.
-
|
| |
Colloque
bi-centenaire
à
Marseille
Le thème du
colloque était: "Origine, Essor,
Développement du REAA".
Allocution du SGM lue par le TCF Gérard_Papallardo
René Bianco
: "la_Mère_Loge_Écossaise_de_Marseille"
Christian Gras : "les_Origines_de_limplantation_du_REAA_en_France"
Yves
Hivert-Messeca :
"Essor_et_développement_du_REAA"
René Dars : "Qu'apporte _donc_ le_R\E\A\A\_aux_Francs-maçons_des_divers_grades"_
Daniel
Beresniak : "les_Perspectives_d'Avenir_du_REAA"
Allocution_de_clôture_du_TPSG_Alain_de_Keghel
|
|
Francis Allouch :
Je voudrais souhaiter la
bienvenue à toutes les personnalités qui nous ont rejointes.
Tout d’abord à Gérard
Papallardo, Conseiller de l’Ordre Délégué Général du Grand Orient de
France et qui représente ici le Grand Maître du Grand Orient de France
Bernard Brandmeyer. Il est accompagné de Georges Chatzopoulos, lui même
Conseiller de l’Ordre, de Gilles Sana venu de bien loin, et de
Jean-Claude Loreau. Merci mes Frères de cette grande délégation du
Conseil de l’Ordre.
Je salue les représentants du Droit Humain.
Ma grande amie, Camille Giudicelli nous a demandé d’excuser son absence
mais nous a assuré de la présence de nombreuses Sœurs et de nombreux
Frères de cette Obédience.
Je salue également :
Anne-Marie Cubris, Conseillère Fédérale de la Grande Loge Féminine de
France, venue de Montpellier ; Bernadette Capello qui représente le
Sérénissime Grand Maître Général Claude Guillaut Darche ; Michel André,
Très Puissant Souverain Grand Commandeur de la Grande Loge Mixte de
France accompagné de sa sœur et épouse Raymonde André ; Christian
Morisot représentant Brahim Drissi du Rite Memphis Misraïm ;
La délégation du Rite
Ecossais Rectifié menée par Philippe Raffin, Grand Prieur du Grand
Prieuré Indépendant de France ;
L’importante délégation
du Rite Français du Grand Orient de France en la personne des frères et
en plus amis, Pierre Lambicchi et Gérard Montauban qui lui aussi vient
de loin.
Avant de débuter ce
colloque, je remercie tous les intervenants qui, pour la plupart
viennent d’Orients éloignés et que je vous présenterai au fur et à
mesure de leurs interventions.
Je donne la parole à
Gérard Papallardo pour qu’il nous lise le message du Grand Maître
Bernard Brandmeyer.
Retour Haut de
page |
Gérard Papallardo :
Très Illustre Frère
Jean-Claude Loreau Grand officier du Grand Orient de France, Très
Illustre Frère Georges Chatzopoulos, du Conseil de l’Ordre du Grand
Orient de France chargé des dossiers spéciaux, Très illustre Frère
Gilles Sana du Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France, Très
illustre Frère Philippe Raffin, Grand Prieur du Grand Prieuré
Indépendant de France, Très illustre Frère Michel André, Très Puissant
Souverain Grand Commandeur de la Grande Loge Mixte de France, Très
illustre Frère Pierre Lambicchi du Grand Chapitre Général du Grand
Orient de France, Bien Aimé Frère Francis Allouch Grand Maître des
Cérémonie du Suprême Conseil qui a fait un travail remarquable ce soir
pour nous mobiliser et nous inciter à être présents, Bien Aimé Frère
Alain de Keghel, Très Puissant Souverain Grand Commandeur du Suprême
Conseil du R\E\A\A\du
Grand Orient de France, Bien Aimés Frères du Suprême Conseil du R\E\A\A\
du Grand Orient de France, vous tous mes bien aimées Sœurs et bien aimés
Frères, Mesdames, Messieurs, Chers amis.
Le Grand Maître tenu par
les obligations de sa charge m’a demandé de le représenter. Nous sommes
réunis en ce lieu pour fêter l’anniversaire d’un éminent membre de la
famille du Grand Orient de France. Le Suprême Conseil du R\E\A\A\a
donc 200 ans cette année. Pendant ces deux siècles, les histoires du
Grand Orient et du Suprême Conseil ont été intimement liées. De
Roëttiers de Montaleau Grand Vénérable
du Grand Chapitre Général à Arthur Groussier en passant par Frédéric
Desmonds , tous ceux qui ont fait le
Grand Orient de France se sont honorés de pratiquer les grades du R\E\A\A\
au delà de la maîtrise et beaucoup ont même été membres du Suprême
Conseil. Cet anniversaire est marqué par de nombreux évènements. Livres,
colloques, qui montrent le dynamisme de notre juridiction écossaise. On
ne saurait nous reprocher de profiter des feux de la fête mais il ne
faut pas s’y tromper. Réfléchir sur ces deux siècles de Rite Ecossais,
c’est aussi s’interroger sur son identité. Et ces questionnements
constituent en soi une démarche initiatique.
Berceau de la Mère Loge
écossaise, Marseille avait à plus d’un titre à accueillir ce grand
colloque du bicentenaire du Rite Ecossais. L’écossisme y est attesté dès
les années 1750 et rayonnera à partir de la cité phocéenne dans tout le
sud de la France et sur le pourtour de la Méditerranée. En 1804, le
Grand Maître de la Mère Loge viendra soutenir à Paris la création du
Suprême Conseil. Mais Marseille, c’est aussi pour nous Français, la
porte de l’Orient. Cet Orient qui du temple de Salomon aux croisades est
le cadre de tant de nos mythes fondateurs. A cet effet je voudrais juste
vous faire une parenthèse pour vous dire que ce jour, 22 mai, c’est
aussi le jour anniversaire de Gérard de Nerval.
Si 1804 marque la
création de la structure Suprême Conseil, l’écossisme au Grand Orient de
France remonte au cœur même du siècle des Lumières. Notre Suprême
Conseil est, tant sur le plan de l’organisation que sur celui du
patrimoine symbolique de l’écossisme l’hériter direct du Grand Conseil
de la première Grande Loge de France celui-là même qui délivra la
patente Maurin, premier document qui fonde la légitimité du R\E\A\A\.
1801 marque moins, il
faut le redire, la naissance du rite que sa dernière mise en forme. Pour
l’essentiel, le système qui se réorganise à Paris en 1804 est celui qui
s’y pratiquait déjà en 1761. L’apport de Charleston en 1801 consiste en
l’ajout de quelques grades et en la mise en place d’une structure
particulière, l’un des premiers témoignages de l’efficacité américaine
en matière d’organisation. Une particularité remarquable du Grand Orient
de France est de mettre à la disposition du maître maçon qui veut
poursuivre son chemin dans les ateliers de perfectionnement un
exceptionnel patrimoine maçonnique. Suprême Conseil du Rite Ecossais,
Grand Chapitre du Rite Français, Grand Prieuré du Régime Rectifié, Grand
Ordre Egyptien, Suprême Grand Chapitre de la Marque et de l’Arc Royal,
notre obédience offre donc cinq voies de perfectionnement aux frères
Maîtres.
Fidèle à l’esprit de
l’écossisme du 18° siècle et aux usages de nombreux Suprêmes Conseils de
par le monde, le Grand Collège du R\E\A\A\
ouvre donc ses ateliers à tous les maîtres maçons du Grand Orient de
France quel que soit le rite pratiqué dans les grades symboliques. Tous
les frères du Grand Orient sont concernés par le bicentenaire du Suprême
Conseil. De même, nous avons chacun le devoir de nous intéresser aux
autres ateliers de perfectionnement, un devoir de culture maçonnique en
quelque sorte. Dans ce domaine comme dans d’autres, la connaissance
permet de dissiper des malentendus dont la principale cause est souvent
la méconnaissance ou l’ignorance des uns ou des autres. Le R\E\A\A\
est le système de grades de perfection le plus largement implanté. C’est
une constatation. De l’Australie à la Finlande en passant par les Etats
Unis, chacun peut poursuivre en toute humilité son cheminement
maçonnique au R\E\A\A\.
Vous êtes donc pour le Grand Orient de France l’un des vecteurs
d’universalisme. Par ailleurs, au sein même du R\E\A\A\dans
un univers maçonnique toujours sensible aux traditions, votre
rayonnement s’inscrit largement dans les frontières classiques des
relations maçonniques internationales.
Dans la tradition
maçonnique française dont le Grand Orient de France s’honore d’être le
gardien et le conservateur, les ateliers de perfectionnement de tous les
rites sont un prolongement naturel de la maçonnerie symbolique. L’idée
que les grades de perfection seraient quelque chose d’à part est
récente. Et il faut bien dire qu’historiquement, ce ne fut pas toujours
le cas. Le corpus philosophique et symbolique des grades de perfection
du R\E\A\A\
si complémentaire de celui du métier, enrichit le vécu maçonnique de
beaucoup d’entre nous. Vous proposez avec d’autres à nos frères après
quelques années de travail assidu en loge, un autre type de réflexion.
Ainsi, vous renouvelez leurs perspectives et contribuez avec d’autres à
la vitalité de l’obédience.
Au nom de tous les
frères du Grand Orient de France, je vous souhaite, je nous souhaite
donc un fécond et chaleureux 200ème anniversaire, et je suis
particulièrement heureux d’ouvrir les travaux de ce grand colloque de
Marseille. Merci Mesdames, merci Messieurs, merci mes Frères.
Retour Haut de
page |
René Bianco :
la
Mère Loge Écossaise de Marseille.
Mesdames, Messieurs, mes
Sœurs, mes Frères, bien entendu je me réjouis d’être parmi vous . Il
m’incombe de vous dire que ce n’est pas par impatience que nous
commémorons aujourd’hui 22 mai le bicentenaire de la création d’une
structure qui ne s’est constituée, vous le savez tous, qu’en
septembre-octobre 1804. On sait aujourd’hui, Renaissance Traditionnelle
en a publié un document important, que la première séance plénière est
datée du 1er décembre 1804. En bonne logique on aurait dû
attendre encore un pour que cette célébration soit rigoureusement exacte
du point de vue de l’histoire. Ne croyez pas que c’est par impatience
que nous brûlons les étapes et que nous le faisons avec quelques
semaines d’avance. C’est simplement pour des contingences et des
obligations de calendrier.
Quoi qu’il en soit et
puisque je dis quelques mots du Suprême Conseil dont on va reparler, on
parlera de l’écossisme et du Rite Ecossais en particulier. Je voudrais
vous rappeler que le premier Grand Commandeur, le Comte de Grasse Tilly
était d’origine provençale, ce qu’on oublie assez souvent. Lorsqu’il a
été désigné comme Grand Commandeur, ça ne s’est pas passé si facilement,
bien que le Grand Architecte se soit penché, paraît-il sur la création
de ce 1er Suprême Conseil continental. Il y a eu par la suite
un certain nombre de soubresauts que vous devez connaître. Ce n’est pas
le lieu ici de l’exposer mais il serait malhonnête de le taire. Assez
souvent, dans l’histoire de la maçonnerie, on s’aperçoit que la
fraternité n’est, pour certains maçons, qu’un sujet d’éloquence.
Rappelons seulement que ce Suprême Conseil se crée en 1804, qu’assez
rapidement le 1er Grand Commandeur est remplacé par un frère
éminent qui sera en même temps Grand Maître Adjoint du Grand Orient de
France. Tout cela va se scinder en plusieurs factions, qu’on ne sera
plus d’accord, qu’on va s’injurier, ce qui arrive et est regrettable.
Cette histoire est un peu compliquée. Bien entendu, avant d’en arriver
là, il a fallu qu’il se passe quelque chose. C’est pourquoi nous allons
parler de la Mère Loge Ecossaise de Marseille comme étant un des petits
ruisseaux qui ont alimenté cette création. Je crois qu’il faut faire un
petit effort pour se replacer dans une période, si c’est possible, au
cours de laquelle il y a eu un véritable bouillonnement maçonnique. Ce
qu’on a appelé les hauts grades ou les grades complémentaires, semble
apparaître simultanément avec ce qu’on appelle couramment la maçonnerie
bleue.
On a un certain nombre
de textes qui montrent que certains grades complémentaires plus élevés
que celui de la maîtrise existaient dès le début. Ceci explique
peut-être que dans un certain nombre d’orients, des foyers se sont
constitués et se sont développés de manière autonome. Ceux-ci étaient
des foyers écossais. Ragon qui n’aimait pas trop les écossais les
appelait les foyers de discorde. En attendant, ils ont donné naissance à
de nombreuses Mères Loges Ecossaises dans le royaume tout entier au
point que dans son ouvrage sur le rite de perfection, Claude
Guerillot parle de déferlement d’une
vague écossaise. Imaginez cette période au cours de laquelle un très
grand nombre de frères s’interroge sur le sens qu’il faut donner à la
légende d’Hiram qui s’est récemment imposée partout, qui essaye d’en
trouver des compléments, inventant et changeant des rituels, les
recopiant, se faisant donner des degrés divers à droite et à gauche. Il
y avait un appétit, une attirance, un intérêt majeur pour toute cette
réflexion. A l’époque, un très grand nombre de maçons zélés
collectionnaient ces divers cahiers des grades successifs qui se
développent ici et là, je pense notamment à la collection Willermoz qui
est impressionnante mais il n’était pas le seul. Partout, ce qui
distingue ces loges écossaises des autres ateliers ordinaires, c’est
qu’en premier lieu elles pratiquent des degrés complémentaires à ceux de
la maîtrise. En deuxième caractéristique, il faut faire ressortir que
ces loges écossaises, contrairement aux autres, soumettent tous leurs
officiers à élection annuelle, y compris le Vénérable. Cela paraît tout
à fait naturel aujourd’hui, mais à l’époque non, car dans les autres
loges, les ateliers n’avaient pas de véritable identité. Ils étaient
purement et simplement la propriété de leurs Vénérables Maîtres. Dans
notre cité phocéenne va apparaître aussi un certain nombre de gens qui
se préoccupent de maçonnerie et c’est l’histoire de cette loge de Saint
Jean d’Ecosse que je vais essayer de retracer rapidement devant vous.
Concernant les premiers
maçons de Marseille, il faut d’abord vous dire que Saint Jean d’Ecosse
n’est pas la première loge créée à Marseille. Il est question de
maçonnerie dans notre ville dès 1737. Mais on manque de précision sur
ces tout premiers maçons. Ensuite, une loge se constitue vers 1740-1741
au grand dam de Monseigneur l’archevêque de Marseille, celui-là même qui
s’est héroïquement distingué lors de la célèbre peste de 1720, lequel
fulmine dans un mandement épiscopal au tout début de l’année 1742. Je
cite ses propos : «.. cette association où sont indifféremment reçus des
gens de toutes nations, de toutes religions et de tous états parmi
lesquels ensuite une union intime qui se démontre en faveur de tout
étranger et de tout inconnu dès lors que par quelques signes concertés
il a fait connaître qu’il est membre de cette mystérieuse société… » Il
ira même encore plus loin en dénonçant les agissements des francs maçons
marseillais et en s’adressant directement au roi. Mais cette nouvelle
intervention n’eut pas un grand succès et son espoir de voir les
autorités mettre un terme aux activités maçonniques sera déçu. Il le
déplore amèrement dans un second mandement du 3 février 1748 dans lequel
il déclare : « nous voyons avec étonnement le nombre des francs maçons
augmenter dans cette ville. En 1748, quatre loges sont déjà placées dans
différents quartiers. Plusieurs personnalités s’y font recevoir. » Deux
ans plus tard dans un courrier officiel adressé par le comte de Saint
Florentin à l’intendant de Provence, on apprend que les maçons de
Marseille sont même en marché d’une maison où ils se proposent de tenir
une loge (c’est à dire qu’ils sont en pourparlers pour acheter un
local). Il y a donc incontestablement à ce moment-là un progrès majeur :
on va disposer d’un temple permanent, on aura pignon sur rue.
Quelle est l’origine de
Saint Jean d’Ecosse ?
Puisque c’est à elle
que nous nous intéressons, nous allons essayer de le voir. Il y a un
certain brouillard autour de cette naissance. Il faut regarder que la
tradition constante de l’atelier la faisait remonter à octobre 1751.
Saint Jean d’Ecosse fondait cette prétention sur deux documents : le
premier était un pouvoir en langue anglaise délivré par un gentilhomme
écossais soit disant par la grande Loge d’Edimbourg, ce gentilhomme
avait le droit de créer en France un certains nombre de Loges.
Il s’appelait de
Valmont, de Valuon, on ne sait pas trop, l’orthographe est imprécise.
Quoi qu’il en soit, il créé une loge et a transmis ce pourvoir à un
frère de Saint Jean d’Ecosse qui s’appelait Alexandre Routier, lequel a
à son tour va le redonner à la loge dont il faisait partie. On a
beaucoup glosé sur ces documents en disant que c’était certainement des
faux, qu’on n’avait pas vu les originaux. Ce n’était pas la première
fois que, dans l’histoire de la maçonnerie, on s’interroge sur
l’existence ou l’inexistence, l’authenticité ou l’inauthenticité de
documents de cet ordre qui ont joué un très grand rôle dans l’histoire
de la maçonnerie, qu’on avait mis en doute pour s’apercevoir qu’ils
existaient bel et bien. Même si ces documents étaient faux, on ne peut
pas mettre en doute la sincérité des frères de Saint Jean d’Ecosse de
l’époque et le travail qu’ils ont accompli, mérite à lui seul, qu’on ait
un petit souvenir pour eux.
Quelle était cette
maçonnerie pratiquée par une loge qui se réunissait probablement en
premier lieu dans un immeuble de la rue Pierre Qui Rage, rue qui a
disparu aujourd’hui ? Le nom français n’évoque rien mais en provençal
il signifie la Pierre qui coule, qui avait une fontaine. Cette rue
détruite se trouvait approximativement à l’endroit même où nous nous
trouvons, en plein milieu de cet espace qu’on appelle place de la
Bourse. Peut être que sous nos pieds s’agitent encore ce qui reste des
fantômes de cette époque.
Ensuite, un second
temple, paraît-il, aurait été utilisé du coté de la porte d’Aix, au
début du chemin conduisant vers le quartier Saint Charles. Par la suite,
le temple de la Mère Loge sera aménagé dans un autre endroit dont je
dirai un mot tout à l’heure, puisque nous sommes à Marseille, dont il
faut se souvenir.
Quelle était cette
maçonnerie de Saint Jean d’Ecosse, maçonnerie écossaise avant la
lettre ? Il semble acquit que Saint Jean pratiquait dès son origine un
système en sept grades. Au delà des degrés symboliques d’apprenti,
compagnon, maître, il y avait maître parfait, maître élu, écossais et
chevalier d’Orient. Une coupure d’un à deux ans était semble-t-il
observée après la maîtrise avant d’attaquer le grade de maître parfait.
Dans des règlements rédigés par la suite en 1779, on a ramené les délais
à 7 à 9 mois entre chacun de ces degrés. Bien entendu, comme
aujourd’hui, les frères qui étaient promus à ces divers degrés étaient
tenus de s’acheter les cordons, décors, les bijoux : cela représentait
une dépense assez conséquente, comme aujourd’hui. On sait que dans les
années suivantes, un huitième degré est apparu, celui de Rose Croix. On
en a la certitude en 1801 car un document dit à ce moment là : « 15
frères de la loge sont porteurs de ce degré ». Malheureusement, le
document ne nous explique pas quelle est la transmission, par quel canal
les frères l’ont reçu. Quoi qu’il en soit, assez rapidement, ils vont
constituer un Souverain Chapitre Rose Croix, probablement avant la date
de 1801 que je viens de vous donner car des archives privées citées dans
le travail d’Edmond Mazet publié dans la revue « les Cahiers de Villard
de Honnecourt » font allusion à une lettre de 1751 qui déclare que le
Chapitre d’Avignon possède ses lumières du Chapitre de Marseille….
… Ces grades ont été au
nombre de 7 puis de 8. On est loin du compte de ces 18 degrés dont parle
Ragon dans « l’orthodoxie maçonnique ». Mais, lorsqu’on a consulté
l’ouvrage en question, on est tellement habitué aux fantaisies de Ragon
qu’on ne s’étonnera pas devant ce nombre.
Pendant les 10 premières
années de son existence, Saint Jean d’Ecosse semble s’être développée
sans heurts, sans que rien ne soit digne d’intérêt ou sans qu’on soit
obligé de le signaler. Mais les choses vont changer à partir du moment
où Alexandre Routier cède à l’atelier dont il est membre les pouvoirs
qu’il détenait du gentilhomme écossais du nom de De Valmont . Cette
cession date du 17 mai 1762 et dès lors, la loge prend le titre de Mère
Loge Ecossaise de Marseille. Elle va aussitôt constituer de nombreuses
loges filles en Provence d’abord, mais aussi en profitant de sa
situation géographique, dans le Levant et dans les Colonies. C’est ainsi
qu’en 1765, elle a déjà 6 filles qui reçoivent évidemment des statuts et
règlements écossais, qui portent toutes le titre distinctif de Saint
Jean d’Ecosse suivi ou non d’un nom particulier. Ces 6 premières
filles sont celles de Nîmes, d’Aix, de Palerme, de Beaucaire, de Malte
et de Saint Pierre de la Martinique où la mère Loge écossaise va
redonner des constitutions à une loge qui existait déjà, elle va la
conforter et ce qui est remarquable, c’est de voir que c’est par
essaimage de cette loge et d’une loge de Saint Domingue que la
maçonnerie écossaise de Saint Jean va être introduite en Louisiane où
une première loge sera fondée directement dans le droit fil de celle de
Marseille. Puis viennent Martigues, Salon, Constantinople, qui est alors
la capitale de l’empire ottoman, Smyrne qui est le centre névralgique de
tout le commerce avec le Moyen Orient, une deuxième loge à Aix, puis
Avignon où elle constitue en 1766 la loge Saint Jean de la Vertu
Persécutée qui va se montrer assez indépendante pour se transformer à
son tour plus tard en Grande Loge Ecossaise du Comtat Venaissin. Il faut
dire que la loge d’Avignon se considérait comme territoire indépendant,
ce n’était pas la France à ce moment là et ils se sont dit qu’après
tout, ils pouvaient très bien constituer une Mère Loge.
Saint Jean d’Ecosse à
l’Orient de Marseille donne également en 1770 des constitutions à la
loge parisienne de Saint Lazare qui deviendra Saint Jean d’Ecosse du
Contrat Social, celle-là même où Alexandre
Auguste de Grasse Tilly sera reçu et qui jouera plus tard un rôle
essentiel dans l’évolution progressive de l’écossisme. C’est ainsi qu’à
la veille de la révolution française une trentaine de loges sont
affiliées à la Mère Loge écossaise qui compte sur ses états 207 membres,
à peu près le tiers de l’effectif total des maçons marseillais. Quand on
regarde de près le tableau de la Loge en 1784, je vous rappelle qu’il
est disponible à la bibliothèque nationale, on s’aperçoit qu’il y a un
très grand nombre de négociants. Ils sont 108 auxquels s’ajoutent 14
capitaines de navires, navires qui étaient utiles pour le négoce, 12
courtiers de commerce, 3 fonctionnaires de la chambre de commerce. C’est
dire si le négoce jouait un rôle capital dans la Loge. En même temps,
quand on regarde les noms de ces négociants, on s’aperçoit qu’il y a un
très fort noyau de protestants ce qui semblait ne gêner personne, même
pas les prêtres, car il y en avait 2 au moins, et qu’ils étaient piliers
de la loge. Quand on fait du commerce, on peut passer sur bien des
choses. Remarquons aussi au passage qu’il n’y a aucun artisan dans cette
loge. Saint Jean, à ce moment là, a choisi une orientation un peu
élitiste. Ce n’est pas le fait qu’elle soit écossaise qui la rend
élitiste. La loge bien entendu entretient des relations suivies avec un
grand nombre d’ateliers dans des orients proches comme Toulon, Sète,
Montpellier, ou plus éloignés, Toulouse, Bordeaux, Limoges, Nantes,
Rouen, Lyon, Strasbourg. Je vous signale que ce que je suis en train de
vous dire est appuyé sur un certain nombre de notes. Je vous cite par
exemple au sujet de Toulon les travaux de mon collègue Hivert-Messecca
qui va parler après moi et je donne toutes les références utiles pour
ceux qui souhaitent vérifier mes propos ou continuer ce travail de
recherche. La Mère Loge Ecossaise de Marseille est donc à l’évidence à
ce moment là un foyer maçonnique extrêmement actif qui répand son
écossisme partout où cela est possible sans aucun esprit de lucre
cependant, car ce qui va vous étonner, c’est que la Mère Loge ne faisait
pas payer les patentes qu’elle distribuait à ses loges filles. C’est
peut être pour cela qu’elle en a eu autant, je ne pense pas que cela ait
eu une très grande influence. Elle de cherchait pas à faire du bénéfice.
Au contraire, elle envoyait ensuite des délégués aider et assister ces
loges filles. Les liens étaient vraiment très étroits. C’est ainsi qu’au
début de 1794, la loge vit sa vie, crée des loges filles, mais va être
emportée par la tourmente révolutionnaire.
A Marseille en
particulier, en 1794, au tout début, 5 frères de la loge et non des
moindres puisqu’il y a deux anciens Vénérables qui sont dans le lot,
vont être exécutés purement et simplement. Celui qui avait aménagé le
temple de la Mère Loge va se noyer en mer en fuyant, une bonne quinzaine
d’autres vont être obligés de partir et de se terrer pour sauver leurs
vies. Il est compréhensible que dans ces circonstances là, la loge se
soit mise un temps en sommeil. Pendant ces années révolutionnaires, il
semblerait que les travaux aient continué clandestinement mais aucun
document ne peut permettre de trancher, on se bornera à se poser la
question.
Quoi qu’il en soit, la loge reprendra ses
travaux avec force et vigueur en mars 1801 sous l’impulsion de son
nouveau vénérable François Balthazar Julien de Madon et elle devient
alors Mère Loge Ecossaise de France. Elle fonde aussitôt 9 Loges Filles
en plus de celles qui étaient déjà connues, 9 loges éparpillées dans le
monde comme je vous l’ai expliqué précédemment. Puis, petit à petit, on
s’aperçoit qu’un changement s’est opéré dans le recrutement de la loge.
Beaucoup de frères sont partis, beaucoup de frères sont présents sur le
tableau mais pas aux tenues. Bref, il faut renouveler les effectifs mais
on est en pleine période du blocus continental, où le commerce
marseillais est complètement ruiné. Alors, on va changer. Ce ne seront
plus les négociants qui seront en majorité dans la loge mais se seront
les hauts fonctionnaires, les intellectuels, en particulier tous les
cadres de l’empire sur le plan de la ville et du département. Enfin,
c’est sous l’impulsion du frère Thibaudeau
qu’en 1809 la loge va avoir à nouveau un certain éclat. Et ce
Thibaudeau était le préfet impérial des
Bouches du Rhône. Evidemment il était assisté par un autre frère qui
était secrétaire général de la préfecture, Joseph de Girard, il y a le
maire de Marseille devenu Baron d’Antoine de Saint Joseph, le frère Jean
Bruniquel, président du Conseil Général, le receveur général du
département, le directeur des contributions, le commissaire général de
police, bref tout ce que la ville et le département comptent de
personnalités importantes se retrouvent pratiquement à Saint Jean d’Ecosse
à ce moment là, y compris l’amiral Henri Joseph Antoine Ganteaume qui
commande l’escadre de la Méditerranée. Entre parenthèses, c’est lui qui
recevra la démission de Thibaudeau
lorsque l’empire s’effondrera et que les relations fraternelles
permettent parfois de sauver un certain nombre de gens parce que
Thibaudeau n’était pas trop aimé à Marseille.
Bref, c’est l’apogée de la loge qui compte
alors 400 membres. Ne croyez pas cependant que ce nombre signifie qu’il
y avait un certain laxisme dans le recrutement de la loge. Saint Jean d’Ecosse
s’est toujours efforcée de pratiquer un certain élitisme, de faire très
attention à qui elle recrutait et dans une excellente étude de
Pierre-Yves Beaurepaire, un passage est assez clair. Cette étude est
parue dans la revue d’histoire qui est une revue prestigieuse. Voici ce
qu’il dit : « A Saint Jean d’Ecosse, au contraire (au contraire de ce
qui se pratiquait dans les autres loges de l’orient) une élite s’est
constituée et exprime parfaitement sa cohésion sans que pour autant ses
composantes renient leurs spécificités. La différence y est source de
richesse. Elle ne provoque pas l’implosion du groupe car elle est
soigneusement équilibrée par l’adhésion à un principe commun. Seuls les
meilleurs, seuls ceux qui ont obtenu la reconnaissance de leurs pairs
dans leur domaine d’activité, leur groupe social ou leur communauté
d’origine méritent d’être accueillis par leurs frères ». On comprend
pourquoi, dès lors, cette loge a exercé sur le plan local une énorme
influence dans tous les milieux intellectuels, dans les salons, dans les
académies, etc… Vous savez que par exemple, à l’académie de Marseille,
d’après ce qu’on peut en savoir aujourd’hui, la loge se réservait en
permanence 8 à 10 fauteuils. Parmi les membres de la loge qui faisaient
partie de l’académie de Marseille il y avait A. Chirac. Je ne sais pas
s’il était parent avec un personnage connu aujourd’hui, c’est possible.
Il y a semble-t-il, le poste de directeur et le poste de secrétaire
perpétuel qui sont pratiquement réservés. Neuf frères de la loge se sont
succédés à la direction de cette académie. L’académie de musique aussi
qui est l’ancêtre, l’aïeule du conservatoire est peuplée par des maçons.
Il y a le collège de médecine où l’on dénombre pas mal de frères de la
loge. Il y a dans cette loge des gens qui sont d’authentiques
inventeurs, des savants incontestables comme la famille de Girard et en
particulier Philippe de Girard dont une petite rue à Marseille conserve
le nom. Je doute que ceux qui y passent à coté de l’escalier de la Gare
Saint Charles, une toute petite rue de 20 mètres de long qui perpétue sa
mémoire, se souviennent de lui. Il mériterait une biographie. En tous
cas, voilà une loge qui a prospéré, qui est peuplée de gens qui sont des
cadres de l’empire, et c’est peut-être pour ça qu’elle va s’effondrer et
ne résistera pas aux coups de butoir de 1814-1815. Elle fermera les
portes du temple pour s’enfoncer dans un sommeil profond. Pour la petite
histoire, je signale qu’il y a quelques années quand même, en 1976 très
précisément un certain nombre de frères marseillais appartenant à
plusieurs obédiences ont relevé le titre de Saint Jean d’Ecosse créant
une loge qui n’a aucune appartenance obédientielle et qui, si mes
renseignements sont exacts fonctionnerait toujours(1). Pour en revenir à
la loge, elle s’effondre. On est obligé de se poser la question pour
savoir pourquoi, contrairement aux autres, qui s’étaient enfilés
derrière Napoléon, car il y a quand même des choses qu’il faut rappeler,
un certain nombre de loges n’avaient pas hésité à transformer leurs
titres . Par exemple la loge l’Amitié était devenue en 1801 l’Impériale
des Amis Fidèle de Saint Napoléon. Une autre s’appelait les Amis Fidèle
de Saint Napoléon. Ils vont évidemment changer leurs titres. Même chose
pour la loge Le Choix des Vrais Amis que certains connaissent et qui
avait opté en 1805 pour La Française de Saint Napoléon et qui va changer
pour devenir simplement la Française de Saint Louis, ce qui était plus
dans l’air du temps et plus tard, les Amis du Gouvernement.
Pourquoi la Mère Loge Ecossaise de Marseille
n’a pas réussi à sortir de l’ornière ? La question se pose. Il serait
intéressant d’essayer de suivre les itinéraires individuels de tous ces
frères qui étaient nombreux et auraient peut être pu poursuivre leur
travail.
Disons rapidement un mot, puisque l’heure
s’avance, sur le magnifique temple que la Mère Loge Ecossaise avait
dressé sur un terrain de 1400 m² dans un bâtiment en forme de « L » ou
d’équerre, comme vous préférez d’environ 8 mètres de large sur 18 de
long qui se trouve très précisément à l’angle de la rue Crudère et de
l’actuel Cours Julien pour les marseillais, où se trouve aujourd’hui
l’espace Julien. Le cours Julien s’appelait à l’époque le cours des
Citoyens., devenu cours du Musée, boulevard du Musée. Et c’est là, à
l’angle de la rue Crudère et du Cours Julien que ce temple avait été
aménagé. Il faisait paraît-il l’admiration de tous. Ragon lui-même qui,
je vous l’ai dit, n’avait guère de sympathie pour les écossais,
écrivait : « son local à Marseille était l’un des plus beaux qui
existassent en Europe ». Et René Verrier qui était le 1er
historien de la loge, en donne une description détaillée et enthousiaste
qui avait été publiée dans un livre à Londres en 1783 je crois, traduit
plus tard par un frère de la loge et publié dans une petite brochure
introuvable. Il est question dans cette description d’un immense
baldaquin doré à l’orient, de murs ornés de multiples tableaux, de
médaillons, de bustes des sages de l’antiquité, de 3 énormes lustres de
cristal, de 24 pilastres, des tableaux évoquant les vertus, bien entendu
les portraits des anciens Vénérables Maîtres, etc… Et les procès verbaux
de la loge montrent que les frères de Saint Jean d’Ecosse ont dépensé
beaucoup d’argent au fur et à mesure pour embellir ce temple qui a été à
un moment donné, après transformations diverses, une seconde fois
inauguré en grandes pompes en 1787.
Après la mise en sommeil de la loge, le local
dit des écossais, c’est comme ça qu’on l’appelait, a été un moment
inoccupé puis la ville de Marseille l’a loué en juillet 1830 pour y
abriter les collections du Muséum d’histoire naturelle. Bien entendu, à
ce moment là, tous les ornements qui figuraient dans le temple,
peintures, tentures, boiseries et tous les matériaux qui étaient plus en
rapport avec la maçonnerie ont été démonté, enlevés ou détruits hélas.
Pendant longtemps, malgré tout est restée la porte d’origine, je l’ai
connue et admirée. J’ai regretté qu’on ne puisse pas reprendre ce temple
historique parce que malgré tout il s’était passé un certain nombre de
choses. Puis il a été aménagé par le Muséum d’histoire naturelle jusqu’à
ce que ce Muséum en 1866 soit transféré au palais Longchamp où il est
encore abrité aujourd’hui.
Néanmoins, lorsque ce local a été libéré par
le Muséum d’histoire naturelle, il a été aussitôt réinvesti par les
maçons du lieu qui se souvenaient des splendeurs passées. Trois loges au
moins s’y réunissaient du Grand Orient de France. L’une chère au cœur de
notre frère Francis Allouch, la Réunion des Amis Choisis et l’autre, la
Vérité qui a depuis, vous le savez sans doute, fusionné avec la Réforme.
Il y avait également une loge écossaise, le Bon Droit dont la loge
Justice Egalité a relevé le titre en 1808, ce qui fait que dans ce
temple là qui avait été celui de la Mère Loge, les frères des deux
obédiences principales se retrouvaient, se réunissaient et célébraient
en commun un certain nombre de cérémonies. C’est certainement dans ce
temple qu’a été initié le père de l’écrivaine ou romancière Thyde
Monnier, que certains d’entre vous sûrement connaissent. Dans ses
mémoires, elle y fait allusion. En tous cas, en 1868, se réunissaient
des maçons appartenant à deux obédiences, de la même façon qu’un siècle
plus tard, les maçons de l’époque vont se réunir dans un autre temple
historique qui à l’origine était une fabrique de tuile, je crois, situé
24 rue Piscatoris qui est aujourd’hui la rue Armand BédarrideS en
regrettant que le nom de la rue écorche le nom de notre Très Illustre
Frère Armand Bédarride qui ne prenait pas de « S », contrairement à ce
qu’affirme André Vallès dans son livre « Dictionnaire des rue de
Marseille ». Voilà un deuxième bâtiment qui lui aussi mériterait peut
être que quelqu’un se charge de raconter son histoire, celui de la rue
Bédarride. Récemment des travaux ont permis de l’améliorer, de
l’embellir. Il n’est peut être pas aussi beau ni aussi luxueux que celui
de la Mère Loge mais malgré tout, il est chargé d’histoire. Il faut
toujours laisser quelque chose aux générations futures. Si vous le
voulez bien, on leur laissera le soin d’écrire cette histoire là.
Je vous remercie.
NDLR (1) Il en savait quelque chose, cette
Loge fut réactivée par René Bianco lui-même !
Retour Haut de
page |
Christian Gras :
"Les Origines
de l'implantation du REAA en France"
Les historiens sont
toujours un peu mal à l’aise dans ce genre de réunions, parce qu’on les
invite à des commémorations, on les invite à exalter les mythes
fondateurs mais le rôle des historiens, c’est du moins comme cela que je
l’entends est plutôt d’égratigner les mythes fondateurs. Alors si au
passage, j’égratigne, ne m’en veuillez pas, c’est en quelque sorte une
partie de mon métier. Ce texte dont nous fêtons le bicentenaire, c’est
le texte du concordat, c’est un texte très administratif, ennuyeux à
lire. Mais c’est un texte décisif dans la mesure où il va marquer sinon
l’introduction du R\E\A\A\en
France, ce qui a déjà été évoqué, du moins son implantation quasi
définitive mais surtout sa reconnaissance par le Grand Orient de France.
Grosso modo c’est un texte qui préfigure l’organisation que nous
connaissons c’est à dire les 3 premiers
degrés régis par le Grand Orient de France, les autres, jusqu’au 33ème,
étant régis par les organismes écossais. L’organisation de tout ceci a
été laborieuse, l’enfantement a été véritablement douloureux, laborieux,
et si’il n’y avait pas eu les travaux d’André Doré d’une part, et de
Pierre Mollier d’autre part, j’aurais été incapable de comprendre
l’ensemble de l’opération. A Vrai dire, je crois avoir mis de l’ordre
dans la chose, je ne suis pas sûr d’être tout à fait dans la vérité,
mais voilà la vérité telle que je crois quelle s’est passée.
Il y a deux étapes dans toute cette affaire. La
première est la crise des années 1802 – 1804 et la deuxième est la
réconciliation forcée de l’année 1804. Alors commençons par le
bouillonnement des années 1802 – 1804. Vous savez tous que la maçonnerie
d’ancien régime était une franc maçonnerie nombreuse, très influente, si
influente qu’une partie des royalistes, notamment les royalistes émigrés
ont soutenu la thèse du complot maçonnique.
L’abbé Barruel en tête, est un des grands auteurs qui a écrit sur la
question. Pour ces gens là, c’est le complot des francs maçons, le
complot maçonnique qui a organisé et déclenché la révolution française.
Les historiens ont balayé depuis longtemps ces plaisanteries et
d’ailleurs, la tourmente révolutionnaire a quasiment balayé la franc
maçonnerie, notre frère nous a expliqué quels ont été les malheurs des
écossais de Marseille : des exécutions, des noyades pendant des fuites,
des disparitions, etc… donc on voit bien que ces gens là n’avaient pas
organisé la révolution, bien au contraire, puisque leur milieu social
d’origine est loin d’être jacobin ou sans culotte. Le résultat, c’est
qu’en 1796 en France, il n’y a plus que 18 loges au total qui se
réunissent à peu près régulièrement et encore, je dis bien à peu près.
C’est seulement en fin de siècle quand la politique s’est apaisée, quand
on est passé de la révolution à la civilisation puis à quelque chose qui
ressemble fort à une contre révolution, c’est seulement en fin de siècle
que la franc maçonnerie française se réorganise. D’abord la Grand Loge
de Clermont s’est réunifié avec le Grand Orient de France, ensuite pour
les hauts grades, chaque loge de quelque importance s’est dotée d’un
chapitre qui lui est intimement lié, puisque les membres de la loge et
les seuls membres de la loge peuvent être membres du chapitre.
Finalement le chapitre, c’est l’atelier supérieur de la loge. On passe
de l’un à l’autre de façon régulière, sinon à l’ancienneté au moins à la
notoriété et par la cooptation. A Paris existe un Chapitre Général de
France qui regroupe, rassemble, essaie de coordonner l’action des
différents chapitres.
En 1802, dans cette
atmosphère qui semble apaisée ou en cours d’apaisement, le frère Abraham
d’une loge parisienne « les Elèves de Minerve », publie un texte qui est
une sorte de brûlot très véhément qui commence par les mots : »Israël,
Israël, revient au Seigneur ». On l’a compris, dans la pensée d’Abraham,
Israël est la franc maçonnerie et le Seigneur, c’est l’écossisme. Alors
que dit Abraham ? D’abord il affirme bien haut et bien fort sa fidélité
au Grand Orient de France. Il dit tout de même que le Grand Orient de
France veut liquider le rite écossais entre guillemets (il faut employer
beaucoup de guillemets dans cette affaire). Il veut liquider le rite
écossais au moment même où ce rite écossais est en train de renaître
grâce à des frères, grâce à un certain nombre de loges qui, dit-il, ont
cru étendre leurs lumières sans remonter à la source des connaissances
maçonniques, les ont trouvées dans l’écossisme. Qu’est ce que cet
écossisme ? Qu’entend il par écossisme ? C’est extrêmement difficile à
dire .Il y a une grande confusion au niveau des mots, au niveau des
concepts. Evidemment, quand les mots et les concepts sont confus, le
résultat est d’une confusion totale. De quoi peut on être surs ? Avant
tout, quand ces gens là parlent d’écossisme, il s’agit bien, au départ,
des hauts grades, ce sont les hauts grades qui sont concernés. Avec une
totale sincérité, ils ont une double conviction profonde.
La première, c’est que
la source originelle de la franc maçonnerie vient d’Ecosse. Tout vient
d’Ecosse. La deuxième, c’est que par conséquent, il ne faut pas
s’éloigner de l’Ecosse, il faut sans cesse revenir à l’Ecosse, à
l’écossais, à l’écossisme. Par conséquent, revenons sans cesse au
système écossais, au système de la Mère Loge Ecossaise de Marseille dont
on vient de parler, autour de 1760 les trois grades bleus, plus quatre
grades supérieurs (Maître Parfait, l’Elu, l’Ecossais, le Chevalier
d’Orient). Pour la majorité de ces amateurs d’Ecosse, l’essentiel est
d’avoir un grade, de porter un titre où figure le mot écossais, Sans
trop se préoccuper du contenu. Pierre Mollier dit de façon très
plaisante : « tout le monde veut être écossais de ceci ou de cela », ce
qui est une formule tout à fait amusante mais très caractéristique. Il
a relevé qu’au gré des lieux, au gré des endroits, des loges, il y a au
moins 22 loges qui portent dans leur titulature le nom écossais. Il en
cite un certain nombre : Petit Ecossais, Ecossais des Trois Points,
Ecossais de Clermont, Ecossais Trinitaire, Sublime Ecossais, Grand
Ecossais, (il n’y a pas de Moyen Ecossais…) Enfin il y a 22 grades
d’écossais dans la nature. Le Grand Orient, sans doute un peu
décontenancé par cette attaque d’Abraham, va répondre qu’il a le plus
grand respect pour l’écossisme, qu’il est tout à fait prêt à faire les
adaptations nécessaires pour que tout le monde se sente bien dans son
sein, qu’il est prêt à discuter mais que tout de même, il faut bien
mettre un peu d’ordre dans ce qu’il appelle le désordre, le chaos
écossais. Rien n’y fait. Ceux que j’appellerai par commodité les
écossais d’Abraham pour les distinguer du deuxième groupe qui
interviendra ensuite, organisent en août 1802 une assemblée générale
dont le prétexte est la remise en activité de la loge Saint Alexandre d’Ecosse.
Assemblé Générale, c’est beaucoup dire. Ils ne sont pas plus de 5 ou 6,
ils n’arrivent même pas à ouvrir les travaux, ce qui est très gênant et
donne une idée de la faiblesse numérique de départ. Très laborieusement,
ils vont arriver à entraîner autour d’eux la loge Parisienne du frère
Abraham, « les Elèves de Minerve », puis une loge de Douai qui depuis
longtemps, avait des contacts fréquents avec « les Elèves de Minerve »,
qui s’appelle « la Parfaite Union », deux loges parisienne dont
notamment « la Réunion des Etrangers ». Ceci n’est pas négligeable car
cette loge a une certaine notoriété dans le milieu maçonnique parisien.
Comme la querelle ne
s’apaise pas, au contraire, le Grand Orient décide de prendre des
sanctions. En réalité, il se rend compte que derrière cet amour immodéré
de l’Ecosse, apparaît une menace. Il craint que les amis d’Abraham ne
veuillent battre en brèche son autorité sur les hauts grades. Par
conséquent il annonce qu’il va déclarer irrégulières les loges qui
trempent dans cette affaire. Il frappe d’abord celles qui est le plus
en vue : La Réunion des Etrangers et passe ensuite aux Enfants de
Minerve. Rien n’y faisant, le Grand Orient va utiliser ce qu’il a
toujours considéré comme son arme suprême : le maîtrise des locaux.
Quand vous interdisez à quelqu’un de venir dans votre local, vous
l’obligez à s’installer ailleurs avec tous les frais et les
complications que ceci entraîne. Bref, c’est la bombe atomique du Grand
Orient. Les écossais rebelles en sont réduits, pour leurs réunions, à
louer la cave d’un restaurant qui se trouve à Paris rue Poissonnière. A
ce niveau de la querelle, vous imaginez la disproportion des forces,
d’un coté, ceux que j’appellerai plaisamment les écossais de la cave à
vin, et de l’autre la grande puissance renaissante qui est le Grand
Orient de France. Apparemment, l’issue ne fait aucun doute. A ce moment
là deux évènements de sens contraire vont intervenir, qui vont d’abord
envenimer puis clore définitivement la querelle. D’une part, il y a
l’irruption de ceux que j’appellerai les américains, je m’expliquerai là
dessus, qu’il faudrait en fait appeler les anciens d’Amérique, qui
viennent renforcer puis supplanter les premiers rebelles. D’autre part,
l’intervention de l’autorité impériale qui impose à tout le monde une
réconciliation rapide. C’est donc l’année 1804 et l’irruption des
américains. Alors, avec les américains ressurgit une querelle qui est
celle des anciens et des modernes qui n’est pas dans mon propos.
Manifestement elle est la derrière, sous jacente, elle a sérieusement
agité le milieu maçonnique français au XVIIIème mais surtout elle a
agité énormément les milieux maçonniques anglais et américains. Quand on
parle des américains, il ne s’agit évidemment pas d’une sorte
d’impérialisme maçonnique des 13 états d’Amérique. Il s’agit en réalité
des suites de l’indépendance en 1803 de l’île de Saint Domingue,
actuellement Haïti et la République Dominicaine. Saint Domingue était
une colonie française et la vie maçonnique y était tout à fait
importante, tout à fait intense. Les planteurs et les aristocrates
blancs de l’île durent fuir devant la révolte noire. Une partie d’entre
eux sont passés soit en Pennsylvanie, soit en Caroline du Sud. Pourquoi
si près ? parce qu’ils sont persuadés que les choses vont se tasser et
qu’ils pourront retourner dans l’île. Par conséquent, ils ne s’éloignent
pas trop dans l’espoir de venir récupérer un jour leurs terres, leurs
biens, leurs esclaves. En 1804……
…..Les américains, c’est en quelque sorte les
anciens maçons de Saint Domingue. Ils sont relativement nombreux, et
comme ils se concentrent à Paris, ils vont pouvoir créer deux loges : La
Triple Unité et le Phénix. Le mot de Phénix est très caractéristique.
C’est quelque part, un jour, le Saint Domingue de papa renaîtra. Ces
américains ont une très grande expérience maçonnique à la fois dans le
temps et dans l’espace. Certains d’entre eux ont déjà été initiés en
France, avant la révolution. Le plus flamboyant dont on parlera sans
cesse est Grasse Tilly. Il a été initié en 1783 alors qu’il avait 19
ans. Ils ont donc le souvenir de la tradition de la vieille maçonnerie
de l’ancien régime. A Saint Domingue même, ils ont pratiqué dans les
grades bleus, le rite des anciens ou ancien et accepté, directement
importé des Etats d’Amérique. Dans les hauts grades, ils ont pratiqué à
Saint Domingue le Rite de Perfection avec une vingtaine de grades (ou de
degrés). Arrivés aux Etats-Unis d’Amérique, ils ont retrouvé les grades
auxquels ils étaient déjà habitués, dans les loges, ils ont retrouvés
des gens qui étaient du même groupe social qu’eux, il s’agit bien
d’aristocrates, planteurs, propriétaires d’esclaves. La seule différence
qui est évidemment importante c’est que eux sont ruinés alors que ceux
qui sont aux Etats Unis ont conservé tous leurs biens. C’est la même
catégorie sociale, la même forme de penser. Ils n’ont donc aucune peine
à s’insérer dans la vie maçonnique américaine et même à y briller.
Grasse Tilly, toujours lui, va devenir Grand Maître des Cérémonies de la
Grande Loge des Anciens de Caroline du Sud laquelle pratique une
maçonnerie à 33 degrés.
De retour en France, ces gens là sont
accueilli avec une certaine circonspection par le Grand Orient tout de
même un peu étonné par leur rite inconnu, un peu irrité par leurs titres
véritablement ronflants et qui estime qu’après tout, il n’a pas de leçon
d’écossisme à recevoir de qui que ce soit. C’est là qu’il faut faire
intervenir la personnalité de Grasse Tilly. Vous savez que les
historiens considèrent en général que le rôle des grands hommes dans
l’histoire, tout ceci a été balayé par l’école marxiste il y a bien
longtemps, pour les grands mouvements de fond de l’histoire, la
personnalité ne joue pas beaucoup. Mais là, il ne s’agit pas d’un grand
mouvement de fond mais d’un milieu extrêmement fermé, extrêmement étroit
et la personnalité de Grasse Tilly va jouer. Mollier considère qu’il y
a une cinquantaine de maçons impliqués dans cette querelle qui fait un
bruit énorme et qui ne concerne qu’une cinquantaine de personnes.
Cinquante personnes, une personnalité importante, vous voyez donc que
Grasse Tilly peut jouer un rôle important. C’est incontestablement le
plus flamboyant des américains, ce n’est pas le seul, il serait injuste
de l’oublier. Un autre frère qui s’appelait Germain
Hacquet, lui aussi revenu de Saint
Domingue a eu lui aussi un rôle relativement important dans le sens de
la modération et de l’organisation. Grasse
Tilly, de grande famille provençale, était le fils de l’Amiral de
Grasse, héros de la guerre d’indépendance d’Amérique, à l’égal de
Lafayette. A l’époque, l’amiral de Grasse est aussi connu, aussi célèbre
et aussi adulé quasiment que Lafayette, c’est un très grand nom de
France et il a un formidable réseau de relations qui va lui rendre
d’immenses services.
Grasse Tilly est lui un
désargenté perpétuel. Pour différentes raisons qui n’ont rien à voir
avec ses qualités, il a évidemment perdu dans la guerre d’indépendance
de Saint Domingue ses plantations qui lui venaient de son père, comble
de malchance, il est arrivé à rassembler tous ses biens (mobiliers, etc,
etc…) il les a embarqué, mais un corsaire anglais a attaqué et coulé le
bateau. Grasse Tilly est donc complètement ruiné. On dit tout le temps
qu’il agit dans le monde maçonnique sous la pression de la nécessité.
Une formule élégante pour dire qu’il a de grands besoins d’argent et que
la maçonnerie lui rend pas mal de services dans le domaine financier.
Ce qui est tout a fait
caractéristique, c’est que chaque fois qu’il s’attribue une charge, il
se nomme (lui même en général) ad vitam. Il va pouvoir continuer à
bénéficier jusqu’à la fin des avantages de sa charge Il fait mieux,
lorsqu’il va lancer son rite, il va émettre des actions, 80 actions de
100 livres, ce qui fait 8 000 livres ce qui représente une somme
considérable pour l’époque. Il émet des actions, il les fait souscrire à
ses amis, leur promet un intérêt de 5%, et pour le remboursement, le
texte porte : « dès que possible », ce qui n’engage à rien. Je ne sais
pas s’il a remboursé, je suis un peu sceptique. Vous voyez le
personnage. Il avait des problèmes financiers graves. Quoi qu’il en
soit, c’est ce Grasse Tilly qui va souder l’alliance entre les écossais
d’Abraham dont on vient de parler et les anciens d’Amérique qu’il va
représenter. Il rassemble quelques mécontents des organisations
maçonniques. Au total, il va regrouper et rassembler un nombre
important de loges. Les deux ou trois écossaises du départ, les deux
loges américaines, Saint Alexandre d’Ecosse, Saint Jean d’Ecosse, La
Parfaite Union, etc… et pour clore la liste, La Saint Napoléon, il faut
insister sur les Saints Napoléon, la flagornerie maçonnique de l’époque
napoléonienne dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Il y a même une loge
qui fait partie de l’affaire, c’est la Saint Joséphine. Il s’agit bien
de Joséphine de Beauharnais. Lorsqu’on connaît la vie, les mœurs, les
habitudes de Joséphine de Beauharnais, ça paraît tout à fait
extraordinaire.
Dans une première étape,
Grasse Tilly affirme qu’il est Grand Commandeur Ad Vitam d’un Suprême
Conseil des Iles du Vent et Sous le Vent qui pratiquerait le R\E\A\A\
à 33 degrés, cette organisation étant sortie de son imagination très
fertile. La dessus, il fait mine de ne s’intéresser qu’aux hauts grades
et lui même se met à conférer des hauts grades par communication et à
tour de bras. Il est en France début juillet, fin juillet il a déjà fait
dix sept 33ème. La promotion est rapide, laisse rêveur. Un de
ses amis est fait 18ème fin septembre 1804, est fait 32ème
début octobre et 33ème fin octobre. Il a besoin de troupes
dans ces hauts grades et fabrique donc des 33èmes.
Trois mois après son retour en France, le
voilà en mesure de fonder une organisation écossaise qu’il appelle la
Grande Loge Générale Ecossaise. Il laisse murmurer dans Paris que c’est
le frère du 1er Consul, Louis Napoléon Bonaparte qui va
devenir Grand Maître et lui se nomme naturellement représentant du Grand
Maître évidemment Ad Vitam. Comme il a des relations, il va embarquer
dans son affaire, (j’emploie à son égard des termes parfois trop
critique, mais je n’ai pas d’autre terme sur la langue) des
personnalités éclatantes ; Il a quatre maréchaux d’empire, (Kellermann,
Masséna, Lefèvre, Serrurier) il a le Grand Chancelier de l’Ordre de la
Légion d’Honneur, des membres du conseil d’état… On se demande comment
il est arrivé à faire tout ça en deux mois. Il est arrivé à mettre sur
pied une organisation qui menace incontestablement l’autorité du grand
Orient sur les hauts grades. Le problème de Grasse Tilly,
c’est ce qui lui vaudra ses déboires, c’est qu’il est complètement à
contre courant du mouvement politique général. On est en 1804, Napoléon
remet de l’ordre dans tout le pays, il sort le Code Civil, il organise
le contrôle politique strict et même policier de la nation, il se fait
sacrer empereur le 2 décembre, j’insiste sur cette date du 2 décembre,
vous verrez ce qui s’ensuit. Napoléon ne s’intéresse pas du tout aux
querelles maçonniques, la seule chose qui est, les militaires dans la
salle m’excuseront, c’est que c’est un militaire et il n’a envie de
voir qu’une seule tête , qu’un seul responsable . Un dirigeant, une
organisation, dans le fond, il veut contrôler la maçonnerie, parce que
la Maçonnerie est un des pilotis de sa domination sur la France et sur
l’Europe. Dans ces conditions là, quand le maréchal Kellermann se rend
auprès de l’archichancelier de l’empire Cambacérès et lui présente
Grasse Tilly, il lui demande de bien
vouloir désigner un Grand Maître pour la nouvelle puissance maçonnique,
Cambacérès lui répond que l’empereur désire que les deux puissances
maçonniques se rapprochent. Les désirs de Napoléon étant des ordres, il
n’y a plus qu’à s’exécuter. Ce qui veut dire que l’équipée de
Grasse Tilly s’achève en 3 ou 4 jours, le 2
décembre l’empereur est sacré, le 3 décembre, les représentants de
l’organisation de Grasse Tilly et ceux
du Grand Orient se réunissent à l’hôtel de Kellermann, ils décident de
la réunification. Le 5 décembre, ils désignent des membres de leurs
instances dirigeantes pour travailler au texte de réunification. Elles
se réunissent séparément et approuvent un texte. Il y a des va et vient.
C’est le fameux texte du concordat dont nous fêtons le bicentenaire.
Avant de sortir le texte, l’avis de l’empereur a été demandé qui a dit
allez voir Cambacérès. Cambacérès est d’accord, le dit à l’empereur,
tout le monde étant d’accord, il n’y a plus qu’à officialiser le texte.
Dans une certaine mesure, les écossais d’Abraham, les anciens
d’Amérique, les gens de Grasse Tilly
ont été à Canossa : Ils ont été obligés d’aller signer la
réconciliation, le texte du concordat dans les locaux du Grand Orient.
Quand on se déplace, on est en position de faiblesse. On y a cependant
mis les formes : reçus par les 9 lumières sous la voûte d’acier,
maillets battants. On se jure mutuellement : « réunion absolue franche
et éternelle dans l’enthousiasme de la joie et de la confiance ». Belle
rhétorique maçonnique ! Ils n’ont tout de même pas tout perdu pour la
raison suivante : au Grand Orient, on maintient un Grand Chapitre
Général au 32ème. Mais ce Chapitre Général est coiffé par un
Suprême Conseil au 33ème dont le rôle est de s’occuper des
plus hautes connaissances mystiques et d’en régler les travaux. Vous
savez qu’on a retrouvé aux Etats Unis récemment et que Mollier a publié
dans « Renaissance traditionnelle » le livre d’architecture de ce
Suprême Conseil ?
Quant à Grasse Tilly,
il devient Grand Commandeur de ce Suprême Conseil avec cette petite
différence qu’il n’est plus ad vitam . Il est à terme et au bout de deux
ans, il est débarqué. Pour conclure, je dirai que dans une certaine
mesure, si je peux me permettre un horrible anachronisme, cette
négociation, ce texte de 1804 est en quelque sorte un compromis
historique entre le R\E\A\A\
et le Grand Orient de France. Dorénavant, le Grand Orient déclare qu’il
ouvrira sa porte et professera tous les rites. Naturellement, il y aura
des difficultés d’application. Il y aura des retours en arrière,
ruptures suivies de réconciliations suivies de nouvelles ruptures. En
tous les cas, on a jeté les bases de l’organisation actuelle :
les trois premiers degrés au Grand Orient, les autres aux organismes
écossais. J’ajouterai pour finir que cette stabilisation du système
permettra l’expansion internationale du R\E\A\A\où
Grasse Tilly continue à s’agiter et à agir. En Italie, il y aura un
Suprême Conseil du Royaume d’Italie dont la capitale est Milan qui sera
dirigé par le prince Eugène Napoléon ; il y aura un Suprême Conseil du
Royaume de Naples dirigé par le roi Joachim Napoléon, qui en réalité est
Murat, adopté par la famille Bonaparte ; en Espagne, le Suprême Conseil
sera dirigé par le roi Joseph Napoléon. L’expansion continue donc dans
l’empire Napoléonien. Cette organisation va ensuite continuer à se
développer dans les zones d’influence française en Méditerranée aux
XIXème et XXème siècles. Voilà ce que j’avais à vous dire sur les
origines de notre concordat de 1804.
Je vous remercie.
Retour Haut de
page |
Yves HIVERT MESSECA :
"Essor
et développement du REAA"
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis, notre collègue Christian Gras est un très bon camarade
puisqu’il a à la fois disserté sur tous les défauts des historiens et en
plus, il a réalisé une excellente transition pour ce que je vais dire.
Mauvais historien pour mauvais historien, je vais faire ce qui est
formellement interdit par les règles académiques : je vais partir par la
fin. Je partirai donc de la situation d‘aujourd’hui.
Il est de tradition de
dire que le R\E\A\A\
est aujourd’hui le rite écossais le plus pratiqué dans le monde. Cela
mérite quelques précisions quand on dit ça. C’est à la fois vrai et
faux. Je vais essayer de voir ce que cela signifie. Le Rite écossais est
pratiqué de 2 manières dans le monde. On verra qu’il l’est de plusieurs
manières mais il y en a deux grandes. La première, c’est la manière
anglo-saxonne.
Pour les anglo-saxons,
il n’existe que la maçonnerie bleue. Les hauts grades ne sont que ce
qu’ils appellent les side degrees,
c’est à dire des degrés complémentaires et latéraux. Les Suprêmes
Conseils, notamment le premier qui s’est créé, celui de Charleston sont
totalement indépendants des obédiences bleues qui sont en dessous et
ils sont totalement indépendants du recrutement des loges qui sont en
dessous. Il suffit d’être membre d’une loge « in good standing »
pour y entrer, quel que soit le rite que vous pratiquez. Il existe des
rites qui ont une continuité rituelle depuis le grade d’apprenti
jusqu’au degré sommital. Pour la manière anglo-saxonne, le rite que l’on
pratique en bleu n’a aucune importance. On pourrait dire que pour les
anglo-saxons, le R\E\A\A\
a 30 grades. Les 3 premiers étant pratiqués par d’autres. C’est le
système américain. Si on regarde dans tous les systèmes de hauts grades
du monde, il va s’en dire que sans conteste, numériquement parlant (il
s’agit d’un constat, n’y voyez aucune allusion autre), en tant que
système de hauts grades ou side degrees
le R\E\A\A\est
le rite le plus pratiqué dans le monde. En venant en France, notre ami
Christian Gras a essayé de mettre un peu d’ordre dans ce désordre, dans
ce qu’appelait Georges Mardère le fouillis
écossais, c’est un peu plus compliqué. C’est à dire qu’en Europe
notamment, on verra aussi un petit peu en Amérique Latine, le
rite écossais est en continuité initiatique et parfois en rupture
juridictionnelle du 1er au 33ème degrés. En tant
que rite de loge bleue, il n’est pas le rite le plus pratiqué. Il est
relativement dépassé par le rite américain sous la forme York ou par le
rite anglais sous la forme émulation. Encore qu’on peut considérer que
ce sont les mêmes dans le style York et dans le style émulation.
Résultat de tout ça, on est dans une situation un peu complexe dans le
paysage maçonnique mondial. Il y a environ 2.000.000 de maçons écossais
dans les side degrees ou dans
les hauts grades et à peu près 500.000 dans les loges bleues. Cette
situation est tout à fait ambiguë puisque par exemple au Etats Unis,
dans les 50 grandes loges américaines ou dans les loges de
Prince Hall ,
il y a très peu de loges bleues écossaises. Par contre, le système
écossais au dessus est de loin dominant. Comment ce système
est-il aujourd’hui quantitativement, numériquement le plus important ?
C’est la question que l’on va essayer de résoudre, d’autant que comme
l’a excellemment démontré notre ami Christian GRAS, ce n’était pas
évident au départ. Ca n’a pas apparu, à part de croire à la divine
providence qui voulait que le Grand Architecte crée ce rite pour qu’il
soit répandu etc…, il faut admettre que ce n’était pas évident au
départ. Ce n’était évident ni d’un coté, ni de l’autre de l’Atlantique.
Je vais donc essayer de vous faire faire un voyage à travers le monde en
20 minutes. Vous allez rapidement être perdus, ce qui n’est pas gênant,
au milieu des multiples Suprêmes Conseils qui se créent, qui s’unissent,
se séparent, qui s’excommunient ,qui se reforment, dans une fraternité
mondiale générale pour en arriver à la situation d ‘aujourd’hui et qui
fait le charme de l’institution que nous aimons tous.
Aux Etats Unis, ce qui
peut paraître assez curieux, le rite qui se
crée à Charleston, tout le monde l’appelle R\E\A\A\mais
ce n’est pas évident. La première fois que le nom apparaît, c’est dans
l’article dont je ne sais jamais si c’est le 5 ou le 7 du fameux
concordat dont a fait allusion notre ami Christian Gras où l’on utilise
la formule R\E\A\et
A\.
A cette époque, ils
avaient Napoléon et ils parlaient français. Très rapidement, ce Suprême
Conseil se crée à Charleston, crée un rite qui
non seulement ne s’appelle pas encore comme ça mais a 33 grades dont
seulement 29 sont nommés parce que quand il arrive en France, il y a un
grade qui s’appelle Prince du Royal Secret qui occupe 3 places donc il y
a deux trous. Aux Etats Unis, très rapidement, il va connaître un succès
très limité. On estime même, j’enlèverai ce passage lorsque nous
recevrons nos amis américains, que le Suprême Conseil de Charleston a
été quasiment en sommeil entre 1830 et 1844. En général, moins on est en
maçonnerie et plus on se multiplie. C’est à dire qu’alors que ce Suprême
Conseil a un succès très relatif, dans les 40 années qui restent, il va
se créer 5 Suprêmes Conseils aux Etats Unis, qui se prétendent l’un plus
régulier que l’autre, vont passer leur temps à s’unir et se désunir.
Pour faire rapidement, il y en a un deuxième qui se crée à New York en
1811 à l’initiative d’ Emmanuel de la Motta mais sans l’accord de
Charleston. Quelques jours après il y en a un troisième qui se
crée à New York à l’initiative d’un français qui
s’appelle Joseph Pernoud. En 1827, il y en a
un quatrième qui se crée à l’initiative d’un autre français, le Comte de
Saint Laurent. Enfin, il y en aura un cinquième qui se créera à la
nouvelle Orléans en 1846. Vous voyez donc qu’il y a une très grande
division. Quand on compte les frères qui en font partie, on n’est même
pas certains que 500 membres en font partie. C’est donc un succès tout à
fait relatif. Pour la petite anecdote, deux de ces Suprêmes Conseils, le
deuxième de New York, vous semblez déjà perdus, et celui de Pernoud vont
fusionner en 1832 pour fonder le Suprême Conseil Uni de New York.
Dans le texte qui est publié en français, ce Suprême Conseil va signer
un texte avec le Suprême Conseil de Paris. Pour la 1ère fois
en 1836, apparaît en anglais l’expression R\E\A\A\.
En anglais, grammaticalement, ils n’ont pas besoin du « and ». Pour être
surs de ne pas en avoir besoin, ils l’ont appelé :
ancien-accepted-scottish-rite.
Coté français, c’est guère mieux. Tant
que Napoléon a été là, il a réussi à maintenir un certain équilibre,
mais en 1814 1815, les différents héritiers du Suprême Conseil, Grasse
Tilly, Cambacérès vont se disperser dans plusieurs voies. Il y en a 7
ou 8 qui sont restés au Grand Orient, 5 qui sont morts, pour eux,
c’était résolu, et 6 qui se sont formés dans deux Suprêmes Conseils
rivaux qui vont finir par fusionner en 1821 pour créer le Suprême
Conseil de France qui se dotera d’une organisation tout à fait nouvelle
au niveau du rite écossais. Ce sera une obédience intégrale de la loge
bleue au Conseil Suprême mais qui sera gérée du haut vers le bas, c’est
à dire par le Suprême Conseil sur les loges bleues, ce qui fait un
troisième mode d’organisation entre le mode anglo-saxon où les
obédiences bleues et le Suprême Conseil sont séparés, la solution
française 1804 où c’était le Grand Orient de France qui d’une certaine
manière avait une association avec le Suprême Conseil et cette formule
là où l’on a le Suprême Conseil qui gère indépendamment les loges
bleues. Quand on regarde les quelques loges écossaises du Grand Orient
de France et cette obédience, ça représente à peu près 2 000 frères ;
500 aux Etats Unis, 2 000 en France, aux alentours de 1830, on est
encore loin de la suprématie mondiale.
Comment est-ce que ça a
fini par marcher ? J’ignorais à peu près la question jusqu’au jour où je
me suis penché sur toute une série de données chiffrées et je dois vous
avouer que je vous donne aujourd’hui un travail provisoire car il
faudrait, pour que je le traite complètement, avoir une connaissance
exhaustive de la maçonnerie mondiale et malgré mes grandes qualités, je
n’en suis pas encore là. C’est donc en Amérique Latine que le rite
écossais a commencé à se développer. On va donc essayer de voir les
quelques itinéraires où à partir de ces deux noyaux, d’une part l’Europe
occidentale et la France, de l’autre les Etats Unis, ça s’est
développé.
Le premier itinéraire va
partir de l’Amérique Latine, à partir du Mexique, le Brésil et ce qu’on
appelle la nouvelle Grenade Tout part entre 1830 et 1880 pour faire
simple. La difficulté est qu’il y a des loges écossaises et à un moment,
une organisation écossaise. Entre la première loge écossaise et
l’organisation écossaise, il peut se dérouler un temps plus ou moins
long. Dans certains pays, une loge écossaise se crée et avant que ne se
crée l’organisation écossaise, il peut s‘écouler un siècle. Des loges
se créent en Amérique Latine à l’initiative d’un peu tout le monde ce
qui rend les choses un peu difficiles aujourd’hui : des espagnols
immigrés, des français qui ont fuit, des créoles partis des îles, des
américains faisant du négoce. C’est très compliqué. On peut
considérer qu’il y a une cinquantaine de loges écossaises qui se sont
crées dans la décennie 1808 un peu partout dans les ports de l’Amérique
Latine. Notamment dans les 3 lieux nommés. C’est intéressant car les
maçons mexicains pratiquent le rite d’York, c’est à dire le rite
américain. Le rite écossais va progressivement le remplacer. Il va y
avoir une vraie rivalité entre les Escosésés
et les Yorkinos, ce qui va
donner lieu à une guerre civile au sens strict
du terme parce que les écossais sont plutôt conservateurs politiquement
alors que les Yorkinos sont plutôt libéraux. Et comme dans tous
les bons feuilletons, ça se terminera par une réconciliation générale
pour créer d’abord une obédience mexicaine et enfin un 1er
Suprême Conseil au Mexique…… puis…dix ou douze Suprêmes Conseils
au Mexique, nous on en est à 8 ou 9. On n’a pas le record du monde mais
on n’est pas loin.
Deuxième cas, c’est ce
qu’on appelle la Nouvelle Grenade, c’est l’état qui correspondrait
actuellement au Venezuela, à l’Equateur et à la Colombie avant que ces
trois états n’éclatent. On a des loges écossaises à une date précise
1811. Puis on a le Suprême Conseil de Cerno
qui va créer un Chapitre à Caracas en 1822. Assez rapidement va
se créer une organisation écossaise en 1824 à Caracas, une deuxième à
Bogota en 1827, une troisième à Carthagène en 1833. En 1852, on en est à
9 Suprêmes Conseils qui, bien entendu se disputent les juridictions.
Le cas brésilien est à
peu près semblable : quelques loges écossaises fondées dans les années
1810. Le rôle joué par les diplomates est assez intéressant. Un certain
nombre de diplomates profitant de leurs fonctions professionnelles en
profitent pour se faire recevoir ou recevoir des grades à d’autres
endroits. Nous avons là un portugais qui va recevoir le 33ème
degré du Suprême Conseil. Rien n’est simple, c’est le Suprême Conseil
des Pays Bas mais à Bruxelles. En rentrant chez lui, c’était le bon
temps, dès qu’on était 33ème, on pouvait faire d’autres
33èmes, il va créer le 1er des Suprêmes Conseils brésiliens
puisque là aussi il y en aura un certain nombre. A partir de ces 3
pôles, le rite écossais va gagner l’ensemble de l’Amérique Latine. Je
vous donne schématiquement les dates mais c’est révélateur :
Suprême Conseil organisé
Pérou,1830 ; Uruguay, 1856 ; Argentine 1858, Cuba ,1859 ; République
Dominicaine 1861 ; Chili, 1870 ; Paraguay, 1871, Equateur 1910 ;
Amérique Centrale, 1913. Depuis, l’Amérique Centrale est découpée en 6.
et il y a un Suprême Conseil par état mais c’est récent, ça date de
1961.
Cette maçonnerie en
Amérique Latine s’est écossisée au bout de quatre décennies. Le rite
Ecossais est devenu largement dominant avec deux ou trois
caractéristiques : la 1ère est la balkanisation, c’est à dire
qu’il y a au minimum 2 Suprêmes Conseils. Et paradoxalement, ces
rivalités ne freinent pas l’extension du développement du rite mais le
facilitent. C’est à dire que plus on est de fous, plus on crée de loges
et ça marche parfaitement.
En tant que rite bleu,
il va progressivement éliminer un certain nombre d’autres rites
pratiqués avant, notamment le rite d’York. Surtout, les latino
américains vont inventer toutes les formes d’association possibles entre
les loges bleues et les Suprêmes Conseils.
On a donc vu le 1er
cas : totale indépendance, système à l’américaine, ce qui est le cas de
Porto Rico. Il y a une Grande Loge à Porto Rico. Pour être totalement
indépendants de la Grande Loge de Porto Rico, les ateliers supérieurs
écossais se rattachent au Suprême Conseil de Cuba. Il n’y a pas
d’interférence.
Deuxième cas : le
Suprême Conseil d’Argentine qui dirige les loges bleues.
Troisième cas,
l’obédience bleue qui dirige les Suprêmes Conseils, cas du Grand Orient
du Brésil qui se proclame lui Suprême Conseil. En général, en Amérique
Latine, quand vous voyez Grand Orient, cela signifie juridiction ou
obédience qui regroupe ensemble tout le système du 1er au 33ème
degré.
Dernier cas, les formes
associées, on peut s’associer à 2, 3 ou 4. Le Grand Orient du Venezuela
va s’associer à 4 étages, il y a 4 obédiences l’une sur l’autre, La
Grande Loge, le Grand Chapitre, le Grand Consistoire et le Suprême
Conseil. Chacune est imbriquée l’une sur l’autre. Il n’y a pas que les
formes classiques que nous connaissons, il en existe d’autres qui ont
été mises au point par l’Amérique Latine.
Deuxième grand voyage,
le rite écossais va démarrer en Europe du Nord Ouest, dans les Iles
Britanniques. Il va sans dire que ça va démarrer à l’anglo-saxonne,
c’est à dire avec une totale indépendance
entre les Suprêmes Conseils et les Grandes Loges. Très vite, l’Irlande,
l’Angleterre et l’Ecosse vont se doter d’une organisation écossaise.
L’Irlande va se doter d’une organisation écossaise à partir de
Charleston, l’Angleterre va se doter d’un Suprême Conseil à partir des
constitutions données par le Grand Orient de France qui a donc créé le
Suprême Conseil d’Angleterre. L’Angleterre va créer à son tour le
Suprême Conseil d’Ecosse.
Les Iles Britanniques sont donc dotées d’un
système écossais qui fonctionne toujours mais en totale
indépendance avec les loges bleues.
Le troisième itinéraire
est l’Europe méditerranéenne qui va s’organiser dans une troisième étape
au cours des années 1830 – 1910. D’abord le Portugal : un peu
normalement, la maçonnerie écossaise portugaise va être organisée par la
maçonnerie écossaise brésilienne. C’est un retour des choses. On voit
apparaître rapidement un Suprême Conseil au Portugal. La Grèce va se
doter d’un Suprême Conseil créé par le Suprême Conseil d’Ecosse. Les
français, les italiens et les britanniques vont créer des loges en
Turquie et en Egypte ou l’on créera dans les années 1861-1864 c’est à
dire assez tôt, un Suprême Conseil en Egypte et un en Turquie.
Quatrième itinéraire :
Europe centrale, de l’Est et Balkanique (années 1871, 1936). Mais il
faut d’abord parler de voisins de la France. Tout d’abord la Suisse : il
y avait depuis le Consulat des loges écossaises en Suisse mais qui ont
intégré la Grande Loge Nationale Alpina. Ce n’est qu’en 1873 que s’est
créé un Suprême Conseil de Suisse.
Aux Pays Bas, la
situation était très compliquée. Je vous ai parlé du Suprême Conseil des
Pays Bas qui était à Bruxelles. C’était normal puisque quand on parle
des Pays Bas en 1815, ça correspond à ce qu’on appelle aujourd’hui le
Benelux puisqu’il se crée en 1817. En 1830, la Belgique devient
indépendante et les Pays Bas également. Ce qui est assez curieux, c’est
que si se sont créées des obédiences nationales bleues, des Grandes
Loges et un Grand Orient aux Pays Bas et en Belgique, les Hauts Grades
sont restés unis. Les néerlandais ont continué à dépendre du Suprême
Conseil de Bruxelles de 1830 à 1911, date à laquelle ils ont décidé de
devenir indépendants et de créer un Suprême Conseil des Pays Bas. Il y a
cette curiosité qui présente un intérêt qu’il ne faut pas négliger. Vous
savez que les deux Irlandes n’ont en commun que deux choses : l’équipe
de rugby et la Grande Loge.
Si je cite les Suprêmes
Conseils de Suisse et des Pays Bas, c’est parce qu’ils vont jouer des
rôles relativement importants pour la création de Suprêmes Conseils ou
d’organisations écossaises dans toute l’Europe Balkanique : La Hongrie
en 1871, après l’éclatement de l’empire austro-hongrois, la
Tchécoslovaquie en 1921, la Roumanie en 1923, la Bulgarie etc…Enfin,
l’écossisme va mettre un pied dans un pays où il n’y arrivait pas : les
pays germaniques. Les maçonneries allemande et autrichienne étaient si
bien organisées que pratiquement, il n’existait pas de source écossaise
dans ces pays. Les premières loges écossaises datent de 1920. Ce n’est
qu’en 1931 que se crée le Suprême Conseil d’Allemagne. Il n’a pas eu de
chance car en 1933, il a été brutalement arrêté pour les raisons que je
vous laisse imaginer. Il a d’ailleurs survécu de manière symbolique en
faisant un Suprême Conseil d’Allemagne en exil à Jérusalem.
Quant aux Pays Bas, ils
ont encore inventé une forme associative et qui rappelle celle du
concordat de 1804. Le Suprême Conseil va signer avec le Grand Orient des
Pays bas une convention dans laquelle il est prévu que le Grand Orient
gère les 3 loges bleues et les 4 ordres du rite moderne. Le Suprême
Conseil gère à partir du 19ème jusqu’au 33ème.
C’est à peu près le texte de 1804. Depuis 1991, on a réécrit la
convention : le Suprême Conseil des Pays Bas peut gérer les ateliers à
partir du 4ème , notamment ceux de Rose Croix, à la
condition, et c’est souligné, que le rituel de Rose Croix Ecossais soit
totalement différent de celui de Rose Croix du Rite Moderne.
Dernier itinéraire,
c’est le dernier quart du 20ème siècle : si j’ose dire, le
rite écossais va toucher les zones qu’il n’avait pas touché jusque là et
tout spécialement 5 zones.
Il y a d’abord l’Asie
Océanique. A la suite de la maçonnerie britannique ou américaine vont se
créer un certain nombre d’organisations écossaises dans ces régions :
les philippines en 1946, c’est la plus ancienne, Israël en 1966, Iran en
1970, elle n’a pas eu non plus de chance et en 1979, la question pour
elle s’est posée d’une autre manière. La Turquie s’est reformée en 1970
et parmi les dernière, l’Australie en 1985 et la Nouvelle Zélande en
1993. Il y a l’Afrique subsaharienne, très difficile à suivre car les
obédiences se forment, se séparent, se reforment, se dispersent,
renaissent etc…Il y a aussi le fait que du coté de l’Afrique
Subsaharienne anglo-saxonne, les loges sont pratiquement toutes restées
sous la juridiction des Grandes Loges d’Ecosse, d’Irlande ou
d’Angleterre et ipso facto les ateliers supérieurs sous la juridiction
des Suprêmes Conseils correspondants.
Troisième grande zone,
l’Europe du Nord : la Scandinavie était encore plus réfractaire que
l’Allemagne à l’apparition de l’écossisme. C’est une maçonnerie qui
pratique le rite suédois, très organisé, très fermé. Assez curieusement,
ces pays qui sont des modèles de démocratie, de tolérance et d’ouverture
ont des maçonneries très conservatrices, beaucoup plus conservatrices
par exemple que Londres. Ce sont les danois qui ont eu des loges
écossaises dans les années 1920. Pour le moment, dans tous ces pays, il
n’y a qu’un Suprême Conseil qui s’est crée en 1971 en Finlande. Il doit
avoir environ 400 membres. Quant aux deux ou trois Chapitres qui
existent en Suède ou en Norvège, ils sont restés sous la juridiction du
Suprême Conseil de Londres. Enfin, il y a les anciens pays communistes,
avec la renaissance de la maçonnerie et aujourd’hui, à l’initiative des
maçonneries françaises, mais surtout des maçonneries américaines,
allemandes et italiennes, se sont recrées à peu près partout des
juridictions écossaises. Vous voyez que progressivement, par
capillarité, à partir de ces deux points qui étaient relativement
minimes, le rite écossais s’est répandu à peu près partout dans le
monde. Mais cette situation est relativement moderne, récente.
J’ajouterai également que le rite écossais a bénéficié par le fait que
quand des organisations maçonniques internationales se sont créées, je
pense notamment au Droit Humain, elles ont utilisé le rite écossais, ce
qui a encore renforcé son poids et son internationalisme. Là ou le rite
écossais existait, il a eu tendance à grossir. L’exemple le plus
classique est la France. Si vous prenez le paysage maçonnique français,
en 1804 les écossais représentent 1% des maçons français ; en 1904, à
peu près 25% ; aujourd’hui, toutes obédiences confondues, à peu près
50%. On peut donc se développer géographiquement et quantitativement.
Cette
description présente un intérêt tout à fait relatif si ce n’est comme
avant goût des vacances puisque je vous ai fait voyager à travers le
monde. Ce qui aurait été intéressant aurait été de se demander pourquoi,
mais je pense que cela fera l’objet d’un autre colloque. Simplement,
pour conclure, le rite écossais, comme on l’a vu, est un rite, comme je
l’ai développé à Bordeaux, de nomadisme, de voyageur, d’adaptabilité.
Vous voyez comment il a été capable de s’adapter à toute forme de
climats, de créer des formes d’associations particulières à chaque pays,
différentes, contradictoires, etc, et je crois que cette qualité
plastique lui a permis notamment de pouvoir se répandre de par le
monde. Il ne faut en tirer ni excès d’honneur ni de l’indignité. C’est
une situation comme une autre. Il ne faut pas en tirer gloire. C’est un
fait comme un autre, c’est celui que j’ai essayé de voir de cette longue
marche. Je voudrais simplement pour terminer, dire que lorsqu’on voyage
loin, le dernier pas est ttout aussi important que le premier.
J’ai
dit
Retour Haut
de page |
René DARS :
Qu'apporte
donc le R\E\A\A\
aux Francs-maçons des divers grades ?
Mesdames,
Mesdemoiselles, Messieurs, chers amis, je pense que certains d’entre
vous n’ont peut-être pas le bonheur d’être franc maçons. Dans ce que je
vais vous raconter, il y aura de temps en temps des choses banales pour
ceux qui le sont, un peu élémentaires pour les historiens qui nous ont
entretenus sur l’histoire et l’origine de l’écossisme. Je ne suis pas
historien. Plus exactement, je suis un historien de la terre, je suis
géologue. Je n’aurai donc pas les mêmes subtilités que celles des amis
qui m’ont précédé. J’essaierai en revanche de parler de ce que m’a
apporté ou ce que peuvent nous apporter les Hauts Grades.
La plus grande partie
des loges du Grand Orient de France fonctionne pour ce qui est des 3
premiers grades dans ce qu’on appelle les loges bleues suivant le rite
que l’on appelle "Groussier". C’est le nom d’un franc maçon qui a, à un
moment donné, établi ou en tout cas participé à l’établissement de ce
rite.
Ma réponse à la question
posée concernera uniquement les hauts grades. Je ne vous parlerai pas de
ce que peut apporter l’écossisme dans les loges bleues puisque je n’ai
pas suivi cet enseignement. Au Grand Orient de France, le grade de
maître donne au franc- maçon qui le reçoit la plénitude des droits
maçonniques (article 5 de la constitution). Il est certain que les 3
premiers grades des loges bleues (apprenti, compagnon, maître)
constituent un véritable ensemble symbolique. Le premier surveillant
peut répondre au Très respectable, c’est à dire le président de la
réunion, à l’ouverture des travaux : l’acacia m’est connu. L’acacia
étant le symbole de la connaissance pour certains. Certains frères
considèrent que le travail de maître ne les satisfait pas totalement.
Ils pensent qu’une plus grande recherche philosophique leur est
nécessaire pour approfondir le sens de leur démarche initiatique et peut
être mieux comprendre quels sont les devoirs d’un franc maçon envers
lui-même, envers les autres, envers les autres francs maçons tout
d’abord qui le reconnaissent comme tel, car vous n’êtes franc maçon que
si vous êtes reconnu comme tel par vos frères, et envers, enfin, les
autres hommes.
Une voie leur est
offerte à ces maçons insatisfaits, par les hauts grades (et je tiens à
l’adjectif). Dans une revue à tendance démagogique, on nous a expliqué
qu’il y avait d’autres grades. Je suis désolé, ce sont des hauts grades.
Dans l’adjectif haut, il y a une question d’altitude. Lorsque j’étais
instituteur, au début de ma carrière, j’avais des élèves et non pas des
apprenants. J’avais l’impression de les élever. Or pour élever
quelqu’un, il faut le faire grimper. Je considère que ces grades dont je
vais vous parler sont de hauts grades qui nous permettent de nous
élever. Je n’ai pas dit forcément par rapport aux autres ; déjà par
rapport à soi même, et ce n’est pas mal. Aux francs maçons du Grand
Orient de France, cette voie leur est ouverte, pour aller plus loin par
les hauts grades, du numéro 4 au numéro 33, du 4ème au 33ème.
Les francs maçons du Grand Orient de France formés par le rite Groussier
découvrent alors le R\E\A\A\.
Ils en sont très heureux. Il y a donc trois grades à un rite et on
débarque dans une série avec un autre rite. Ca se passe bien
actuellement. Jusqu’aux années 1950, un maître du grand Orient de France
qui souhaitait continuer sa recherche initiatique accédait directement
au 18ème grade, celui de Chevalier Rose Croix, c’est le nom
qu’on lui donne, qui était réputé noble. Le saut était difficile. Le 18ème
grade étant réputé chrétien. Au Grand Orient de France on n’aime pas
beaucoup les chrétiens, pas plus catholiques que les protestants. Ou
plus exactement on les accepte mais on refuse qu’ils dictent la loi. Car
le Grand Orient de France, si je me souviens bien, à moins que ça n’ait
changé ces dernières années, est laïque dans le bon sens du terme, c’est
à dire qu’il accepte les autres opinions à condition de pouvoir vérifier
qu’elles sont sincères par exemple.
Je suis Maître, 3ème
grade, j’arrive et tout de suite on me fait passer au 18ème,
il manque donc 4, 5, 6 etc…Les grades intermédiaires entre le 4ème
et le 18ème, qui auraient éclairé l’affaire,
expliqué que bien sur on
se servait d’un mythe, d’histoire, de chevalerie, de grades, de choses
comme ça mais qu’il fallait l’interpréter, étaient seulement
communiqués. Pour certains, ce fut l’étonnement et même pour certains le
rejet. J’ai connu des francs maçons qui ont quitté la franc maçonnerie
quand ils se sont trouvés devant cet enseignement du 18ème
qui les déconcertait.
Depuis 1960, le Grand
Collège des Rites a décidé de remettre en valeur les grades
intermédiaires en les regroupant dans des ensembles appelés ateliers de
perfection, même si le terme vient de très loin. Aujourd’hui, les loges
de perfection fonctionnent très bien. Dans le livre du bicentenaire du R\E\A\A\.
que je vous recommande d’acheter, vous verrez une étude de Pierre Nabet
qui est remarquable sur ce sujet. Et l’on peut se réjouir de cette
action à laquelle nos très illustres frères
Ernest Chabanne et Jean Mourgues ont pris une grande part. Les
loges de perfection reprennent en les approfondissant les travaux
symboliques des 3 premiers grades, le plus souvent du rite Groussier, et
organisent ceux des 10 premiers Hauts Grades Ecossais, du 4ème
au 14ème. Il faut dire aussi, dans ce renouveau, dans cette
inflexion par les loges de perfection regroupées de cette manière, il
faut aussi penser à Francis Viaud, qui était le Souverain Grand
Commandeur qui a beaucoup œuvré dans cette direction. Les hauts grades
écossais sont structurés de la manière suivante : les Loges de
Perfection du 4ème au 14ème ; Les Souverains
Chapitres du 15ème au 18ème ; Les Conseils
Philosophiques du 19ème au 30ème ; Les Grades
Blancs du 31ème au 33ème degrés. L’ensemble des
hauts grades du 4ème au 33ème ne peut, faute de
temps, faire l’objet d’une pratique suivie régulière, c’est à dire avec
une cérémonie initiatique et des tenues pour chacun d’eux. J’avais
ajouté là : la vie est trop courte. Mon épouse qui a tapé m’a dit non,
il ne faut pas dire ça. La vie n’est pas trop courte et ensuite c’est
mal venu. C’est simplement parce qu’enseigner avec cérémonie et tenue
rituelle tous ces degrés, il faudrait toute la vie pour y arriver. On
distingue donc les grades de communication transmis au moment de
l’initiation au grade supérieur.
Cela ne signifie
nullement que ces grades sont négligeables, ils font souvent l’objet de
travaux spécifiques aux grades supérieurs dont ils éclairent parfois
certains aspects. Quels sont les grades de plein exercice ? Ce sont le 4ème
(le maçon s’appelle alors maître secret). Le 14ème (il est
Grand Elu de la Voûte Sacrée, Parfait et Sublime Maçon) C’est sur , nous
avons des adjectifs qui font sourire les profanes. Mais ce qu’il faut
c’est penser que c’est symbolique, et essayer de voir à quoi ça
correspond. Le 18ème (Chevalier Rose Croix), le 30ème
(Grand Elu, Chevalier Kadosh, terme qui peut s’écrire avec un c entre le
s et le h, d’influence germanique dont parlait tout à l’heure notre
frère Hivert Messecca) ; Le 31ème (Grand Inspecteur
Inquisiteur Commandeur) ; le 32ème (Prince du Royal Secret) ;
le 33ème (Grand Inspecteur Général).
Alors que nous apportent
les différents grades ? je n’ai pas l’intention de vous dire « le 13ème
donne ceci…» J’ai choisi un certain nombre de choses : essentiellement
le Maître Secret, le Chevalier Rose+Croix, le Chevalier Kadosh et trois
mots sur les grades blancs.
Le Maître Secret, c’est
le 4ème grade. Dans les loges de perfection actuelles, si je
me trompe, je demanderai à un historien de m’arrêter tout de suite, ou
au Souverain Grand Commandeur. Dans les Loges de Perfection, on peut
suivre soit le rite dit Franken (du nom de son introducteur qui le
pratiquait, dès 1744. Son contenu symbolique s’appuie sur des récits et
des légendes bibliques, et plus particulièrement de l’ancien testament
mais aussi de la Kabbale), soit un autre rituel qui ne fait plus appel à
la bible tant pour la recherche individuelle que pour la recherche
initiatique. On peut penser avec Paul Naudon que le rituel de type
Franken invite les frères à une recherche métaphysique alors que l’autre
rituel les introduit dans une recherche morale. Quoi qu’il en soit, les
deux rituels sont admis au 4ème grade. Quand je pense que je
suis devant une assistance de 400 personnes et que du temps de la Mère
Loge Ecossaise vous seriez une seule loge, que je m’adresse comme ça
tout petit à une seule loge, c’est extraordinaire, et que vous écoutez,
c’est encore mieux… Le frère Maître Secrêt ne se contente pas de pleurer
sur la tombe de Maître Hiram. Il interprète ses dernières paroles comme
un message d’espoir. Il s’engage dans une recherche qui le mènera il ne
sait où. Il se dit avec Jean Mourgues : « c’est pour savoir où je vais
que je marche ». Tous au long des voyages qu’il entreprend, le maître
secret apprend à distinguer l’autorité personnelle et la puissance des
institutions. Il apprend à se soumettre aux lois de la nature, à
comprendre les hommes sans leur faire une confiance absolue, (quand je
dis homme, ce n’est pas sexiste, c’est que le géologue que je suis vous
rappellera gentiment que l’espèce homo sapiens sapiens embrasse aussi la
femme, le plus souvent possible). Il apprend à se soumettre aux lois de
la nature, à comprendre les hommes sans leur faire une confiance
absolue, à respecter les opinions mais à ne les déclarer justes qu’après
les avoir examinées, il est encouragé à se dégager de l’ignorance, des
préjugés, de la superstitions, des dogmes (important les dogmes, sauf
quand ils sont évolutifs), à prendre les décisions en toute liberté de
conscience, être loyal envers lui-même, à aimer la justice. Enfin, il
lui est conseillé de ne pas attendre de récompense d’autrui. Et
pourtant, la volonté dans l’action est primordiale. L’essentiel est de
faire son devoir. Tout est dit dans ce que je viens de relater de la
démarche de libération que proposent les hauts grades écossais. La
véritable initiation est un apprentissage incessant. Même s’il y a des
paliers avec les nombres que je viens de vous donner, l’initiation se
fait tout au long de la vie.
Le Chevalier Rose+cCroix :
nous avons beaucoup à apprendre de nos grands anciens, qu’ils aient été
maçons ou non. Nous avons même tout à apprendre si nous prenons à la
lettre les propos du 18ème grade. Cette remarque pourrait
engager une réflexion à propos de l’éternel retour. La recherche de la
parole perdue doit nous conduire, nous l’espérons, à la Vérité, ou, à
tout le moins, à la sagesse que possédaient nos ancêtres. Ce grade est
une étape sur la voie initiatique mais aussi la manifestation symbolique
d’un moment particulier de l’équilibre spirituel des individus et des
sociétés. C’est le moment où l’être humain, conscient de sa valeur
intellectuelle, morale, spirituelle, se trouve confronté aux assauts des
forces réelles qui se manifestent dans l’univers. Il se demande comment
et par quoi se justifie son action. Entre la période d’acquisition de
tous ses biens, croissance, conquêtes, enrichissement matériel ou
spirituel et la maturation qui le voit acquérir une harmonie,
s’épanouir, mettre en place son équilibre intérieur, se place une
période trouble, obscure, qui est celle de la gestation et du
dépassement. Je crois que c’est à ce point que se situe le 18ème
grade. La cérémonie de la Cène qui mérite là aussi qu’on l’étudie, qu’on
l’explique, qu’on montre que ce n’est pas une cérémonie uniquement
chrétienne puisque certains sont allergiques à la chrétienté. La
cérémonie de la Cène qui clôture la tenue permet de recevoir les
nouveaux chevaliers avec la solennité qu’il convient. Au 18ème
grade, on leur parle aussi du Graal, clé de la tradition celtique. Ce
vase est sensé contenir la haute nourriture, celle de la corne
d’abondance païenne. La boisson qu’il contient étanchera leur soif
d’objectivité, de lumière et de connaissance, il faut rechercher le
Graal car il consolera des chagrins, rassasiera notre faim et notre
soif. Cette coupe qui est aussi le saint Graal du Christ est pour les
tibétains un vase gardien du trésor, dépositaire et réservoir de vie. Le
symbole du Graal est une bonne présentation du cadre de l’aventure
chevaleresque et comme un résumé du généreux et difficile objectif de
l’enseignement capitulaire, c’est à dire du Chapitre. Jean Mourgues
disait : « il y a un Graal en chacun de nous, il y a un Graal en chaque
homme. Le sacrifice est la loi du chevalier rose croix qui n’a pour sa
sauvegarde que sa foi, son espérance et sa charité ».
Je vous trouve bien
sérieux. D’accord je ne raconte pas d’histoire drôle.
Le Chevalier
Kadosh : pendant l’initiation au 30ème grade, nous apprenons
une fois encore à notre grand dam que nous avons atteint le nec plus
ultra de l’initiation. Ca y est, vous êtes arrivés, vous savez tout ! Et
encore une fois nous nous rendons compte rapidement que c’est faux. Mais
nous comprenons enfin que l’initiation est un processus sans fin. On
nous fait passer de chambre vide en chambre vide. Quand la dernière
porte s’ouvre, nous nous apercevons qu’il n’y a rien à découvrir car
tout est connu depuis longtemps. L’initiation achevée, l’est-elle
jamais ?, c’est l’art de ne plus se poser de question, sur des mystères
qui en soulèvent d’autres tout aussi impénétrables à l’infini.
L’échelle de Jacob
permet de monter aux cieux. L’échelle mystérieuse du Chevalier Kadosh
lui permet aussi de monter, mais il redescend sur terre après auprès de
ses frères. La lutte contre l’ignorant, l’orgueilleux, le cruel, le
fanatique exige sa présence parmi les hommes. Il aime la vérité et la
connaissance mais aussi ses semblables, les hommes. Il cherche à
comprendre les lois de l’univers mais il pratique l’art de vivre et
combat toute oppression. Il comprend mais sait aussi résister. Sa devise
est la plus belle qui soit : « Fais ce que doit, advienne que pourra ».
Je n’ose pas dire que c’est la mienne car c’est bien présomptueux. Je
sais que lorsque j’ai eu cette initiation au 30ème, c’est
quelque chose qui m’a profondément travaillé. Alors, est-ce que ça m’a
élevé un peu plus que dans d’autres grades, peut-être que oui ou
peut-être pas, je ne sais pas. Peut-être que ça a été quelque chose qui
a éclairé, illuminé tout ce que j’ai essayé de faire depuis que je suis
entré en maçonnerie. Mais c’est sur que je me suis un peu plus structuré
avec cette devise.
J’ai été rapide, il me
reste quelques mots à dire sur les grades blancs et mon successeur sera
content. C’était dense, j’aurais pu faire plus de circonlocutions.
Les grades blancs,
c’est 31, 32, 33 appelés à tort administratifs. J’ai fait de
l’administration dans ma carrière, ce n’est pas tellement enrichissant.
C’est utile, c’est important. Mais il faut que vous sachiez que les
administrations des grades blancs, ce n’est pas écrasant. Tout se fait à
Paris. (Je n’aurais pas dû dire cela devant Moisy). Beaucoup de choses
en tout cas se font à Paris. J’ai l’impression que c’est vrai de plus en
plus pour le Grand Orient de France. Excuse moi, mon frère, c’est mon
idée et je la partage. Je ne sais pas si ce n’est pas un petit danger
que nous avons là, non pas en perspective mais autour de nous. C’est de
faire que l’administration nous fasse oublier la signification de tous
ces grades. Alors, les titulaires des grades blancs, je vous rappelle
qu’il y en a un qui est le Grand Inspecteur Inquisiteur Commandeur (31ème
degré), le suivant c’est le Prince du Royal Secrêt et le 33ème,
c’est à dire ceux qui sont arrivés le plus haut dans la voie de
l’initiation, c’est donc ceux qui sont parfaits, plus parfait que les
autres, plus que parfaits, ce sont les Grands Inspecteurs Généraux. Ils
sont chargés, et ce n’est pas une mince affaire, de rendre la justice.
Les Inspecteurs et les Princes du Royal Secret rendent la justice. Ca
arrive quelquefois, si parfaits que nous soyons à partir du 4ème.
Ils doivent maintenir et protéger notre institution. Je dois dire que
j’ai eu plaisir à travailler et continuer à travailler avec des frères
qui ont cette idée là et qui essaient de maintenir ce qui a été le grand
apport de ce R\E\A\A\,
cette idée qu’au Grand Orient de France, on peut accepter, recevoir et
avoir comme frère dans ces grades des gens qui n’ont pas forcément les
mêmes conceptions métaphysiques que vous. Mais ils sont sincères. Chez
nous, on peut croire en Dieu , croire au Grand Architecte de l’Univers,
on peut être athée (quoi que ce n’est pas facile d’être athée), on peut
aussi être agnostique. La position d’agnostique est une position tout à
fait agréable. Les titulaires du grade blanc doivent protéger et
maintenir notre institution donc, rendre la justice, y faire régner
l’ordre avec un petit « o » suivant la formule « ordo ab chaos », enfin,
afin que leur action s’étende également à toute l’humanité. Au Grand
Orient de France, nous avons aussi dans l’article premier cette idée que
nous essayons de nous élever nous mêmes. C’est pour ça que je tiens aux
hauts grades. Mais nous n’oublions pas que nous sommes parmi des hommes,
que nous sommes frères et que nous devons leur rendre quelque chose
qu’ils nous donnent, et pour cela, notre action ne doit pas se limiter à
nos loges et nous devons répandre les vérités que nous y acquérrons. Et
ça n’est pas facile.
Je voudrais terminer par
une autre citation de Jean Mourgues : « il n’y a jamais de dernier mot,
l’espèce continue et la nécessité de s’adapter à chaque circonstance
nouvelle, c’est la vie ».
J ‘ai dit.
Retour Haut de
page |
Daniel BERESNIAK :
"Les Perspectives d'Avenir du
REAA"
Chers ami(e)s, vivre
l’union dans la diversité est le propos du maçon. C’est ce qui ressort
de tout ce qui a été dit tout à l’heure. L’union dans la diversité, nous
l’expérimentons avec un bonheur divers, cela a été dit implicitement,
plus ou moins explicitement et c’est exactement le contraire de l’unité
dans la conformité. L’unité dans la conformité c’est « je ne veux voir
qu’une seule tête ». C’est le modèle sectaire. Dans la vie profane, nous
le supportons ce modèle sectaire. C’est le conformisme obligatoire.
C’est l’obligation de se conformer à un modèle, l’obligation de réciter,
de complaire. Il faut bien reconnaître que la plupart des entreprises
fonctionnent comme des sectes où chacun doit en outre, non seulement
être compétitif, justifier son salaire mais approuver la hiérarchie et
partager cette idée dont les maçons sont en principe guéris, cette idée
qui se rattache à un vieux réflexe archaïque, cette idée selon laquelle
plus on monte dans la hiérarchie, plus on approche de la lumière. Mais
au R\E\A\A\
au moins, ça n’existe pas. Il y a longtemps qu’on est totalement libérés
de ce réflexe archaïque. Alors comme ça fait un peu rire, c’est qu’on
reconnaît qu’il y a encore quelques petits
« brochages » à faire, mais au moins, on le reconnaît de bonne
grâce. Et au moins, on ne se prend pas au sérieux. Et quand on ne se
prend pas au sérieux, on est prémunis contre la psychorigidité qui est
une pathologie grave et ainsi, c’est prometteur. Justement, ne pas se
prendre au sérieux, jouer des rôles, c’est justement ce à quoi nous
invite le rite. Jouer des rôles, nous confronter à des rôles, mais ne
pas nous identifier aux rôles, garder une certaine distanciation.
Lorsqu’on fait du théâtre, aussi bien les grands théoriciens du théâtre,
aussi bien Stanislas Guy que Brecht d’un
autre, reconnaissaient que, à l’expérience il ont trouvé ça, celui qui
s’identifie à son rôle est forcément mauvais. Il faut se regarder jouer,
s’examiner en train de jouer. Et même dans la vie profane, quand on a un
rôle à jouer, notamment un rôle responsable, un rôle de gestion, de
commandement, etc…si on croit que ça correspond à la réalité profonde de
l’être, on délire forcément, se distancier.
Dans la pratique
maçonnique, tous les rites répondent à une demande à la fois affective,
intellectuelle et spirituelle. Et cette demande associe la
reconnaissance, l’éclairage, et aussi l’aventure. Chacun demande à être
reconnu. Certains demandent en outre à comprendre et posent des
questions : pourquoi, d’où ça vient, comment ça se fait ? Parce que
lorsqu’on vient en maçonnerie, on n’est pas un récitant qui admet des
réponses, qui récite des réponses. L’équerre et le compas sont d’abord
les outils de la vérification. La plus ancienne définition de la Franc
Maçonnerie remonte aux manuscrits Cook et Regius où il est dit : « la
géométrie est la cinquième des sciences dite aussi Franc Maçonnerie ».
Et pourquoi la géométrie ? il y a une note de bas de page qui
dit : « même la grammaire, même la rhétorique ne tiendraient pas debout
sans la géométrie ». Ca a été occulté par beaucoup de commentateurs.
Parce qu’on ne comprend pas. Mais lorsqu’on ne comprend pas un texte, il
faut regarder le contexte. Et en fin de compte, le contexte est clair.
C’est l’enseignement, les modalités du savoir à l’époque. C’étaient les
modalités du savoir d’après le principe d’autorité dont il a été
question tout à l’heure. J’ai commencé mon exposé en en faisant état.
Tous les cours terminaient par la formule « Magister dixit », le maître
a parlé. Quand on voulait être médecin, on récitait par cœur ce qui
était considéré comme le dernier mot de la médecine puisque la vérité
était regardée comme déjà dite, déjà formalisée. Et cette vérité c’était
la théorie des humeurs de Galien et Hippocrate est celui qui l’avait
récitée comme il convient avait son bonnet de médecin. Comme il avait le
droit de saigner et de purger, comme il y avait des patients qui
survivaient, ça aurait pu durer jusqu’à nos jours.
Notre esprit contrôlait,
regardait la seule modalité du savoir qui ne peut pas se transmettre par
le principe d’autorité, c’est la géométrie. C’est pour ça que tous nos
enseignements, tous nos rites dans leur diversité prennent en compte la
géométrie.. Je ne peux pas dire que la somme des angles d’un triangle
est égale à un angle plat parce que c’est écrit dans les Saintes
Ecritures. Ou parce que ça fait plaisir à Monseigneur. Je suis contraint
de poursuivre mon propos en disant que vous ne le saurez qu’après avoir
vérifié avec vos outils, l’équerre et le compas qui sont les outils de
la vérification et aussi les symboles. Seulement les symboles ne nous
ouvrent pas les portes de vérités sublimes qui seraient dissimulées dans
les formes. C’est d’abord un raisonnement, des associations autour des
outils des bâtisseurs. Il faut rapprocher, je le fais au niveau de
l’esprit du maçon puisqu’il est bien question de cela dans cette
intervention, pourquoi nous pourrions avoir envie d’être maçon ?
Pourquoi au R\E\A\A\particulièrement ?
Quoi que je ne fasse aucune publicité particulière pour ce rite, tous
les rites se valent, chacun trouve son rite selon sa sensibilité. C’est
bien de les explorer un peu tous, simplement, comme il est question de
ce rite aujourd’hui, je parle de ce rite sans dire qu’il est supérieur
aux autres, il n’est pas question de ça. Mais il a sa spécificité et
c’est de ça qu’il s’agit. Mais pourquoi nous devenons francs maçons,
c’est parce que justement nous avons envie de vérifier, nous voulons
cesser d’être des récitants, nous voulons être des créatifs, devenir des
hommes libres et créatifs, créateurs. Nous nous autorisons l’erreur et
nous nous interdisons le mensonge. Nous autorisons l’errance qui est
absolument nécessaire. Nous nous imposons de jouer des rôles qui ne sont
pas toujours des rôles beaux à jouer, intéressants mais qui nous
permettent de nous révéler. Parmi ces rôles premiers relativement à la
révolte contre, au Moyen Age, du principe d’autorité, je chante la
gloire des dissecteurs. Qu’est ce que c’était un dissecteur ? C’est
celui qui transgressait le tabou de la mort. Transgresser le tabou de la
mort, imaginez vous au 13ème siècle, 14ème siècle,
ce que ça voulait dire transgresser le tabou de la mort. Déterrer un
cadavre, si vous étiez pris, vous vous en tiriez très bien si vous étiez
seulement pendu. C’était en plus de ça désagréable, le mort n’était pas
toujours très frais. A mettre dans la cave, à ouvrir avec les copains,
simplement pour regarder ce qu’il y a dedans ! La curiosité, démarche
prométhéenne et faustienne qui nous a valu le développement d’une
science à laquelle nous devons tant et que nous chantons. Mais lequel de
nous est capable de prendre de tels risques ? Aller à l’encontre de
l’opinion ? aller à l’encontre de ses propres intérêts ? Simplement par
curiosité ! La curiosité qui est la plus grande des vertus du maçon et
qui est considérée justement dans la théologie chrétienne comme un grand
vice, un grand péché puisque c’est celle, comme chacun sait qui a perdu
notre mère Eve. Par conséquent, il s’agit donc de vivifier la curiosité
en choisissant la voie maçonnique. Lorsque nous choisissons un rite,
nous examinons son ésotérisme, son occultisme, son discours. Et le rite
est un système organisé en degrés d’avancement, j’apprends rien, ça a
déjà été dit bien mieux que moi. Il a été défini par des occultistes et
aussi par des ésotéristes comme un espace de promotion. A chaque
passage, l’adepte serait de mieux en mieux qualifié et de plus en plus
instruit. Des vérités sublimes lui seraient révélées au fur et à mesure
de son avancement. Les occultistes regardent la vérité comme si elle
était déjà formalisée, analogue à une chose qui serait cachée dans un
texte ou dans une image. Les ésotéristes, par contre, admettent la
polysémie du symbole comme inépuisable. L’ésotérisme et l’occultisme se
réfèrent l’un et l’autre à ce qui est caché. L’un se dit depuis le grec,
l’autre depuis le latin, mais la démarche est essentiellement
différente. La traduction et les commentaires de Marsile Ficin et de ses
frères en Platon du Corpus Hermeticum ne sont pas du tout dogmatiques.
La théologie entre guillemets élaborée par l’académie platonicienne de
Florence de 1463 à 1499 ne se présente pas comme un catéchisme qui
emboîte des réponses et des questions de manière à ce que chaque
question n’aurait qu’une seule réponse recevable. Notre problème
aujourd’hui, c’est d’arriver à nous libérer des modes, des idéologies,
des représentations du monde religions ou idéologies politiques ou quoi
que ce soit qui justement emboîte des questions-réponses de manière à ce
qu’il n’y aurait qu’une seule réponse recevable pour chaque question Je
veux montrer dans cette intervention que la maçonnerie et les rôles
qu’elle nous invite à jouer pourrait nous aider à nous libérer de ce
réflexe d’imitation Parce que dans les grands magasins des prêts à
penser – prêts à porter, chacun choisit une représentation du monde qui
lui permet de se faire admettre dans un certain milieu, dans son clan,
dans sa famille et d‘obtenir des caresses du milieu dont il souhaite
justement de la reconnaissance. Pour cela, il faut faire un effort sur
soit même. Cette théologie platonicienne reprend à son compte la
tradition maçonnique elle même. La tradition maçonnique en général se
situe dans une tradition qui est fort ancienne qui situe le mal dans
l’ignorance, qui est aussi ancienne que la tradition opposée qui elle,
situe le mal dans la transgression. Depuis la plus haute antiquité, on
peut les opposer (sadducéens contre pharisiens, etc…) .
Nous associons, en
échangeant de la parole et en travaillant sur les symboles, l’intuition,
l’imagination, la logique, l’observation, la comparaison, l’expérience
et la critique, simplement pour examiner comment nous associons comment
nous metaphorisons. Il s’agit de relier le désir à nos réflexes, de
regarder ce qui est à comprendre. Dans l’histoire des idées et des
comportements en Europe au 15ème siècle, l’événement qui
marque un tournant vient d’un philosophe grec du nom de
Gordios Démistos Plétom auteur d’un
livre intitulé « des lois » dans lequel il proclame que tous les hommes
ont droit au bonheur. Au 18ème siècle un certain Saint Just a
dit que c’était une idée nouvelle en Europe, mais tout œuvre, tout dire
s’inscrit dans un cortège d’échos. Il faut toujours retrouver ce qui
précède. Il a dit aussi quelque chose qui nous intéresse directement :
« chaque religion est un morceau du miroir brisé d’Aphrodite ». Cette
parole est intéressante et est à étudier par les maçons car précisément,
elle relie le symbole à l’étude du désir. Pourquoi nous aimons telle
image et pourquoi nous aimons telle idée, et comment depuis ce constat
nous pouvons regarder comment nous réglons des choses, des problèmes,
comment nous parlons pour nous justifier, pour valoriser une image qui
hante notre imaginaire. Le R\E\A\A\
comme les autres rites d’ailleurs propose des jeux de rôle qui font
vivre des légendes. Et celles-ci brassent des faits historiques et des
traditions verbales. .La forme rituelle crée du sens qui à mesure qu’il
est expérimenté…..
…..d’étranges paysages
et s’éprouvent grâce à des histoires d’un passé réel et rêvé, réel ou
rêvé plus ou moins réel et toujours plus ou moins arrangé. La loge des
maîtres secrets propose une réflexion sur le travail de deuil grâce
auquel le maître devient l’artiste de son propre destin. Il s’engage
dans la quête de la parole perdue, c’est à dire le sens de la parole
substituée, il s’autorise justement l’errance et l’erreur mais
s’interdit le mensonge. Cette quête se construit depuis le constat que
depuis la mort de l’architecte, nous prenons conscience que nous ne
parlons que la langue de bois, une langue substituée. Prise de
conscience douloureuse. A partir de cette prise de conscience, nous
devons travailler sur le langage lui-même. Et puis on joue les rôles de
Stockin, Johaben, Zorobabel, différents
degrés dans des conditions différentes. Il a été dit tout à l’heure
qu’il est impossible d’avancer dans les 33 degrés en prenant son temps.
Bien sûr, on transmet certains degrés par communication, en sautant
certains. Mais il y a quand même une demande de les explorer. Il fut un
temps où on passait directement au 18ème à partir de la
maîtrise. Aujourd’hui il y a quand même des degrés intermédiaires et
dans ceux-ci, il y a d’autres degrés intermédiaires sur lesquels on
passe très vite. Il y a certains lieux, en Belgique je crois, où quand
on saute certains degrés, on joue une soirée à chacun des degrés qu’on a
sauté, on les étudie en profondeur. Nous pratiquons donc comme un yoga
mental pour regarder comment fonctionne le sens et comment nous
remontons d’une signification à la plénitude d’un sens comme nous
faisons avec la kabbale qui nous offre des formules, des mots qui
veulent dire des tas de choses et nous jouons avec ça pour proposer une
signification. C’est ce que Victor CHOLEN
appelait un yoga mental qui nous habitue à descendre de la plénitude du
sens dans une signification et à remonter simultanément de la
signification à la plénitude du sens. Ca procure quelques satisfactions,
ce n’est pas toujours ennuyeux. Pour ce qui concerne le projet de
chevalerie au 15ème degré, là où on manipule la truelle et
l’épée, là où depuis le projet de reconstruire le temple on établit la
devise « liberté de passer » qui a aussi été traduit par « liberté de
penser » à certains endroits. On devient alors notre emblème. On visite
ensuite l’alchimie. Puis nous jouons à Frédéric II de Prusse qui est un
personnage intéressant et ambivalent dans un décors sinistre mais
éclairé par le tétragramme. FrédéricII est un personnage clair obscur,
le despote éclairé. Les grandes constitutions du rite lui ont été
attribuées. Elles seraient datées du 1er mai 1781 et signées
par lui. Mais nous savons aujourd’hui que cela est faux. Mais ces textes
définissent néanmoins des règles et il en existe 2 versions, la 1ère
rédigée en français, la seconde en latin. Autour de ces deux versions il
y a eu toute une littérature abondante mais cette abondance ne nous
intéresse pas pour vérifier, je ne suis pas un historien, l’abondance
atteste l’intérêt qu’on lui porte et cet intérêt manifeste justement une
demande de repères. Cette demande a du sens relativement à une demande
d’affectivité de se blottir, parce qu’en fin de compte ce qu’il y a
derrière notre démarche, c’est notre désir de nous blottir dans un
groupe d’élus, face à des réprouvés, à des infidèles, à des inférieurs,
regardons le en face mais avec le sourire, avec bienveillance mais sans
complaisance. Comment nous avons envie de nous recroqueviller dans un
groupe qui saurait des choses que d’autres ne sauraient pas. Ce n’est
d’ailleurs pas par hasard que Frédéric II, contrairement à ce qu’on
croyait en France, ne se prenait pas au sérieux. Despote éclairé, il a
été le premier roi, quand il a pris le pouvoir en 1740 alors qu’on en
était aux guerres de religions aussi bien en France qu’en Angleterre,
qui a dit chez moi, tous les citoyens peuvent être heureux. Amenez moi
des athées, des mahométans, s’ils sont industrieux je leur construirai
des clubs et des temples. Ce qui n’était pas vraiment à la mode à
l’époque. Et puis, il a dit aussi « Jeder kann zelig sein », « chacun a
le droit d’être heureux » Dans mes états, chacun a le droit d’être
heureux, quelles que soient ses convictions. Dans la mesure évidemment,
où il paye ses impôts et ne se révolte pas contre le roi, ne cherche pas
à installer la république. Tout a des limites. En France notre formation
rationaliste nous a appris à regarder les personnages et les textes
d’une façon rationnelle : ou bien… ou bien. Ailleurs en Europe, on peut
dire et bien… et bien… Il a écrit des textes dignes d’un anarchiste. Il
a écrit un texte en français, car il ne parlait en allemand qu’à Dieu et
à son cheval, que je vais vous lire car il était un grand franc maçon,
fondateur de l’obédience des Trois Globes : « Mais du pouvoir des rois
connaissons l’origine, pensez vous qu’élevé par une main divine le
peuple, leur état leur aient été commis comme un troupeau stupide à
leurs ordres soumis, les crimes effrontés, l’artifice des traîtres
forcèrent les humains à se donner des maîtres ». Pour les français,
c’est un peu déconcertant que ça ait été écrit par un roi.
Il a joué des jeux de
rôle car dans l’Obédience des Trois Globes, on joue et dans les
obédiences allemandes, on joue. Dans les obédiences de Chevalerie du
Baron de HUND, la stricte observance templière, il y a également des
jeux de rôle complètement contradictoires. Et là, c’est surtout
l’apprentissage de la chevalerie, il en a été question tout à l’heure,
c’est quelque chose d’extraordinaire. Je terminerai là dessus, c’est
quand même nous libérer de ce triste état qui nous contraint à la
respectabilité. Le sens de l’honneur, « fais ce que doit, advienne que
pourra » que l’on apprend en maçonnerie et que l’on a du mal à vivre et
comme le frère qui m’a précédé, je ne prétend pas être à la hauteur de
ce merveilleux projet, mais néanmoins, c’est le sens de l’honneur, tout
simplement. Le sens de l’honneur nous dit sois juste. Fais ce que tu
dois pour te comporter comme un juste. Ne laisse pas passer une
injustice, interviens. Force la porte de quelqu’un si tu entends des
cris derrière cette porte. Vérifie ce qui se passe et ne regarde pas si
c’est nuisible à ta santé, nuisible à ta carrière ni si tu risques ta
vie. Alors que la respectabilité que nous enseignent le monde profane et
l’école, c’est tout à fait autre chose que l’on appelle pourtant
l’honneur. La respectabilité consiste à être habité par la question que
vont dire les voisins, que pense-t-on de moi, que pense-t-on de moi en
haut lieu, de quoi ai-je l’air ? Ces gens qui sont hantés par le souci
de la respectabilité sont à plaindre et ceux-là ne peuvent pas devenir
des nôtres.
Je vous remercie pour
votre attention.
Retour Haut
de page |
-
- Allocution de clôture du TPSG Alain
de Keghel
-
- Le brio, c’est prêter prématurément
des qualités que je ne me reconnais pas, mais je salue une nouvelle
fois vous tous mes amis et mes amies qui avez bien voulu vous
joindre à nous pour cet après midi de découverte, de redécouverte,
de réflexion, de rebondissement, de spéculation.
-
- Je salue Marseille, je salue les
sœurs et les frères de tous rites qui se sont réunis avec nous
aujourd’hui sur les rives de la Méditerranée pour partager cette
fête du bicentenaire.
-
- Oui, nous sommes en fête car nous
fêtons sous l’égide du Suprême Conseil, Grand Collège du R\E\A\A\
du Grand Orient de France le bicentenaire de la création par
Alexandre de GRASSE TILLY de la première juridiction écossaise des
hauts grades en Europe, précisément le 22 septembre 1804, et du
Concordat le 5 décembre de la même année établissant ce lien
durable, fragile, questionné et fondateur entre notre obédience et
la juridiction écossaise.
-
- Cette célébration a une portée plus
générale, nous l’avons entendu, découlant directement de ce lien.
C’est pourquoi d’ailleurs le Conseil de l’Ordre, dont je salue la
présence des représentants auprès de nous ici, a tenu à faire de
l’année 2004 aussi celle de l’année du R\E\A\A\
pour l’obédience du grand Orient de France.
-
- Mes remerciements vont aussi bien
sûr au comité d’organisation et en particulier à Francis Allouch qui
a joué un rôle déterminant pour le succès de cette journée. Ces
remerciements sont non seulement les miens, mais aussi ceux de tout
le Suprême Conseil parce que rien n’est évident en la matière.
Surtout compte tenu de la plage de temps qui avait été choisie. Ce
bicentenaire est une occasion exceptionnelle de réflexion
collective, ouverte, fraternelle, où n’est nullement absente la
notion de mouvement. Bien au contraire une réflexion qui ne se
limite pas aux ateliers du Grand Collège, je l’ai dit, mais qui
embrasse l’éventail de l’ensemble d’un corps maçonnique pluriel
auquel nous appartenons. Nous venons d’entendre comment nous en
sommes arrivés là, deux siècles plus tard, après bien des avatars.
Je remercie les historiens, remercions les ensemble, de leur
contribution essentielle, mais pas seulement les historiens, ceux
qui ont contribué a donner de l’âme à ce regard sur notre rite,
contribution essentielle à la juste appréciation des réalités.
L’histoire et les vicissitudes qu’elle a porté en elle sont source
d’enseignement plutôt que de glorification. Nous savons que les
épreuves existent et se répètent. Tirons en les enseignements de
sagesse mais aussi de force pour l’avenir. Ayons la modestie
collective de reconnaître une réalité têtue : l’homme et la femme
sont tout simplement perfectibles. Les institutions aussi,
d’ailleurs.
-
- Nous serions nous jamais engagés
dans cette voie exigeante de la Franc Maçonnerie si nous n’en avions
pas conscience ? L’histoire et la recherche, c’est aussi le terrain
sur lequel il est le plus aisé de se retrouver et de dialoguer au
delà des différences doctrinales qui existent, et qu’il serait vain
de taire, des options singulières à chacun des courants maçonniques
qui traversent également, nous l’avons entendu, ce que nous sommes
convenus néanmoins d’appeler par souci de simplification du
générique d’écossisme. Terminologie quelques peu simplificatrice
donc, retenue pour la facilité de l’énoncé même si nous devons
garder conscience de l’imperfection de ce choix de dénomination.
L’écossisme est donc pluriel. Il est l’une des dimensions de ce
cheminement choisi et voulu par certains au delà de la maîtrise. Il
est celui que nous avons retenu après avoir pour la plupart d’entre
nous été initiés et avoir cheminé jusqu’à la maîtrise au Rite
Groussier français au 1er degré, et au rite Français aux
2ème et 3ème degrés, pour être tout à fait
précis, tronc commun à la plupart des frères du grand Orient de
France dans les ateliers symboliques. Il est masculin,
historiquement, il est aussi féminin pour certains et certaines car
la société évolue et il est même parfois mixte comme en atteste la
présence de juridictions amies ayant fait ce choix. Réjouissons nous
de ce pluralisme divers plutôt que de nous en affliger. Cet
éclectisme doit nous enrichir. Nous voyons bien là aussi une des
manifestations écossaises de la liberté absolue de conscience qui
est au cœur même de notre démarche et de notre culture maçonnique
au Grand Orient de France au plus profond de notre conscience peut
être aussi pour la raison que j’indiquais il y a un instant. Au R\E\A\A\,
du Grand Orient de France, nous ne sommes pas « monorites », nous
avons une culture maçonnique ouverte sur la diversité. Le plus grand
dénominateur est au centre de notre cheminement. Car nous refusons
obstinément tout ce qui ressemble à l’exclusion, à l’enfermement
dans un rite, au sectarisme, au rejet de l’autre pour avoir recours
à une formule contemporaine un peu galvaudée : à la pensée unique.
-
- La présence ici du Grand Prieur du
Rite Ecossais Rectifié entouré de dignitaires que nous saluons avec
une profonde et sincère sincérité mon cher Philippe, est l‘un des
témoignages les plus éloquent de la volonté partagée de se
retrouver. Volonté de concorde fraternelle dans le respect des
différences, consignée dès le 27 juin 2003 dans un protocole
d’accord sur un code de bonne conduite énonçant un certain nombre de
principes élémentaires d’éthique et de comportement auquel tout
honnête maçon, écossais ou non, ne peut que souscrire. Ensemble et
les premiers, nous avons donc choisi la seule voie qui vaille en
maçonnerie, celle du respect profond, sincère, authentique de
l’autre dans sa différence, sans chercher à imposer quoi que ce
soit, nous venons d’ailleurs de nous accorder, aussi, sur des règles
de visites réciproques. Nous nous en réjouissons. Cet élan a
également été suivi assez rapidement par les rites de York….
- … il faut le souligner et
nous le faisons avec conviction et sincérité. Notre attitude ne peut
être équivoque. Nous nous réjouissons de constater qu’elle a
bénéficié aussi, et je le dis en présence des représentants du
Conseil de l’Ordre d’une forte adhésion de la part du Grand Maître.
En vous annonçant aujourd’hui que le 18 mai, le Suprême Conseil et
le Grand Chapitre Général du Rite Français viennent à leur tour de
signer un protocole et de définir des règles de visites, je ne puis
vous cacher combien nous voyons là un signe d’espoir qui marque
aussi une étape essentielle vers un retour à la concorde tant
appelée de nos vœux. Je salue chaleureusement les délégations
régionale et nationale du Grand Chapitre Général du Rite Français
qui sont venues se joindre fraternellement à nous aujourd’hui en
leur souhaitant une très cordiale
bienvenue. Je vous demande de bien vouloir transmettre à Jacques
Georges PLUMET mes fraternelles salutations. Les signes
encourageants que constituent la signature d’accords entre les deux
rites devront encore trouver leur concrétisation sur le terrain et
nous savons bien que ces textes n’entreront en vigueur pour le rite
français qu’après ratification par le prochain congrès des
Souverains Chapitres à la fin de l’été. Mais gageons qu’une fois
cette ratification acquise, les frères des deux rites sauront
bientôt se les approprier avec l’intelligence du cœur et surmonter
les vieux démons des années 90 et du début des années 2000. C’est à
l’aune des attitudes que nous jugerons les uns et les autres.
-
- La grande famille des Rites des
Hauts Grades du Grand Orient est donc en mouvement. Elle retrouve
ses esprits et aura su manifester la force de sa capacité au
dialogue et à la construction trop longuement lestée par les
préjugés, les préventions et pour certains par l’appétence de ce
qu’ils croient être le pouvoir. Ensemble, nous serons ainsi en
mesure de poursuivre l’œuvre de concorde authentique maçonnique et
fraternelle dans notre maison commune du Grand Orient de France qui
est avant tout notre temple commun riche de ses diversités.
Célébrons tous ensemble cette avancée chargée d’espoir et de
fraternité ici à Marseille en ce jour du bicentenaire.
-
- Puisque nous sommes sur les rives de
la Méditerranée, je souhaite aussi conclure ce colloque en insistant
tout autant sur l’importance capitale que revêt à nos yeux le
resserrement des liens maçonniques entre juridictions du pourtour
méditerranéen et de la façade sud de l’Europe. Au moment où l’Europe
civile, je le disais à l’instant en réponse à une question, où
l’Europe civile, sociale, économique et espérons aussi un jour
politique se construit, nous devons ensemble être capables de nous
faire entendre sans nous substituer aux obédiences. Chaque structure
doit être dans son rôle et rien que dans son rôle. Le nôtre, celui
du Suprême Conseil, est par nature philosophique, en amont de
l’action dans la cité. En cela aussi il nous distingue de celui, des
ateliers symboliques. Nous ne revendiquons, comme cela a été dit
précédemment, certainement aucune supériorité prétentieuse,
simplement l’élévation individuelle du frère. Et par la même
occasion, pourquoi pas aussi, l’amélioration de l’homme et donc de
la société ? Mais nous n’entendons point rester confinés à des
champs de réflexion purement ésotériques. En conduisant une
réflexion plus contemporaine et prospective, ensemble avec les
juridictions d’Italie, d’Espagne, du Portugal, de Grèce, de Turquie,
du Liban mais aussi avec celle des Balkans et d’Afrique qui viennent
se joindre à nous par des traités d’amitié et de coopération, mais
demain aussi, espérons le, bien d’autres encore, nous pouvons, sans
tomber dans le piège du registre temporel politique partisan,
apporter une contribution différente à une dimension autre.
-
- Aussi je renouvelle aujourd’hui
l’appel lancé à toutes et à tous le 29 novembre 2003 à Nice pour
qu’unis dans l’effort, nous puissions nous réunir nous rassembler
dans le cadre écossais pluriel et au delà dans une dynamique si
heureusement apparue à l’occasion, je le rappelais tout à l’heure,
de la célébration du 275ème anniversaire de la maçonnerie
française. Il y a là un élan prometteur qui eut relevé, il y a peu
de temps encore, de la plus pure utopie. Or vous constaterez avec
nous que cette utopie est devenue réalité à Lyon. Ce jour là tous
les courants maçonniques français étaient bien présents dans un même
élan. Tirons de cette élan une énergie nouvelle à laquelle chacun
puise pour un renouveau partagé. L’Europe méditerranéenne avec son
paysage maçonnique composite et contrasté, ne peut qu’y trouver son
compte. Aussi, avons nous amorcé, comme je l’indiquais en réponse à
une question, avec d’autres, une réflexion nouvelle sur les
initiatives à prendre. Nous avons déjà un cadre préexistant, celui
des rencontres écossaises internationales dont les dernières assises
se sont tenues à New York au mois de mai 2003, à l’invitation de la
juridiction noire américaine Oméga. Les prochaines auront lieu en
mai 2005, dans un an, à Genève. Et l’idée chemine et progresse de
saisir cette occasion pour mettre l’accent sur la dimension
européenne et méditerranéenne qui nous est commune en y associant
aussi les sœurs. Déjà nous avons mis collectivement en chantier un
projet de déclaration de Genève destiné à faire écho dans un
contexte de renouveau à celle de Lausanne de 1875, je ne fais pas
référence à Frédéric II, je pourrais le faire aussi bien, en y
incluant un code de bonne conduite écossais international. Il
pourrait y avoir là une première approche raisonnée et raisonnable
de cette thématique tout à fait contemporaine et qui attesterait de
la modernité de notre rite. Nous afficherions aussi notre ouverture
en associant à cette démarche tous les courants écossais y compris
ceux avec qui nous ne pouvons pas partager nos tenues. Déjà, nous
avons formulé la proposition de créer une société européenne de
recherche écossaise dont l’acronyme SEURE est déjà tout un
programme. Alors qu’il y a quelques jours seulement notre
juridiction et le Suprême Conseil d’Italie ont tenu une
importante réunion à Rome, nous avons conclu à la convergence des
politiques en convenant de projets portés ensemble. Chacun mesurera
donc le chemin parcouru et l’élan qui porte le courant écossais
alors que le Suprême Conseil d’Italie fêtera comme cela a été évoqué
tout à l’heure son bicentenaire en 2005 et que nous l’accompagnerons
bien entendu.
-
- En esquissant le panorama écossais
international il nous paraît opportun de regarder le chemin parcouru
depuis 10 ans. Nous n’avons aucune raison de fausse honte, d’options
retenues par nous, par ceux qui nous ont précédé et qui ont infléchi
le cours de l’histoire de notre Suprême Conseil dans notre contexte
maçonnique, socio-politique, culturel français, latin et européen.
Notre juridiction, ses responsables comme les quelques 7000 frères
qui la composent s’identifient au plus profond d’eux mêmes aux
valeurs fondatrices du Grand Orient de France, fédération de loges
libres ayant aussi le libre choix de leur rite. Et ce n’est pas en
faisant des concessions ni en faisant preuve de faiblesse encore
moins en se livrant à de mauvais compromis que nous eussions
contribué à la clarté du débat. Cette ligne de conduite exigeante
est plus que jamais à l’ordre du jour. Si nous croyons
fondamentalement aux vertus du débat respectueux des autres, nous ne
quémandons rien, nous proposons et nous suggérons. Nous sommes tels
que nous sommes et essentiellement avant tout des frères du Grand
Orient de France ancrés dans une identité et une tradition du plus
grand dénominateur commun comme je l’ai dit en introduction. Nous le
disons et le revendiquons sans prétention. Mais c’est une
affirmation identitaire qui compte pour nous et qui doit être
connue. Pour autant, me paraissait-il tomber sous le sens que rien
n’était plus naturel ni souhaitable que le dialogue entre frères
appartenant à courants maçonniques ayant retenu d’autres options que
nous, tant à l’international qu’au sein du grand ensemble auquel
nous appartenons. Des passerelles s’établissent là où les ponts
paraissaient irrémédiablement coupés, alors que chacun campait sur
sa doctrine et ses certitudes.
-
- Ces temps paraissent révolus ou en
voie de l’être. C’est notre espoir. Gageons que 2004, année du
bicentenaire du R\E\A\A\des
hauts grades sera l’occasion de nous inscrire dans le prolongement
écossais de ce qui a si bien réussi comme je le disais tout à
l’heure à Lyon l’année dernière. Et l’échange fécond, c’est bien
connu, est source d’enrichissement, d’évolution et de progrès. Nous
l’avons bien vu dans le monde profane au travers des effets du
processus d’Helsinki. En revanche, ainsi que nous avons déjà eu
l’occasion de l’affirmer, il ne peut, il n’y aura pas de Yalta
maçonnique. Mes chères sœurs, mes chers frères, chers amis, avec nos
volontés réunies, attaquons nous à ce chantier, tous et toutes
ensemble et par delà nos options particulières. Sans être parjures,
puisque nous avons prêté serment, mais nous avons souscrit des
engagements maçonniques tous également respectables. Ayons ensemble
cette volonté partagée. Vous aurez compris, mes chères sœurs, mes
chers frères, que nous entendons vous faire partager notre optimisme
et faire en sorte que l’adhésion à cet élan commun soit la plus
forte. Le R\E\A\A\est
effectivement un facteur de progrès car il est un élément essentiel
de l’ouverture et du dialogue international au delà des options
dogmatiques singulières avec un effet de miroir dans notre propre
paysage maçonnique français et européen.
-
- Alors ici, à Marseille, au moment où
nous allons nous quitter, nous sommes heureux de partager avec vous
toutes et vous tous cet espoir maçonnique d’universalisme qui est
bien à notre portée. Il l’est chez nous, il l’est par delà les
frontières, si ensemble nous en avons la volonté. N’en doutez pas un
instant en ce qui nous concerne. Et partagez avec nous cet élan du
bicentenaire dont nous sentons le souffle. Je vous donne donc
rendez-vous au grand colloque international du bicentenaire qui se
tiendra rue Cadet, dans le temple Arthur Groussier le 31 août
prochain. Venez y nombreux, nous vous y accueillerons à bras
ouverts, sans discrimination d’aucune sorte, pour prolonger cette
fête du bicentenaire de Marseille. Si vous voulez garder une trace
écrite de notre bicentenaire, vous aurez l’ occasion, soit ici, soit
à Paris, de faire l’acquisition de l’ouvrage auquel, je le souligne,
l’aréopage Source a pris une part essentielle et considérable à
laquelle je voudrais rendre hommage en conclusion en remerciant
notre frère HYVERT MESSECA et notre frère DARS qui tous deux
appartiennent à Source. Je crois que c’est une page d’histoire qui a
été écrite, qui nous est enviée par beaucoup d’autres instances dans
le milieu écossais au point que j’ai reçu hier un message des États
Unis avec un projet d’édition de cet ouvrage en anglais par un
éditeur américain. Je vous remercie de votre attention et bon
week-end pour ce qu’il en reste.
- Retour
Haut de page
|
|