17 mars 2011

Balle de break est en Inde, à New Delhi ! L’occasion d’aller visiter la Tennis Team Academy, qui forme les jeunes étoiles du tennis indien dans un complexe ultra-moderne.

 

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Les rues de New Delhi bruissent d’une agitation ininterrompue : des centaines de rickshaw (sorte de moto-taxi) se faufilent à coups de klaxons sur des routes à moitié défoncées, tandis les déchets s’accumulent le long des trottoirs. Pourtant, deux virages à droite plus tard, le changement de décor est aussi brutal qu’inattendu.

Au cœur du quartier chic de Khel Gaon est cachée une enclave enchanteresse : le Siri Fort Sports Complex. Dans de cet écrin de modernité tout entier dédié au sport, se nichent onze courts de tennis flambants neufs, adossés à un terrain de cricket. La Tennis Team Academy y a élu domicile. Ses quelque 200 jeunes pensionnaires, âgés de 4 à 24 ans, s’escriment ici tout au long de l’année, sous le regard concentré du directeur, Aditya Sachdeva.

Casquette enfoncée sur la tête et raquettes en main, ce dernier ne s’embarrasse pas de faux semblants. « Je veux fabriquer des champions », synthétise-t-il dans une formule qui n’est pas sans rappeler celle de Nick Bollettieri, l’homme qui a, entre autres, façonné André Agassi. A n’en pas douter,  l’héritage de son passage aux Etats-Unis, où il s’est notamment occupé du jeune Ryan Harisson - récent huitième de finaliste à Indian Wells- , a profondément marqué Sachdeva.

Revenu dans son pays d’origine en 2004, il a été frappé par le manque de moyens du système indien. « L’académie vit uniquement grâce à des fonds privés. Il n’y a aucune aide publique, contrairement aux Etats-Unis. Et les sponsors n’aident pas aussi facilement, loin de là ».

Malgré ce handicap, le quadragénaire trapu n’a rien laissé au hasard. Le moindre entraînement est réglé comme du papier à musique et la structure d’entraînement dont bénéficient les jeunes est à faire pâlir d’envie bon nombre de pôles espoirs en France. « Chacun de nos joueurs dispose d’une équipe complète : un médecin, un préparateur physique, un coach principal, un coach assistant et des sparring-partners. On a même engagé un coach mental canadien », énumère d’un ton monocorde l’ancien professionnel, assis dans les gradins du complexe. Derrière lui, deux jeunes filles en mini-shorts et débardeurs enchaînent les diagonales de coup droit, sous les yeux de leurs mères, drapées dans leurs saris, la tenue traditionnelle indienne.

 

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Sachdeva poursuit : « Nous avons une structure pyramidale, inspirée du système français. De 4 à 10 ans, les enfants jouent dans un de nos 21 « grassroot centres » de la ville et les entraîneurs observent. Les meilleurs vont dans des centres de développement, et les plus prometteurs d’entre eux rejoignent ensuite notre centre d’élite, ici, à Khel Gaon ».

Dans la « Warm Up area », un jeune garçon file entre des plots bleus. « Faster, faster », crie le préparateur physique. L’ombre n’a pas son mot à dire, le soleil delhiite fait suer les aspirants champions à grosses gouttes. Sur l’un des trois courts en terre battue (pour 8 en dur), un autre espoir, short noir et coupe au bol, enchaîne inlassablement les revers, avec une raquette qui paraît trop grand grande pour lui. Répéter le geste à l’infini pour frôler la perfection, voilà l’obsession de la séance, exclusivement consacrée à la technique. Aditya Sachdeva s’en explique : « Nous défendons une approche holistique. De 10 à 12 ans, nous développons la technique. Puis jusqu’à 14 ans, on insiste sur l’aspect tactique. Avec toujours en parallèle les autres composantes de la formation, notamment le physique ».

En termes de résultats, le système de l’académie a fait ses preuves. Trois de ses joueuses ont intégré l’équipe indienne de Fed Cup, quatre jeunes sont numéros 1 nationaux et Yuki Bhambri, 18 ans, a raflé la mise à l’Open d’Australie juniors en 2009. C’est peut être ce qui a décidé Simran, 15 ans, à quitter Bangalore il y a de ça quatre printemps. « Ici, l’entraînement est dur, mais je suis venue pour ça. Mon objectif est d’être professionnelle d’ici trois ou quatre ans ». Classée 8e chez les moins de 16 ans en Inde, Simran, grande admiratrice de Roger Federer, suit le même régime que les autres : cinq heures d’effort par jour, six jours par semaine.

Pas facile dans ces conditions de concilier études et sport. « Je suis scolarisée à domicile, détaille l’adolescente. Je suis en 11ème (l’équivalent de la classe de Première) et j’ai des examens en avril ». Habillée par Nike de la tête aux pieds, elle mesure sa chance dans un pays où la pression sociale est extrêmement forte quant à la poursuite des études. « Mes parents m’ont toujours poussée, ce n’est pas la cas pour tout le monde ». Et sa « chance » ne s’arrête pas là : « En plus, ils ont les moyens de me payer l’académie », sourit-elle, en rentrant la tête dans ses épaules musclées par des milliers de services. A 60 000 roupies l’année ‘1 000 euros), soit 5 000 roupies par mois (80 euros), cette école d’excellence n’est pas à la portée de toutes les bourses, surtout quand on sait que le salaire moyen en Inde dépasse à peine les 3 000 roupies (environ 50 euros) par mois.

 

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Pour éviter d’offrir les places exclusivement aux plus riches,  Aditya Sachdeva a trouvé une solution. « Nous entraînons les moins aisés, soit environ 15 gamins, gratuitement. Ainsi, toutes les strates de la société sont représentées », confie-t-il, sans une once d’émotion et dans un anglais toujours aussi parfait. « De plus en plus d’Indiens s’intéressent au tennis et il serait dommage de ne pas donner une chance à tous », justifie le généreux instructeur, qui rêve de former le futur numéro 1 mondial.

Juste avant de rentrer sur le court pour travailler son revers en bout de course, Simran évoque ses derniers tournois aux quatre coins du monde. Ses grands yeux noirs s’illuminent. « J’ai déjà participé à quelques compétitions aux Etats-Unis mais aussi en Europe : à Paris, aux Pays-Bas ou encore en Allemagne ». Se frotter aux joutes internationales le plus tôt possible est un des credo de la formation made in Sachdeva. « J’étais à Roland Garros l’an dernier avec quelques joueurs, rigole le boss. J’y serai peut être encore cette année ».

Aditya Sachdeva a maintenant revêtu son costume d’entraîneur. Sur un terrain entouré par de grands arbres au vert éclatant, il distille conseils et encouragements à ses joueuses. « Well played. It’s on the line », tonne-t-il de sa voix grave. Avant de prendre congé, on lui demande pourquoi il n’a jamais pris en mains la destinée d’un joueur sur le circuit professionnel. Immédiatement,  il troque son visage impassible contre une mine renfrognée. Et glisse sans détourner les yeux de sa joueuse : « Je ne gère pas, je construis ». Bâtisseur de talents, il a choisi une vie d’éternel recommencement.

 


Commentaires

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