Archives de janvier, 2007

31 janvier 2007

21 billets écrits ce mois-ci.

2471 visiteurs uniques quotidiens en moyenne ce mois.

5 Janvier : Gego
6 Janvier : Quelques images du MACBA
7 Janvier : Palazuelo
7 Janvier : Hier la Joconde, aujourd’hui Abu Dhabi
8 Janvier : Le Louvre l’an prochain à Jérusalem (Est) !
10 Janvier : Marina Abramovic
12 Janvier : Le corps, du frais au macabre ? du charnel au divin ?
14 Janvier : Respire (Catherine Helmer)
17 Janvier : Le nom du Louvre
17 Janvier : Bruce Davidson
18 Janvier : Dédale et l’homme artificiel
20 Janvier : Eros (1) (Rodin)
21 Janvier : Eros (2)
22 Janvier : Eros (3)
23 Janvier : Après Eros, Thanatos (1) : Six pieds sous terre
24 Janvier : Thanatos (2) : Je veux qu’on rie, je veux qu’on danse…
25 Janvier : Gitans et Pitbulls (Jean-Charles Hue)
26 Janvier : Urs Zahn
28 Janvier : Des portraits comme on n’en fait plus (Yousuf Karsh)
29 Janvier : Prologue et épilogue (Donigan Cumming)
30 Janvier : Le vide et le plein, le visible et l’invisible (Gabor Ösz)

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Le mot le plus utilisé pour accèder à ce blog via des moteurs de recherche a été, ce mois-ci, Diane Arbus.

Dessin de Xavier Gorce, dans les Indégivrables, tome 2, Editions Inzemoon.

30 janvier 2007

Gabor Ösz, à la Galerie Loevenbruck, jusqu’au 3 Mars.

Gabor Ösz Space Monochrome Room B1 2006Quatre grandes surfaces au mur, surfaces planes et grises dont je ne sais si ce sont des photos ou des peintures, au trait épais, pâteux par endroit. On voit des espaces vides, des pièces sans vie, à peine scandées par un pilier, une porte. Des reflets aussi, car on voit ces espaces à travers une vitre, depuis la rue. Mais cette représentation janséniste de l’espace n’est que la première peau, le premier os à ronger que Gabor Ösz nous offre : vacuité de l’espace, vacuité de l’esprit du spectateur, “lieu géométrique de l’abstraction”, double frontière entre le réel et le spectateur (la surface plane au mur de la galerie, frontière entre le réel du spectateur et le réel du sujet représenté, et la vitre qui, dans la réalité, a séparé l’artiste de son sujet).

Gabor Ösz Space Monochrome Room A1 2006Et puis, ne vous lâchant pas, Gabor Ösz lance sa deuxième salve. Ce sont là des photographies, mais des photos numériques dont la résolution est insuffisante, et donc qui, une fois agrandies, faute d’une densité suffisante de pixels, laisseraient trop d’espaces blancs incongrus, vides. Alors, dit Ösz, pour “rendre visible la vacuité des pièces et l’inoccupation de l’espace, il faut éliminer le vide entre les pixels”. Pour montrer ce vide-ci, il faut supprimer ce vide-là. Un logiciel automatique, sans intervention de l’artiste autre que d’appuyer sur ENTER, remplit cette tâche, il clone et reconstitue les pixels manquants à partir de leur voisins. Ce que nous voyons n’existe donc pas à plus de 50%, n’est pas réel, a été construit artificiellement. Le vide qui nous est montré n’existe pas ”pour de vrai”, ce n’est même pas la main, ni l’esprit d’un artiste qui l’a construit, c’est une simple manipulation automatique. C’est ce procédé qui rend ces traits empâtés à la jointure des murs, comme des marques de pinceau. Les murs -peints - de ces pièces vides, photographiés et reconstitués, redeviennent peinture à nos yeux. Et nous pouvons alors méditer sur le visible et l’invisible. 

De cet artiste hongrois vivant en Hollande, que je ne connaissais pas, j’ai alors découvert (sur catalogue) le très beau travail sur les bunkers, chambres noires pour vues de la mer à travers les fentes d’observation (The liquid horizon).

Photos courtoisie Galerie Loevenbruck.
29 janvier 2007

Donigan Cumming, au Centre Culturel Canadien, jusqu’au 3 Février.

Cumming Epilogue

Ce sont deux immenses montages photographiques, de part et d’autre d’un mur diagonal. Ils sont faits de milliers, de dizaines de milliers de petites photos, de personnages, de lieux, d’objets, en couleur ou noir. Cumming Prologue détailCertains, minuscules, forment un effet de masse, agglomérés en rangs serrés, défilant, occupant l’espace; d’autres, plus grands, se détachent, sortent du lot, parfois sur un support boursouflé blanchâtre. Nul récit, mais des centaines de petites compositions, de saynètes indécises. Le tout est emporté dans un grand tourbillon grouillant, un magma originel. Tout cela évoque Brueghel et Ensor. Vous passez votre temps à vous éloigner pour tenter de saisir une vision d’ensemble, puis à vous rapprocher pour percevoir tel détail. Cumming travaille depuis vingt ans avec une communauté de personnages en marge, montrant leur laideur, leur douleur, leur fantaisie. Ce diptyque est une somme de son travail, une reconstruction rétrospective, une remise en perspective, intitulée “La Somme, le sommeil, le cauchemar“. Déconcertant, il donne envie d’en savoir plus sur Cumming, de voir le reste de son travail, pas beaucoup vu à Paris jusqu’ici.

28 janvier 2007

Yousuf Karsh, au Centre Culturel Canadien, jusqu’au 3 février.

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80 portraits d’hommes politiques, d’acteurs, d’artistes, d’écrivains, tous soigneusement mis en scène, théâtraux, superbement éclairés, tous en représentation, pas une fausse note, pas une mèche de travers, pas un soupçon d’expression personnelle. C’est très beau et assez ennuyeux. malraux_yousuf_karsh.1170019259.jpg

26 janvier 2007

à la Galerie Bernhard Bischoff, à Berne, jusqu’au 23 Février.

Urs Zahn zeight Amber und Marti 2006Urs Zahn est un jeune artiste suisse qui sait fort bien construire et déconstruire l’espace. On reste d’abord perplexe devant ses compositions : peintures? carreaux de céramique ? assemblage systématique de 42 rectangles, 6 fois 7, qui composent une image. C’est l’accident, voulu, assumé, exhibé, qui montre qu’il s’agit de photos sur des feuilles de papier repliées et agrafées.

Le quartier de cette galerie, près du Kunstmuseum de Berne, était jusqu’il y a peu un lieu favori des dealers, qui cachaient leur marchandise dans deux grands thuyas en pot devant l’entrée de la galerie. Tous fouillaient avidement le terreau, un des thuyas en est mort, l’autre est en convalescence, le quartier est en voie de réhabilitation avec l’ouverture à côté d’un centre de traitement et d’accueil, et Urs Zahn nous montre ces deux thuyas au temps de leur splendeur passée. Il en décompose l’image, la fragmente, elle reste intacte en apparence, mais la perception s’en dilue, il faut faire l’effort d’abolir ces lignes entre les carreaux, de nier ces espaces entre les cadres. Urs Zahn der Heckeninde 2007Parmi plusieurs oeuvres sur ce thème, celle montrée ci-contre comprend 42 photos, soigneusement étiquetées et rangées dans une cantine en bois, conteneur de conservation, de transport et de dissimulation (je me suis souvenu de l’empilement des photos de Philippe Thomas). Leur accrochage est délibérément incomplet, quelques éléments sont encore empilés en bas à droite, mais un léger effort permet de reconstruire l’image de deux thuyas. L’échafaudage en bois, dans un espace étroit qui ne permet pas le recul, vous empêche de vraiment tout voir, de tout reconstituer; et si vous voulez vous approcher, voir de près à défaut de voir de loin, alors vous devez vous contorsionner, passer entre les poutres. C’est une expérience à la fois physique, visuelle et mentale: votre corps physique de spectateur peine à trouver le bon point de vue, près ou loin, vos yeux peinent à reconstituer l’image, à combler les manques, à effacer les vides, et votre esprit va de la caisse au mur, de l’ensemble au particulier, du simple au multiple, de l’oeuvre au concept.  Avec une grande économie de moyens, c’est un travail sur l’espace et la position du spectateur que j’ai trouvé beaucoup plus complexe qu’il n’en avait d’abord l’air. Il s’intitule Heckenbilder, Images de couvaison.

Rien à voir, mais vous pouvez lire ceci.

photo 1 provenant de ce site.
photo 2 courtoisie Galerie Bernhard Bischoff