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Colloques du Bicentenaire

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Colloque 

bi-centenaire

à

Marseille

Le thème du colloque était: "Origine, Essor, Développement du REAA". 

Allocution du SGM lue par le TCF Gérard_Papallardo

René Bianco : "la_Mère_Loge_Écossaise_de_Marseille"

Christian Gras : "les_Origines_de_limplantation_du_REAA_en_France"

Yves Hivert-Messeca : "Essor_et_développement_du_REAA"

René Dars : "Qu'apporte _donc_ le_R\E\A\A\_aux_Francs-maçons_des_divers_grades"_  

Daniel Beresniak : "les_Perspectives_d'Avenir_du_REAA"

Allocution_de_clôture_du_TPSG_Alain_de_Keghel

 

 

Francis Allouch :

Je voudrais souhaiter la bienvenue à toutes les personnalités qui nous ont rejointes.

Tout d’abord à Gérard Papallardo, Conseiller de l’Ordre Délégué Général du Grand Orient de France et qui représente ici le Grand Maître du Grand Orient de France Bernard Brandmeyer. Il est accompagné de Georges Chatzopoulos, lui même Conseiller de l’Ordre, de Gilles Sana venu de bien loin, et de Jean-Claude Loreau. Merci mes Frères de cette grande délégation du Conseil de l’Ordre.

Je salue  les représentants du Droit Humain. Ma grande amie, Camille Giudicelli nous a demandé d’excuser son absence mais nous a assuré de la présence de nombreuses Sœurs et de nombreux Frères de cette Obédience.

Je salue également : Anne-Marie Cubris, Conseillère Fédérale de la Grande Loge Féminine de France, venue de Montpellier ; Bernadette Capello qui représente le Sérénissime Grand Maître Général Claude Guillaut Darche ; Michel André, Très Puissant Souverain Grand Commandeur de la Grande Loge Mixte de France accompagné de sa sœur et épouse Raymonde André ; Christian Morisot représentant Brahim Drissi du Rite Memphis Misraïm ;

La délégation du Rite Ecossais Rectifié menée par Philippe Raffin, Grand Prieur du Grand Prieuré Indépendant de France ;

L’importante délégation du Rite Français du Grand Orient de France en la personne des frères et en plus amis,  Pierre Lambicchi et Gérard Montauban qui lui aussi vient de loin. 

Avant de débuter ce colloque, je remercie tous les intervenants qui, pour la plupart  viennent d’Orients éloignés et que je vous présenterai au fur et à mesure de leurs interventions.

Je donne la parole à Gérard Papallardo pour qu’il nous lise le message du Grand Maître Bernard Brandmeyer.

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Gérard Papallardo :

Très Illustre Frère Jean-Claude Loreau Grand officier du Grand Orient de France, Très Illustre Frère Georges Chatzopoulos, du Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France chargé des dossiers spéciaux, Très illustre Frère Gilles Sana du Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France, Très illustre Frère Philippe Raffin, Grand Prieur du Grand Prieuré Indépendant de France, Très illustre Frère Michel André, Très Puissant Souverain Grand Commandeur de la Grande Loge Mixte de France, Très illustre Frère Pierre Lambicchi du Grand Chapitre Général du Grand Orient de France, Bien Aimé Frère Francis Allouch Grand Maître des Cérémonie du Suprême Conseil qui a fait un travail remarquable ce soir pour nous mobiliser et nous inciter à être présents, Bien Aimé Frère  Alain de Keghel, Très Puissant Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil du R\E\A\A\du Grand Orient de France, Bien Aimés Frères du Suprême Conseil du R\E\A\A\ du Grand Orient de France, vous tous mes bien aimées Sœurs et bien aimés Frères, Mesdames, Messieurs, Chers amis.

 

Le Grand Maître tenu par les obligations de sa charge m’a demandé de le représenter. Nous sommes réunis en ce lieu pour fêter l’anniversaire d’un éminent membre de la famille du Grand Orient de France. Le Suprême Conseil du R\E\A\A\a donc 200 ans cette année. Pendant ces deux siècles, les histoires du Grand Orient et du Suprême Conseil ont été intimement liées. De Roëttiers de Montaleau  Grand Vénérable du Grand Chapitre Général à Arthur Groussier en passant par Frédéric Desmonds ,  tous ceux qui ont fait le Grand Orient de France se sont honorés de pratiquer les grades du R\E\A\A\ au delà de la maîtrise et  beaucoup ont même été membres du Suprême Conseil. Cet anniversaire est marqué par de nombreux évènements. Livres, colloques, qui montrent le dynamisme de notre juridiction écossaise. On ne saurait nous reprocher de  profiter des feux de la fête mais il ne faut pas s’y tromper. Réfléchir sur ces deux siècles de Rite Ecossais, c’est aussi s’interroger sur son identité. Et ces questionnements constituent en soi une démarche initiatique.

 

Berceau de la Mère Loge écossaise, Marseille avait à plus d’un titre à accueillir ce grand colloque du bicentenaire du Rite Ecossais. L’écossisme y est attesté dès les années 1750 et rayonnera à partir de la cité phocéenne dans tout le sud de la France et sur le pourtour de la Méditerranée. En 1804, le Grand Maître de la Mère Loge viendra soutenir à Paris la création du Suprême Conseil. Mais Marseille, c’est aussi pour nous Français, la porte de l’Orient. Cet Orient qui du temple de Salomon aux croisades est le cadre de tant de nos mythes fondateurs. A cet effet je voudrais juste vous faire une parenthèse pour vous dire que ce jour, 22 mai, c’est aussi le jour anniversaire  de Gérard de Nerval.

 

Si 1804 marque la création de la structure Suprême Conseil, l’écossisme au Grand Orient de France remonte au cœur même du siècle des Lumières. Notre Suprême Conseil est, tant sur le plan de l’organisation que sur celui du patrimoine symbolique de l’écossisme l’hériter direct du Grand Conseil de la première Grande Loge de France celui-là même qui délivra la patente Maurin, premier document qui fonde la légitimité du R\E\A\A\.

 

1801 marque moins, il faut le redire, la naissance du rite que sa dernière mise en forme. Pour l’essentiel, le système qui se réorganise à Paris en 1804 est celui qui s’y pratiquait déjà en 1761. L’apport de Charleston en 1801 consiste en l’ajout de quelques grades et en la mise en place d’une structure particulière, l’un des premiers témoignages de l’efficacité américaine en matière d’organisation. Une particularité remarquable du Grand Orient de France est de mettre à la disposition du maître maçon qui veut poursuivre son chemin dans les ateliers de perfectionnement un exceptionnel patrimoine maçonnique. Suprême Conseil du Rite Ecossais, Grand Chapitre du Rite Français, Grand Prieuré du Régime Rectifié, Grand Ordre Egyptien, Suprême Grand Chapitre de la Marque et de l’Arc Royal, notre obédience offre donc cinq voies de perfectionnement aux frères Maîtres. 

 

Fidèle à l’esprit de l’écossisme du 18° siècle et aux usages de nombreux Suprêmes Conseils de par le monde, le Grand Collège du R\E\A\A\ ouvre donc ses ateliers à tous les maîtres maçons du Grand Orient de France quel que soit le rite pratiqué dans les grades symboliques. Tous les frères du Grand Orient sont concernés par le bicentenaire du Suprême Conseil. De même, nous avons chacun le devoir de nous intéresser aux autres ateliers de perfectionnement, un devoir de culture maçonnique en quelque sorte. Dans ce domaine comme dans d’autres, la connaissance permet de dissiper des malentendus dont la principale cause est souvent la méconnaissance ou l’ignorance des uns ou des autres. Le R\E\A\A\ est le système de grades de perfection le plus largement implanté. C’est une constatation. De l’Australie à la Finlande en passant par les Etats Unis, chacun peut poursuivre en toute humilité son cheminement maçonnique au R\E\A\A\. Vous êtes donc pour le Grand Orient de France l’un des vecteurs d’universalisme. Par ailleurs, au sein même du R\E\A\A\dans un univers maçonnique toujours sensible aux traditions, votre rayonnement s’inscrit largement dans les frontières classiques des relations maçonniques internationales.

 

Dans la tradition maçonnique française dont le Grand Orient de France s’honore d’être le gardien et le conservateur, les ateliers de perfectionnement de tous les rites sont un prolongement naturel de la maçonnerie symbolique. L’idée que les grades de perfection seraient quelque chose d’à part est récente. Et il faut bien dire qu’historiquement, ce ne fut pas toujours le cas. Le corpus philosophique et symbolique des grades de perfection du R\E\A\A\ si complémentaire de celui du métier, enrichit le vécu maçonnique de beaucoup d’entre nous. Vous proposez avec d’autres à nos frères après quelques années de travail assidu en loge, un autre type de réflexion. Ainsi, vous renouvelez leurs perspectives et contribuez avec d’autres à la vitalité de l’obédience.

 

Au nom de tous les frères du Grand Orient de France, je vous souhaite, je nous souhaite donc un fécond et chaleureux 200ème anniversaire, et je suis particulièrement heureux d’ouvrir les travaux de ce grand colloque de Marseille. Merci Mesdames, merci Messieurs, merci mes Frères.

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René Bianco :

la Mère Loge Écossaise de Marseille.

 

Mesdames, Messieurs, mes Sœurs, mes Frères, bien entendu je me réjouis d’être parmi vous . Il m’incombe de vous dire que ce n’est pas par impatience que nous commémorons aujourd’hui 22 mai le bicentenaire de la création d’une structure qui ne s’est constituée, vous le savez tous, qu’en septembre-octobre 1804. On sait aujourd’hui, Renaissance Traditionnelle en a publié un document important, que la première séance plénière est datée du 1er décembre 1804. En bonne logique on aurait dû attendre encore un pour que cette célébration soit rigoureusement exacte du point de vue de l’histoire. Ne croyez pas que c’est par impatience que nous brûlons les étapes et que nous le faisons avec quelques semaines d’avance. C’est simplement pour des contingences et des obligations de calendrier.

 

Quoi qu’il en soit et puisque je dis quelques mots du Suprême Conseil dont on va reparler, on parlera de l’écossisme et du Rite Ecossais en particulier. Je voudrais vous rappeler que le premier Grand Commandeur, le Comte de Grasse Tilly était d’origine provençale, ce qu’on oublie assez souvent. Lorsqu’il a été désigné comme Grand Commandeur, ça ne s’est pas passé si facilement, bien que le Grand Architecte se soit penché, paraît-il sur la création de ce 1er Suprême Conseil continental. Il y a eu par la suite un certain nombre de soubresauts que vous devez connaître. Ce n’est pas le lieu ici de l’exposer mais il serait malhonnête de le taire. Assez souvent, dans l’histoire de la maçonnerie, on s’aperçoit que la fraternité n’est, pour certains maçons, qu’un sujet d’éloquence. Rappelons seulement que ce Suprême Conseil se crée en 1804, qu’assez rapidement le 1er Grand Commandeur est remplacé par un frère éminent qui sera en même temps Grand Maître Adjoint du Grand Orient de France. Tout cela va se scinder en plusieurs factions, qu’on ne sera plus d’accord, qu’on va s’injurier, ce qui arrive et est regrettable. Cette histoire est un peu compliquée. Bien entendu, avant d’en arriver là, il a fallu qu’il se passe quelque chose. C’est pourquoi nous allons parler de la Mère Loge Ecossaise de Marseille comme étant un des petits ruisseaux qui ont alimenté cette création. Je crois qu’il faut faire un petit effort pour se replacer dans une période, si c’est possible, au cours de laquelle il y a eu un véritable bouillonnement maçonnique. Ce qu’on a appelé les hauts grades ou les grades complémentaires, semble apparaître simultanément avec ce qu’on appelle couramment la maçonnerie bleue.

On a un certain nombre de textes qui montrent que certains grades complémentaires plus élevés que celui de la maîtrise existaient dès le début. Ceci explique peut-être que dans un certain nombre d’orients, des foyers se sont constitués et se sont développés de manière autonome. Ceux-ci étaient des foyers écossais. Ragon qui n’aimait pas trop les écossais les appelait les foyers de discorde. En attendant, ils ont donné naissance à de nombreuses Mères Loges Ecossaises dans le royaume tout entier au point que dans son ouvrage sur le rite de perfection, Claude Guerillot parle de déferlement d’une vague écossaise. Imaginez cette période au cours de laquelle un très grand nombre de frères s’interroge sur le sens qu’il faut donner à la légende d’Hiram qui s’est récemment imposée partout, qui essaye d’en trouver des compléments, inventant et changeant des rituels, les recopiant, se faisant donner des degrés divers à droite et à gauche. Il y avait un appétit, une attirance, un intérêt majeur pour toute cette réflexion. A l’époque, un très grand nombre de maçons zélés collectionnaient ces divers cahiers des grades successifs qui se développent ici et là, je pense notamment à la collection Willermoz qui est impressionnante mais il n’était pas le seul. Partout, ce qui distingue ces loges écossaises des autres ateliers ordinaires, c’est qu’en premier lieu elles pratiquent des degrés complémentaires à ceux de la maîtrise. En deuxième caractéristique, il faut faire ressortir que ces loges écossaises, contrairement aux autres, soumettent tous leurs officiers à élection annuelle, y compris le Vénérable. Cela paraît tout à fait naturel aujourd’hui, mais  à l’époque non, car dans les autres loges, les ateliers n’avaient pas de véritable identité. Ils étaient purement et simplement la propriété de leurs Vénérables Maîtres. Dans notre cité phocéenne va apparaître aussi un certain nombre de gens qui se préoccupent de maçonnerie et c’est l’histoire de cette loge de Saint Jean d’Ecosse que je vais essayer de retracer rapidement devant vous.

Concernant les premiers maçons de Marseille, il faut d’abord vous dire que Saint Jean d’Ecosse n’est pas la première loge créée à Marseille. Il est question de maçonnerie dans notre ville dès 1737. Mais on manque de précision sur ces tout premiers maçons. Ensuite, une loge se constitue vers 1740-1741 au grand dam de Monseigneur l’archevêque de Marseille, celui-là même qui s’est héroïquement distingué lors de la célèbre peste de 1720, lequel fulmine dans un mandement épiscopal au tout début de l’année 1742. Je cite ses propos : «.. cette association où sont indifféremment reçus des gens de toutes nations, de toutes religions et de tous états parmi lesquels ensuite une union intime qui se démontre en faveur de tout étranger et de tout inconnu dès lors que par quelques signes concertés il a fait connaître qu’il est membre de cette mystérieuse société… » Il ira même encore plus loin en dénonçant les agissements des francs maçons marseillais et en s’adressant directement au roi. Mais cette nouvelle intervention n’eut pas un grand succès et son espoir de voir les autorités mettre un terme aux activités maçonniques sera déçu. Il le déplore amèrement dans un second mandement du 3 février 1748 dans lequel il déclare : « nous voyons avec étonnement le nombre des francs maçons augmenter dans cette ville. En 1748, quatre loges sont déjà placées dans différents quartiers. Plusieurs personnalités s’y font recevoir. » Deux ans plus tard dans un courrier officiel adressé par le comte de Saint Florentin à l’intendant de Provence, on apprend que les maçons de Marseille sont même en marché d’une maison où ils se proposent de tenir une loge (c’est à dire qu’ils sont en pourparlers pour acheter un local). Il y a donc incontestablement à ce moment-là un progrès majeur : on va disposer d’un temple permanent, on aura pignon sur rue.

Quelle est l’origine de Saint Jean d’Ecosse ?

 Puisque c’est à elle que nous nous intéressons, nous allons essayer de le voir. Il y a un certain brouillard autour de cette naissance. Il faut regarder que la tradition constante de l’atelier la faisait remonter à octobre 1751. Saint Jean d’Ecosse fondait cette prétention sur deux documents : le premier était un pouvoir en langue anglaise délivré par un gentilhomme écossais soit disant par la grande Loge d’Edimbourg, ce gentilhomme avait le droit de créer en France un certains nombre de Loges.

Il s’appelait de Valmont, de Valuon, on ne sait pas trop, l’orthographe est imprécise. Quoi qu’il en soit, il créé une loge et a transmis ce pourvoir à un frère de Saint Jean d’Ecosse qui s’appelait Alexandre Routier, lequel a à son tour va le redonner à la loge dont il faisait partie. On a beaucoup glosé sur ces documents en disant que c’était certainement des faux, qu’on n’avait pas vu les originaux. Ce n’était pas la première fois que, dans l’histoire de la maçonnerie, on s’interroge sur l’existence ou l’inexistence, l’authenticité ou l’inauthenticité de documents de cet ordre qui ont joué un très grand rôle dans l’histoire de la maçonnerie, qu’on avait mis en doute pour s’apercevoir qu’ils existaient bel et bien. Même si ces documents étaient faux, on ne peut pas mettre en doute la sincérité des frères de Saint Jean d’Ecosse de l’époque et le travail qu’ils ont accompli, mérite à lui seul, qu’on ait un petit souvenir pour eux.

Quelle était cette maçonnerie pratiquée par une loge qui se réunissait probablement en premier lieu dans un immeuble de la rue Pierre Qui Rage, rue qui a disparu aujourd’hui ?  Le nom français n’évoque rien mais en provençal il signifie la Pierre qui coule, qui avait une fontaine. Cette rue détruite se trouvait approximativement à l’endroit même où nous nous trouvons, en plein milieu de cet espace qu’on appelle place de la Bourse. Peut être que sous nos pieds s’agitent encore ce qui reste des fantômes de cette époque.

Ensuite, un second temple, paraît-il, aurait été utilisé du coté de la porte d’Aix, au début du chemin conduisant vers le quartier Saint Charles. Par la suite, le temple de la Mère Loge sera aménagé dans un autre endroit dont je dirai un mot tout à l’heure, puisque nous sommes à Marseille, dont il faut se souvenir.

Quelle était cette maçonnerie de Saint Jean d’Ecosse, maçonnerie écossaise avant la lettre ? Il semble acquit que Saint Jean pratiquait dès son origine un système en sept grades. Au delà des degrés symboliques d’apprenti, compagnon, maître, il y avait maître parfait, maître élu, écossais et chevalier d’Orient. Une coupure d’un à deux ans était semble-t-il observée après la maîtrise avant d’attaquer le grade de maître parfait. Dans des règlements rédigés par la suite en 1779, on a ramené les délais à 7 à 9 mois entre chacun de ces degrés. Bien entendu, comme aujourd’hui, les frères qui étaient promus à ces divers degrés étaient tenus de s’acheter les cordons, décors, les bijoux : cela représentait une dépense assez conséquente, comme aujourd’hui. On sait que dans les années suivantes, un huitième degré est apparu, celui de Rose Croix. On en a la certitude en 1801 car un document dit à ce moment là : « 15 frères de la loge sont porteurs de ce degré ». Malheureusement, le document ne nous explique pas quelle est la transmission, par quel canal les frères l’ont reçu. Quoi qu’il en soit, assez rapidement, ils vont constituer un Souverain Chapitre Rose Croix, probablement avant la date de 1801 que je viens de vous donner car des archives privées citées dans le travail d’Edmond Mazet publié dans la revue « les Cahiers de Villard de Honnecourt » font allusion à une lettre de 1751 qui déclare que le Chapitre d’Avignon possède ses lumières du Chapitre de Marseille….

… Ces grades ont été au nombre de 7 puis de 8. On est loin du compte de ces 18 degrés dont parle Ragon dans « l’orthodoxie maçonnique ». Mais, lorsqu’on a consulté l’ouvrage en question,  on est tellement habitué aux fantaisies de Ragon qu’on ne s’étonnera pas devant ce nombre.

Pendant les 10 premières années de son existence, Saint Jean d’Ecosse semble s’être développée sans heurts, sans que rien ne soit digne d’intérêt ou sans qu’on soit obligé de le signaler. Mais les choses vont changer à partir du moment où Alexandre Routier cède à l’atelier dont il est membre les pouvoirs qu’il détenait du gentilhomme écossais du nom de De Valmont . Cette cession date du 17 mai 1762 et dès lors, la loge prend le titre de Mère Loge Ecossaise de Marseille. Elle va aussitôt constituer de nombreuses loges filles en Provence d’abord, mais aussi en profitant de sa situation géographique, dans le Levant et dans les Colonies. C’est ainsi qu’en 1765, elle a déjà 6 filles qui reçoivent évidemment des statuts et règlements écossais, qui portent toutes le titre distinctif de Saint Jean d’Ecosse suivi ou non d’un nom particulier. Ces 6 premières filles sont celles de Nîmes, d’Aix, de Palerme, de Beaucaire, de Malte et de Saint Pierre de la Martinique où la mère Loge écossaise va redonner des constitutions à une loge qui existait déjà, elle va la conforter et ce qui est remarquable, c’est de voir que c’est par essaimage de cette loge et d’une loge de Saint Domingue que la maçonnerie écossaise de Saint Jean va être introduite en Louisiane où une première loge sera fondée directement dans le droit fil de celle de Marseille. Puis viennent Martigues, Salon, Constantinople, qui est alors la capitale de l’empire ottoman, Smyrne qui est le centre névralgique de tout le commerce avec le Moyen Orient, une deuxième loge à Aix, puis Avignon où elle constitue en 1766 la loge Saint Jean de la Vertu Persécutée qui va se montrer assez indépendante pour se transformer à son tour plus tard en Grande Loge Ecossaise du Comtat Venaissin. Il faut dire que la loge d’Avignon se considérait comme territoire indépendant, ce n’était pas la France à ce moment là et ils se sont dit qu’après tout, ils pouvaient très bien constituer une Mère Loge.

Saint Jean d’Ecosse à l’Orient de Marseille donne également en 1770 des constitutions à la loge parisienne de Saint Lazare qui deviendra Saint Jean d’Ecosse du Contrat Social, celle-là même où Alexandre Auguste de Grasse Tilly sera reçu et qui jouera plus tard un rôle essentiel dans l’évolution progressive de l’écossisme. C’est ainsi qu’à la veille de la révolution française une trentaine de loges sont affiliées à la Mère Loge écossaise qui compte sur ses états 207 membres, à peu près le tiers de l’effectif total des maçons marseillais. Quand on regarde de près le tableau de la Loge en 1784, je vous rappelle qu’il est disponible à la bibliothèque nationale, on s’aperçoit qu’il y a un très grand nombre de négociants. Ils sont 108 auxquels s’ajoutent 14 capitaines de navires, navires qui étaient utiles pour le négoce, 12 courtiers de commerce, 3 fonctionnaires de la chambre de commerce. C’est dire si le négoce jouait un rôle capital dans la Loge. En même temps, quand on regarde les noms  de ces négociants, on s’aperçoit qu’il y a un très fort noyau de protestants ce qui semblait ne gêner personne, même pas les prêtres, car il y en avait 2 au moins, et qu’ils étaient piliers de la loge. Quand on fait du commerce, on peut passer sur bien des choses. Remarquons aussi au passage qu’il n’y a aucun artisan dans cette loge. Saint Jean, à ce moment là, a choisi une orientation un peu élitiste. Ce n’est pas le fait qu’elle soit écossaise qui la rend élitiste. La loge bien entendu entretient des relations suivies avec un grand nombre d’ateliers dans des orients proches comme Toulon, Sète, Montpellier, ou plus éloignés, Toulouse, Bordeaux, Limoges, Nantes, Rouen, Lyon, Strasbourg. Je vous signale que ce que je suis en train de vous dire est appuyé sur un certain nombre de notes. Je vous cite par exemple au sujet de Toulon les travaux de mon collègue Hivert-Messecca qui va parler après moi et je donne toutes les références utiles pour ceux qui souhaitent vérifier mes propos ou continuer ce travail de recherche. La Mère Loge Ecossaise de Marseille est donc à l’évidence à ce moment là un foyer maçonnique extrêmement actif qui répand son écossisme partout où cela est possible sans aucun esprit de lucre cependant, car ce qui va vous étonner, c’est que la Mère Loge ne faisait pas payer les patentes qu’elle distribuait à ses loges filles. C’est peut être pour cela qu’elle en a eu autant, je ne pense pas que cela ait eu une très grande influence. Elle de cherchait pas à faire du bénéfice. Au contraire, elle envoyait ensuite des délégués aider et assister ces loges filles. Les liens étaient vraiment très étroits. C’est ainsi qu’au début de 1794, la loge vit sa vie, crée des loges filles, mais va être emportée par la tourmente révolutionnaire.

A Marseille en particulier, en 1794, au tout début, 5 frères de la loge et non des moindres puisqu’il y a deux anciens Vénérables qui sont dans le lot, vont être exécutés purement et simplement. Celui qui avait aménagé le temple de la Mère Loge va se noyer en mer en fuyant, une bonne quinzaine d’autres vont être obligés de partir et de se terrer pour sauver leurs vies. Il est compréhensible que dans ces circonstances là, la loge se soit mise un temps en sommeil. Pendant ces années révolutionnaires, il semblerait que les travaux aient continué clandestinement mais aucun document ne peut permettre de trancher, on se bornera à se poser la question.

Quoi qu’il en soit, la loge reprendra ses travaux avec force et vigueur en mars 1801 sous l’impulsion de son nouveau vénérable François Balthazar Julien de Madon et elle devient alors Mère Loge Ecossaise de France. Elle fonde aussitôt 9 Loges Filles en plus de celles qui étaient déjà connues, 9 loges éparpillées dans le monde comme je vous l’ai expliqué précédemment. Puis, petit à petit, on s’aperçoit qu’un changement s’est opéré dans le recrutement de la loge. Beaucoup de frères sont partis, beaucoup de frères sont présents sur le tableau mais pas aux tenues. Bref, il faut renouveler les effectifs mais on est en pleine période du blocus continental, où le commerce marseillais est complètement ruiné. Alors, on va changer. Ce ne seront plus les négociants qui seront en majorité dans la loge mais se seront les hauts fonctionnaires, les intellectuels, en particulier tous les cadres de l’empire sur le plan de la ville et du département. Enfin, c’est sous l’impulsion du frère Thibaudeau qu’en 1809 la loge va avoir à nouveau un certain éclat. Et ce Thibaudeau était le préfet impérial des Bouches du Rhône. Evidemment il était assisté par un autre frère qui était secrétaire général de la préfecture, Joseph de Girard, il y a le maire de Marseille devenu Baron d’Antoine de Saint Joseph, le frère Jean Bruniquel, président du Conseil Général, le receveur général du département, le directeur des contributions, le commissaire général de police, bref tout ce que la ville et le département comptent de personnalités importantes se retrouvent pratiquement à Saint Jean d’Ecosse à ce moment là, y compris l’amiral Henri Joseph Antoine Ganteaume qui commande l’escadre de la Méditerranée. Entre parenthèses, c’est lui qui recevra la démission de Thibaudeau lorsque l’empire s’effondrera et que les relations fraternelles permettent parfois de sauver un certain nombre de gens parce que Thibaudeau n’était pas trop aimé à Marseille.

Bref, c’est l’apogée de la loge qui compte alors 400 membres. Ne croyez pas cependant que ce nombre signifie qu’il y avait un certain laxisme dans le recrutement de la loge. Saint Jean d’Ecosse s’est toujours efforcée de pratiquer un certain élitisme, de faire très attention à qui elle recrutait et dans une excellente étude de Pierre-Yves Beaurepaire, un passage est assez clair. Cette étude est parue dans la revue d’histoire qui est une revue prestigieuse. Voici  ce qu’il dit : « A Saint Jean d’Ecosse, au contraire (au contraire de ce qui se pratiquait dans les autres loges de l’orient) une élite s’est constituée et exprime parfaitement sa cohésion sans que pour autant ses composantes renient leurs spécificités. La différence y est source de richesse. Elle ne provoque pas l’implosion du groupe car elle est soigneusement équilibrée par l’adhésion à un principe commun. Seuls les meilleurs, seuls ceux qui ont obtenu la reconnaissance de leurs pairs dans leur domaine d’activité, leur groupe social ou leur communauté d’origine méritent d’être accueillis par leurs frères ». On comprend pourquoi, dès lors, cette loge a exercé sur le plan local une énorme influence dans tous les milieux intellectuels, dans les salons, dans les académies, etc… Vous savez que par exemple, à l’académie de Marseille, d’après ce qu’on peut en savoir aujourd’hui, la loge se réservait en permanence 8 à 10 fauteuils. Parmi les membres de la loge qui faisaient partie de l’académie de Marseille il y avait A. Chirac. Je ne sais pas s’il était parent avec un personnage connu aujourd’hui, c’est possible. Il y a semble-t-il, le poste de directeur et le poste de secrétaire perpétuel qui sont pratiquement réservés. Neuf frères de la loge se sont succédés à la direction de cette académie. L’académie de musique aussi qui est l’ancêtre, l’aïeule du conservatoire est peuplée par des maçons. Il y a le collège de médecine où l’on dénombre pas mal de frères de la loge. Il y a dans cette loge des gens qui sont d’authentiques inventeurs, des savants incontestables comme la famille de Girard et en particulier Philippe de Girard dont une petite rue à Marseille conserve le nom. Je doute que ceux qui y passent à coté de l’escalier de la Gare Saint Charles, une toute petite rue de 20 mètres de long qui perpétue sa mémoire, se souviennent de lui. Il mériterait une biographie. En tous cas, voilà une loge qui a prospéré, qui est peuplée de gens qui sont des cadres de l’empire, et c’est peut-être pour ça qu’elle va s’effondrer et ne résistera pas aux coups de butoir de 1814-1815. Elle fermera les portes du temple pour s’enfoncer dans un sommeil profond. Pour la petite histoire, je signale qu’il y a quelques années quand même, en 1976 très précisément un certain nombre de frères marseillais appartenant à plusieurs obédiences ont relevé le titre de Saint Jean d’Ecosse créant une loge qui n’a aucune appartenance obédientielle et qui, si mes renseignements sont exacts fonctionnerait toujours(1). Pour en revenir à la loge, elle s’effondre. On est obligé de se poser la question pour savoir pourquoi, contrairement aux autres, qui s’étaient enfilés derrière Napoléon, car il y a quand même des choses qu’il faut rappeler, un certain nombre de loges n’avaient pas hésité à transformer leurs titres . Par exemple la loge l’Amitié était devenue en 1801 l’Impériale des Amis Fidèle de Saint Napoléon. Une autre s’appelait les Amis Fidèle de Saint Napoléon. Ils vont évidemment changer leurs titres. Même chose pour la loge Le Choix des Vrais Amis que certains connaissent et qui avait opté en 1805 pour La Française de Saint Napoléon et qui va changer pour devenir simplement la Française de Saint Louis, ce qui était plus dans l’air du temps et plus tard, les Amis du Gouvernement. 

Pourquoi la Mère Loge Ecossaise de Marseille n’a pas réussi  à sortir de l’ornière ? La question se pose. Il serait intéressant d’essayer de suivre les itinéraires individuels de tous ces frères qui étaient nombreux et auraient peut être pu poursuivre leur travail.

Disons rapidement un mot, puisque l’heure s’avance, sur le magnifique temple que la Mère Loge Ecossaise avait dressé sur un terrain de 1400 m² dans un bâtiment en forme de « L » ou d’équerre, comme vous préférez d’environ 8 mètres de large sur 18 de long qui se trouve très précisément à l’angle de la rue Crudère et de l’actuel Cours Julien pour les marseillais, où se trouve aujourd’hui l’espace Julien. Le cours Julien s’appelait à l’époque le cours des Citoyens., devenu cours du Musée, boulevard du Musée. Et c’est là, à l’angle de la rue Crudère et du Cours Julien que ce temple avait été aménagé. Il faisait paraît-il l’admiration de tous. Ragon lui-même qui, je vous l’ai dit, n’avait guère de sympathie pour les écossais, écrivait : « son local à Marseille était l’un des plus beaux qui existassent en Europe ». Et René Verrier qui était le 1er historien de la loge, en donne une description détaillée et enthousiaste qui avait été publiée dans un livre à Londres en 1783 je crois, traduit plus tard par un frère de la loge et publié dans une petite brochure introuvable. Il est question dans cette description d’un immense baldaquin doré à l’orient, de murs ornés de multiples tableaux, de médaillons, de bustes des sages de l’antiquité, de 3 énormes lustres de cristal, de 24 pilastres, des tableaux évoquant les vertus, bien entendu les portraits des anciens Vénérables Maîtres, etc… Et les procès verbaux de la loge montrent que les frères de Saint Jean d’Ecosse ont dépensé beaucoup d’argent au fur et à mesure pour embellir ce temple qui a été à un moment donné, après transformations diverses, une seconde fois inauguré en grandes pompes en 1787.

Après la mise en sommeil de la loge, le local dit des écossais, c’est comme ça qu’on l’appelait, a été un moment inoccupé puis la ville de Marseille l’a loué en juillet 1830 pour y abriter les collections du Muséum d’histoire naturelle. Bien entendu, à ce moment là, tous les ornements qui figuraient dans le temple, peintures, tentures, boiseries et tous les matériaux qui étaient plus en rapport avec la maçonnerie ont été démonté, enlevés ou détruits hélas. Pendant longtemps, malgré tout est restée la porte d’origine, je l’ai connue et admirée. J’ai regretté qu’on ne puisse pas reprendre ce temple historique parce que malgré tout il s’était passé un certain nombre de choses. Puis il a été aménagé par le Muséum d’histoire naturelle jusqu’à ce que ce Muséum en 1866 soit transféré au palais Longchamp où il est encore abrité aujourd’hui.

Néanmoins, lorsque ce local a été libéré par le Muséum d’histoire naturelle, il a été aussitôt réinvesti par les maçons du lieu qui se souvenaient des splendeurs passées. Trois loges au moins s’y réunissaient du Grand Orient de France. L’une chère au cœur de notre frère Francis Allouch, la Réunion des Amis Choisis et l’autre, la Vérité qui a depuis, vous le savez sans doute, fusionné avec la Réforme. Il y avait également une loge écossaise, le Bon Droit dont la loge Justice Egalité a relevé le titre en 1808, ce qui fait que dans ce temple là qui avait été celui de la Mère Loge, les frères des deux obédiences principales se retrouvaient, se réunissaient et célébraient en commun un certain nombre de cérémonies. C’est certainement dans ce temple qu’a été initié le père de l’écrivaine ou romancière Thyde Monnier, que certains d’entre vous sûrement connaissent. Dans ses mémoires, elle y fait allusion. En tous cas, en 1868, se réunissaient des maçons appartenant à deux obédiences, de la même façon qu’un siècle plus tard, les maçons de l’époque vont se réunir dans un autre temple historique qui à l’origine était une fabrique de tuile, je crois, situé 24 rue Piscatoris qui est aujourd’hui la rue Armand BédarrideS en regrettant que le nom de la rue écorche le nom de notre Très Illustre Frère Armand Bédarride qui ne prenait pas de « S », contrairement à ce qu’affirme André Vallès dans son livre « Dictionnaire des rue de Marseille ». Voilà un deuxième bâtiment qui lui aussi mériterait peut être que quelqu’un se charge de raconter son histoire, celui de la rue Bédarride. Récemment des travaux ont permis de l’améliorer, de l’embellir. Il n’est peut être pas aussi beau ni aussi luxueux que celui de la Mère Loge mais malgré tout, il est chargé d’histoire. Il faut toujours laisser quelque chose aux générations futures. Si vous le voulez bien, on leur laissera le soin d’écrire cette histoire là.

Je vous remercie.

 

NDLR (1) Il en savait quelque chose, cette Loge fut réactivée par René Bianco lui-même ! 

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Christian Gras : 

"Les Origines de l'implantation du REAA en France" 

Les historiens sont toujours un peu mal à l’aise dans ce genre de réunions, parce qu’on les invite à des commémorations, on les invite à exalter les mythes fondateurs mais le rôle des historiens, c’est du moins comme cela que je l’entends est plutôt d’égratigner les mythes fondateurs. Alors si au passage, j’égratigne, ne m’en veuillez pas, c’est en quelque sorte une partie de mon métier. Ce texte dont nous fêtons le bicentenaire, c’est le texte du concordat,  c’est un texte très administratif, ennuyeux à lire. Mais c’est un texte décisif dans la mesure où il va marquer sinon l’introduction du R\E\A\A\en France, ce qui a déjà été évoqué, du moins son implantation quasi définitive mais surtout sa reconnaissance par le Grand Orient de France. Grosso modo c’est un texte qui préfigure l’organisation que nous connaissons c’est à dire les 3 premiers degrés régis par le Grand  Orient de France, les autres, jusqu’au 33ème, étant régis par les organismes écossais. L’organisation de tout ceci a été laborieuse, l’enfantement a été véritablement douloureux, laborieux, et si’il n’y avait pas eu les travaux d’André Doré d’une part, et de Pierre Mollier d’autre part, j’aurais été incapable de comprendre l’ensemble de l’opération. A Vrai dire, je crois avoir mis de l’ordre dans la chose, je ne suis pas sûr d’être tout à fait dans la vérité, mais voilà la vérité telle que je crois quelle s’est passée.

Il y a deux étapes dans toute cette affaire. La première est la crise des années 1802 – 1804 et la deuxième est la réconciliation forcée de l’année 1804. Alors commençons par le bouillonnement des années 1802 – 1804. Vous savez tous que la maçonnerie d’ancien régime était une franc maçonnerie nombreuse, très influente, si influente qu’une partie des royalistes, notamment les royalistes émigrés ont soutenu la thèse du complot maçonnique. L’abbé Barruel en tête, est un des grands auteurs qui a écrit sur la question. Pour ces gens là, c’est le complot des francs maçons, le complot maçonnique qui a organisé et déclenché la révolution française. Les historiens ont balayé depuis longtemps ces plaisanteries et d’ailleurs, la tourmente révolutionnaire a quasiment balayé la franc maçonnerie, notre frère nous a expliqué quels ont été les malheurs des écossais de Marseille : des exécutions, des noyades pendant des fuites, des disparitions, etc… donc on voit bien que ces gens là n’avaient pas organisé la révolution, bien au contraire, puisque leur milieu social d’origine est loin d’être jacobin ou sans culotte. Le résultat, c’est qu’en 1796 en France, il n’y a plus que 18 loges au total qui se réunissent à peu près régulièrement et encore, je dis bien à peu près. C’est seulement en fin de siècle quand la politique s’est apaisée, quand on est passé de la révolution à la civilisation puis à quelque chose qui ressemble fort à une contre révolution, c’est seulement en fin de siècle que la franc maçonnerie française se réorganise. D’abord la Grand Loge de Clermont s’est réunifié avec le Grand Orient de France, ensuite pour les hauts grades, chaque loge de quelque importance s’est dotée d’un chapitre qui lui est intimement lié, puisque les membres de la loge et les seuls membres de la loge peuvent être membres du chapitre. Finalement le chapitre, c’est l’atelier supérieur de la loge. On passe de l’un à l’autre de façon régulière, sinon à l’ancienneté au moins à la notoriété et par la cooptation. A Paris existe un Chapitre Général de France qui regroupe, rassemble, essaie de coordonner l’action des différents chapitres.

En 1802, dans cette atmosphère qui semble apaisée ou en cours d’apaisement, le frère Abraham d’une loge parisienne « les Elèves de Minerve », publie un texte qui est une sorte de brûlot très véhément qui commence par les mots : »Israël, Israël, revient au Seigneur ». On l’a compris, dans la pensée d’Abraham, Israël est la franc maçonnerie et le Seigneur, c’est l’écossisme. Alors que dit Abraham ? D’abord il affirme bien haut et bien fort sa fidélité au Grand Orient de France. Il dit tout de même que le Grand Orient de France veut liquider le rite écossais entre guillemets (il faut employer beaucoup de guillemets dans cette affaire). Il veut liquider le rite écossais au moment même où ce rite écossais est en train de renaître grâce à des frères, grâce à un certain nombre de loges qui, dit-il, ont cru étendre leurs lumières sans remonter à la source des connaissances maçonniques, les ont trouvées dans l’écossisme. Qu’est ce que cet écossisme ? Qu’entend il par écossisme ? C’est extrêmement difficile à dire .Il y a une grande confusion au niveau des mots, au niveau des concepts. Evidemment, quand les mots et les concepts sont confus, le résultat est d’une confusion totale. De quoi peut on être surs ? Avant tout, quand ces gens là parlent d’écossisme, il s’agit bien, au départ, des hauts grades, ce sont les hauts grades qui sont concernés. Avec une totale sincérité, ils ont une double conviction profonde.

La première, c’est que la source originelle de la franc maçonnerie vient d’Ecosse. Tout vient d’Ecosse. La deuxième, c’est  que par conséquent, il ne faut pas s’éloigner de l’Ecosse, il faut sans cesse revenir à l’Ecosse, à l’écossais, à l’écossisme. Par conséquent, revenons sans cesse au système écossais, au système de la Mère Loge Ecossaise de Marseille dont on vient de parler, autour de 1760 les trois grades bleus, plus quatre grades supérieurs (Maître Parfait, l’Elu, l’Ecossais, le Chevalier d’Orient). Pour la majorité de ces amateurs d’Ecosse, l’essentiel est d’avoir un grade, de porter un titre où figure le mot écossais, Sans trop se préoccuper du contenu. Pierre Mollier dit de façon très plaisante : « tout le monde veut être écossais de ceci ou de cela », ce qui est une formule tout à fait amusante mais très caractéristique. Il a  relevé qu’au gré des lieux, au gré des endroits, des loges, il y a au moins 22 loges qui portent dans leur titulature le nom écossais. Il en cite un certain nombre : Petit Ecossais, Ecossais des Trois Points, Ecossais de Clermont, Ecossais Trinitaire, Sublime Ecossais, Grand Ecossais, (il n’y a pas de Moyen Ecossais…) Enfin il y a 22 grades d’écossais dans la nature. Le Grand Orient, sans doute un peu décontenancé par cette attaque d’Abraham, va répondre qu’il a le plus grand respect pour l’écossisme, qu’il est tout à fait prêt à faire les adaptations nécessaires pour que tout le monde se sente bien dans son sein, qu’il est prêt à discuter mais que tout de même, il faut bien mettre un peu d’ordre dans ce qu’il appelle le désordre, le chaos écossais. Rien n’y fait. Ceux que j’appellerai par commodité les écossais d’Abraham pour les distinguer du deuxième groupe qui interviendra ensuite, organisent en août 1802 une assemblée générale dont le prétexte est la remise en activité de la loge Saint Alexandre d’Ecosse. Assemblé Générale, c’est beaucoup dire. Ils ne sont pas plus de 5 ou 6, ils n’arrivent même pas à ouvrir les travaux, ce qui est très gênant et donne une idée de la faiblesse numérique de départ. Très laborieusement, ils vont arriver à entraîner autour d’eux la loge Parisienne du frère Abraham, « les Elèves de Minerve », puis une loge de Douai qui depuis longtemps, avait des contacts fréquents avec « les Elèves de Minerve », qui  s’appelle « la Parfaite Union », deux loges parisienne dont notamment « la Réunion des Etrangers ». Ceci n’est pas négligeable car cette loge a une certaine notoriété dans le milieu maçonnique parisien.

Comme la querelle ne s’apaise pas, au contraire, le Grand Orient décide de prendre des sanctions. En réalité, il se rend compte que derrière cet amour immodéré de l’Ecosse, apparaît une menace. Il craint que les amis d’Abraham ne veuillent battre en brèche son autorité sur les hauts grades. Par conséquent il annonce qu’il va déclarer irrégulières les loges qui trempent  dans cette affaire. Il frappe d’abord celles qui est le plus en vue : La Réunion des Etrangers et passe ensuite aux Enfants de Minerve. Rien n’y faisant, le Grand Orient  va utiliser ce qu’il a toujours considéré comme son arme suprême : le maîtrise des locaux. Quand vous interdisez à quelqu’un de venir dans votre local, vous l’obligez à s’installer ailleurs avec tous les frais et les complications que ceci entraîne. Bref, c’est la bombe atomique du Grand Orient. Les écossais rebelles en sont réduits, pour leurs réunions, à louer la cave d’un restaurant qui se trouve à Paris rue Poissonnière. A ce niveau de la querelle, vous imaginez la disproportion des forces, d’un coté, ceux que j’appellerai plaisamment les écossais de la cave à vin, et de l’autre la grande puissance renaissante qui est le Grand Orient de France. Apparemment, l’issue ne fait aucun doute. A ce moment là deux évènements de sens contraire vont intervenir, qui vont d’abord  envenimer puis clore définitivement la querelle. D’une part, il y a l’irruption de ceux que j’appellerai les américains, je m’expliquerai là dessus, qu’il faudrait en fait appeler les anciens d’Amérique, qui viennent renforcer puis supplanter les premiers rebelles. D’autre part, l’intervention de l’autorité impériale qui impose à tout le monde une réconciliation rapide. C’est donc l’année 1804 et l’irruption des américains. Alors, avec les américains ressurgit une querelle qui est celle des anciens et des modernes qui n’est pas dans mon propos. Manifestement elle est la derrière, sous jacente, elle a sérieusement agité le milieu maçonnique français au XVIIIème mais surtout elle a agité énormément les milieux maçonniques anglais et américains. Quand on parle des américains, il ne s’agit évidemment pas d’une sorte d’impérialisme maçonnique des 13 états d’Amérique. Il s’agit en réalité des suites de l’indépendance en 1803 de l’île de Saint Domingue, actuellement Haïti et  la République Dominicaine. Saint Domingue était une colonie française et la vie maçonnique y était tout à fait importante, tout à fait intense. Les planteurs et les aristocrates blancs de l’île durent fuir devant la révolte noire. Une partie d’entre eux sont passés soit en Pennsylvanie, soit en Caroline du Sud. Pourquoi si près ? parce qu’ils sont persuadés que les choses vont se tasser et qu’ils pourront retourner dans l’île. Par conséquent, ils ne s’éloignent pas trop dans l’espoir de venir récupérer un jour leurs terres, leurs biens, leurs esclaves. En 1804……

 

…..Les américains, c’est en quelque sorte les anciens maçons de Saint Domingue. Ils sont relativement nombreux, et comme ils se concentrent à Paris, ils vont pouvoir créer deux loges : La Triple Unité et le Phénix. Le mot de Phénix est très caractéristique. C’est quelque part, un jour, le Saint Domingue de papa renaîtra. Ces américains ont une très grande expérience maçonnique à la fois dans le temps et dans l’espace. Certains d’entre eux ont déjà été initiés en France, avant la révolution. Le plus flamboyant dont on parlera sans cesse est Grasse Tilly. Il a été initié en 1783 alors qu’il avait 19 ans. Ils ont donc le souvenir de la tradition de la vieille maçonnerie de l’ancien régime. A Saint Domingue même, ils ont pratiqué dans les grades bleus, le rite des anciens ou ancien et accepté, directement importé des Etats d’Amérique. Dans les hauts grades, ils ont pratiqué à Saint Domingue le Rite de Perfection avec une vingtaine de grades (ou de degrés). Arrivés aux Etats-Unis d’Amérique, ils ont retrouvé les grades auxquels ils étaient déjà habitués, dans les loges, ils ont retrouvés des gens qui étaient du même groupe social qu’eux, il s’agit bien d’aristocrates, planteurs, propriétaires d’esclaves. La seule différence qui est évidemment importante c’est  que eux sont ruinés alors que ceux qui sont aux Etats Unis ont conservé tous leurs biens.  C’est la même catégorie sociale, la même forme de penser. Ils n’ont donc aucune peine à s’insérer dans la vie maçonnique américaine et même à y briller. Grasse Tilly, toujours lui, va devenir Grand Maître des Cérémonies de la Grande Loge des Anciens de Caroline du Sud laquelle pratique une maçonnerie à 33 degrés.

De retour en France, ces gens là sont accueilli avec une certaine circonspection par le Grand Orient  tout de même un peu étonné par leur rite inconnu, un peu irrité par leurs titres véritablement ronflants et qui estime qu’après tout, il n’a pas de leçon d’écossisme à recevoir de qui que ce soit. C’est là qu’il faut faire intervenir la personnalité de Grasse Tilly.  Vous savez que les historiens considèrent en général que le rôle des grands hommes dans l’histoire, tout ceci a été balayé par l’école marxiste il y a bien longtemps, pour les grands mouvements de fond de l’histoire, la personnalité ne joue pas beaucoup. Mais là, il ne s’agit pas d’un grand mouvement de fond mais d’un milieu extrêmement fermé, extrêmement étroit et la personnalité de Grasse Tilly va  jouer. Mollier considère qu’il y a une cinquantaine de maçons impliqués dans cette querelle qui fait un bruit énorme et qui ne concerne qu’une cinquantaine de personnes. Cinquante personnes, une personnalité importante, vous voyez donc que Grasse Tilly peut jouer un rôle important. C’est incontestablement le plus flamboyant des américains, ce n’est pas le seul, il serait injuste de l’oublier. Un autre frère qui s’appelait Germain Hacquet, lui aussi revenu de Saint Domingue a eu lui aussi un rôle relativement important dans le sens de la modération et de l’organisation. Grasse Tilly, de grande famille provençale, était le fils de l’Amiral de Grasse, héros de la guerre d’indépendance d’Amérique, à l’égal de Lafayette. A l’époque, l’amiral de Grasse est aussi connu, aussi célèbre et aussi adulé quasiment que Lafayette, c’est un très grand nom de France  et il a un formidable réseau de relations qui va  lui rendre d’immenses services.

Grasse Tilly est lui un désargenté perpétuel. Pour différentes raisons qui n’ont rien à voir avec ses qualités, il a évidemment perdu dans la guerre d’indépendance de Saint Domingue ses plantations qui lui venaient de son père, comble de malchance, il est arrivé à rassembler tous ses biens (mobiliers, etc, etc…) il les a embarqué, mais un corsaire anglais a attaqué et coulé le bateau. Grasse Tilly est donc complètement ruiné. On dit tout le temps qu’il agit dans le monde maçonnique sous la pression de la nécessité. Une formule élégante pour dire qu’il a de grands besoins d’argent et que la maçonnerie lui rend pas mal de services dans le domaine financier.

Ce qui est tout a fait caractéristique, c’est que chaque fois qu’il s’attribue une charge, il se nomme (lui même en général) ad vitam. Il va pouvoir continuer à bénéficier  jusqu’à la fin des avantages de sa charge Il fait mieux, lorsqu’il va lancer son rite, il va émettre des actions, 80 actions de 100 livres, ce qui fait 8 000 livres ce qui représente une somme considérable pour l’époque. Il émet des actions, il les fait souscrire à ses amis, leur promet un intérêt de 5%, et pour le remboursement, le texte porte : « dès que possible », ce qui n’engage à rien. Je ne sais pas s’il a remboursé, je suis un peu sceptique. Vous voyez le personnage. Il avait des problèmes financiers graves. Quoi qu’il en soit, c’est ce Grasse Tilly qui va souder l’alliance entre les écossais d’Abraham dont on vient de parler et les anciens d’Amérique qu’il va représenter. Il rassemble quelques mécontents des organisations maçonniques. Au total, il va regrouper et  rassembler un nombre important de loges. Les deux ou trois écossaises du départ, les deux loges américaines, Saint Alexandre d’Ecosse, Saint Jean d’Ecosse, La Parfaite Union, etc… et pour clore la liste, La Saint Napoléon, il faut insister sur les Saints Napoléon, la flagornerie maçonnique de l’époque napoléonienne dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Il y a même une loge qui fait partie de l’affaire, c’est la Saint Joséphine. Il s’agit bien de Joséphine de Beauharnais. Lorsqu’on connaît la vie, les mœurs, les habitudes de Joséphine de Beauharnais, ça paraît tout à fait extraordinaire.

Dans une première étape, Grasse Tilly affirme qu’il est Grand Commandeur Ad Vitam d’un Suprême Conseil des Iles du Vent et Sous le Vent qui pratiquerait le R\E\A\A\ à 33 degrés, cette organisation étant sortie de son imagination très fertile. La dessus, il fait mine de ne s’intéresser qu’aux hauts grades et lui même se met à conférer des hauts grades par communication et à tour de bras. Il est en France début juillet, fin juillet il a déjà fait dix sept 33ème. La promotion est rapide, laisse rêveur. Un de ses amis est fait 18ème fin septembre 1804, est fait 32ème début octobre et 33ème fin octobre. Il a besoin de troupes dans ces hauts grades et   fabrique donc des 33èmes. Trois mois après son retour en France, le voilà en mesure de fonder une organisation écossaise qu’il appelle la Grande Loge Générale Ecossaise. Il laisse murmurer dans Paris que c’est le frère du 1er Consul, Louis Napoléon Bonaparte qui va devenir Grand Maître et lui se nomme naturellement représentant du Grand Maître évidemment Ad Vitam. Comme il a des relations, il va embarquer dans son affaire, (j’emploie à son égard des termes parfois trop critique, mais je n’ai pas d’autre terme sur la langue) des personnalités éclatantes ; Il a quatre maréchaux d’empire, (Kellermann, Masséna, Lefèvre, Serrurier) il a le Grand Chancelier de l’Ordre de la Légion d’Honneur, des membres du conseil d’état… On se demande comment il est arrivé à faire tout ça en deux mois. Il est arrivé à mettre sur pied une organisation qui menace incontestablement l’autorité du grand Orient sur les hauts grades. Le problème de Grasse Tilly, c’est ce qui lui vaudra ses déboires, c’est qu’il est complètement à contre courant du mouvement politique général. On est en 1804, Napoléon remet de l’ordre dans tout le pays, il sort le Code Civil, il organise le contrôle politique strict et même policier de la nation, il se fait sacrer empereur le 2 décembre, j’insiste sur cette date du 2 décembre, vous verrez ce qui s’ensuit. Napoléon ne s’intéresse pas du tout aux querelles maçonniques, la seule chose qui est, les militaires dans la salle m’excuseront, c’est que c’est un militaire et il n’a envie de  voir qu’une seule tête , qu’un seul responsable . Un dirigeant, une organisation, dans le fond, il veut contrôler la maçonnerie, parce que la Maçonnerie est un des pilotis de sa domination sur la France et sur l’Europe. Dans ces conditions là, quand le maréchal Kellermann se rend auprès de l’archichancelier de l’empire Cambacérès et lui présente Grasse Tilly, il lui demande de bien vouloir désigner un Grand Maître pour la nouvelle puissance maçonnique, Cambacérès lui répond que l’empereur désire que les deux puissances maçonniques se rapprochent. Les désirs de Napoléon étant des ordres, il n’y a plus qu’à s’exécuter. Ce qui veut dire que l’équipée de Grasse Tilly s’achève en 3 ou 4 jours, le 2 décembre l’empereur est sacré, le 3 décembre, les représentants de l’organisation de Grasse Tilly et ceux du Grand Orient se réunissent à l’hôtel de Kellermann, ils décident de la réunification. Le 5 décembre, ils désignent des membres de leurs instances dirigeantes pour travailler au texte de réunification. Elles se réunissent séparément et approuvent un texte. Il y a des va et vient. C’est le fameux texte du concordat dont nous fêtons le bicentenaire. Avant de sortir le texte, l’avis de l’empereur a été demandé qui a dit allez voir Cambacérès. Cambacérès est d’accord, le dit à l’empereur, tout le monde étant d’accord, il n’y a plus qu’à officialiser le texte. Dans une certaine mesure, les écossais d’Abraham, les anciens d’Amérique, les gens de Grasse Tilly ont été à Canossa : Ils ont été obligés d’aller signer la réconciliation, le texte du concordat dans les locaux du Grand Orient. Quand on se déplace, on est en position de faiblesse. On y a cependant mis les formes : reçus par les 9 lumières sous la voûte d’acier, maillets battants. On se jure mutuellement : « réunion absolue franche et éternelle dans l’enthousiasme de la joie et de la confiance ». Belle rhétorique maçonnique ! Ils n’ont tout de même pas tout perdu pour la raison suivante : au Grand Orient, on maintient un Grand Chapitre Général au 32ème. Mais ce Chapitre Général est coiffé par un Suprême Conseil au 33ème dont le rôle est de s’occuper des plus hautes connaissances mystiques et d’en régler les travaux. Vous savez qu’on a retrouvé aux Etats Unis récemment et que Mollier  a publié dans « Renaissance traditionnelle » le livre d’architecture de ce Suprême Conseil ?

Quant à Grasse Tilly, il devient Grand Commandeur de ce Suprême Conseil avec cette petite différence qu’il n’est plus ad vitam . Il est à terme et au bout de deux ans, il est débarqué. Pour conclure, je dirai que dans une certaine mesure, si je peux me permettre un horrible anachronisme, cette négociation, ce texte de 1804 est en quelque sorte un compromis historique entre le R\E\A\A\ et le Grand Orient de France. Dorénavant, le Grand Orient déclare qu’il ouvrira sa porte et professera tous les rites. Naturellement, il y aura des difficultés d’application. Il y aura des retours en arrière, ruptures suivies de réconciliations suivies de nouvelles ruptures. En tous les cas, on a jeté les bases de l’organisation actuelle : les trois premiers degrés au Grand Orient, les autres aux organismes écossais. J’ajouterai pour finir que cette stabilisation du système permettra l’expansion internationale du R\E\A\A\où  Grasse Tilly continue à s’agiter et à agir. En Italie, il y aura un Suprême Conseil du Royaume d’Italie dont la capitale est Milan qui sera dirigé par le prince Eugène Napoléon ; il y aura un Suprême Conseil du Royaume de Naples dirigé par le roi Joachim Napoléon, qui en réalité est Murat, adopté par la famille Bonaparte ; en Espagne, le Suprême Conseil sera dirigé par le roi Joseph Napoléon. L’expansion continue donc dans l’empire Napoléonien. Cette organisation va ensuite continuer à se développer dans les zones d’influence française en Méditerranée aux XIXème et XXème siècles. Voilà ce que j’avais à vous dire sur les origines de notre concordat de 1804.

Je vous remercie.

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Yves HIVERT  MESSECA :

 "Essor et développement du REAA"

Mesdames, Messieurs, Chers Amis, notre collègue Christian Gras est un très bon camarade puisqu’il a à la fois disserté sur tous les défauts des historiens et en plus, il a réalisé une excellente transition pour ce que je vais dire. Mauvais historien pour mauvais historien, je vais faire ce qui est formellement interdit par les règles académiques : je vais partir par la fin. Je partirai donc de la situation d‘aujourd’hui.

Il est de tradition de dire que le R\E\A\A\ est aujourd’hui le rite écossais le plus pratiqué dans le monde. Cela mérite quelques précisions quand on dit ça. C’est à la fois vrai et faux. Je vais essayer de voir ce que cela signifie. Le Rite écossais est pratiqué de 2 manières dans le monde. On verra qu’il l’est de plusieurs manières mais il y en a deux grandes. La première, c’est la manière anglo-saxonne.

 

Pour les anglo-saxons, il n’existe que la maçonnerie bleue. Les hauts grades ne sont que ce qu’ils appellent les side degrees, c’est à dire des degrés complémentaires et latéraux. Les Suprêmes Conseils, notamment le premier qui s’est créé, celui de Charleston sont totalement indépendants des obédiences bleues qui sont en dessous et  ils sont totalement indépendants du recrutement des loges qui sont en dessous. Il suffit d’être membre d’une loge « in good standing » pour y entrer, quel que soit le rite que vous pratiquez. Il existe des rites qui ont une continuité rituelle depuis le grade d’apprenti jusqu’au degré sommital. Pour la manière anglo-saxonne, le rite que l’on pratique en bleu n’a aucune importance. On pourrait dire que pour les anglo-saxons, le R\E\A\A\ a 30 grades. Les 3 premiers étant pratiqués par d’autres. C’est le système américain. Si on  regarde dans tous les systèmes de hauts grades du monde, il va s’en dire que sans conteste, numériquement parlant (il s’agit d’un constat, n’y voyez aucune allusion autre), en tant que système de hauts grades ou side degrees le R\E\A\A\est le rite le plus pratiqué dans le monde. En venant en France, notre ami Christian Gras a essayé de mettre un peu d’ordre dans ce désordre, dans ce qu’appelait Georges Mardère le fouillis écossais, c’est un peu plus compliqué. C’est à dire qu’en Europe notamment, on verra aussi un petit peu en Amérique Latine, le rite écossais est en continuité initiatique et parfois en rupture juridictionnelle du 1er au 33ème degrés. En tant que rite de loge bleue, il n’est pas le rite le plus pratiqué. Il est relativement dépassé par le rite américain sous la forme York ou par le rite anglais sous la forme émulation. Encore qu’on  peut considérer que ce sont les mêmes dans le style York et dans le style émulation. Résultat de tout ça, on est dans une situation un peu complexe dans le paysage maçonnique mondial. Il y a environ 2.000.000 de maçons écossais dans les side degrees ou dans les hauts grades et  à peu près 500.000 dans les loges bleues. Cette situation est tout à fait ambiguë puisque par exemple au Etats Unis, dans les 50 grandes loges américaines ou dans les loges de Prince Hall , il y a très peu de loges bleues écossaises. Par contre, le système écossais au dessus est de loin dominant. Comment ce système est-il aujourd’hui quantitativement, numériquement le plus important ? C’est la question que l’on va essayer de résoudre, d’autant que comme l’a excellemment démontré notre ami Christian GRAS, ce n’était pas évident au départ. Ca n’a pas apparu, à part de croire à la divine providence qui voulait que le Grand Architecte crée ce rite pour qu’il soit répandu etc…, il faut admettre que ce n’était pas évident au départ. Ce n’était évident ni d’un coté, ni de l’autre de l’Atlantique. Je vais donc essayer de vous faire faire un voyage à travers le monde en 20 minutes. Vous allez rapidement être perdus, ce qui n’est pas gênant, au milieu des multiples Suprêmes Conseils qui se créent, qui s’unissent, se séparent, qui s’excommunient ,qui se reforment, dans une fraternité mondiale générale pour en arriver à la situation d ‘aujourd’hui et qui fait le charme de l’institution que nous aimons tous.

Aux Etats Unis, ce qui peut paraître assez curieux, le rite qui se crée à Charleston, tout le monde l’appelle R\E\A\A\mais ce n’est pas évident. La première fois que le nom apparaît, c’est dans l’article dont je ne sais jamais si c’est le 5 ou le 7 du fameux concordat dont a fait allusion notre ami Christian Gras où l’on utilise la formule R\E\A\et A\.

A cette époque, ils avaient Napoléon et ils parlaient français. Très rapidement, ce Suprême Conseil se crée à Charleston, crée un rite qui non seulement ne s’appelle pas encore comme ça mais a 33 grades dont seulement 29 sont nommés parce que quand il arrive en France, il y a un grade qui s’appelle Prince du Royal Secret qui occupe 3 places donc il y a deux trous. Aux Etats Unis, très rapidement, il va connaître un succès très limité. On estime même, j’enlèverai ce passage lorsque nous recevrons nos amis américains, que le Suprême Conseil de Charleston a été quasiment en sommeil entre 1830 et 1844. En général, moins on est en maçonnerie et plus on se multiplie. C’est à dire qu’alors que ce Suprême Conseil a un succès très relatif, dans les 40 années qui restent, il va se créer 5 Suprêmes Conseils aux Etats Unis, qui se prétendent l’un plus régulier que l’autre, vont passer leur temps à s’unir et se désunir. Pour faire rapidement, il y en a un deuxième qui se crée à New York en 1811 à l’initiative d’ Emmanuel de la Motta mais sans l’accord de Charleston. Quelques jours après il y en a un troisième qui se crée à New York à l’initiative d’un français qui s’appelle Joseph Pernoud. En 1827, il y en a un quatrième qui se crée à l’initiative d’un autre français, le Comte de Saint Laurent.  Enfin, il y en aura un cinquième qui se créera à la nouvelle Orléans en 1846. Vous voyez donc qu’il y a une très grande division. Quand on compte les frères qui en font partie, on n’est même pas certains que 500 membres en font partie. C’est donc un succès tout à fait relatif. Pour la petite anecdote, deux de ces Suprêmes Conseils, le deuxième de New York, vous semblez déjà perdus, et celui de Pernoud vont fusionner en 1832 pour fonder le Suprême Conseil Uni de New York. Dans le texte qui est publié en français, ce Suprême Conseil va signer un texte avec le Suprême Conseil de Paris. Pour la 1ère fois en 1836, apparaît en anglais l’expression R\E\A\A\.  En anglais, grammaticalement, ils n’ont pas besoin du « and ». Pour être surs de ne pas en avoir besoin, ils l’ont appelé : ancien-accepted-scottish-rite.

Coté français, c’est guère mieux. Tant  que  Napoléon a été là, il a réussi à maintenir un certain équilibre, mais en 1814 1815, les  différents héritiers du Suprême Conseil, Grasse Tilly, Cambacérès  vont se disperser dans plusieurs voies. Il y en a 7 ou 8 qui sont restés au Grand Orient, 5 qui sont morts, pour eux, c’était résolu, et 6 qui se sont formés dans deux Suprêmes Conseils rivaux qui vont finir par fusionner en 1821 pour créer le Suprême Conseil de France qui se dotera d’une organisation tout à fait nouvelle au niveau du rite écossais. Ce sera une obédience intégrale de la loge bleue au Conseil Suprême mais qui sera gérée du haut vers le bas, c’est à dire par le Suprême Conseil sur les loges bleues, ce qui fait un troisième mode  d’organisation entre le mode  anglo-saxon où  les obédiences bleues  et le Suprême Conseil sont séparés, la solution française 1804 où c’était le Grand Orient de France qui d’une certaine manière avait une association avec le Suprême Conseil et cette formule là  où l’on a le Suprême Conseil qui gère indépendamment les loges bleues. Quand on regarde les quelques loges écossaises du Grand Orient de France et cette obédience, ça représente à peu près 2 000 frères ; 500 aux Etats Unis, 2 000 en France, aux alentours de 1830, on est encore loin de la suprématie mondiale.

Comment est-ce que ça a fini par marcher ? J’ignorais à peu près la question jusqu’au jour où je me suis penché sur toute une série de données chiffrées et je dois vous avouer que je vous donne aujourd’hui un travail provisoire car il faudrait, pour que je le traite complètement, avoir une connaissance exhaustive de la maçonnerie mondiale et malgré mes grandes qualités, je n’en suis pas encore là. C’est donc en Amérique Latine que le rite écossais a commencé à se développer. On va donc essayer de voir les quelques itinéraires où à partir de ces deux noyaux, d’une part l’Europe occidentale et la France, de l’autre les Etats Unis, ça s’est développé. 

Le premier itinéraire va partir de l’Amérique Latine, à partir du Mexique, le Brésil  et ce qu’on appelle la nouvelle Grenade Tout part entre 1830 et 1880 pour faire simple. La difficulté est qu’il y a des loges écossaises et à un moment, une organisation écossaise. Entre la première loge écossaise et l’organisation écossaise, il peut se dérouler un temps plus ou moins long. Dans certains pays, une loge écossaise se crée et avant que ne se crée l’organisation écossaise, il peut s‘écouler un siècle.  Des loges se créent en Amérique Latine à l’initiative d’un peu tout le monde ce qui rend les choses un peu difficiles aujourd’hui : des espagnols immigrés, des français qui ont fuit, des créoles partis des îles, des américains faisant du négoce.  C’est  très  compliqué.  On  peut  considérer qu’il y a une  cinquantaine de  loges écossaises qui se sont crées dans la décennie 1808 un peu partout dans les ports de l’Amérique Latine. Notamment dans les 3 lieux nommés. C’est intéressant car les maçons mexicains pratiquent le rite d’York, c’est à dire le rite américain. Le rite écossais va progressivement le remplacer. Il va y avoir une vraie rivalité entre les Escosésés et les Yorkinos, ce qui va donner lieu à une guerre civile au sens strict du terme parce que les écossais sont plutôt conservateurs politiquement alors que les Yorkinos sont plutôt libéraux. Et comme dans tous les bons feuilletons, ça se terminera par une réconciliation générale pour créer d’abord une obédience mexicaine et enfin un 1er  Suprême Conseil au Mexique…… puisdix ou douze Suprêmes Conseils au Mexique, nous on en est à 8 ou 9. On n’a pas le record du monde mais on n’est pas loin.

Deuxième cas, c’est ce qu’on appelle la Nouvelle Grenade, c’est l’état qui correspondrait actuellement au Venezuela, à l’Equateur et à la Colombie avant que ces trois états n’éclatent. On a des loges écossaises à une date précise 1811. Puis on a le Suprême Conseil de Cerno qui va créer un Chapitre à Caracas en 1822. Assez rapidement va se créer une organisation écossaise en 1824 à Caracas, une deuxième à Bogota en 1827, une troisième à Carthagène en 1833. En 1852, on en est à 9 Suprêmes Conseils qui, bien entendu se disputent les juridictions.

Le cas brésilien est à peu près semblable : quelques loges écossaises fondées dans les années 1810. Le rôle joué par les diplomates est assez intéressant. Un certain nombre de diplomates profitant de leurs fonctions professionnelles en profitent pour se faire recevoir ou recevoir des grades à d’autres endroits. Nous avons là un portugais qui va recevoir le 33ème degré du Suprême Conseil. Rien n’est simple, c’est le Suprême Conseil des Pays Bas mais à Bruxelles. En rentrant chez lui, c’était le bon temps, dès qu’on était  33ème, on pouvait faire d’autres 33èmes, il va créer le 1er des Suprêmes Conseils brésiliens puisque là aussi il y en aura un certain nombre. A partir de ces 3 pôles, le rite écossais va gagner l’ensemble de l’Amérique Latine. Je vous donne schématiquement les dates mais c’est révélateur :

Suprême Conseil organisé Pérou,1830 ; Uruguay, 1856 ; Argentine 1858, Cuba ,1859 ; République Dominicaine 1861 ; Chili, 1870 ; Paraguay, 1871, Equateur 1910 ; Amérique Centrale, 1913. Depuis, l’Amérique Centrale est découpée en 6. et il y a un Suprême Conseil par état mais c’est récent, ça date de 1961.

Cette maçonnerie en Amérique Latine s’est écossisée au bout de quatre décennies. Le rite Ecossais est devenu largement dominant avec deux ou trois caractéristiques : la 1ère est la balkanisation, c’est à dire qu’il y a au minimum 2 Suprêmes Conseils. Et paradoxalement, ces rivalités ne freinent pas l’extension du développement du rite mais le facilitent. C’est à dire que plus on est de fous, plus on crée de loges et ça marche parfaitement.

En tant que rite bleu, il va progressivement éliminer un certain nombre d’autres rites pratiqués avant, notamment le rite d’York. Surtout, les latino américains vont inventer toutes les formes d’association possibles entre les loges bleues et les Suprêmes Conseils.

On a donc vu le 1er cas : totale indépendance, système à l’américaine, ce qui est le cas de Porto Rico. Il y a une Grande Loge à Porto Rico. Pour être totalement indépendants de la Grande Loge de Porto Rico, les ateliers supérieurs écossais se rattachent au Suprême Conseil de Cuba. Il n’y a pas d’interférence.

Deuxième cas : le Suprême Conseil d’Argentine qui dirige les loges bleues.

Troisième cas, l’obédience bleue qui dirige les Suprêmes Conseils, cas du Grand Orient du Brésil qui se proclame lui Suprême Conseil. En général, en Amérique Latine, quand vous voyez Grand Orient, cela signifie juridiction ou obédience qui regroupe ensemble tout le système du 1er au 33ème degré.

Dernier cas, les formes associées, on peut s’associer à 2, 3 ou 4. Le Grand Orient du Venezuela va s’associer à  4 étages, il y a 4 obédiences l’une sur l’autre, La Grande Loge, le Grand Chapitre, le Grand Consistoire et le Suprême Conseil. Chacune est imbriquée l’une sur l’autre. Il n’y a pas que les formes classiques que nous connaissons, il en existe d’autres qui ont été mises au point par l’Amérique Latine.

Deuxième grand voyage, le rite écossais va démarrer en Europe du Nord Ouest, dans les Iles Britanniques. Il va sans dire que ça va démarrer à l’anglo-saxonne, c’est à dire avec une totale indépendance entre les Suprêmes Conseils et les Grandes Loges. Très vite, l’Irlande, l’Angleterre et l’Ecosse vont se doter d’une organisation écossaise. L’Irlande va se doter d’une organisation écossaise à partir de Charleston, l’Angleterre va se doter d’un Suprême Conseil à partir des constitutions données par le Grand Orient de France qui a donc créé le Suprême Conseil d’Angleterre. L’Angleterre va créer à son tour le Suprême Conseil d’Ecosse.

Les Iles Britanniques sont donc dotées d’un système écossais qui fonctionne toujours mais en totale indépendance avec les loges bleues.

Le troisième itinéraire est l’Europe méditerranéenne qui va s’organiser dans une troisième étape au cours des années 1830 – 1910. D’abord le Portugal : un peu normalement, la maçonnerie écossaise portugaise va être organisée par la maçonnerie écossaise brésilienne. C’est un retour des choses. On voit apparaître rapidement un Suprême Conseil au Portugal. La Grèce va se doter d’un Suprême Conseil créé par le Suprême Conseil d’Ecosse. Les français, les italiens et les britanniques vont créer des loges en Turquie et en Egypte ou l’on créera dans les années 1861-1864 c’est à dire assez tôt, un Suprême Conseil en Egypte et un en Turquie.

Quatrième itinéraire : Europe centrale, de l’Est et Balkanique (années 1871, 1936). Mais il faut d’abord parler de voisins de la France. Tout d’abord la Suisse : il y avait depuis le Consulat des loges écossaises en Suisse mais qui ont intégré la Grande Loge Nationale Alpina. Ce n’est qu’en 1873 que s’est créé un Suprême Conseil de Suisse.

Aux Pays Bas, la situation était très compliquée. Je vous ai parlé du Suprême Conseil des Pays Bas qui était à Bruxelles. C’était normal puisque quand on parle des Pays Bas en 1815, ça correspond à ce qu’on appelle aujourd’hui le Benelux puisqu’il se crée en 1817. En 1830, la Belgique devient indépendante et les Pays Bas également. Ce qui est assez curieux, c’est que si se sont créées des obédiences nationales bleues, des Grandes Loges et un Grand Orient aux Pays Bas et en Belgique, les Hauts Grades sont restés unis. Les néerlandais ont continué à dépendre du Suprême Conseil de Bruxelles de 1830 à 1911, date à laquelle ils ont décidé de devenir indépendants et de créer un Suprême Conseil des Pays Bas. Il y a cette curiosité qui présente un intérêt qu’il ne faut pas négliger. Vous savez que les deux Irlandes n’ont en commun que deux choses : l’équipe de rugby et la Grande Loge.

Si je cite les Suprêmes Conseils de Suisse et des Pays Bas, c’est parce qu’ils vont jouer des rôles relativement importants pour la création de Suprêmes Conseils ou d’organisations écossaises dans toute l’Europe Balkanique : La Hongrie en 1871, après l’éclatement de l’empire austro-hongrois, la Tchécoslovaquie en 1921, la Roumanie en 1923, la Bulgarie etc…Enfin, l’écossisme va mettre un pied dans un pays où il n’y arrivait pas : les pays germaniques. Les maçonneries allemande et autrichienne étaient si bien organisées que pratiquement, il n’existait pas de source écossaise dans ces pays. Les premières loges écossaises datent de 1920. Ce n’est qu’en 1931 que se crée le Suprême Conseil d’Allemagne. Il n’a pas eu de chance car en 1933, il a été brutalement arrêté pour les raisons que je vous laisse imaginer. Il a d’ailleurs survécu de manière symbolique en faisant un Suprême Conseil d’Allemagne en exil à Jérusalem.

Quant aux Pays Bas, ils ont encore inventé une forme associative et qui rappelle celle du concordat de 1804. Le Suprême Conseil va signer avec le Grand Orient des Pays bas une convention dans laquelle il est prévu que le Grand Orient gère les 3 loges bleues et les 4 ordres du rite moderne. Le Suprême Conseil gère à partir du 19ème jusqu’au 33ème. C’est à peu près le texte de 1804. Depuis 1991, on a réécrit la convention : le Suprême Conseil des Pays Bas peut gérer les ateliers à partir du 4ème , notamment ceux de Rose Croix, à la condition, et c’est souligné, que le rituel de Rose Croix Ecossais soit totalement différent de celui de Rose Croix du Rite Moderne.

Dernier itinéraire, c’est le dernier quart du 20ème siècle : si j’ose dire, le rite écossais va toucher les zones qu’il n’avait pas touché jusque là et tout spécialement 5 zones.

Il y a d’abord l’Asie Océanique. A la suite de la maçonnerie britannique ou américaine vont se créer un certain nombre d’organisations écossaises dans ces régions : les philippines en 1946, c’est la plus ancienne, Israël en 1966, Iran en 1970, elle n’a pas eu non plus de chance et en 1979, la question pour elle s’est posée d’une autre manière. La Turquie s’est reformée en 1970 et parmi les dernière, l’Australie en 1985 et la Nouvelle Zélande en 1993. Il y a l’Afrique subsaharienne, très difficile à suivre car les obédiences se forment, se séparent, se reforment, se dispersent, renaissent etc…Il y a aussi le fait que du coté de l’Afrique Subsaharienne anglo-saxonne,  les loges sont pratiquement toutes restées sous la juridiction des Grandes Loges d’Ecosse, d’Irlande ou d’Angleterre et ipso facto les ateliers supérieurs sous la juridiction des Suprêmes Conseils correspondants.

Troisième grande zone,  l’Europe du Nord : la Scandinavie était encore plus réfractaire que l’Allemagne à l’apparition de l’écossisme. C’est une maçonnerie qui pratique le rite suédois, très organisé, très fermé. Assez curieusement, ces pays qui sont des modèles de démocratie, de tolérance et d’ouverture ont des maçonneries très conservatrices, beaucoup plus conservatrices par exemple que Londres. Ce sont les danois qui ont eu des loges écossaises dans les années 1920. Pour le moment, dans tous ces pays, il n’y a qu’un Suprême Conseil qui s’est crée en 1971 en Finlande. Il doit avoir environ 400 membres. Quant aux deux ou trois  Chapitres qui existent en Suède ou en Norvège, ils sont restés sous la juridiction du Suprême Conseil  de Londres. Enfin, il y a les anciens pays communistes, avec la renaissance de la maçonnerie et aujourd’hui, à l’initiative des maçonneries françaises, mais surtout des maçonneries américaines, allemandes et italiennes, se sont recrées à peu près partout des juridictions écossaises. Vous voyez que progressivement, par capillarité, à partir de ces deux points qui étaient relativement minimes, le rite écossais s’est répandu à peu près partout dans le monde. Mais cette situation est relativement moderne, récente. J’ajouterai également que le rite écossais a bénéficié par le fait que quand des organisations maçonniques internationales se sont créées, je pense notamment au Droit Humain, elles ont utilisé le rite écossais, ce qui a encore renforcé son poids et son internationalisme. Là ou le rite écossais existait, il a eu tendance à grossir. L’exemple le plus classique est la France. Si vous prenez le paysage maçonnique français, en 1804 les écossais représentent 1% des maçons français ; en 1904, à peu près 25% ; aujourd’hui, toutes obédiences confondues, à peu près 50%. On peut donc se développer géographiquement et quantitativement.

Cette description présente un intérêt tout à fait relatif si ce n’est comme avant goût des vacances puisque je vous ai fait voyager à travers le monde. Ce qui aurait été intéressant aurait été de se demander pourquoi, mais je pense que cela fera l’objet d’un autre colloque. Simplement, pour conclure, le rite écossais, comme on l’a vu, est un rite, comme je l’ai développé à Bordeaux, de nomadisme, de voyageur, d’adaptabilité. Vous voyez comment il a été capable de s’adapter à toute forme de climats, de créer des formes d’associations particulières à chaque pays, différentes, contradictoires, etc, et je crois que cette qualité plastique  lui a permis notamment de pouvoir se répandre de par le monde. Il ne faut en tirer ni excès d’honneur ni de l’indignité. C’est une situation comme une autre. Il ne faut pas en tirer gloire. C’est un fait comme un autre, c’est celui que j’ai essayé de voir de cette longue marche. Je voudrais simplement pour terminer, dire que lorsqu’on voyage loin, le dernier pas est ttout aussi important que le premier.  

 J’ai dit

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René DARS :

 Qu'apporte  donc  le R\E\A\A\ aux Francs-maçons des divers grades ?

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, chers amis, je pense que certains d’entre vous n’ont peut-être pas le bonheur d’être franc maçons. Dans ce que je vais vous raconter,  il y aura de temps en temps des choses banales pour ceux qui le sont, un peu élémentaires pour les historiens qui nous ont entretenus sur l’histoire et l’origine de l’écossisme. Je ne suis pas historien. Plus exactement, je suis un historien de la terre, je suis géologue. Je n’aurai donc pas les mêmes subtilités que celles des amis qui m’ont précédé. J’essaierai en revanche de parler  de ce que m’a apporté ou ce que peuvent nous apporter les Hauts Grades.

La plus grande partie des loges du Grand Orient de France fonctionne pour ce qui est des 3 premiers grades dans ce qu’on appelle les loges bleues suivant le rite que l’on appelle "Groussier". C’est le nom d’un franc maçon qui a, à un moment donné, établi ou en tout cas participé à l’établissement de ce rite.  

Ma réponse à la question posée concernera uniquement les hauts grades. Je ne vous parlerai pas de ce que peut apporter l’écossisme dans les loges bleues puisque je n’ai pas suivi cet enseignement. Au Grand Orient de France, le grade de maître donne au franc- maçon qui le reçoit la plénitude des droits maçonniques  (article 5 de la constitution). Il est certain que les 3 premiers grades des loges bleues (apprenti, compagnon, maître) constituent un véritable ensemble symbolique. Le premier surveillant peut répondre au Très respectable, c’est à dire le président de la réunion, à l’ouverture des travaux : l’acacia m’est connu. L’acacia étant le symbole de la connaissance pour certains. Certains frères considèrent que le travail de maître ne les satisfait pas totalement. Ils pensent qu’une plus grande recherche philosophique leur est nécessaire pour approfondir le sens de leur démarche initiatique et peut être mieux comprendre quels sont les devoirs d’un franc maçon envers lui-même, envers les autres, envers les autres francs maçons tout d’abord qui le reconnaissent comme tel, car vous n’êtes franc maçon que si vous êtes reconnu comme tel par vos frères, et envers, enfin, les autres hommes.

Une voie leur est offerte à ces maçons insatisfaits, par les hauts grades (et je tiens à l’adjectif). Dans une revue à tendance démagogique, on nous a expliqué qu’il y avait d’autres grades. Je suis désolé, ce sont des hauts grades. Dans l’adjectif haut, il y a une question d’altitude. Lorsque j’étais instituteur, au début de ma carrière, j’avais des élèves et non pas des apprenants. J’avais l’impression de les élever. Or pour élever quelqu’un, il faut le faire grimper. Je considère que ces grades dont je vais vous parler sont de hauts grades qui nous permettent de nous élever. Je n’ai pas dit forcément par rapport aux autres ; déjà par rapport à soi même, et ce n’est pas mal. Aux francs maçons du Grand Orient de France, cette voie leur est ouverte, pour aller plus loin par les hauts grades, du numéro 4 au numéro 33, du 4ème au 33ème. Les francs maçons du Grand Orient de France formés par le rite Groussier découvrent alors le R\E\A\A\. Ils en sont très heureux. Il y a donc trois grades à un rite et on débarque dans une série avec un autre rite. Ca se passe bien actuellement. Jusqu’aux années 1950, un maître du grand Orient de France qui souhaitait continuer sa recherche initiatique accédait directement au 18ème grade, celui de Chevalier Rose Croix, c’est le nom qu’on lui donne, qui était  réputé noble. Le saut était difficile. Le 18ème grade étant réputé chrétien. Au Grand Orient de France on n’aime pas beaucoup les chrétiens, pas plus catholiques que les protestants. Ou plus exactement on les accepte mais on refuse qu’ils dictent la loi. Car le Grand Orient de France, si je me souviens bien, à moins que ça n’ait changé ces dernières années, est laïque dans le bon sens du terme, c’est à dire qu’il accepte les autres opinions à condition de pouvoir vérifier qu’elles sont sincères par exemple.

Je suis Maître, 3ème grade, j’arrive et tout de suite on me fait passer au 18ème, il manque donc 4, 5, 6 etc…Les grades intermédiaires entre le 4ème et le 18ème, qui auraient éclairé l’affaire,  

expliqué que bien sur on se servait d’un mythe, d’histoire, de chevalerie, de grades, de choses comme ça mais qu’il fallait l’interpréter, étaient seulement communiqués. Pour certains, ce fut l’étonnement et même pour certains le rejet. J’ai connu des francs maçons qui ont quitté la franc maçonnerie quand ils se sont trouvés devant cet enseignement du 18ème qui les déconcertait.

Depuis 1960, le Grand Collège des Rites a décidé de remettre en valeur les grades intermédiaires en les regroupant dans des ensembles appelés ateliers de perfection, même si le terme vient de très loin. Aujourd’hui, les loges de perfection fonctionnent très bien. Dans le livre du bicentenaire du R\E\A\A\.  que je vous recommande d’acheter, vous verrez une étude de Pierre Nabet qui est remarquable sur ce sujet. Et l’on peut se réjouir de cette action à laquelle nos très illustres frères Ernest Chabanne et Jean Mourgues ont pris une grande part. Les loges de perfection reprennent en les approfondissant les travaux symboliques des 3 premiers grades, le plus souvent du rite Groussier, et organisent ceux des 10 premiers Hauts Grades Ecossais, du 4ème au 14ème. Il faut dire aussi, dans ce renouveau, dans cette inflexion par les loges de perfection regroupées de cette manière, il faut aussi penser à Francis Viaud, qui était le Souverain Grand Commandeur qui a beaucoup œuvré dans cette direction. Les hauts grades écossais sont structurés de la manière suivante : les Loges de Perfection du 4ème au 14ème ; Les Souverains Chapitres du 15ème au 18ème ; Les Conseils Philosophiques du 19ème au 30ème ; Les Grades Blancs du 31ème au 33ème degrés. L’ensemble des hauts grades du 4ème au 33ème ne peut, faute de temps, faire l’objet d’une pratique suivie régulière, c’est à dire avec une cérémonie initiatique et des tenues pour chacun d’eux. J’avais ajouté là : la vie est trop courte. Mon épouse qui a tapé m’a dit non, il ne faut pas dire ça. La vie n’est pas trop courte et ensuite c’est mal venu. C’est simplement parce qu’enseigner avec cérémonie et tenue rituelle tous ces degrés, il faudrait toute la vie pour y arriver. On distingue donc les grades de communication transmis au moment de l’initiation au grade supérieur.

Cela ne signifie nullement que ces grades sont négligeables, ils font souvent l’objet de travaux spécifiques aux grades supérieurs dont ils éclairent parfois certains aspects. Quels sont les grades de plein exercice ? Ce sont le 4ème (le maçon s’appelle alors maître secret). Le 14ème (il est Grand Elu de la Voûte Sacrée, Parfait et Sublime Maçon) C’est sur , nous avons des adjectifs qui font sourire les profanes. Mais ce qu’il faut c’est penser que c’est symbolique, et essayer de voir à quoi ça correspond. Le 18ème (Chevalier Rose Croix), le 30ème (Grand Elu, Chevalier Kadosh, terme qui peut s’écrire avec un c entre le s et le h, d’influence germanique dont parlait tout à l’heure notre frère Hivert Messecca) ; Le 31ème (Grand Inspecteur Inquisiteur Commandeur) ; le 32ème (Prince du Royal Secret) ; le 33ème (Grand Inspecteur Général).

Alors que nous apportent les différents grades ? je n’ai pas l’intention de vous dire « le 13ème donne ceci…» J’ai choisi un certain nombre de choses : essentiellement le Maître Secret, le Chevalier Rose+Croix, le Chevalier Kadosh et trois mots sur les grades blancs. 

Le Maître Secret, c’est le 4ème grade. Dans les loges de perfection actuelles, si je me trompe, je demanderai à un historien de m’arrêter tout de suite, ou au Souverain Grand Commandeur. Dans les Loges de Perfection, on peut suivre soit le rite dit Franken (du nom de son introducteur qui le pratiquait, dès 1744. Son contenu symbolique s’appuie sur des récits et des légendes bibliques, et plus particulièrement de l’ancien testament mais aussi de la Kabbale), soit un autre rituel qui ne fait plus appel à la bible tant pour la recherche individuelle que pour la recherche initiatique. On peut penser avec Paul Naudon que le rituel de type Franken invite les frères à une recherche métaphysique alors que l’autre rituel les introduit dans une recherche morale. Quoi qu’il en soit, les deux rituels sont admis au 4ème grade. Quand je pense que je suis devant une assistance de 400 personnes et que du temps de la Mère Loge Ecossaise vous seriez une seule loge, que je m’adresse comme ça tout petit à une seule loge, c’est extraordinaire, et que vous écoutez, c’est encore mieux… Le frère Maître Secrêt ne se contente pas de pleurer sur la tombe de Maître Hiram. Il interprète ses dernières paroles comme un message d’espoir. Il s’engage dans une recherche qui le mènera il ne sait où. Il se dit avec Jean Mourgues : « c’est pour savoir où je vais que je marche ». Tous au long des voyages qu’il entreprend, le maître secret apprend à distinguer l’autorité personnelle et la puissance des institutions. Il apprend à se soumettre aux lois de la nature, à comprendre les hommes sans leur faire une confiance absolue, (quand je dis homme, ce n’est pas sexiste, c’est que le géologue que je suis vous rappellera gentiment que l’espèce homo sapiens sapiens embrasse aussi la femme, le plus souvent possible). Il apprend à se soumettre aux lois de la nature, à comprendre les hommes sans leur faire une confiance absolue, à respecter les opinions mais à ne les déclarer justes qu’après les avoir examinées, il est encouragé à se dégager de l’ignorance, des préjugés, de la superstitions, des dogmes (important les dogmes, sauf quand ils sont évolutifs), à prendre les décisions en toute liberté de conscience, être loyal envers lui-même, à aimer la justice. Enfin, il lui est conseillé de ne pas attendre de récompense d’autrui. Et pourtant, la volonté dans l’action est primordiale. L’essentiel est de faire son devoir. Tout est dit dans ce que je viens de relater de la démarche de libération que proposent les hauts grades écossais. La véritable initiation est un apprentissage incessant. Même s’il y a des paliers avec les nombres que je viens de vous donner, l’initiation se fait tout au long de la vie.

 Le Chevalier Rose+cCroix : nous avons beaucoup à apprendre de nos grands anciens, qu’ils aient été maçons ou non. Nous avons même tout à apprendre si nous prenons à la lettre les propos du 18ème grade. Cette remarque pourrait engager une réflexion à propos de l’éternel retour. La recherche de la parole perdue doit nous conduire, nous l’espérons, à la Vérité, ou, à tout le moins, à la sagesse que possédaient nos ancêtres. Ce grade est une étape sur la voie initiatique mais aussi la manifestation symbolique d’un moment particulier de l’équilibre spirituel des individus et des sociétés. C’est le moment où l’être humain, conscient de sa valeur intellectuelle, morale, spirituelle, se trouve confronté aux assauts des forces réelles qui se manifestent dans l’univers. Il se demande comment et par quoi se justifie son action. Entre la période d’acquisition de tous ses biens, croissance, conquêtes, enrichissement matériel ou spirituel et la maturation qui le voit acquérir une harmonie, s’épanouir, mettre en place son équilibre intérieur, se place une période trouble, obscure, qui est celle de la gestation et du dépassement. Je crois que c’est à ce point que se situe le 18ème grade. La cérémonie de la Cène qui mérite là aussi qu’on l’étudie, qu’on l’explique, qu’on montre que ce n’est pas une cérémonie uniquement chrétienne puisque certains sont allergiques à la chrétienté. La cérémonie de la Cène qui clôture la tenue permet de recevoir les nouveaux chevaliers avec la solennité qu’il convient. Au 18ème grade, on leur parle aussi du Graal, clé de la tradition celtique. Ce vase est sensé contenir la haute nourriture, celle de la corne d’abondance païenne. La boisson qu’il contient étanchera leur soif d’objectivité, de lumière et de connaissance, il faut rechercher le Graal car il consolera des chagrins, rassasiera notre faim et notre soif. Cette coupe qui est aussi le saint Graal du Christ est pour les tibétains un vase gardien du trésor, dépositaire et réservoir de vie. Le symbole du Graal est une bonne présentation du cadre de l’aventure chevaleresque et comme un résumé du généreux et difficile objectif de l’enseignement capitulaire, c’est à dire du Chapitre. Jean Mourgues disait : « il y a un Graal en chacun de nous, il y a un Graal en chaque homme. Le sacrifice est la loi du chevalier rose croix qui n’a pour sa sauvegarde que sa foi, son espérance et sa charité ».  

Je vous trouve bien sérieux. D’accord je ne raconte pas d’histoire drôle.

 Le Chevalier Kadosh : pendant l’initiation au 30ème grade, nous apprenons une fois encore à notre grand dam que nous avons atteint le nec plus ultra de l’initiation. Ca y est, vous êtes arrivés, vous savez tout ! Et encore une fois nous nous rendons compte rapidement que c’est faux. Mais nous comprenons enfin que l’initiation est un processus sans fin. On nous fait passer de chambre vide en chambre vide. Quand la dernière porte s’ouvre, nous nous apercevons qu’il n’y a rien à découvrir car tout est connu depuis longtemps. L’initiation achevée, l’est-elle jamais ?,  c’est l’art de ne plus se poser de question, sur des mystères qui en soulèvent d’autres tout aussi impénétrables à l’infini.

L’échelle de Jacob permet de monter aux cieux. L’échelle mystérieuse du Chevalier Kadosh lui permet aussi de monter, mais il redescend sur terre après auprès de ses frères. La lutte contre l’ignorant, l’orgueilleux, le cruel, le fanatique exige sa présence parmi les hommes. Il aime la vérité et la connaissance mais aussi ses semblables, les hommes. Il cherche à comprendre les lois de l’univers mais il pratique l’art de vivre et combat toute oppression. Il comprend mais sait aussi résister. Sa devise est la plus belle qui soit : « Fais ce que doit, advienne que pourra ». Je n’ose pas dire que c’est la mienne car c’est bien présomptueux.  Je sais que lorsque j’ai eu cette initiation au 30ème, c’est quelque chose qui m’a profondément travaillé. Alors, est-ce que ça m’a élevé un peu plus que dans d’autres grades, peut-être que oui ou peut-être pas, je ne sais pas. Peut-être que ça a été quelque chose qui a éclairé, illuminé tout ce que j’ai essayé de faire depuis que je suis entré en maçonnerie. Mais c’est sur que je me suis un peu plus structuré avec cette devise.

J’ai été rapide, il me reste quelques mots à dire sur les grades blancs et mon successeur sera content. C’était dense, j’aurais pu faire plus de circonlocutions.

 Les grades blancs, c’est 31, 32, 33 appelés à tort administratifs. J’ai fait de l’administration dans ma carrière, ce n’est pas tellement enrichissant. C’est utile, c’est important. Mais il faut que vous sachiez que les administrations des grades blancs, ce n’est pas écrasant. Tout se fait à Paris. (Je n’aurais pas dû dire cela devant Moisy). Beaucoup de choses en tout cas se font à Paris. J’ai l’impression que c’est vrai de plus en plus pour le Grand Orient de France. Excuse moi, mon frère, c’est mon idée et je la partage. Je ne sais pas si ce n’est pas un petit danger que nous avons là, non pas en perspective mais autour de nous. C’est de faire que l’administration nous fasse oublier la signification de tous ces grades. Alors, les titulaires des grades blancs, je vous rappelle qu’il y en a un qui est le Grand Inspecteur Inquisiteur Commandeur (31ème degré), le suivant c’est le Prince du Royal Secrêt et le 33ème, c’est à dire ceux qui sont arrivés le plus haut dans la voie de l’initiation, c’est donc ceux qui sont parfaits, plus parfait que les autres, plus que parfaits, ce sont les Grands Inspecteurs Généraux. Ils sont chargés, et ce n’est pas une mince affaire, de rendre la justice. Les Inspecteurs et les Princes du Royal Secret rendent la justice. Ca arrive quelquefois, si parfaits que nous soyons à partir du 4ème. Ils doivent maintenir et protéger notre institution. Je dois dire que j’ai eu plaisir à travailler et continuer à travailler avec des frères qui ont cette idée là et qui essaient de maintenir ce qui a été le grand apport de ce R\E\A\A\, cette idée qu’au Grand Orient de France, on peut accepter, recevoir et avoir comme frère dans ces grades des gens qui n’ont pas forcément les mêmes conceptions métaphysiques que vous. Mais ils sont sincères. Chez nous, on peut croire en Dieu , croire au Grand Architecte de l’Univers, on peut être athée (quoi que ce n’est pas facile d’être athée), on peut aussi être agnostique. La position d’agnostique est une position tout à fait agréable. Les titulaires du grade blanc doivent protéger et maintenir notre institution donc, rendre la justice, y faire régner l’ordre avec un petit « o » suivant la formule « ordo ab chaos », enfin, afin que leur action s’étende également à toute l’humanité. Au Grand Orient de France, nous avons aussi dans l’article premier cette idée que nous essayons de nous élever nous mêmes. C’est pour ça que je tiens aux hauts grades. Mais nous n’oublions pas que nous sommes parmi des hommes, que nous sommes frères et que nous devons leur rendre quelque chose qu’ils nous donnent, et pour cela, notre action ne doit pas se limiter à nos loges et nous devons répandre les vérités que nous y acquérrons. Et ça n’est pas facile.

Je voudrais terminer par une autre citation de Jean Mourgues : « il n’y a jamais de dernier mot, l’espèce continue et la nécessité de s’adapter à chaque circonstance nouvelle, c’est la vie ».  

J ‘ai dit.

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Daniel BERESNIAK :

"Les Perspectives d'Avenir du REAA"

Chers ami(e)s, vivre l’union dans la diversité est le propos du maçon. C’est ce qui ressort de tout ce qui a été dit tout à l’heure. L’union dans la diversité, nous l’expérimentons avec un bonheur divers, cela a été dit implicitement, plus ou moins explicitement et c’est exactement le contraire de l’unité dans la conformité. L’unité dans la conformité c’est « je ne veux voir qu’une seule tête ». C’est le modèle sectaire. Dans la vie profane, nous le supportons ce modèle sectaire. C’est le conformisme obligatoire. C’est l’obligation de se conformer à un modèle, l’obligation de réciter, de complaire. Il faut bien reconnaître que la plupart des entreprises fonctionnent comme des sectes où chacun doit en outre, non seulement être compétitif, justifier son salaire mais approuver la hiérarchie et partager cette idée dont les maçons sont en principe guéris, cette idée qui se rattache à un vieux réflexe archaïque, cette idée selon laquelle plus on monte dans la hiérarchie, plus on approche de la lumière. Mais au R\E\A\A\ au moins, ça n’existe pas. Il y a longtemps qu’on est totalement libérés de ce réflexe archaïque. Alors comme ça fait un peu rire, c’est qu’on reconnaît qu’il y a encore quelques petits « brochages » à faire, mais au moins, on le reconnaît de bonne grâce. Et au moins, on ne se prend pas au sérieux. Et quand on ne se prend pas au sérieux, on est prémunis contre la psychorigidité qui est une pathologie grave et ainsi, c’est prometteur. Justement, ne pas se prendre au sérieux, jouer des rôles, c’est justement ce à quoi nous invite le rite. Jouer des rôles, nous confronter à des rôles, mais ne pas nous identifier aux rôles, garder une certaine distanciation. Lorsqu’on fait du théâtre, aussi bien les grands théoriciens du théâtre, aussi bien Stanislas Guy que Brecht d’un autre, reconnaissaient que, à l’expérience il ont trouvé ça, celui qui s’identifie à son rôle est forcément mauvais. Il faut se regarder jouer, s’examiner en train de jouer. Et même dans la vie profane, quand on a un rôle à jouer, notamment un rôle responsable, un rôle de gestion, de commandement, etc…si on croit que ça correspond à la réalité profonde de l’être, on délire forcément, se distancier.

Dans la pratique maçonnique, tous les rites répondent à une demande à la fois affective, intellectuelle et spirituelle. Et cette demande associe la reconnaissance, l’éclairage, et aussi l’aventure. Chacun demande à être reconnu. Certains demandent en outre à comprendre et posent des questions : pourquoi, d’où ça vient, comment ça se fait ? Parce que lorsqu’on vient en maçonnerie, on n’est pas un récitant qui admet des réponses, qui récite des réponses. L’équerre et le compas sont d’abord les outils de la vérification. La plus ancienne définition de la Franc Maçonnerie remonte aux manuscrits Cook et Regius où il est dit : « la géométrie est la cinquième des sciences dite aussi Franc Maçonnerie ». Et pourquoi la géométrie ? il y a une note de bas de page qui dit : « même la grammaire, même la rhétorique ne tiendraient pas debout sans la géométrie ». Ca a été occulté par beaucoup de commentateurs. Parce qu’on ne comprend pas. Mais lorsqu’on ne comprend pas un texte, il faut regarder le contexte. Et en fin de compte, le contexte est clair. C’est l’enseignement, les modalités du savoir à l’époque. C’étaient les modalités du savoir d’après le principe d’autorité dont il a été question tout à l’heure. J’ai commencé mon exposé en en faisant état. Tous les cours terminaient par la formule « Magister dixit », le maître a parlé. Quand on voulait être médecin, on récitait par cœur ce qui était considéré comme le dernier mot de la médecine puisque la vérité était regardée comme déjà dite, déjà formalisée. Et cette vérité c’était la théorie des humeurs de Galien et Hippocrate est celui qui l’avait récitée comme il convient avait son bonnet de médecin. Comme il avait le droit de saigner et de purger, comme il y avait des patients qui survivaient, ça aurait pu durer jusqu’à nos jours.

Notre esprit contrôlait, regardait la seule modalité du savoir qui ne peut pas se transmettre par le principe d’autorité, c’est la géométrie. C’est pour ça que tous nos enseignements, tous nos rites dans leur diversité prennent en compte la géométrie.. Je ne peux pas dire que la somme des angles d’un triangle est égale à un angle plat parce que c’est écrit dans les Saintes Ecritures. Ou parce que ça fait plaisir à Monseigneur. Je suis contraint de poursuivre mon propos en disant que vous ne le saurez qu’après avoir vérifié avec vos outils, l’équerre et le compas qui sont les outils de la vérification et aussi les symboles. Seulement les symboles  ne nous ouvrent pas les portes de vérités sublimes qui seraient dissimulées dans les formes. C’est d’abord un raisonnement, des associations autour des outils des bâtisseurs. Il faut rapprocher, je le fais au niveau de l’esprit du maçon puisqu’il est bien question de cela dans cette intervention, pourquoi nous pourrions avoir envie d’être maçon ? Pourquoi au R\E\A\A\particulièrement ? Quoi que je ne fasse aucune publicité particulière pour ce rite, tous les rites se valent, chacun trouve son rite selon sa sensibilité. C’est bien de les explorer un peu tous, simplement, comme il est question de ce rite aujourd’hui, je parle de ce rite sans dire qu’il est supérieur aux autres, il n’est pas question de ça. Mais il a sa spécificité et c’est de ça qu’il s’agit. Mais pourquoi nous devenons francs maçons, c’est parce que justement nous avons envie de vérifier, nous voulons cesser d’être des récitants, nous voulons être des créatifs, devenir des hommes libres et créatifs, créateurs. Nous nous autorisons l’erreur et nous nous interdisons le mensonge. Nous autorisons l’errance qui est absolument nécessaire. Nous nous imposons de jouer des rôles qui ne sont pas toujours des rôles beaux à jouer, intéressants mais qui nous permettent de nous révéler. Parmi ces rôles premiers relativement à la révolte contre, au Moyen Age, du principe d’autorité, je chante la gloire des dissecteurs. Qu’est ce que c’était un dissecteur ? C’est celui qui transgressait le tabou de la mort. Transgresser le tabou de la mort, imaginez vous au 13ème siècle, 14ème siècle, ce que ça voulait dire transgresser le tabou de la mort. Déterrer un cadavre, si vous étiez pris, vous vous en tiriez très bien si vous étiez seulement pendu. C’était en plus de ça désagréable, le mort n’était pas toujours très frais. A mettre dans la cave, à ouvrir avec les copains, simplement pour regarder ce qu’il y a dedans ! La curiosité, démarche prométhéenne et faustienne qui nous a valu le développement d’une science à laquelle nous devons tant et que nous chantons. Mais lequel de nous est capable de prendre de tels risques ? Aller à l’encontre de l’opinion ? aller à l’encontre de ses propres intérêts ? Simplement par curiosité ! La curiosité qui est la plus grande des vertus du maçon et qui est considérée justement dans la théologie chrétienne comme un grand vice, un grand péché puisque c’est celle, comme chacun sait qui a perdu notre mère Eve. Par conséquent, il s’agit donc de vivifier la curiosité en choisissant la voie maçonnique. Lorsque nous choisissons un rite, nous examinons son ésotérisme, son occultisme, son discours. Et le rite est un système organisé en degrés d’avancement, j’apprends rien, ça a déjà été dit bien mieux que moi. Il a été défini par des occultistes et aussi par des ésotéristes comme un espace de promotion. A chaque passage, l’adepte serait de mieux en mieux qualifié et de plus en plus instruit. Des vérités sublimes lui seraient révélées au fur et à mesure de son avancement. Les occultistes regardent la vérité comme si elle était déjà formalisée, analogue à une chose qui serait cachée dans un texte ou dans une image. Les ésotéristes, par contre, admettent la polysémie du symbole comme inépuisable. L’ésotérisme et l’occultisme se réfèrent l’un et l’autre à ce qui est caché. L’un se dit depuis le grec, l’autre depuis le latin, mais la démarche est essentiellement différente. La traduction et les commentaires de Marsile Ficin et de ses frères en Platon du Corpus Hermeticum ne sont pas du tout dogmatiques. La théologie entre guillemets élaborée par l’académie platonicienne de Florence de 1463 à 1499 ne se présente pas comme un catéchisme qui emboîte des réponses et des questions de manière à ce que chaque question n’aurait qu’une seule réponse recevable. Notre problème aujourd’hui, c’est d’arriver à nous libérer des modes, des idéologies, des représentations du monde religions ou idéologies politiques ou quoi que ce soit qui justement emboîte des questions-réponses de manière à ce qu’il n’y aurait qu’une seule réponse recevable pour chaque question Je veux montrer dans cette intervention que la maçonnerie et les rôles qu’elle nous invite à jouer pourrait nous aider à nous libérer de ce réflexe d’imitation Parce que dans les grands magasins des prêts à penser – prêts à porter, chacun choisit une représentation du monde qui lui permet de se faire admettre dans un certain milieu, dans son clan, dans sa famille et d‘obtenir des caresses du milieu dont il souhaite justement de  la reconnaissance. Pour cela, il faut faire un effort sur soit même. Cette théologie platonicienne reprend à son compte la tradition maçonnique elle même. La tradition maçonnique en général se situe dans une tradition qui est fort ancienne qui situe le mal dans l’ignorance, qui est aussi ancienne que la tradition opposée qui elle, situe le mal dans la transgression. Depuis la plus haute antiquité, on peut les opposer (sadducéens contre pharisiens, etc…) .

Nous associons, en échangeant de la parole et en travaillant sur les symboles, l’intuition, l’imagination, la logique, l’observation, la comparaison, l’expérience et la critique, simplement pour examiner comment nous associons comment nous metaphorisons. Il s’agit de relier le désir à nos réflexes, de regarder ce qui est à comprendre. Dans l’histoire des idées et des comportements en Europe au 15ème siècle, l’événement qui marque un tournant vient d’un philosophe grec du nom de Gordios Démistos Plétom auteur d’un livre intitulé « des lois » dans lequel il proclame que tous les hommes ont droit au bonheur. Au 18ème siècle un certain Saint Just a dit que c’était une idée nouvelle en Europe, mais tout œuvre, tout dire s’inscrit dans un cortège d’échos. Il faut toujours retrouver ce qui précède. Il a dit aussi quelque chose qui nous intéresse directement : « chaque religion est un morceau du miroir brisé d’Aphrodite ». Cette parole est intéressante et est à étudier par les maçons car précisément, elle relie le symbole à l’étude du désir. Pourquoi nous aimons telle image et pourquoi nous aimons telle idée, et comment depuis ce constat nous pouvons regarder comment nous réglons des choses, des problèmes, comment nous parlons pour nous justifier, pour valoriser une image qui hante notre imaginaire. Le R\E\A\A\ comme les autres rites d’ailleurs propose des jeux de rôle qui font vivre des légendes. Et celles-ci brassent des faits historiques et des traditions verbales. .La forme rituelle crée du sens qui à mesure qu’il est expérimenté…..

…..d’étranges paysages et s’éprouvent grâce à des histoires d’un passé réel et rêvé, réel ou rêvé plus ou moins réel et toujours plus ou moins arrangé. La loge des maîtres secrets propose une réflexion sur le travail de deuil grâce auquel le maître devient l’artiste de son propre destin. Il s’engage dans la quête de la parole perdue, c’est à dire le sens de la parole substituée, il s’autorise justement l’errance et l’erreur mais s’interdit le mensonge. Cette quête se construit depuis le constat que depuis la mort de l’architecte, nous prenons conscience que nous ne parlons que la langue de bois, une langue substituée. Prise de conscience douloureuse. A partir de cette prise de conscience, nous devons travailler sur le langage lui-même. Et puis on joue les rôles de Stockin, Johaben, Zorobabel, différents degrés dans des conditions différentes. Il a été dit tout à l’heure qu’il est impossible d’avancer dans les 33 degrés en prenant son temps. Bien sûr, on transmet certains degrés par communication, en sautant certains. Mais il y a quand même une demande de les explorer. Il fut un temps où on passait directement au 18ème à partir de la maîtrise. Aujourd’hui il y a quand même des degrés intermédiaires et dans ceux-ci, il y a d’autres degrés intermédiaires sur lesquels on passe très vite. Il y a certains lieux, en Belgique je crois, où quand on saute certains degrés, on joue une soirée à chacun des degrés qu’on a sauté, on les étudie en profondeur. Nous pratiquons donc comme un yoga mental pour regarder comment fonctionne le sens et comment nous remontons d’une signification à la plénitude d’un sens comme nous faisons avec la kabbale qui nous offre des formules, des mots qui veulent dire des tas de choses et nous jouons avec ça pour proposer une signification. C’est ce que Victor CHOLEN appelait un yoga mental qui nous habitue à descendre de la plénitude du sens dans une signification et à remonter simultanément de la signification à la plénitude du sens. Ca procure quelques satisfactions, ce n’est pas toujours ennuyeux. Pour ce qui concerne le projet de chevalerie au 15ème degré, là où on manipule la truelle et l’épée, là où depuis le projet de reconstruire le temple on établit la devise « liberté de passer » qui a aussi été traduit par « liberté de penser » à certains endroits. On devient alors notre emblème. On visite ensuite l’alchimie. Puis nous jouons à Frédéric II de Prusse qui est un personnage intéressant et ambivalent dans un décors sinistre mais éclairé par le tétragramme. FrédéricII est un personnage clair obscur, le despote éclairé. Les grandes constitutions du rite lui ont été attribuées. Elles seraient datées du 1er mai 1781 et signées par lui. Mais nous savons aujourd’hui que cela est faux. Mais ces textes définissent néanmoins des règles et il en existe 2 versions, la 1ère rédigée en français, la seconde en latin. Autour de ces deux versions il y a eu toute une littérature abondante mais cette abondance ne nous intéresse pas pour vérifier, je ne suis pas un historien, l’abondance atteste l’intérêt qu’on lui porte et cet intérêt manifeste justement une demande de repères. Cette demande a du sens relativement à une demande d’affectivité de se blottir, parce qu’en fin de compte ce qu’il y a derrière notre démarche, c’est notre désir de nous blottir dans un groupe d’élus, face à des réprouvés, à des infidèles, à des inférieurs, regardons le en face mais avec le sourire, avec bienveillance mais sans complaisance. Comment nous avons envie de nous recroqueviller dans un groupe qui saurait des choses que d’autres ne sauraient pas. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que Frédéric II, contrairement à ce qu’on croyait en France, ne se prenait pas au sérieux. Despote éclairé, il a été le premier roi, quand il a pris le pouvoir en 1740 alors qu’on en était aux guerres de religions aussi bien en France qu’en Angleterre, qui a dit chez moi, tous les citoyens peuvent être heureux. Amenez moi des athées, des mahométans, s’ils sont industrieux je leur construirai des clubs et des temples. Ce qui n’était pas vraiment à la mode à l’époque. Et puis, il a dit aussi « Jeder kann zelig sein », « chacun a le droit d’être heureux » Dans mes états, chacun a le droit d’être heureux, quelles que soient ses convictions. Dans la mesure évidemment, où il paye ses impôts et ne se révolte pas contre le roi, ne cherche pas à installer la république. Tout a des limites. En France notre formation rationaliste nous a appris à regarder les personnages et les textes d’une façon rationnelle : ou bien… ou bien. Ailleurs en Europe, on peut dire et bien… et bien… Il a écrit des textes dignes d’un anarchiste. Il a écrit un texte en français, car il ne parlait en allemand qu’à Dieu et à son cheval, que je vais vous lire car il était un grand franc maçon, fondateur de l’obédience des Trois Globes : « Mais du pouvoir des rois connaissons l’origine, pensez vous qu’élevé par une main divine le peuple, leur état leur aient été commis comme un troupeau stupide à leurs ordres soumis, les crimes effrontés, l’artifice des traîtres forcèrent les humains à se donner des maîtres ». Pour les français, c’est un peu déconcertant que ça ait été écrit par un roi.

Il a joué des jeux de rôle car dans l’Obédience des Trois Globes, on joue et dans les obédiences allemandes, on joue. Dans les obédiences de Chevalerie du Baron de HUND, la stricte observance templière, il y a également des jeux de rôle complètement contradictoires. Et là, c’est surtout l’apprentissage de la chevalerie, il en a été question tout à l’heure, c’est quelque chose d’extraordinaire. Je terminerai là dessus, c’est quand même nous libérer de ce triste état qui nous contraint à la respectabilité. Le sens de l’honneur, « fais ce que doit, advienne que pourra » que l’on apprend en maçonnerie et que l’on a du mal à vivre et comme le frère qui m’a précédé, je ne prétend pas être à la hauteur de ce merveilleux projet, mais néanmoins, c’est le sens de l’honneur, tout simplement. Le sens de l’honneur nous dit sois juste. Fais ce que tu dois pour te comporter comme un juste. Ne laisse pas passer une injustice, interviens. Force la porte de quelqu’un si tu entends des cris derrière cette porte. Vérifie ce qui se passe et ne regarde pas si c’est nuisible à ta santé, nuisible à ta carrière ni si tu risques ta vie. Alors que la respectabilité que nous enseignent le monde profane et l’école, c’est tout à fait autre chose que l’on appelle pourtant l’honneur. La respectabilité consiste à être habité par la question que vont dire les voisins, que pense-t-on de moi, que pense-t-on de moi en haut lieu, de quoi ai-je l’air ? Ces gens qui sont hantés par le souci de la respectabilité sont à plaindre et ceux-là ne peuvent pas devenir des nôtres.

Je vous remercie pour votre attention.

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 Allocution de clôture du TPSG Alain de Keghel
 
Le brio, c’est prêter prématurément des qualités que je ne me reconnais pas, mais je salue une nouvelle fois vous tous mes amis et mes amies qui avez bien voulu vous joindre à nous pour cet après midi de découverte, de redécouverte, de réflexion, de rebondissement, de spéculation.
 
Je salue Marseille, je salue les sœurs et les frères de tous rites qui se sont réunis avec nous aujourd’hui sur les rives de la Méditerranée pour partager cette fête du bicentenaire.
 
Oui, nous sommes en fête car nous fêtons sous l’égide du Suprême Conseil, Grand Collège du R\E\A\A\ du Grand Orient de France le bicentenaire de la création par Alexandre de GRASSE TILLY de la première juridiction écossaise des hauts grades en Europe, précisément le 22 septembre 1804, et du Concordat le 5 décembre de la même année établissant ce lien durable, fragile, questionné et fondateur entre notre obédience et la juridiction écossaise.
 
Cette célébration a une portée plus générale, nous l’avons entendu, découlant directement de ce lien. C’est pourquoi d’ailleurs le Conseil de l’Ordre, dont je salue la présence des représentants auprès de nous ici, a tenu à faire de l’année 2004 aussi celle de l’année du R\E\A\A\ pour l’obédience du grand Orient de France.
 
Mes remerciements vont aussi bien sûr au comité d’organisation et en particulier à Francis Allouch qui a joué un rôle déterminant pour le succès de cette journée. Ces remerciements sont non seulement les miens, mais aussi ceux de tout le Suprême Conseil parce que rien n’est évident en la matière. Surtout compte tenu de la plage de temps qui avait été choisie. Ce bicentenaire est une occasion exceptionnelle de réflexion collective, ouverte, fraternelle, où n’est nullement absente la notion de mouvement. Bien au contraire une réflexion qui ne se limite pas aux ateliers du Grand Collège, je l’ai dit, mais qui embrasse l’éventail de l’ensemble d’un corps maçonnique pluriel auquel nous appartenons. Nous venons d’entendre comment nous en sommes arrivés là, deux siècles plus tard, après bien des avatars. Je remercie les historiens, remercions les ensemble, de leur contribution essentielle, mais pas seulement les historiens, ceux qui ont contribué a donner de l’âme à ce regard sur notre rite, contribution essentielle à la juste appréciation des réalités. L’histoire et les vicissitudes qu’elle a porté en elle sont source d’enseignement plutôt que de glorification. Nous savons que les épreuves existent et se répètent. Tirons en les enseignements de sagesse mais aussi de force pour l’avenir. Ayons la modestie collective de reconnaître une réalité têtue : l’homme et la femme sont tout simplement perfectibles. Les institutions aussi, d’ailleurs.
 
Nous serions nous jamais engagés dans cette voie exigeante de la Franc Maçonnerie si nous n’en avions pas conscience ? L’histoire et la recherche, c’est aussi le terrain sur lequel il est le plus aisé de se retrouver et de dialoguer au delà des différences doctrinales qui existent, et qu’il serait vain de taire, des options singulières à chacun des courants maçonniques qui traversent également, nous l’avons entendu, ce que nous sommes convenus néanmoins d’appeler par souci de simplification du générique d’écossisme. Terminologie quelques peu simplificatrice donc, retenue pour la facilité de l’énoncé même si nous devons garder conscience de l’imperfection de ce choix de dénomination. L’écossisme est donc pluriel. Il est l’une des dimensions de ce cheminement choisi et voulu par certains au delà de la maîtrise. Il est celui que nous avons retenu après avoir pour la plupart d’entre nous été initiés et avoir cheminé jusqu’à la maîtrise au Rite Groussier français au 1er degré, et au rite Français aux 2ème et 3ème degrés, pour être tout à fait précis, tronc commun à la plupart des frères du grand Orient de France dans les ateliers symboliques. Il est masculin, historiquement, il est aussi féminin pour certains et certaines car la société évolue et il est même parfois mixte comme en atteste la présence de juridictions amies ayant fait ce choix. Réjouissons nous de ce pluralisme divers plutôt que de nous en affliger. Cet éclectisme doit nous enrichir. Nous voyons bien là aussi une des manifestations écossaises de la liberté absolue de conscience qui est au cœur même de notre démarche et de notre culture maçonnique au  Grand Orient de France au plus profond de notre conscience peut être aussi pour la raison que j’indiquais il y a un instant. Au R\E\A\A\, du Grand Orient de France, nous ne sommes pas « monorites », nous avons une culture maçonnique ouverte sur la diversité. Le plus grand dénominateur est au centre de notre cheminement. Car nous refusons obstinément tout ce qui ressemble à l’exclusion, à l’enfermement dans un rite, au sectarisme, au rejet de l’autre pour avoir recours à une formule contemporaine un peu galvaudée : à la pensée unique.
 
La présence ici du Grand Prieur du Rite Ecossais Rectifié entouré de dignitaires que nous saluons avec une profonde et sincère sincérité mon cher Philippe, est l‘un des témoignages les plus éloquent de la volonté partagée de se retrouver. Volonté de concorde fraternelle dans le respect des différences, consignée dès le 27 juin 2003 dans un protocole d’accord sur un code de bonne conduite énonçant un certain nombre de principes  élémentaires d’éthique et de comportement auquel tout honnête maçon, écossais ou non, ne peut que souscrire. Ensemble et les premiers, nous avons donc choisi la seule voie qui vaille en maçonnerie, celle du respect profond, sincère, authentique de l’autre dans sa différence, sans chercher à imposer quoi que ce soit, nous venons d’ailleurs de nous accorder, aussi, sur des règles de visites réciproques. Nous nous en réjouissons. Cet élan a également été suivi assez rapidement par les rites de York….
       … il faut le souligner et nous le faisons avec conviction et sincérité. Notre attitude ne peut être équivoque. Nous nous réjouissons de constater qu’elle a bénéficié aussi, et je le dis en présence des représentants du Conseil de l’Ordre d’une forte adhésion de la part du Grand Maître. En vous annonçant aujourd’hui que le 18 mai, le Suprême Conseil et le Grand Chapitre Général du Rite Français viennent à leur tour de signer un protocole et de définir des règles de visites, je ne puis vous cacher combien nous voyons là un signe d’espoir qui marque aussi une étape essentielle vers un retour à la concorde tant appelée de nos vœux. Je salue chaleureusement les délégations régionale et nationale du Grand Chapitre Général du Rite Français qui sont venues se joindre fraternellement à nous aujourd’hui en leur souhaitant une  très cordiale bienvenue. Je vous demande de bien vouloir transmettre à Jacques Georges PLUMET mes fraternelles salutations. Les signes encourageants que constituent la signature d’accords entre les deux rites devront encore trouver leur concrétisation sur le terrain et nous savons bien que ces textes n’entreront en vigueur pour le rite français qu’après ratification par le prochain congrès des Souverains Chapitres à la fin de l’été. Mais gageons qu’une fois cette ratification acquise, les frères des deux rites sauront bientôt se les approprier avec l’intelligence du cœur et surmonter les vieux démons des années 90 et du début des années 2000. C’est à l’aune des attitudes que nous jugerons les uns et les autres.
 
La grande famille des Rites des Hauts Grades du Grand Orient est donc en mouvement. Elle retrouve ses esprits et aura su manifester la force de sa capacité au dialogue et à la construction trop longuement lestée par les préjugés, les préventions et pour certains par l’appétence de ce qu’ils croient être le pouvoir. Ensemble, nous serons ainsi en mesure de poursuivre l’œuvre de concorde authentique maçonnique et fraternelle dans  notre maison commune du Grand Orient de France qui est avant tout notre temple commun riche de ses diversités. Célébrons tous ensemble cette avancée chargée d’espoir et de fraternité ici à Marseille en ce jour du bicentenaire.
 
Puisque nous sommes sur les rives de la Méditerranée, je souhaite aussi conclure ce colloque en insistant tout autant sur l’importance capitale que revêt à nos yeux le resserrement des liens maçonniques entre juridictions du pourtour méditerranéen et de la façade sud de l’Europe. Au moment où l’Europe civile, je le disais à l’instant en réponse à une question, où l’Europe civile, sociale, économique et espérons aussi un jour politique se construit, nous devons ensemble être capables de nous faire entendre sans nous substituer aux obédiences. Chaque structure doit être dans son rôle et rien que dans son rôle. Le nôtre, celui du Suprême Conseil, est par nature philosophique, en amont de l’action dans la cité. En cela aussi il nous distingue de celui, des ateliers symboliques. Nous ne revendiquons, comme cela a été dit précédemment, certainement aucune supériorité prétentieuse, simplement l’élévation individuelle du frère. Et par la même occasion, pourquoi pas aussi, l’amélioration de l’homme et donc de la société ? Mais nous n’entendons point rester confinés à des champs de réflexion purement ésotériques. En conduisant une réflexion plus contemporaine et prospective, ensemble avec les juridictions d’Italie, d’Espagne, du Portugal, de Grèce, de Turquie, du Liban mais aussi avec celle des Balkans et d’Afrique qui viennent se joindre à nous par des traités d’amitié et de coopération, mais demain aussi, espérons le, bien d’autres encore, nous pouvons, sans tomber dans le piège du registre temporel politique partisan, apporter une contribution différente à une dimension autre.
 
Aussi je renouvelle aujourd’hui l’appel lancé à toutes et à tous le 29 novembre 2003 à Nice pour qu’unis dans l’effort, nous puissions nous réunir nous rassembler dans le cadre écossais pluriel et au delà dans une dynamique si heureusement apparue à l’occasion, je le rappelais tout à l’heure, de la célébration du 275ème anniversaire de la maçonnerie française. Il y a là un élan prometteur qui eut relevé, il y a peu de temps encore, de la plus pure utopie. Or vous constaterez avec nous que cette utopie est devenue réalité à Lyon. Ce jour là tous les courants maçonniques français étaient bien présents dans un même élan.  Tirons de cette élan une énergie nouvelle à laquelle chacun puise pour un renouveau partagé. L’Europe méditerranéenne avec son paysage maçonnique composite et contrasté, ne  peut qu’y trouver son compte. Aussi, avons nous amorcé, comme je l’indiquais en réponse à une question, avec d’autres, une réflexion nouvelle sur les initiatives à prendre. Nous avons déjà un cadre préexistant, celui des rencontres écossaises internationales dont les dernières assises se sont tenues à New York au mois de mai 2003, à l’invitation de la juridiction noire américaine Oméga. Les prochaines auront lieu en mai 2005, dans un an, à Genève. Et l’idée chemine et progresse de saisir cette occasion pour mettre l’accent sur la dimension européenne et méditerranéenne qui nous est commune en y associant aussi les sœurs. Déjà nous avons mis collectivement en chantier un projet de déclaration de Genève destiné à faire écho dans un contexte de renouveau à celle de Lausanne de 1875, je ne fais pas référence à Frédéric II, je pourrais le faire aussi bien, en y incluant un code de bonne conduite écossais international. Il pourrait y avoir là une première approche raisonnée et raisonnable de cette thématique tout à fait contemporaine et qui attesterait de la modernité de notre rite. Nous afficherions aussi notre ouverture en associant à cette démarche tous les courants écossais y compris ceux avec qui nous ne pouvons pas partager nos tenues. Déjà, nous avons formulé la proposition de créer une société européenne de recherche écossaise dont l’acronyme    SEURE  est déjà tout un programme. Alors qu’il y a quelques jours seulement notre juridiction et le Suprême Conseil d’Italie ont tenu une importante réunion à Rome, nous avons conclu à la convergence des politiques en convenant de projets portés ensemble. Chacun mesurera donc le chemin parcouru et l’élan qui porte le courant écossais alors que le Suprême Conseil d’Italie fêtera comme cela a été évoqué tout à l’heure son bicentenaire en 2005 et que nous l’accompagnerons bien entendu.
 
En esquissant le panorama écossais international il nous paraît opportun de regarder le chemin parcouru depuis 10 ans. Nous n’avons aucune raison de fausse honte, d’options retenues par nous, par ceux qui nous ont précédé et qui ont infléchi le cours de l’histoire de notre Suprême Conseil dans notre contexte maçonnique, socio-politique, culturel français, latin et européen. Notre juridiction, ses responsables comme les quelques 7000 frères qui la composent s’identifient au plus profond d’eux mêmes aux valeurs fondatrices du Grand Orient de France, fédération de loges libres ayant aussi le libre choix de leur rite. Et ce n’est pas en faisant des concessions ni en faisant preuve de faiblesse encore moins en se livrant à de mauvais compromis que nous eussions contribué à la clarté du débat. Cette ligne de conduite exigeante est plus que jamais à l’ordre du jour. Si nous croyons fondamentalement aux vertus du débat respectueux des autres, nous ne quémandons rien, nous proposons et nous suggérons. Nous sommes tels que nous sommes et essentiellement avant tout des frères du Grand Orient de France ancrés dans une identité et une tradition du plus grand dénominateur commun comme je l’ai dit en introduction. Nous le disons et le revendiquons sans prétention. Mais c’est une affirmation identitaire qui compte pour nous et qui doit être connue. Pour autant, me paraissait-il tomber sous le sens que rien n’était plus naturel ni souhaitable que le dialogue entre frères appartenant à courants maçonniques ayant retenu d’autres options que nous, tant à l’international qu’au sein du grand ensemble auquel nous appartenons. Des passerelles s’établissent là où les ponts paraissaient irrémédiablement coupés, alors que chacun campait sur sa doctrine et ses certitudes.
 
Ces temps paraissent révolus ou en voie de l’être. C’est notre espoir. Gageons que 2004, année du bicentenaire du R\E\A\A\des hauts grades sera l’occasion de nous inscrire dans le prolongement écossais de ce qui a si bien réussi comme je le disais tout à l’heure à Lyon l’année dernière. Et l’échange fécond, c’est bien connu, est source d’enrichissement, d’évolution et de progrès. Nous l’avons bien vu dans le monde profane au travers des effets du processus d’Helsinki. En revanche, ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de l’affirmer, il ne peut, il n’y aura pas de Yalta maçonnique. Mes chères sœurs, mes chers frères, chers amis, avec nos volontés réunies, attaquons nous à ce chantier, tous et toutes ensemble et par delà nos options particulières. Sans être parjures, puisque nous avons prêté serment, mais nous avons souscrit des engagements maçonniques tous également respectables. Ayons ensemble cette volonté partagée. Vous aurez compris, mes chères sœurs, mes chers frères, que nous entendons vous faire partager notre optimisme et faire en sorte que l’adhésion à cet élan commun soit la plus forte. Le R\E\A\A\est effectivement un facteur de progrès car il est un élément essentiel de l’ouverture et du dialogue international au delà des options dogmatiques singulières avec un effet de miroir dans notre propre paysage maçonnique français et européen.
 
Alors ici, à Marseille, au moment où nous allons nous quitter, nous sommes heureux de partager avec vous toutes et vous tous cet espoir maçonnique d’universalisme qui est bien à notre portée. Il l’est chez nous, il l’est par delà les frontières, si ensemble nous en avons la volonté. N’en doutez pas un instant en ce qui nous concerne. Et partagez avec nous cet élan du bicentenaire dont nous sentons le souffle. Je vous donne donc rendez-vous au grand colloque international du bicentenaire qui se tiendra rue Cadet, dans le temple Arthur Groussier le 31 août prochain. Venez y nombreux, nous vous y accueillerons à bras ouverts, sans discrimination d’aucune sorte, pour prolonger cette fête du bicentenaire de Marseille. Si vous voulez garder une trace écrite de notre bicentenaire, vous aurez l’ occasion, soit ici, soit à Paris, de faire l’acquisition de l’ouvrage auquel, je le souligne, l’aréopage Source a pris une part essentielle et considérable  à laquelle je voudrais rendre hommage  en conclusion en remerciant notre frère HYVERT MESSECA et notre frère DARS qui tous deux appartiennent à Source. Je crois que c’est une page d’histoire qui a été écrite, qui nous est enviée par beaucoup d’autres instances dans le milieu écossais au point que j’ai reçu hier un message des États Unis avec un projet d’édition de cet ouvrage en anglais par un éditeur américain. Je vous remercie de votre attention et bon week-end pour ce qu’il en reste.
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