Archives de mars, 2010

31 mars 2010

Dans les semaines qui viennent, on va de nouveau entendre Pierre Moscovici. Le député du Doubs compte bien abandonner 3558461199_9073713fd7_t.1270065441.jpgle jeu de fond de court qu’il pratiquait prudemment ces derniers temps pour monter hardiment au filet. Président de la convention sur le « Nouveau modèle de développement » qu’il présente comme « la matrice » du projet socialiste, il va tenter de marquer son territoire dans la perspective des primaires pour lesquelles il se dit « intéressé ». Cet os que lui a attribué Martine Aubry, Mosco n’a pas l’intention de le ronger dans le consensus. Mercredi midi, devant un groupe de journalistes, l’ancien ministre de Lionel Jospin a déroulé son plan de bataille.
La convention. Cette usine a gaz n’est pas facile à piloter. Treize groupes de travail associant socialistes et experts extérieurs, dotés chacun de deux présidents désignés au trébuchet des courants et sous-courants. Ajoutez à cela une période largement dominée par la préparation des régionales. Bref, l’affaire est compliquée et l’on ne sait trop ce qui en 3591290185_bccf4fbba6_t.1270065399.jpgsortira lors de la convention elle même, fixée au 29 mai. Le travaux de ces groupes sont inégaux. Franchement insuffisants  sur les questions (le nucléaire, par exemple) où la réflexion collective fut ces derniers temps la moins soutenue (doux euphémisme) mais de bon niveau sur la fiscalité. Même si ces textes, qui n’engagent pas le PS en tant que tel, contiennent des propositions et dfes analyses pas toujours orthodoxes, Mosco veut qu’ils soient mis en ligne sur le site du PS, quitte à les héberger sur son propre blog si Solferino maintient son veto.
Les clivages. Pierre Moscovici veut profiter de l’occasion pour procéder à « quelques clarifications indispensables » avec la gauche du parti. Les choses ont commencé fort puisque deux groupes (l’un consacré à la « révolution budgétaire », l’autre a3559267796_ba170d67a1_t.1270065427.jpgux services publics) ont déjà fait l’objet de textes alternatifs de la part de leurs membres appartenant à la motion Hamon-Emmanuelli. Cette façon de prendre « bille en tête » la motion C n’est pas du goût de la direction qui n’a point envie que la belle unanimité post-régionale vole trop vite en éclats. Sur la forme, d’aucuns reprochent à Mosco d’avoir maintenu un rythme de travail insuffisant des groupes de réflexion (ce qui est sans doute sévère compte tenu de la période, marquée par un net absentéisme pour cause de régionales). Autre critique de fond ;  Mosco ne ferait que reproduire – instrumentaliser ? - des clivages anciens (la fiscalité, l’Europe, le libre-échange…) pour se poser comme le champion du réformisme au lieu de les dépasser en ouvrant de nouvelles perspectives. L’ancien ministre de Lionel Jospin s’en expliquera les 6 et 20 avril devant le BN. Il pourra alors compter ses vrais amis.
Les primaires. Mosco ira si DSK n’y va pas. Il confirme aussi sa conviction que les régionales ont changé la donne pour le patron du 3592097030_45fe24fe2f_t.1270065459.jpgFMI qui, selon lui, doit se préparer à abattre ses cartes au plus tard début 2011 ou se résigner à être pris de vitesse par Martine Aubry. « La stratégie du recours ne peut plus fonctionner. S’il attend trop, ils ne le laisseront pas revenir » dit-il. Quant à la date du prochain congrés (avant ou après les primaires, qu’il souhaite voir s’achever en octobre 2011), Moscovici développe sa propre analyse. Selon lui, le congrès doit avoir lieu avant ; cela pourrait contribuer à réduire le nombre de candidats dans la foulée des alliances nouées au sein des motions. Petite vacherie adressée à Manuel Valls : aurait-il les moyens de se présenter aux primaires après avoir bu la tasse avec sa propre motion ? Curieusement, le raisonnement – lui-même ne dit pas le contraire – pourrait aussi s’appliquer au député du Doubs. Autre argument en faveur de ce calendrier : fixer le congrés avant les primaires, c’est résister à l’hyper-présidentialisation du régime et « éviter de donner les clés du parti à un candidat ».
Martine et Ségolène. Comme d’habitude lorsqu’il s’agit des deux dames du PS, Mosco fait dans la dentelle. Martine ? Il connaît le mode d’emploi et sait comment s’entendre avec elle « ce qui n’est pas le cas de tout le monde ». Et il reste dubitatif lorsque l’on 721761.1270065413.jpgévoque un indéfectible ticket Aubry-DSK…  Et Ségolène ? Contrairement à la plupart des dirigeants socialistes, il ne porte aucun jugement définitif sur ses chances de revenir dans la course. Il n’écarte pas l’éventualité que l’ex-candidate décide finalement de « passer son tour »… pour attendre l’étape suivante, 2017. Dans ce cas, s’imagine-t-il obtenir quelque soutien de la présidente poitevine qui lui avait proposé, mais en vain, de conduire sa motion au congrès de Reims ?
Au fait, un autre jeune loup du PS (on est jeune très longtemps, quand on est dirigeant socialiste) auquel Martine Aubry a également donné un os à ronger, fera bientôt parler de lui ; Arnaud Montebourg, qui préside la commission de la rénovation dont le rapport sera adopté mi-avril.
 
Jean-Michel Normand

27 mars 2010

C’est une saine émulation qui fait un peu désordre. Au lendemain de la victoire du 21 mars, pas moins de 719318.1269706913.jpgtrois socialistes se disputent la présidence de l’Association française des régions (ARF). Face au sortant Alain Rousset (Aquitaine), Michel Vauzelle (PACA) et Jacques Auxiette (Pays-de-Loire) sont d’ores et déjà en lice. Sans doute, fallait-il s’y attendre. A force d’être congratulés pour leurs scores mirifiques, présentés comme la fierté du parti et les éclaireurs de la reconquête, certains présidents de régions risquaient de se pousser du col. Il a suffi qu’Alain Rousset tarde à faire acte de candidature pour que la place soit considérée comme étant à prendre. Le premier à monter au créneau fut Michel Vauzelle, qui a annoncé ses ambitions dés le lendemain du second tour. « Le président de l’ARF doit être quelqu’un qui désire combattre contre Sarkozy et essayer de le faire reculer sur cette réforme des collectivités. Je m’en sens la force, le courage et les arguments » a-t-il très solennellement lancé lors d’une non moins solennelle conférence de presse dans sa permanence marseillaise. « Pendant 12 ans, on a eu un très bon président, mais je pense qu’il faut qu’on se fasse entendre davantage si on veut essayer de faire entendre raison au président de la République » a aimablement ajouté Vauzelle.

Samedi, lors du Conseil national qui se tenait à la Mutualité, ce fut au tour de Jacques Auxiette de monter à la charge. Le président des Pays de Loire s’est dirigé d’un pas décidé vers les tables de la presse pour annoncer sa candidature. « Le vrai 719024.1269706902.jpgproblème, ce sont les rapports entre l’Etat et les régions : le contrat a été rompu » 718950.1269706881.jpgassure Auxiette. La veille, au terme de son élection, il s’en était violemment pris au gouvernement, assurant avoir « pris l’initiative de la fronde des présidents de régions ». Peut-être, Alain Rousset regrette-t-il de n’avoir pas daigné répondre à la question de sa candidature lui avait été posée mardi 23 mars à l’issue de la photo de famille prise avec Martine Aubry. Dans son entourage, on assure en tout cas que le président de la région Aquitaine sera candidat. 
 

Cette course à la présidence est lancée alors que, ces derniers jours, les grandes voix du parti se sont efforcées de mettre en garde ceux qui prendraient le risque de gâcher la fête en relançant la guerre des égos. Compte tenu de la forte confrontation qui s’annonce autour de la réforme territoriale engagée par le gouvernement, la présidence de l’ARF - qui n’a jamais vraiment coordonné l’action des régions alors que l’engagement avait été pris, en 2004, de rendre plus lisible l’action des présidents socialistes en assurant la promotion de dispositifs convergents – devient en effet une tribune de choix.

L’élection aura lieu lors de l’assemblée générale du 7 avril et les candidatures devront être déposées avant le jeudi 1er avril. D’ici là, les égos auront peut-être le temps de se redimensionner. Et la direction du PS l’occasion de faire preuve de sa capacité de conviction. A moins que d’autres vocations ne se manifestent. Pour l’heure, aucun signe annonciateur d’une candidature n’a été capté en provenance de Poitiers… Ségolène Royal n’avait-elle pas dans le passé vainement tenté de décrocher la présidence de l’ARF ?

Jean-Michel Normand

26 mars 2010

Faire du Poitou Charentes le laboratoire du Ségolénisme en marche. Jeudi soir sur France2, l’ex-candidate a fini par exposer segoo000000000000000000000004.1269602670.jpgsa stratégie. Réélue avec 60% des voix dans une région qui ne dispose pas d’une longue tradition d’ancrage à gauche, Ségolène Royal compte capitaliser sur son bilan picto-charentais. Se poser comme présidente d’une République socialiste du Poitou-Charentes lui offre une tribune alors qu’elle ne dispose plus, au sein de son parti, d’un réseau structuré et opérationnel. Déclinaison du slogan de « la politique par la preuve », cette approche présente aussi l’intérêt de la situer loin des affaires partisanes parisiennes. Et lui permet de valoriser sa capacité à laisser dans son sillage des marqueurs (le pass-contraception, la conversion d’Heuliez à la voiture électrique ou la coalition arc-en-ciel du premier tour) qui rendent son bilan plus lisible que d’autres. Tout cela la place en position de laisser en suspens sa candidature au primaires – ceux qui la connaissent assurent qu’ils ne tiennent pas pour acquis qu’elle se lancera en 2012 - tout en faisant négligemment remarquer que la question de sa « légitimité » ne se pose pas. Ségolène Royal considère que son offre politique a été validée : en Poitou-Charentes, les autres partenaires de gauche ont fait moins bien que la moyenne nationale et que la présidente sortante à réalisé de bons scores auprès de l’électorat populaire. 
 

Au pays du photovoltaïque, des circuits de distribution courts pour les producteurs de lait et des ouvriers transformant en segoooo000000000000000003.1269602681.jpgSCOP leur entreprise en difficultés, Ségolène Royal soigne a crédibilité – elle sait que c’est son point faible dans l’opinion. A travers son action à la tête de sa région, elle cherche à brosser d’elle un portrait en décalage avec Nicolas Sarkozy, dont les actes contredisent les paroles. Et, accessoirement, avec Martine Aubry qui doit négocier des compromis avec le « vieux parti » et dont le comportement est condamné à être scruté à l’aune de ses ambitions présidentielles. La « présidente Royal » ne veut pas entendre parler d’un duel avec Martine Aubry. Elle préfère appuyer là ou çà fait mal en renforçant la dichotomie entre les deux PS. Celui qui réussit au plan local ou régional et qu’elle se propose d’incarner. Et l’autre, qui échoue au niveau national, et qu’elle laisse à ses petits camarades le soin de faire exister avec son cortège de paroles verbales et de « guerre des chefs »… A cet égard, Daniel Cohn  Bendit se sera révélé un excellent sparring partner sur le plateau d’A Vous de Jugez. Volontiers condescendant face à la « camarade Ségolène », il a contribué à la situer en marge de la politique traditionnelle. Et donc à la mettre en valeur. De plus, sa position sur la taxe carbone était plus « carrée » - plus « facile », diront ses détracteurs - que celle de DCB. 
 

Le retard à combler est important - doux euphémisme - mais Ségolène veut y croire. Son positionnement ne manque pas d’habileté. Quitte à pousser le bouchon un peu sego0000000000001.1269602701.jpgloin en appelant les médias « à ne pas monter en épingle des incidents qui n’ont aucune portée politique » 48 heures après avoir sciemment boycotté la photo de famille à Solferino pour attirer l’attention sur elle. Il lui reste à faire entendre sa différence sur le plan des idées. Car, passées les régionales, la répétition du bilan en Poitou-Charentes va finir par devenir une scie. 

En l’état actuel des choses, on note une certaine similitude entre le discours de Ségolène et celui de Martine (petit 1 : protéger les Français, petit 2 : penser un « nouveau modèle de segoo0000000000000000002.1269602647.jpgdéveloppement économique, social et écologique  »). Au-delà de sa pratique régionale, Mme Royal va devoir renouveler sa boite à idées (sur les retraites, la fiscalité, notamment) face à un parti socialiste qui va lancer la machine des conventions qui n’avait pas si mal fonctionné entre 1995 et 1997. Enfin, on peut se demander jusqu’ou elle pourra faire l’impasse sur le PS même si l’objectif, avec des primaires ouvertes, sera de convaincre l’opinion de gauche, pas les grands élus et les chefs des courants. « Je sais qu’elle tient en horreur les questions d’appareil mais on aimerait tout de même la voir plus souvent dans les grands rassemblements du parti. C’est aussi un moyen de peser sur les idées » soupire l’un de ses partisans, membre du Conseil national.

Jean-Michel Normand

24 mars 2010

Le moral des socialistes est au beau fixe. A peine fêtée la victoire du PS – pardon, de la gauche…- aux régionales, les voilà primadonna.1269462690.jpgqui lancent une vaste campagne d’adhésions (prix unique : 20 euros, comme en 2006) avec, en prime, une opération de teasing. A Paris, Lyon et Marseille, notamment, d’énigmatiques affichettes portant le slogan « maintenant, j’y vais » ont été agrafées dans la nuit de dimanche à lundi. Il ne s’agissait pas d’une pub pour une banque mais d’un appel à rejoindre le PS. Le slogan en question, assure David Assouline – ex-pro Royal devenu pro-Aubry – a été trouvé par la première secrétaire elle-même, lors d’un brain-storming. Cette inspiration, insiste-t-il, « a fait économiser 50 000 euros » au parti. De quoi donner une idée des tarifs des boites de com’. Heureusement que le PS n’a pas décidé de changer de nom, comme le suggérait Manuel Valls. On n’ose imaginer la facture.

Si les régionales stimulent le génie créatif des socialistes, elles paraissent, en revanche, quelque peu refroidir leur frénésie de primaires ouvertes. Depuis que le spectaculaire redressement électoral du printemps 2010 a consacré Martine Aubry comme candidate priadonn2.1269462670.jpgnaturelle en puissance, cette procédure destinée à désigner le leader du PS par les électeurs volontaires semble perdre de son attrait. D’autant que, socialistes et écologistes étant pour ainsi dire tombés dans les bras entre les deux tours, l’idée – hier encore pure hypothèse d’école - que la consultation pourrait être ouverte à Europe Ecologie reprend de la vigueur. Les primaires serviraient alors à désigner un candidat commun dés le premier tour plutôt qu’à sacrer une figure de proue strictement PS.
 
La première conséquence de ce glissement porte sur le processus de présélection. La pression des quinquas pour limiter le nombre de candidats à la candidature se fait de plus en plus forte. « On ne va pas présenter une demi-douzaine aubryrennes2-600.1267470639.jpgde socialistes. Ce seraient des primaires d’épuisement ! » prévient Claude Bartolone. Bref, mieux vaudrait restreindre la grille de départ à la brochette Aubry et/ou DSK-Royal-Hollande. A l’extrême limite, un quadra (à choisir parmi Valls, Montebourg et Moscovici) pourrait pointer le bout de son nez. Ce schéma n’est pas celui que préconise Arnaud Montebourg, le secrétaire national à la rénovation, partisan d’un mode de désignation plus ouvert.

Une autre idée, plus radicale encore, fait son chemin. Elle consisterait à désigner, en interne (c’est à dire par les militants, comme au bon vieux temps), un candidat socialiste pur-sucre qui irait bravement se mesurer aux représentants du 4132874293_5237ef65d1_m.1269461111.jpgPRG et du MRC voire d’Europe Ecologie devant le suffrage universel. Une solution « à l’italienne », censée protéger le parti des inévitables divisions inhérentes à la noble – mais, comprenez-vous, périlleuse…- bataille des primaires. Les pro-Aubry, forcément, y pensent tout bas. Les partisans de François Hollande aussi mais eux non plus n’en disent mot. Le seul à oser proposer ouvertement cette solution est François Rebsamen. Ce complice de longue date de l’ancien premier secrétaire a, récemment, amélioré ses relations avec l’actuelle première secrétaire. « Pourquoi ne pas réaliser un accord général autour d’un candidat aux primaires qui recevrait le soutien de tous et composerait une équipe voire un ticket ? Ce serait le meilleur moyen d’éviter des primaires traumatisantes » nous assure le sénateur et maire de Dijon. De même, iI plaide – autre concept très en vogue, ces temps-ci – pour la convocation « d’ateliers de l’alternance » destinés à élaborer un « projet partagé » parmi les composantes de la gauche.

royalcray.1269462710.jpgPour qui roule le camarade Rebsamen ? Pour Martine Aubry (c’est elle qui, actuellement, se trouve en situation favorable), pour son ami François Hollande (qui attend son heure mais pourrait aussi postuler à la constitution d’un « ticket »), pour lui-même (l’ancien numéro deux du PS, que l’on dit très intéressé par la présidence du Sénat en cas de majorité de gauche au Luxembourg en 2011, cultive une image d’homme de consensus) ? Pas pour Ségolène Royal, en tout cas. La présidente de la région Poitou-Charentes, qui a totalement vendangé sa rentrée mardi soir sur TF1 (elle serait presque pas encore tout à fait candidate aux primaires, si l’on a bien compris) aura droit à une deuxième chance jeudi soir sur France2 face à Daniel Cohn-Bendit. 

Pour l’instant, ce débat sur l’organisation des primaires ne fait qu’affleurer. En revanche, « cela commence à se tendre sur la question de la date du congrès ; avant ou après la désignation du candidat » souligne l’un des protagonistes des discussions en cours. Celles-ci devraient s’accélérer pour aboutir mi-avril à la présentation des propositions de la commission Montebourg devant le Bureau national. Au fait, personne ne propose encore de repousser le congrès après la présidentielle.

Jean-Michel Normand

13 mars 2010

Curieuse campagne que celle des régionales 2010. Un résultat quasiment acquis dés le début – on saura le 21 mars si c’était à aubrycirquehiver-600.1268433373.jpgraison – une droite en plein marasme, moulinant dans le vide, exactement comme le PS il y a neuf mois lors des européennes et desépisodes parfois violents sur fond d’apathie démocratique. Dans une large mesure, ces élections s’annoncent – au moins pour ceux qui iront voter - comme un acte de défiance vis à vis du gouvernement. La droite en subira les conséquences et l’opposition de gauche, en particulier le PS, en recueillera les fruits. Tel est le scénario annoncé.

De cette campagne fort peu enthousiasmante – c’est un avis personnel – restera, comme toujours, un vocabulaire. Des mots-clé qui permettent de donner une coloration, certes impressionniste, à ces régionales archi-classiques mais émaillées de quelques brusques soubresauts.

Nous en avons retenu dix.

                                  

PROTEGER. C’est le maitre-mot du PS. Les régions socialistes sont là pour faire rempart à la politique de la droite et aider les rouelibre5-600.1266325720.jpgpopulations laborieuses à résister aux conséquences de la crise. Tous les argumentaires vantent la construction de logements sociaux, la mise en œuvre de systèmes de formation et de prise en charge de salariés menacés de licenciements, le financement d’infrastructures ou de trains express-régionaux permettant d’assurer la mobilité detous à moindre coût… L’objectif est de faire apparaître un effet de contraste avec la politique de l’Etat qui réduit les dépenses sociales et n’investit plus. L’image est un peu forcée ; assez modestes, les budgets régionaux constituent un « bouclier social » un peu mince. L’argument, cependant, porte dés lors qu’il s’agit de mobiliser son camp et de servir de réceptacle au mécontentement. Côté propositions – et, plus largement, vision du changement – on reste, en revanche, sur sa faim. Une chose est sûre: aller à la présidentielle avec pour principal mot d’ordre le concept de « protection », ce serait courir à la cata.

SLOGAN. Les régionales 2010 n’auront pas porté l’imagination au pouvoir. Pour ce qui est des slogans, la campagne socialiste – ce n’est certes pas mieux ailleurs – aura atteint le degré zéro. Au hasard, quelques exemples de mots d’ordre à haute teneur politique et forte valeur ajoutée symbolique, qui semblent avoir été récupérés dans des dépliants touristiques : « j’aime ma région » (Haute-Normandie), « la région pour vous, le Val de Marne pour tous » (Ile-de-France), « la région que l’on aime delanoe-et-huchon-600.1268433420.jpg» (Nord-Pas de Calais) ou encore « Limousin, terre d’avenir ». La palme revient à cette formule minimaliste des listes de la région Centre ; « vous, moi, nous ». Certains camarades socialistes sont toujours à l’heure de la réclame.

MELON. Tout au long de cette campagne qui aura vu les instituts de sondages prédire sans discontinuer bonheur et prospérité aux listes du PS, les socialistes auront su faire preuve d’une certaine retenue. Au contraire des écologistes qui se seront sans doute « vus trop beaux », comme disent les footballeurs. Jeudi soir, lors du meeting du Cirque d’hiver, à Paris, Bertrand Delanoë en a indirectement fait la remarque en évoquant ces « gens » qui ont pris « un peu le melon ». Cette pudeur trouve cependant ses limites. Lors du même meeting, le maire de Paris a eu cette expression révélatrice en assurant les socialistes n’éprouvaient pas « une envie hégémonique arrogante ». Si l’on a bien compris, la volonté « hégémonique » est toujours là mais elle n’est plus « arrogante ». C’est bien cela ?  

COUPS BAS (ET DERAPAGES). Les coups fourrés font partie intégrante d’une campagne électorale. Cette fois, on aura surtout vu des coups bas. L’affaire Soumaré restera comme le pire épisode de ces régionales. En espérant que ce ballon d’essai restera sans suite, on se souviendra aussi que le rude hiver électoral de 2010 aura été propice à des dérapages verbaux en série. De Georges Frêche trouvant « pas catholique » la « tronche » de Laurent Fabius, à Dominique Bussereau qualifiant de « Harkis » les MoDem ralliés à Ségolène Royal. D’ailleurs, on attribuera une mention spéciale au Poitou-Charentes qui s’est également distingué avec la sortie du maire socialiste d’Angoulême comparant les Jeunes Populaires aux jeunesses hitlériennes ou le maire divers droite de Lagord établissant un hardi parallèle entre la gestion Royal et la dictature du prolétariat. En Ile-de-France, on aura également relevé le face à face musclé entre Jean-Paul Huchon et Valérie Pécresse qui se sont empaillés pour de sombres histoires d’Alice au pays des merveilles et de lapins.

SANCTIONS Lors de ces régionales, les cartons jaunes ont volé bas. « Vote sanction » contre la politique du gouvernement. georges-freche-600.1268433449.jpgMais aussi exclusion temporaire contre les écolos ralliés à Ségolène Royal et sanctions socialo-socialistes contre 59 colistiers PS de ce cher Georges, tous promis à une excommunication automatique et aux feux de l’enfer par la Rue de Solferino. A moins que le, printemps revenu, l’heure de la paix des braves sonne dans le Languedoc-Roussillon.

VIEUX (VOTE DES). Pour une fois, le vote des anciens ne devrait pas (trop) plomber les PS. Dans les urnes, les plus de 60 ans étaient jusqu’alors la providence de Nicolas Sarkozy. Il suffisait, paraît-il, d’agiter le petit drapeau de l’insécurité pour voir s’amonceler les bulletins UMP. En 2007, s’ils n’avaient pas voté, Ségolène Royal eut été élue. Jusqu’alors, ils soutenaient (massivement) la droite quoiqu’il arrive et suffisaient à faire la différence, surtout lorsque le taux de participation chutait, comme lors des européennes de juin 2009. Les sondeurs assurent que, cette fois, ces automatismes ne fonctionneront plus. Les vieux vont, parait-il, bouder Sarko. Dimanche, ils risquent de rester à la maison. C’est ce qui expliquerait en bonne partie la déconvenue annoncée de l’UMP. De là à voir nos parents et grands parents rallier en masse le PS…

BAMBOU (COUP DE). Les socialistes ont leurs petites habitudes. De même que certains tiennent, en fin de repas, à leur pousse-hidalgo-600.1268433477.jpgcafé, la tradition-maison au PS exige qu’en fin de campagne l’on invoque « le troisième tour social », c’est à dire les projets réactionnaires et anti-sociaux que la droite fomente. En réalité, le troisième tour social ne survient que rarement et l’argument tombe souvent à plat (cf les européennes de 2009, encore une fois). Peu importe ; les rituels existent d’abord pour créer du lien à travers un langage commun. Cette fois, le PS n’a pas dérogé à la règle et Martine Aubry a utilisé le terme de « coup de bambou » pour faire bouillir la marmite du vote-sanction.

GRAND-CHELEM Martine Aubry n’a pas mis en exergue ce terme très rugbystique. L’expression a huchonchon1-600.1268433501.jpgété popularisée – à juste titre, d’ailleurs – par l’AFP mi-décembre lors de la convention de Tours au cours de laquelle la première secrétaire a ouvert la possibilité de voir le PS conquérir la totalité des régions. Depuis, le « grand chelem » a fait florès et colle aux conférences de presse de la patronne comme le pansement adhésif du capitaine Haddock. Mme Aubry a expliqué – de plus en plus mollement, à mesure que les sondages donnaient de la vraisemblance à cette hypothèse – qu’il s’agissait d’un objectif et non d’un engagement ou d’un pronostic. Le 21 mars, si le grand-chelem se réalise, elle fera sans doute moins de manières.

PRIMAIRES. Faisons une exception et penchons-nous sur un mot qui, le temps des régionales, a disparu du lexique socialiste. Les primaires ? Y penser toujours mais n’en parler jamais. Il sera bien temps de remettre l’ouvrage sur le métier dés le lendemain du deuxième tour (si ce n’est le soir même). En attendant, personne n’a intérêt à en parler. Pourtant, Martine Aubry et Ségolène Royal comptent sur ces régionales pour se mettre (ou se remettre) en orbite présidentielle. DSK est en hibernation politique par la force des choses, François Hollande fait entendre sa petite musique pour ne pas disparaître des écrans radars alors que les outsiders (Manuel Valls, Arnaud Montebourg ou Pierre Moscovici) restent en stand-by. A voix basse, certains partisans de la première secrétaire se demandent si, compte tenu du triomphe socialiste annoncé et de la gloire qui ne manquera pas rejaillir sur « Martine », l’organisation de primaires serait, au fond, toujours indispensable…

VIVRE ENSEMBLE (LE).Ségolène Royal a ses tics de langage, Martine Aubry de même. Depuis qu’elle dirige le PS, elle s’est huchonet-aubry-600.1268433541.jpgattachée à faire la promotion du « vivre ensemble », expression qu’elle met à toutes les sauces et sert en moyenne trois à quatre fois par discours. Si vous voulez susciter chez elle une chaude approbation, il faut évoquer le « vivre ensemble », terme qui recouvre – pour faire court – tout ce qui ne ressemble pas à Eric Besson et son ministère de l’identité nationale et de l’immigration. Présidente de la République, nul doute que Mme Aubry créerait un ministère du vivre-ensemble. Les régionales offrent à cette locution « de gauche » et qui n’est pas précisément tombée de la dernière pluie – ah, les années 90… – l’occasion de retrouver une seconde jeunesse. Les milieux proches du premier étage de la rue de Solferino ne comptent y contribuer activement. 

Jean-Michel Normand

09 mars 2010

aubrykdo2-600.1268093468.jpgCeux qui croyaient que Martine Aubry snobait les médias et refusait de s’inscrire dans leur vision de la politique doivent se rendre à l’évidence. La première secrétaire sait aussi faire preuve de beaucoup de coopération. Lundi 8 mars, journée du droit des femmes, elle s’est livrée à une opération de soutien à Hélène Mandroux qui n’a aucunement laissé place à l’improvisation. Elle est venue passer quelques heures à Montpellier pour défier sur son terrain et descendre dans l’arène  – quitte à descendre, aussi, en gamme – d’un autre grand expert de la geste médiatique ; Georges Frêche. La brève mais intense incursion de la première secrétaire, accompagnée par un aréopage de dirigeantes du PS (Elisabeth Guigou, députée et ancien ministre, Adeline Hazan, maire de Reims, les députées Aurélie Filippetti et Valérie Fourneyron) étant prévue de longue date, la maire de Lille a pris soin de faire jouer différemment l’effet de surprise. Arrivée en fin de matinée, elle a d’abord évolué sur un registre attendu. Aucune allusion directe au président de la région mais références discrètes et limpides à ses dérapages racistes ou machistes, affichage d’un optimisme à tout crin (malgré des sondages assez peu encourageants, la maire de Montpellier « va gagner »). Bref, posture classique du « je me place au-dessus de Frêche, le trublion ».
La conférence de presse qui suivit s’est d’abord engagée sur la même voie avant de s’achever avec la présentation inopinée d’un vaste « panier garni » en osier. Et un déballage de multiples cadeaux destinés à « Georges » enfin nommément cité. aubrykdo3-600.1268093563.jpgAutant de petites provocations plus ou moins bien senties, autant de pierres jetées dans le jardin du président sortant. Inventaire non exhaustif ; deux cd de films avec Brad Pitt (dans une récente interview, Frêche s’était comparé à l’acteur, apparemment sur le ton de la rigolade, mais avec lui on ne sait jamais…), une boite de cassoulet (?), du vin de noix (?), plusieurs ouvrages dont « 211 idées pour devenir un garçon génial », un autre sur les oiseaux (pour renouveler le stock de noms de volatiles dont il gratifie la maire de Lille) ou encore « La communication non-violente au quotidien ». Et puisque nous étions le 8 mars et qu’il s’agissait d’aider ce cher Georges Frêche « à ne pas être le macho qu’il veut être », le président a eu droit à un cd du chanteur Julien Clerc (« Femmes, je vous aime »), à un exemplaire de France-Football (les amateurs de ballon rond sont donc forcément des  beaufs ?) et un autre du magazine homo Têtu… Très classe. 
Bref, quitte à s’inscrire dans un registre qui pourrait évoquer celui de son adversaire, Martine Aubry a sorti l’artillerie lourde contre celui qui l’a tant provoquée sans jamais faire dans la finesse. Plutôt qu’un panier garni sous freche0002-600.1268093628.jpgcellophane, peut-être aurait-elle pu tout aussi bien se contenter du présent – plutôt bien senti - choisi par Valérie Fourneyron, la députée et maire de Rouen. Une encyclopédie sur le féminisme avec une dédicace transparente ; la définition d’un histrion (« mauvais comédien qui se cantonne au genre grossier »). « Gros sabots », diront certains. « Efficace et pas volé » rétorqueront les autres. Les deux avis, au reste, ne sont pas antinomiques.
 

Finalement, cette passe d’armes à distance (Georges Frêche, qui organisait un peu plus tard dans la journée un assez croquignolet « apéritif féminin et citoyen », a pris le contre-pied du grand vilain macho en s’affichant, non sans mal, en féministe militant) se sera inscrite au diapason de la campagne pour les régionales, édition 2010. Un fort niveau sonore mais un niveau politique faiblard. Doux euphémisme. Allez, allez, encore un peu moins de deux semaines à tenir.

Jean-Michel Normand
 

01 mars 2010

aubryrennes2-600.1267470639.jpgLundi 8 mars, la direction du Parti socialiste fera d’une pierre deux coups. Elle célèbrera la Journée de la femme et en fera une journée anti-Frêche. Martine Aubry a finalement choisi cette date pour se rendre à Montpellier afin de soutenir Hélène Mandroux. La première secrétaire ne sera pas seule. L’accompagnera un aréopage de grandes figures féminines du PS : Elisabeth Guigou, Marylise Lebranchu, Adeline Hazan et Aurélie Filippetti, notamment, sont annoncées. En tout, la délégation devrait compter une quinzaine de « pétroleuses » comme dit en souriant l’une des participantes. Point de meeting à l’horizon mais une conférence de presse suivie d’une réunion sen compagnie de femmes de la région ayant décidé de soutenir la maire de Montpellier ». En début d’après-midi chacune repartira vers ses terres, Martine Aubry ayant aussi tenu à participer aux réjouissances liées à la journée de la femme organisées à Lille.

Choisir le féminisme comme angle de tir contre Georges Frêche ; a priori, le positionnement ne manque pas d’habileté. Les « pétroleuses » socialistes venues défier le beauf’ divers-gauche ; l’effet de contraste est tentant. Les mandroux-et-roume.1267470777.jpgmauvaises langues diront que l’argument portera davantage hors Languedoc-Roussillon qu’au sein de la sphère d’influence de Georges Frêche. Et ajouteront, que c’est bien l’effet escompté. En tout cas, les organisateurs-organisatrices de ce happening anti-Frêche découvriront avec intérêt le dernier entretien accordé par le président du conseil régional de Languedoc-Roussillon, paru dans la livraison de Voici datée du 27 février. Toujours aussi « bon client » pour les médias, Frêche joue sa partition habituelle. Morceaux choisis : « je suis fils unique, c’est pourquoi j’ai besoin d’amour. J’ai été élevé par des femmes (…) : j’aurais du devenir soit homosexuel, soit macho. Je suis devenu macho ». « En m’attaquant, Martine Aubry m’a transformée en icône (…). Elle m’a donnée une aura nationale dont je n’aurais jamais osé rêver (…). Même si elle va tenter encore un coup fourré, je vais me charger de sa réputation après les régionales ». Conclusion de cet entretien : « en fait, le seul regret de ma vie est de chanter faux. Sinon, j’aurais fait carrière dans le lyrique ou dans l’opérette ».

Sur le terrain, les choses sont moins folkloriques et plus tendues. Les anti-Frêche se plaignent de recevoir des mails nominatifs injurieux et dénoncent le chantage aux subventions exercé à l’encontre de responsables associatifs, contraints de signer des appels publics en faveur du président sortant. Maigre consolation ; un sondage paru la semaine passée accorde 9% à Hélène Mandroux contre 6% la semaine précédente. Dans les rangs Frêchistes, on se compare aux hérétiques Albigeois et l’on dénonce « l’épuration » menée par la rue de Solferino. Chacun des 59 candidats présents sur les listes pro-Frêche a reçu un courte missive lui rappelant l’article 11.19 des statuts du PS concernant « les membres du parti candidats à un poste électif pour lequel les instances du parti ont investi un autre candidat ». « Tu as pris la responsabilité de t’exclure toi-même du Parti socialiste. Tu ne peux donc plus t’en prévaloir, ni utiliser ses logos ou emblèmes » conclut la lettre qui prie le camarade de croire « en l’expression des sentiments distingués » des trois signataires. Qui sont Christophe Borgel, secrétaire national aux élections, Pascale Boistard, secrétaire nationale à l’organisation et Alain Fontanel, secrétaire national à l’animation et au développement des fédérations.

Jean-Michel Normand