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La Voix d'Henri Dutilleux




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La voix d'Henri Dutilleux





Henri Dutilleux. Photographie (c) DR



Le compositeur français, né en 1916, a reçu ODB-Opéra dans son appartement de l'Île Saint-Louis à Paris, en novembre 2006, pour un entretien consacré à ses compositions pour la voix et plus généralement à son intérêt pour l'opéra et pour la mélodie. Henri Dutilleux était en train de poursuivre l'écriture de son nouveau cycle de mélodies pour voix et orchestre, un cycle destiné à être créé par Renée Fleming et Seiji Ozawa.

ODB-Opéra : Quel est votre plus ancien souvenir musical lié à la voix ?

Henri Dutilleux : Très jeune, mes parents m'avaient mis entre les mains (car j'étais tout de même pianiste, j'avais commencé un peu le violon mais, très vite, je l'ai abandonné pour le piano) des mélodies de Schumann, un recueil que j'ai encore, ces fameuses mélodies de Schumann avec les traductions des textes. J'étais très imprégné par cela, Schumann me procurait une émotion considérable. Schubert, pas autant... Et très vite, d'autres oeuvres, surtout, un peu plus tard comme Pelléas et Mélisande dans la réduction pour piano et chant. Là, oui, j'ai connu un grand enthousiasme et je trouvais que, finalement, alors que mes parents en parlaient comme d'une oeuvre révolutionnaire, c'était dans une certaine continuité avec d'autres oeuvres, du point de vue harmonique en tout cas : du point de vue de l'esprit c'est autre chose. Mais, pour Debussy, je trouvais que cela se rattachait à une tradition. J'ai un peu bénéficié de cette tradition, du fait que mon grand-père maternel était d'origine polonaise : l'Europe centrale d'un côté et de l'autre Gabriel Fauré qui était un très grand ami de mon grand-père, que j'ai connu.
Je ne puis trop m'étendre là-dessus, mais je veux dire que la voix était déjà là, par l'intermédiaire de ces chefs-d'oeuvre de Schumann. Je me souviens de certaines mélodies que je pouvais jouer au piano. Et je jouais aussi des mélodies plus récentes, jusqu'à Debussy et Ravel, et bien entendu, celles de Duparc. Mais plus tard, il y eut surtout mes études au Conservatoire, et je retrouvais la voix par ce qu'on appelait, improprement, des « cantates » : la cantate pour le fameux Prix de Rome, qu'on a supprimée depuis car il était temps de renouveler cela... Le programme de ce concours n'avait pas été modifié depuis Berlioz et même avant ! Berlioz avait connu exactement la même procédure à son époque. Ce genre de cantate, ça n'avait rien à voir avec ce qu'on appelle « cantate » dans la musique classique, chez Bach, par exemple. Ces fameuses cantates voulaient être une sorte de petit raccourci d'un opéra, en l'espace de vingt minutes, quelque chose de très hybride, à trois personnages. Alors, nos maîtres nous poussaient à passer ce concours, une filière encore très académique.
Par la suite, je me suis aperçu que je connaissais finalement fort peu d'oeuvres vocales de qualité. Et j'ai au fond très peu écrit pour la voix, sauf quelques mélodies, que j'ai pour la plupart reniées, quand j'avais 20 ou 22 ans et une ou deux que je conserve, des pièces de jeunesse, mais tout de même destinées à un grand nom du chant français, Charles Panzéra, qui était le Fischer-Dieskau français, également très apprécié à l'étranger, particulièrement en Allemagne. J'ai écrit cela pour lui. Il y en a encore quelques autres, mais je ne suis pas très heureux quand on les joue... J'avais grand besoin d'évoluer et dans d’autres domaines, j'ai supprimé des petites pièces écrites dans les années 1940 et même immédiatement après la Libération

Quand vous parlez d'oeuvres vocales qui vous ont impressionné quand vous étiez plus jeune, vous parlez plutôt d'oeuvres dont le texte est très présent puisque, dans Pelléas et Mélisande, la prosodie est extrêmement importante, dans les Lieder aussi, bien évidemment...

Ce qui fait l'originalité de Pelléas, c'est la conversation chantée. En même temps, il faut bien dire que c'était un enrichissement extraordinaire pour l'école française. Dans certains pays étrangers, on a très mal compris cette oeuvre, puisque certains musiciens de l'époque, comme Richard Strauss, n'ont rien compris à Pelléas. Strauss le disait : «ce n'est pas de la musique, je n'entends pas de musique ici ». Mahler n’était guère plus indulgent, il disait à sa femme : « cette musique ne me gêne pas ». Ceci dit, Mahler avait l'esprit tout de même plus ouvert, puisqu’on lui doit d’avoir fait jouer Pelléas et Mélisande à New York. Mais il était dans une ligne esthétique tellement éloignée de celle de Debussy et d'ailleurs, Debussy le lui rendait bien : ce sont deux mondes tout à fait étrangers. Nous connaissons depuis très peu de temps les ouvrages de Mahler. Dans ma jeunesse, on ne le connaissait pas du tout, on savait à peine qu'il existait, on connaissait mieux le nom de Schönberg. On ne connaissait pas très bien la technique de Schönberg, mais mieux son nom. Bartok un peu mieux que Malher, même.

Quelles oeuvres interprétait-on à l'Opéra de paris, à l'époque où vous y avez travaillé, pendant la guerre ? Est-ce que vous avez élargi votre connaissance du répertoire lyrique en travaillant comme répétiteur des choeurs ?

Je n'étais plus étudiant. J'ai fait un remplacement de près d'une année car le pianiste titulaire s'était cassé un bras et qu'il fallait le remplacer. On ne m'a pas gardé longtemps, ensuite.
Les oeuvres nouvelles, à l'époque, on en jouait très peu. Il y avait très peu de véritables créations, sauf certaines qui étaient imposées par l'occupant, ce qui fut le cas de Palestrina de Pfitzner, un collègue d'Alban Berg et de Schönberg, qui a été très contesté par toute cette école. C'était un bon musicien mais, pour lui, rien ne comptait d'autre que l'écriture « germanique », la science du contrepoint. Alors c'était solide, ce n'était pas inintéressant, mais c'était très lourd et cela m'a beaucoup ennuyé. Je n'ai qu'un souvenir déplorable de cette oeuvre...
Richard Strauss, c'était autre chose, on jouait du Strauss, on jouait aussi certains opéras français, assez souvent, par exemple, Le Roi d'Ys de Lalo et puis Carmen, qui est un chef d’oeuvre : on l'entendait le plus souvent à l'Opéra Comique, beaucoup plus qu'à l'Opéra. Et puis l'un des plus grands maîtres français, Berlioz, qui n'a pas été très heureux dans le domaine de l'opéra, si l’on met à part Les Troyens : il n'a pas fait de vrais opéras très réussis en tant qu'opéras, comme Verdi, mais la Damnation de Faust, c'est merveilleux, musicalement beaucoup plus original que les meilleures pages de Verdi ; la manière dont il traite des petits épisodes, secondaires peut-être, comme les chansons : la chanson du rat, par exemple, c'est formidable. Je l'ai beaucoup entendue, la Damnation, à l'époque on la jouait énormément. J'essaie de me souvenir de ce qu'on donnait et qui a pu, non pas m'influencer, parce que je n'ai pas écrit d'opéra, mais me plaire.
Ce qui m'a gêné, par la suite, quand j'ai cherché un texte, un scénario, c'est l'idée de traiter la conversation chantée : c'est la quadrature du cercle ! C'est ce que j'ai dit à Rolf Liebermann qui m'a fait l'honneur de me commander une oeuvre. J'ai d'abord dit oui mais j'avais commencé autre chose au même moment, de la musique symphonique et un quatuor à cordes et j'avais des dates précises qu'il fallait respecter. Je travaillais assez lentement. J'ai cherché des textes et je n'ai pas trouvé.
Mais il est vrai que si j'avais entrepris un opéra, je me serais attaché à l'idée de faire comprendre le texte, c'est-à-dire à ne pas traiter le texte comme le faisait l'avant-garde de l'époque, en le dénaturant, en le fragmentant ; c'est une possibilité mais, pour moi, ce n'était pas évident, il me semble qu'il faut comprendre les mots pour saisir l’action, c'est ainsi que j'ai beaucoup apprécié Saint François D'Assise : on n'en perd pas un mot et pourtant, Messiaen n'est pas tombé dans le travers qu'aurait été une sorte de prosodie à la Pelléas. Il a très bien réussi cela, on comprend toujours le texte, c'est même assez miraculeux mais c'est en même temps pour lui comme une grande méditation, une grande incantation. Est-ce que c'est un vrai opéra ? Je ne sais pas.



(c) DR



Justement, auriez-vous pu faire un opéra en renonçant à la dimension diégétique traditionnelle au genre ?

Oui, j'ai souvent pensé à un opéra de concert aussi, donc sans mise en scène. Il y a eu des réussites, pas beaucoup dans la musique française... Le dernier grand opéra (même si je sais bien qu'il y a eu les Soldats de Zimmermann) c'est Wozzeck, ça oui, c'est encore de l'opéra « opéra » ! Maintenant, j'ai passé le cap de dire « j'aurais pu faire ça », on ne peut pas avoir des regrets éternellement, et sur le plan vocal, je me dis que j'ai tout de même quelques cycles à mon actif, un cycle très court de trois poèmes, les poèmes de Jean Cassou, tirés des Trente-trois Sonnets composés au secret et publiés par les éditions de Minuit, que j'ai connus clandestinement. J'en ai écrit un sous l'Occupation, j'ai mis les deux autres en musique après la Libération. C'est un petit cycle et je ne le renie pas. J'étais très obsédé par tout ce qui se passait pendant la guerre, c'est ce que je devais faire, je crois, à ce moment-là. Ce cycle est surtout avec orchestre ; au piano, c'est possible mais il faut un très bon pianiste. Et ça gagne beaucoup à être donné avec orchestre. Ils ont été enregistrés plusieurs fois, récemment par François Le Roux. Et puis j'ai retrouvé des choses inédites, dont une chanson très courte, très simple d'expression mais touchante, la « Chanson de la Déportée », sur un poème de Jean Gandrey-Réty.

Oui, ce qu'on remarque c'est que parmi les sources d'une majorité de vos oeuvres vocales, il y a la Seconde Guerre Mondiale en toile de fond : The Shadows of Time, qui se réfère au Journal d'Anne Franck, la Chanson de la Déportée, les Sonnets de Jean Cassou. C'est un monde qui vous obsédait ; auriez-vous pu utiliser des textes tout à fait différents ?

Il y a un poète du XIXème siècle, parmi beaucoup d'autres, qui m'a tellement obsédé par sa modernité, qui est Baudelaire, mais c'est vrai que je n'ai pas été épris, comme j'aurais pu l'être, de la poésie de René Char, par exemple, ou d'autres. Si, j'aimais Yves Bonnefoy mais c'est une poésie abstraite qui est très difficile à traiter musicalement. J'ai un peu connu Georges Schehadé, au Liban, sa poésie me touchait. J'ai eu des relations avec les poètes contemporains grâce à ce que j'ai fait à la radio avec certains d'entre eux mais c'était plutôt au niveau de la recherche d'une formule d'opéra de chambre radiophonique, comme François Billedoux, ou encore Obaldia. Donc il y a eu ces poèmes de Cassou, cela m'a marqué parce que j'étais attentif et souvent bouleversé par ce qui se passait à l'époque...

Il y a une sorte de rupture après la Seconde Guerre Mondiale, dans le domaine de l'école de la mélodie française, on est passé de poèmes très éthérés à des sources beaucoup plus graves.

Oui, vous avez raison de le dire, il y a eu une rupture. Il y en a un cependant qui est resté dans cette tradition, c'est Poulenc. On peut faire beaucoup de réserves sur certaines oeuvres de Poulenc mais la mélodie, c'est vraiment son domaine et il trouvait ses poètes. Nous connaissions évidemment un peu Eluard, tout de même, mais lui, il l'a bien connu et ce qui est très bien, c'est que ses poètes étaient de familles de pensée très différentes : il y avait des communistes, il y avait des royalistes... ça ne le gênait pas du tout, lui qui vivait dans « le monde »... Poulenc avait besoin du monde parisien, de tout ce qu'il y avait de plus mondain, cela l'enrichissait. Je me souviens quand le chef d'orchestre Roger Désormières, qui était militant communiste, est venu nous rejoindre dans une réunion de musiciens où nous l'attendions : il était un peu en retard et est arrivé en disant : « oh ! je viens d'entendre une mélodie bouleversante de Poulenc ! » C'était Les Ponts de Cé, d'Aragon. « Connaissez-vous les Ponts de Cé? / C'est là que tout a commencé. / Oh ! ma France, oh ! ma France aimée... »
C'est vrai que c'est une très belle mélodie, par la ligne mélodique, même si elle est facile, bon, c'est autre chose que Debussy ou Fauré mais c'est tout de même très
valable. On dit parfois de lui que c'est un compositeur sucré...

Le Lied germanique et la mélodie française, je regrette que ça n'ait pas été poursuivi, que leur forme n'ait pas été poursuivie, avec piano. On a bifurqué un petit peu vers des formes instrumentales, des choses admirables telles que les Chansons Madécasses de Ravel... J'ai là un disque, une vieille cire, avec Madeleine Grey, que j’ai connue et qui est merveilleuse dans les Chansons Madécasses. Comme il y a un piano dans le petit ensemble, Ravel est au piano ce qui fait qu'on connaît les tempi qu'il voulait, on ne peut pas se tromper. Cela ne traîne jamais, rien n’est jamais ampoulé.

C'est un statut particulier que celui du compositeur-interprète, les deux se sont de plus en plus séparés. De moins en moins de compositeurs sont aujourd'hui interprètes et l'interprète a, de son côté, une place prépondérante...

Ça ne me gêne pas dans ce domaine-là. Je sais qu'en tout cas, actuellement, quand on enregistre les Chansons Madécasses, les tempi sont souvent différents de ceux de Ravel. Il faut laisser à l'interprète une grande marge de liberté mais pas trop dans le domaine des tempi. Pour moi, cela conditionne beaucoup de choses. Les tempi, moi-même j'y suis très attaché. Prenez Gérard Souzay, qui a chanté des choses de moi, notamment "La geôle", avec orchestre, voici près d’un demi-siècle. Souzay, dans les Chansons Madécasses, ne semble pas fidèle aux tempi de Ravel.





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