour se rendre compte que ce qu’on nous montre le plus souvent en télékinésie ne peut pas tenir la route une seule seconde. Et pour ce projet, il va être très important de “varier les plaisirs” car montrer les effets du pouvoir sur les objets inertes et également sur les êtres vivants doit bien sûr être le plus spectaculaire possible.

La nature de l’objet entre en compte aussi

Certains verront dans ma recherche de crédibilité des contraintes. Moi j’y vois au contraire beaucoup de stimulation : d’innombrables possibilités d’effets et de séquences spectaculaires s’offrent à l’imagination quand on fait l’effort de creuser les choses. Pensez par exemple : un objet a un prix, une signification, une valeur sentimentale. Lorsqu’un télékinésiste se saisit d’un objet, il le fait avec un objectif, pour le contempler, pour le modifier ou le réparer. Il le fait en ressentant quelque chose ou pour ressentir quelque chose. Tout cela compte, tout cela va s’exprimer au travers du dessin par à la fois le comportement du personnage, mais également la représentation de son pouvoir.

Temps et humeurs

Est-ce un pouvoir permanent ou temporaire ? S’il est temporaire, se déclenche t-il sur commande ou de manière aléatoire ? Resulte t-il d’une émotion ou nécessite t-il au contraire un calme absolu ? Selon les choix, se dessine progressivement un personnage. Quelle éducation doit-il recevoir pour ne pas détruire son environnement ? Je suis en train de suivre la série Dollhouse : les héroïnes vivent dans un environnement zen et apaisant afin que leur humeur soit toujours égale. Même problématique ici : si le héros possédant le pouvoir ne le contrôle plus quand il se met en colère, il devient vital de le tenir protégé dans un environnement serein !

L’âge du héros impacte directement la représentation de son pouvoir. Par exemple, un nourrisson ne contrôle rien du tout ! Ses gestes sont désordonnés, il ne distingue pas bien son environnement au delà d’une certaine distance, il est sensible à des stimuli très différents des adultes (la lumière, la chaleur du corps, le sentiment de protection en restant recroquevillé, les odeurs des parents, leurs voix…). Imaginez-le alors se mettant en colère parce qu’il a faim et n’est pas servi. Comment et sur quoi s’exprime son pouvoir ? Son environnement devient soudain encore plus dangereux qu’il ne l’est d’ordinaire. Si par inadvertance l’enfant brise par la pensée le pied de l’énorme armoir au dessus de lui, décèle la porte de la chambre, voir déchire le bras de la nounou qui veut le réconforter…

Des images fortes

Parmi les images fortes qui me trottent dans la tête depuis que je pense à ce projet (au bas mot depuis une année), jakira.1244756466.JPGe vois un berceau sculptée dans une roche à même le sol, éclairé par une lumière provenant d’un puit de lumière à la verticale, avec une main d’enfant sortant du berceau qui maintient au dessus d’elle, sans la toucher, un collier brillant de mille feux. Je vois également un adolescent aux épaules voûtés, au regard noir, qui fait tournoyer autour de lui des morceaux de pierres qui forment une hélice ADN autour de son corps (je crois que cette image existe, mais je ne sais pas où), je vois également des corps qui se disloquent soudain, broyés par le pouvoir, sous le coup de la colère d’une silhouette qui ne peut être que le héros… Ces images me parlent, sont pour moi de puissants stimulants qui me donnent furieusement envie de trouver ce qu’elles cachent, leurs significations et le lien entre elles.

Une dernière question

Une fois tout ceci posé, une fois affirmée la volonté de réaliser une histoire crédible, il reste une question fondamentale que je développerai la fois prochaine : le héros (ou l’héroïne) sera-il positif ou négatif ?

Je vous souhaite un bon weekend avec cette question !

(illustrations : fractals tirés de divers sites spécialisés ; extrait d’Akira, de Katsuhiro Otomo, éditions Glénat pour la France)

05 juin 2009

dossier-de-fond-small.1240094685.jpgLa semaine dernière, dans ce billet-ci, je vous ai dévoilé mon petit projet amusant qui consiste à vous raconter de l’intérieur la mise en chantier d’un projet de BD où je joue le rôle du scénariste. La semaine est passée, chaude puis tiède, et les idées se sont bousculées, plus que je ne le pensais en toute franchise, jusqu’au moment où l’une d’entre elles s’est imposée. Les raisons de mon choix sont influencées par la rédaction de ces billets hebdomadaires, autant l’avouer. Cela ne veut pas dire que l’idée retenue sera « moins » bonne que les autres, bien sûr. Au contraire, elle se prête bien à des éclairages tant sur sa nature même que sur la manière de l’aborder. Entrons donc dans le vif du sujet !

Comment l’idée vient au monde

Comme pour tout le monde, mon imagination est très réactive à mon environnement. Un film, un roman, une BD (ou plus exactement une scène, un dialogue, une intrigue) suscitent des réflexions, tout autant que l’actualité, une discussion avec des collègues ou des amis. On confronte sa connaissance, l’alimente, l’approfondit au contact des autres. Dans mon cas, l’information est précédée de : « Tiens, a t-elle été bien exploitée ? tiens, ils auraient pu aussi présenter les choses sous l’angle de… Tiens, qui en a parlé également dans ce que je connais… » S’ensuivent des recherches, dans des directions variées, pour tâter le terrain et compléter la réflexion. Je me comporte là comme lorsque j’étais journaliste : creuser, creuser, creuser, afin de se faire une idée la plus précise possible des forces en présence.

dr-manatthan.1244203125.jpgCela fait longtemps que je ne suis pas satisfait de la manière dont les pouvoirs paranormaux sont représentés dans les différentes histoires de super-héros, de mutants et autres extra-terrestres à formes humaines que l’on nous propose depuis des décennies. L’idée à laquelle je pense plus précisément a trait à la télékinésie, autrement dit le pouvoir de déplacer les objets par la pensée. Tout le monde sait comment ça se représente jusqu’à aujourd’hui. Oui, c’est un thème usé jusqu’à la corde (et c’est d’ailleurs un formidable motif de stimulation), comment peut-on le traiter de manière un tant soit peu renouvelée, comment le rendre un peu plus crédible ou plausible ? Nous verrons…

Pour ceux qui se demandent (il y en a, si si) : D’où me vient cette idée ? Des constats et questions suivantes : comment et quand se révèlent les pouvoirs des personnages doués de télékinésie ? A la naissance ? A la puberté ? A la suite d’une radiation dans un centre atomique ? En touchant une météorite encore chaude ? Et comment l’environnement appréhende t-il ce phénomène ? Rejet ? Sacralisation du pouvoir ? Négation ? Tout dépend dans ce cas du background familial, et partant, du lieu et de l’époque où on veut que le personnage doué de pouvoirs apparaisse. Le genre, homme ou femme, a également une importance fondamentale. Sur le sujet, les exemples sont nombreux et très connus, et de fait apparemment difficiles à contourner. Pour éviter de dresser un catalogue qui ne sera de toutes les façons pas exhaustifs, je renvoie à cinq sources principales : Star Wars (la télékinésie est l’un des pouvoirs développé par les Jedi, très présente chez Yoda notamment), X-Men (Jean Grey/Phoenix ; Magneto avec les objets métalliques), Akira/Rêves d’enfants de Katsuhiro Otomo, et Watchmen (avec le personnage du Docteur Manhattan). Il y en a une foultitude d’autres, vous les connaissez aussi bien que moi.

Tourments et allégorie

Le point intéressant dans ces quatre œuvres, c’est la représentation de personnages tourmentés, yoda.1244203137.jpgrongés par leur pouvoir ou le mettant au service de desseins sombres (Darth Vader, Tetsuo), obscurs (Akira) ou à l’inverse brillant et fondamental (Dr Manhattan, Yoda). J’aime l’idée d’un personnage qui doive vivre prisonnier de ses pouvoirs, qui ne parvient pas à les maîtriser, qui oscille entre le chaos et la recherche d’un ordre, même momentané. La domination de la conscience sur les pulsions, le passage de l’état de sauvage à l’état d’homme, le contrôle de son pouvoir de séduction et de son attraction sexuelle… L’allégorie de l’histoire d’un personnage qui se confronte à un pouvoir paranormal permet de traiter ces phénomènes comportementaux et de creuser de nombreux autres sujets : le rapport aux miracles et à l’idée de divinité, la force de l’esprit sur la matière, le virtuel face au matériel…

Bon, maintenant qu’on a le thème, va falloir creuser un peu plus ! Mais ce sera pour la semaine prochaine…

Note : si vous voulez témoigner de votre expérience de scénariste également ou donnez votre avis sur la démarche de ces billets, l’espace commentaires est à votre disposition !

Note 2 : j’ai décidé de changer le titre de ces billets hebdomadaires pour qu’ils sonnent moins “auto-promo”, c’est l’avantage d’être un blogueur libre !

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(illustrations : extrait de Watchmen, Dr Manhattan, par Gibbons et Moore ; Maître Yoda, extrait tiré de la nouvelle trilogie Star Wars, par George Lucas, illustration commerciale ; extrait du long-métrage Akira, réalisé par Otomo, présentant le personnage de Tetsuo en pleine expression de son mécontentement)

29 mai 2009

dossier-de-fond-small.1240094685.jpgPartager la naissance de personnages, d’un univers, d’une intrigue, entièrement de l’intérieur : voilà l’expérience à laquelle je vous convie désormais tous les prochains weekends. La longue gestation, les doutes, les rencontres, les joies et les déceptions, tout cela condensé rien que pour vous. Petits veinards, va !

Où il faut apporter deux préalables

Avant toute chose, premier préalable : il faut bien avoir en tête que je ne connais pas du tout l’issue de l’histoire qui se dessinera au grès de ces billets hebdomadaires. D’expérience, je peux même indiquer qu’il y a plus de chances que ma démarche n’aboutisse à rien de publié, ni à rien de concret. Cela peut prendre trois mois ou deux ans, impossible de le prédire. Ma manière d’aborder mon activité de scénariste, de la raconter, d’écrire, de penser ses étapes n’engage que moi et si elle peut en soit être exemplaire, elle n’est pas pour autant un modèle. De nombreux auteurs se retrouveront peut-être, ou pas, dans mon cheminement créatif. L’identification n’est pas l’essentiel. Ce qui l’est, c’est le témoignage vivant en quasi temps réel que cela représente.Hands Drawing - M.C. Escher

Second préalable : aucun dessinateur ni aucun éditeur n’est de connivence au démarrage de cette démarche. C’est tout l’enjeu : partir simplement d’une idée et la voir grandir, prendre forme et se confronter à la critique ou emporter l’adhésion de tel ou tel. L’exposition de cette aventure sur ce blog n’aura pas que des avantages : les dessinateurs ou les éditeurs contactés pourraient refuser de se lancer dans le projet à cause de la rédaction de ces billets (ou voudraient les contrôler, ce que je refuse d’emblée). Pour autant, bien sûr, le blog peut apporter un “plus” que je ne néglige pas. Comme c’est pour moi une première, nous verrons comment les choses tourneront.

Alors, attrapez votre maillot de scénaronaute, vérifiez que les longueurs d’onde sont les bonnes, soufflez sur la visière pour tester la buée, callez vous bien profondément et commencez à sourire : bienvenue dans le monde merveilleux de mon imagination !

Le scénario du scénario

Se lancer sur un projet de BD tient de la course de fond doublée de passages en steeple-chase. C’est long, très long !

Dans le meilleur des cas, voici comment les choses peuvent se passer : je rédige un premier document de référence présentant l’univers, l’intrigue générale, les personnages principaux, un rapide synopsis du premier volume, plusieurs paragraphes détaillant mes intentions (influences, informations complémentaires techniques ou culturelles sur tel ou tel aspect, images pour donner des tonalités, des indications graphiques…).

Une fois ce premier document finalisé, je me mets en quête de talents pour le mettre en image. Je peux m’adresser à des dessinateurs que je connais, mais aussi (voir surtout) à des inconnus qu’il faut séduire et persuader. Si l’un d’entre eux accepte le projet, un dialogue créatif se crée ; les échanges fusent, l’histoire se modifie, les personnages se précisent. Des premiers roughs sont élaborés, repris, raturés, retenus ou abandonnés. Tout doucement l’univers naît du crayon, et parallèlement, si le rythme est bon et l’enthousiasme maintenu, la confiance s’installe.

Au bout de la préparation, le dessinateur réalise des planches test, c’est à dire un extrait de la BD, encré, prêt à être coloré, pour voir le rendu final. Si ce test semble concluant aux auteurs, le dossier qui sera présenté aux éditeurs est alors mis en route. Il reprendra tous les éléments finaux décidés entre le dessinateur et le scénariste. Le dossier (idéalement recommandé par un auteur confirmé) passe devant les yeux de plusieurs éditeurs, soit dans leurs murs, soit en salons. Commence une négociation si un éditeur se montre intéressé. S’il signe finalement le projet (et il est fondamental de bien connaître les conditions), il va ensuite demander des modifications, des corrections, et l’accompagnera jusqu’à la librairie où, en fonction de sa qualité intrinsèque, il sera soutenu ou pas et vivra sa vie au contact du lecteur…

Voilà pour le schéma dit “classique“. Si tout se passe bien, c’est ce que je vais vous raconter. Si tout se passe bien, ce peut être aussi une autre histoire, nettement plus inattendue, impossible, encore une fois, de la prédire. L’objectif, et j’espère que vous le partagez, sera de voir le projet partir d’une étincelle et devenir un monde en soit, à la manière du big bang.

Au commencement était donc… une étincelle

etincelle.1243597220.jpgD’où vient LA première idée pour un scénario, l’étincelle originelle, le “scratch” dans les ténèbres qui précède l’éblouissante révélation de l’oeuvre potentielle ? De la suggestion d’un ami (qui vous fera ensuite un procès si succès) ? De la lecture d’une oeuvre célèbre (dont l’éditeur vous fera un procès pour plagiat) ? D’une envie irrépressible, physique, qui tourmente et paralyse, excite et effraie tout à la fois (et qui vous offre si vous ne prenez pas garde une entrée gratuite dans un institut pour les gens “différents”) ?

Je ne connais aucune règle, aucun stimulus qui marcherait à tous les coups, aucun secret retiré sous la torture du crâne d’un scénariste confirmé. Je ne connais qu’une chose : un jour, à un moment, une image, une voix, quelques mots épars viennent me chatouiller et, au lieu de disparaître aussitôt comme tant d’autres pensées fugitives, ils se plantent dans votre bulbe et commence un lent, patient et infatigable travail de mutation. “Tiens, mais au fait, qu’est-ce que ça donnerait si… ?“, suivi de “et puis dans un univers comme…, ça arracherait grave !“, bientôt interrompu par “ah, mince, j’avais oublié que truc avait fait une série là-dessus, ah non, je peux quand même pas…

A la manière d’un gastronome au Salon de l’Agriculture qui palpe avec expertise les meilleures parts du gentil bovin à l’air triste qu’il destine à son assiette, je tâte l’idée, la renifle, évalue son potentiel, le compare à mon envie réelle de partir sur une histoire parlant de… ou de… Je la laisse mijoter, la conglomère à d’autres précédentes idées, la laisse vagabonder dans des séquences mille fois déjà imaginées mais qui peuvent prendre une autre couleur sous un angle différent. Je ratisse, je laboure, je creuse jusqu’à ce que l’idée soit totalement effacée par mes errements. Alors je reviens à sa forme originelle, la contracte, en vérifie encore et encore la matière, la résistance, la persistance. Je laisse enfin au temps le temps de faire son oeuvre. Dans quelques jours, quand une nouvelle plage de réflexion s’ouvrira (on peut les programmer, par exemple dans le bus en allant et revenant du travail, comme une respiration), je la réétudierai.

Ainsi, dans ma petite tête s’accumulent des dizaines d’idées, certaines déjà bien taillées, certaines encore brutes comme un vulgaire charbon, qui attendent leur heure (et mon temps, donc) et qui verront, peut-être, leur existence traduite en noir et blanc sur une page Word…

Ce soir, demain, ce weekend ou dans le courant de la semaine prochaine, je vais devoir me consacrer à chercher l’idée qui est la plus avancée, la plus mûre. Réfléchir une ou deux fois : voilà un défi à ma portée ! Je vous en reparle, promis, dans 8 jours…

(illustrations : M.C. Escher, Drawing Hands, 1948 ; image d’une étincelle, origine inconnue, DR)