Jean-Luc, vous nous accueillez à Belle-Ile-en-Mer avec votre compagne avant le départ de votre tour de France. Comment vous sentez-vous à quelques jours de ces rencontres avec les collégiens et les lycéens ?Bien, très bien ! La préparation de ces rencontres m'a demandé beaucoup de concentration.
Depuis mon interview pour l'émission Complément d'enquête, j'ai reçu des centaines de demandes émanant de tout le pays : des proviseurs, des professeurs, des CPE, des parents d'élèves et des adolescents qui me demandaient de venir partager mon histoire. D'ici l'été, j'interviendrai dans 25 à 30 établissements. Je rencontrerai les élèves la journée et les parents le soir.
Vous avez la pression ?Oui, car je sens une grande attente. C'est beaucoup de responsabilités et, donc, pas mal de pression. Il était temps de souffler avant de prendre la route. Ce que je fais ici, à Belle-Ile, où les habitants sont charmants et la nature parfaitement préservée.
On vous découvre en homme heureux et amoureux avec votre compagne, Anissa, pour la première fois. Vous qui avez été très discret jusqu'à présent, pourquoi vouloir la montrer aujourd'hui ?Depuis que je suis sorti de l'alcool et des narcotiques, je n'ai plus rien à cacher. Je sors d'une vie plutôt solitaire. Hors antenne, je vivais replié sur moi-même et je justifiais ma mise à l'écart par de petits mensonges aux autres et surtout de gros mensonges à moi-même. Aujourd'hui, je vis pleinement ma vie et Anissa fait partie de ma vie. On me demande souvent comment je fais pour me rétablir aussi vite. Eh bien, c'est en grande partie grâce à Anissa. Nous vivons une très belle histoire d'amour. Et l'amour fait des miracles !
Comment allez-vous, quatre mois après votre cure ?Je me sens bien. L'alcool et la drogue sont totalement sortis de moi ! Le plus difficile a été l'arrêt des antidépresseurs... L'alcool m'avait conduit à la consommation de drogue, pour pouvoir tenir debout, et cette dernière m'a dirigé vers les somnifères, ne serait-ce que pour essayer de dormir. Or, la prise de ces médicaments ne s'efface pas du jour au lendemain... J'ai dû faire une « décro » progressive jusqu'à l'arrêt total. Le plus étrange, c'est que, depuis que j'ai cessé de prendre ces antidépresseurs, la dépression est partie !
« Ceux qui plongent dans l'addiction ont un problème d'adaptation dans la société »Est-ce que la consommation vous manque parfois ? L'alcool par exemple, qui est partout autour de nous...Pas plus tard que tout à l'heure au restaurant ! Pour le dessert, j'ai demandé un sorbet, on m'a proposé les parfums framboise, citron, pomme-poire ou... bière ! Parfum « bière » ? Je dois dire que c'est plutôt curieux... C'est dans ces moments-là que je dois trouver la bonne formule, comme quand on me propose un apéritif ou un verre de vin. En fait la simplicité est la méthode la plus efficace, je réponds gentiment que je ne bois pas d'alcool et ça passe très bien.
Aujourd'hui, vous ne suivez donc plus aucun traitement ?Mon seul traitement consiste à participer chaque semaine à quatre ou cinq groupes de parole où se réunissent des personnes qui veulent en finir définitivement avec leurs addictions et qui travaillent aussi sur leurs défauts de caractère. En fait, l'alcool et la drogue sont souvent les arbres qui cachent la forêt. Ceux qui plongent dans l'addiction ont un problème d'adaptation dans la société, des problèmes qui remontent à la petite enfance et qui empêchent de trouver la paix...
Ce qui était un peu votre cas...Bien sûr. Nos parcours de vie se ressemblent. Les participants acceptent de ne plus tout contrôler dans leur vie. Par la parole, on souhaite réussir à se débarrasser de l'égoïsme et de toute pensée malhonnête, à en finir avec le ressentiment et l'apitoiement sur soi. Je vais également à des groupes de silence et de méditation. C'est parfait pour réapprendre à vivre dans l'instant, sans ressasser le passé ou se projeter sans cesse dans l'avenir.
Nous avons assisté à l'un de vos groupes de parole anonymes. Vous y avez évoqué le cas de deux de vos amis dépendants avec lesquels vous avez du mal à parler aujourd'hui...Je vois à quoi vous faites allusion... Ce qui est dit dans le groupe doit rester dans le groupe ! L'anonymat et la discrétion font partie des bases du programme Minnesota. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il faut se donner tous les moyens nécessaires pour réussir à construire une nouvelle vie. Ce n'est pas le moment pour moi de débattre avec des personnes qui sont encore dans la consommation, sauf bien sûr s'ils souhaitent en sortir.
Vous avez un parrain dans ces groupes, quel est son rôle auprès de vous ?J'ai un parrain qui a seize ans de rétablissement derrière lui et qui m'aide à consolider le mien. Récemment, un jeune dépendant m'a demandé de devenir son parrain. Je trouvais cela beaucoup trop tôt ! J'ai donc demandé l'avis de mon parrain. Il m'a dit que j'avais la chance de connaître un rétablissement rapide et que, au vu ma motivation et de mon implication, j'étais prêt à mon tour à aider quelqu'un. Aider les autres, c'est s'aider soi-même. Voilà la clé !
Votre célébrité a-t-elle posé des problèmes au sein de ces groupes d'anonymes ?Non, jamais. D'abord parce qu'ils se fichent de savoir qui je suis ! Et ensuite parce que je suis quelqu'un comme les autres, une personne lambda. La seule différence, c'est que je suis une personne lambda médiatisée...
« Le camping-car ? Pas de quoi en faire un plat ! »Vous avez permis à Complément d'enquête d'établir un record d'audience sur France 2 avec votre témoignage. Vous sentez-vous l'âme d'un porte-parole de la lutte antidrogue ?Surtout pas ! Je ne suis le porte-parole de rien ni de personne. Aujourd'hui, je suis chef d'entreprise de Réservoir Prod, qui emploie plus de 130 salariés, qui produit des programmes pour de nombreuses chaînes télé et j'ai une belle équipe autour de moi qui m'a toujours beaucoup soutenu. Je surveille également mon rétablissement de très près et, pour finir, je prends la route pour faire passer un message. Cela fait beaucoup de choses à gérer en même temps... Je ne veux pas, en plus, jouer un rôle de porte-parole que je ne pourrai pas assumer.
Comment se présente votre tour de France ?Très prometteur. Je discute beaucoup au téléphone avec les proviseurs de lycée et les principaux de collège, qui me parlent des nombreux problèmes qu'ils rencontrent avec leurs élèves, notamment d'absentéisme, de notes subitement en chute libre, d'élèves qui connaissent le prix des stupéfiants, qui savent comment s'en procurer, qui en consomment parfois avant le lycée... On m'a même parlé plusieurs fois de comas éthyliques dans l'enceinte des établissements ! Il est urgent d'agir et mon intuition ne me trompe pas là-dessus. Je serai accompagné, aussi souvent que ce sera possible, par un spécialiste des addictions. Si je pouvais ne serait-ce que sauver une personne, cela donnerait tout son sens à mon action.
Qu'attendez-vous de ces jeunes ?Qu'ils n'hésitent pas à demander tout ce qu'ils veulent ! Je souhaite qu'il n'y ait aucun tabou. J'espère ainsi provoquer chez eux un électrochoc. Mon message sera clair : « Tous ceux qui consomment de la drogue et de l'alcool seront malheureux. Et plus vous consommerez, plus vous serez ensuite malheureux ».
Quand vous avez annoncé votre projet, certains se sont moqués de votre démarche, notamment de votre camping-car. Ça vous a touché ?Non, car les humoristes sont là pour se moquer. C'est la règle du jeu et c'est très sain pour la liberté d'expression. J'ai choisi un camping-car parce que c'est pratique ! Ça me permet de me reposer entre deux interventions. Prendre l'avion ou le train m'aurait contraint à des horaires stricts. Or, si une réunion avec des jeunes ou des parents se termine tard, je veux être libre de pouvoir rester auprès d'eux, et d'aller ensuite me coucher dans mon camping-car. Pour moi, c'est souple et facile. Pas de quoi en faire un plat !
Vous avez reçu un soutien fort de Rémy Pflimlin, le président de France télévisions, qui vous a qualifié de « producteur et animateur exceptionnel ». Votre réaction ?Ça m'a fait très chaud au cœur... Depuis le début de mon « affaire », Rémy s'est comporté de façon très humaine avec moi. Il est très paternel, il me demande régulièrement comment je vais, il me questionne sur le courrier que je reçois ou il me parle de mon tour de France. C'est un homme qui va faire de grandes choses pour France télévisions et j'ai une immense gratitude envers lui.
Anissa : « Jean-Luc s'est enfin réconcilié avec lui-même »Sur ces photos avec Anissa, votre amour saute aux yeux. Comment définiriez-vous la complicité qui vous unit ?C'est une histoire qui s'est construite jour après jour, c'est aujourd'hui devenu un amour très fusionnel qui repose sur la compréhension, le soutien mutuel et l'humour. Elle est à mes yeux la plus belle femme du monde et ça ne l'empêche pas d'être aussi la femme la plus drôle. Anissa est mon amoureuse... [Visiblement ému.] C'est mon grand amour !
Anissa, comment avez-vous réussi à surmonter les épreuves de l'an dernier ? Anissa : Je dirais que nous avons passé l'épreuve du feu. Comme un révélateur d'amour. Dans ce cas, soit les sentiments s'éteignent, soit ils en sortent grandi. En ce qui nous concerne, notre relation est beaucoup plus forte maintenant.
Comment trouvez-vous Jean-Luc, aujourd'hui ?A - Jean-Luc est très heureux et en pleine forme ! Je me suis beaucoup inquiétée l'année dernière sur son état de santé. Il dépérissait à vue d'œil... Toute cette histoire a permis de lui sauver la vie. C'est un grand homme avec une grande âme, il ne peut s'empêcher de s'inquiéter du sort des autres. Déjà qu'il est de nature sensible, je trouve que sa sensibilité s'est encore multipliée depuis son rétablissement.
Vous vous êtes inquiétée pour lui ?A - Oui, bien sûr. Mais il n'a pas baissé les bras. Il est toujours resté positif pour le bien-être de ses proches. Cet homme est une véritable énigme pour moi... Jamais je ne l'ai vu s'apitoyer sur son sort et, si je vais bien malgré les attaques qu'il a subies dans la presse, c'est grâce à lui !
Allez-vous le suivre dans sa tournée ?A - Aussi souvent que possible. Ce qui est important pour lui est important pour moi. Je sais qu'il a hâte de prendre la route et d'apporter son aide... Jean-Luc est d'une très grande générosité avec les autres, mais a toujours été avare avec lui-même. Il faisait cela pour se fuir et fuir aussi ses névroses. Aujourd'hui je crois qu'il a fait la paix avec l'enfant et l'adolescent traumatisés qui sommeillaient en lui et qu'il rejetait. Il s'est enfin réconcilié avec lui-même...
Interview réalisée par Nicolas VollairePhotos Marianne Rosenstiehl pour TV Magazine