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Les Plaisirs de Versailles
Divertissement, 1682
musique de: Marc-Antoine Charpentier

 

les personnages:

La Musique, soprano
La Conversation, mezzo-soprano
Le Jeu, haute-contre
Comus, baryton
Un Plaisir, ténor

Choeur

 

Ouverture

Scène 1
La Musique, le Choeur

La Musique:
Que tout cède aux douceurs de mes accords charmants,
Mortels, Dieux, révérez le divine harmonie !
C'est peu que de bannir d'entre les éléments
La discorde, mon ennemis,
Et de régler les mouvements
De ces corps lumineux dont la force infinie
Fait naître les évènements
Des biens ou des maux de la vie.
Mais ce qui rend surtout mon sort digne d'envie,
C'est que du plus fameux de tous les conquérants
J'ai la gloire d'être chérie.
Mortels, Dieux, révérez le divine harmonie !
Dans ses glorieux passe-temps,
Le monarque des lys me met de la partie.
Que tout cède aux douceurs de mes accords charmants.

Le Choeur:
Mortels, Dieux, révérez le divine harmonie !
Dans ses glorieux passe-temps,
Le monarque des lys me met de la partie.
Que tout cède aux douceurs de mes accords charmants.

Scène 2
La Musique, la Conversation, le Choeur

La Musique:
Quel objet importun à mes yeux se présente ?

La Conversation:
Rare fille du ciel, ne m'appréhendez pas !

Il est vrai que ma langue est peu frétillante,
Mais je ne viens ici que pour parler tout bas
Et faire remarquer d'une façon galante
De vos expressions l'adresse et les appas.

Rare fille du ciel, ne m'appréhendez pas.

La Musique:
L'attention et le silence
S'accordent mieux à mon projet
Que votre babil indiscret
Qui jamais ne finit et qui toujours commence.

Accordons-nous: parlez !

La Conversation:
Accordons-nous: chantez !

La Musique:
Et moi je me tairai.

La Conversation:
Je vous écouterai.

La Musique:
Je suis prête à chanter.

La Conversation:
Si vous voulez chanter...

La Musique:
Si vous voulez vous taire...

La Conversation:
Je suis prête à me taire, chantez donc !

La Musique:
Taisez-vous.

La Conversation:
Je me tais pour vous plaire.

La Musique:
Pour vous plaire je chanterai.

La Conversation:
Chantez donc !

La Musique:
Taisez-vous.

La Conversation:
Je me tais pour vous plaire.

La Musique:
Pour vous plaire je chanterai

Amour, viens animer ma voix.
Sans toi, sans ta douce tendresse
Je ne pourrais toucher
Le plus charmant des rois.

La Conversation:
Que cette expression a de délicatesse,
Rien ne peut approcher de sa naïveté.

La Musique:
Babillarde divinité,
Pour Dieu, tenez votre promesse.

Amour, viens animer ma voix.
Sans toi, sans ta douce tendresse
Je ne pourrais toucher
Le plus charmant des rois.
Mais si ta flamme à mes chants donne vie,
J'aurai le bonheur d'attendrir son grand coeur.

La Conversation:
Ah, que cette chute est heureuse,
Elle enlève, transporte,
Elle enchante les sens.

La Musique:
Puisse, déesse caqueteuse,
Si bien s'embarrasser ta langue entre tes dents,
Que de louer à contretemps
Elle perdre à jamais l'habitude fâcheuse
Et devienne un exemple à la secte nombreuse
De ces beaux esprits fatigants
Qui pour toujours louer assassinent les gens.

[Menuet]

La Conversation:
De grâce, encore cette courante !

La Musique:
C'est un menuet, ignorante !

La Conversation:
Un menuet, je le veux bien.
Je meurs, je meurs si j'en savais rien,
Et si d'en rien savoir je me mets fort en peine.

La Musique:
C'esnt est trop, rompons l'entretien.

La Conversation:
Adieu, adieu sociable sirène.
N'allez pas de dépit faire votre cercueil
Des poétiques eaux de la docte Hippocrène.
Votre perte mettrait toute la France en deuil,
Adieu, adieur sociable sirène.

Le Choeur:
Arrêtez, demeurez, ne quittez point ces lieux !
Quoi, pour un discours qui vous pique,
Louis, ce héros glorieux
Manquerait des plaisirs que donne la musique ?

La Musique:
Qu'elle finisse donc son babil odieux !

La Conversation:
Parler est un talent unique
Que j'ai reçu des Dieux,
Et je veux m'en servir malgré les envieux.

La Musique:
Sortons ! On blâmera mon peu de politique,
Mais je ne saurais faire mieux.

Le Choeur:
Arrêtez, demeurez, ne quittez point ces lieux !
Quoi, pour un discours qui vous pique,
Louis, ce héros glorieux
Manquerait des plaisirs que donne la musique ?

Scène 3
La Musique, la Conversation, Un des Plaisirs, Comus

Un des Plaisirs:
Venez, dieu des festins,
Apaisez leurs querelles.

Comus:
Que vos débats ici ne fassent point d'éclats
Et je vosu donnerai, mes belles,
A toutes deux du chocolas.

La Musique:
Du chocolat ! Dieu nous en garde,
De crainte qu'on en donne à cette babillarde.
Moi-même, je le dis, je n'en veux point goûter.
Son caquet échauffé ne pourrait s'arrêter .

La Conversation:
Le chocolat est bon, cher Comus. Il me tarde
Que par votre crédit
J'en puisse un peu tâter.
Comus, l'écouter
C'est s'amuser à la moutarde.
Du chocloat !

La Musique:
Dieu nous en garde,
Son caquet échauffé ne pourrait s'arrêter.

Comus:
D'un vin délicieux de la côte rôtie
Qui ferait rire un Jérémie
J'ai des bouteilles à foisons.
Buvez-en, je vous y convie.
Si l'on a des chagrins, il faut qu'on les oublie
Et loin de troubler la raison
Ce jus divin la fortifie.

La Conversation::
Comus, le chocolat est bon.

La Musique:
Du chocolat ! Dieu nous en garde,
Non, Comus !

La Conversation:
Comus, l'écouter
C'est s'amuser à la moutarde.
Du chocloat !

La Musique:
Dieu nous en garde,
Son caquet échauffé ne pourrait s'arrêter.

La Conversation:
Que par votre crédit j'en puisse un peu tâter.

Comus:
J'ai des confitures liquides
Que prisent les goûts les plus fins.
Des tartesde massepains
J'ai assez hautes pyramides
Et j'en dispose ici comme Dieu des Festins.

La Musique & la Conversation:
Nous ne voulons, Comus, ni massepains ni tartes.

Comus:
Si vous ne voulez pas
De ces mets délicats,
Pour finir vos débats,
Déesses, prenez donc des cartes.
Le Dieu du Jeu qui vient en peut fournir à tous.

Scène 4
Le Jeu, la Musique, la Conversation, Un des Plaisirs, Comus

Le Jeu:
Si les cartes, les dés, l'innocent trou-madame,
Le billard, le damier, le tric-tric, les échaecs,
Lesrafles et les cochonnets
Ne sauraient dissiper les chagrins de votre âme,
Vous ne verrez jamais la fin de vos procès.

Le Choeur:
Si les cartes, les dés, l'innocent trou-madame,
Le billard, le damier, le tric-tric, les échaecs,
Lesrafles et les cochonnets
Ne sauraient dissiper les chagrins de votre âme,
Vous ne verrez jamais la fin de vos procès.

Le Jeu & Comus:
Pour vous apaiser donc, belles, que faut-il faire ?

Le Jeu::
Si mes jeux attirants...

Comus:
Si mes morceaux friands...

Comus & le Jeu:
N'ont pas de quoi vous plaire...

La Musique:
Il me faut du silence.

La Conversation:
A moi du chocolat.

Le Choeur:
Voyez le beau sujet pour faire tant d'éclat.

Comus:
Déesse des discours, cette tasse en est pleine.
Prenez, buvez et taisez-vous si vous pouvez.

La Conversation:
Volontiers.

La Musique:
C'est bien dit,
Je consens qu'elle en prenne.

Mon luth, ma douce voix,
Puisqu'il nous est permis,
Publions ce grand Roi !
Que tout le monde admire
Son grand nom, la terreur
De tous les ennemis
De son heureux empire,
Et l'amour qu'il inspire
Aux peuples qui lui sont soumis.

La Conversation:
Ah, que ce chocolat foisonne,
Il n'est sucré qu'autant qu'il faut.
Et je gagerais que personne
N'en saurait boire de plus chaud.

La Musique:
Eûtil été si chaud que ta langue affilée
Pour quatre mois et plus en eût été brulée.

La Conversation:
Tout beau ! Ceci passe le jeu,
Souffrez, mélodieuse dame,
Que je vous chante votre gamme,
Et que je me ressente un peu
Si parler selon vous est le plus grand des crimes.
Allez chanter dans les couvents,
Le silence y règne en tout temps.
A qui prêchez-vous vos maximes ?
Prenez-vous ces beaux courtisans
Pour des minimes ?

Apprenez qu'à la Cour on s'accommode aux gens.
Quoi ? Pour un mi fa sol que la musique entonne,
Il ne sera jamais permis de parler à personne ?
Le belle chose que voilà !
Dirait-on pas que la France
Tomberait en décadence
Sans ut ré mi fa sol la ?
La belle chose que voilà !

Le Choeur:
Ah, ah, ah, ah, ah !
La belle chose que voilà !

La Musique:
Déesse un peu trop chatouilleuse,
Mon procédé par vous devrait être avoué.
Je n'affecterai jamais cet air de précieuse
Que pour donner matière à votre humeur railleuse
Et mettre en plus beau jour votre esprit enjoué.

La Conversation:
Ah, s'il en est ainsi,
Musique ingénieuse,
J'ai tort de vous avoir joué.

La Musique:
Si Louis en a ri,
Je me tiens trop heureuse.

Le Choeur:
Grand Roi tout couvert de lauriers,
Si pour te délasser de travaux guerriers,
Nos flûtes et nos voix te semblent impuissantes,
Prends nos désirs pour des effets
Et puissent sans tarder tes armes florissantes,
Malgré les têtes renaissantes
De cette hydre opposée au bonheur de la paix
Remplir tes généreux souhaits.