Royal Au-delà
Théâtre, Detrad 2002

La tolérance, un crime ou une faiblesse au temps jadis, est devenue de nos jours en France une vertu à la mode. En apparence du moins car elle surprend par sa fragilité.
Écrite au début des années 90, Royal Au-delà est une pièce à caractère historique sur la tolérance inspirée à Jean Verdun par le faux-nez de tolérance que se met souvent notre société.
Personnage central de l’action, la Reine Catherine de Médicis fut en son temps la plus tolérante qui soit. Désireuse de paix entre catholiques et protestants, elle a inspiré l’Édit de Saint-Germain qui fut appelé l’Édit de Tolérance.

Et ce fut cette même reine qui a déclenché le massacre de la Saint-Barthélemy, le plus grand crime d’État de l’Histoire de France.Cette contradiction passionne Jean et il prête sa voix au moine paillard Couillebarine qui ouvre la pièce :

Jean à Florence (Photo Lot).

"L’homme est double, il parle et vit sur un théâtre."
Ce théâtre du crime va se jouer au Château de Nogent-le-Rotrou en 1572.
"La mort est douce, tuez-les tous" suggère à la Reine Catherine le Prince Carafa envoyé par le Pape. Car la mort, elle aussi, est double.Terrifiante pour les vivants, elle serait lumineuse dans l’au-delà pour les morts. L’envoyé du pape a un témoin du bonheur qu’est la mort : la duchesse de Vendôme. Morte en couches, elle est revenue de là-haut après ce que les Américains d’aujour-d’hui ont appelé une NDE (near death experience).

À l’époque de Catherine de Médicis, la NDE pouvait déjà se vivre, mais elle faisait l’objet du Segreto maggiore, le Secret capital. « Il ne faut pas conduire les peuples à émotion » dit la Reine Le Secret capital interdit donc toute divulgation sur ce passage lumineux qui devrait nous inciter tous à vouloir mourir le plus tôt possible.
Dans Royal Au-delà, le Pape dispense du Secret capital la duchesse de Vendôme et son accoucheur, le moine Couillebarine. Informée des douceurs de la mort, la Reine pourra donc faire massacrer les protestants sans aucun scrupule et la plus tolérante de nos reines va décider la Saint-Barthélemy pour plaire au Pape et obtenir quelques biens de l’Église.

Royal Au-delà a fait l’objet d’une mise en espace de Jean-Claude Idée au Théâtre Montparnasse en octobre 1996 à l’invitation de l’Association Beaumarchais avec Michel Favory, Jacqueline Bir, Fabienne Perineau, Gérard Cailleau, Bernard Lanneau et Éric Chimier.

ci-dessus : Fabienne Perineau et Bernard Lanneau
(la Duchesse et le Duc de Vendôme)
à droite : Michel Favory (le Prince Carafa) et
Jacqueline Bir (la Reine Catherine de Médicis)
(Photos Lot).


Royal Au-delà
Morceau choisi

Vendôme. Qu’oses-tu dire, moine indécent ?
Couillebarine. Mon sentiment n’est pas bestial, Monseigneur. Je ressens pour madame la duchesse une élévation amoureuse. Je l’aime comme un bon catholique doit aimer la Vierge Marie.
La Reine. Savez-vous, frère Barthélemy, que la religion interdit aux hommes d’entrer dans la chambre d'une femme en gésine ? Sa sainteté le pape ne veut pas d’accoucheurs.
Couillebarine. Votre Grâce, j’ai baillé mon âme en garde aux théologiens, mais pour ce qui est de faire des enfants, foi de Couillebarine, il n’y a rien qui vaille en religion et le pape n’y entend goutte.
La Reine. Il suffit. Quand tu as plongé ta sale main dans sa matrice, ma cousine était-elle vraiment morte ?
Couillebarine. Où serait le plus grand péché ? Que j’entre dans un ventre vif ou dans un ventre mort ?
La Duchesse. J’étais bien morte, Votre Grâce, et il n’y a pas eu de péché.
Vendôme. Toutes les femmes du Château Saint-Jean l’ont attesté.
La Reine. Je veux la vérité, moine. La duchesse a-t-elle pu te voir fouiller son ventre ?
Couillebarine. Non, Votre Grâce. Comment l’aurait-elle pu, la mignonne ? Elle gisait sans vie, les yeux fermés.
La Reine. Et pourtant, elle t’a vu plonger ton bras au-dedans d’elle tout enfoncé jusqu’à ton coude.
Couillebarine. Avec les vaches, il faut y aller jusqu’à l’épaule, Votre Grâce. Ah, la pauvrette, elle était bien morte. Elle ne pouvait me voir.

Royal Au-delà, page 77.