Roland Rech, Pousser le ciel avec la tête, la terre avec les genoux,
Coll. « Noms de dieux »,
Ed. Alice, 2001.
ISBN 2-930182-63-6
« Noms de dieux », une excellente émission de la RTBF au cours de laquelle Edmond Blattchen et son invité dialoguent pendant une petite heure à propos de Dieu. Parmi les quelque quatre-vingts grands noms reçus par Edmond Blattchen depuis 1992, on compte plusieurs figures importantes du bouddhisme comme Jacques Brosse, le Dalaï-Lama ou encore Roland Rech.
Le livre Pousser le ciel avec la tête, la terre avec les genoux transcrit le dialogue enregistré le 3 mars 1997 au cours de l’émission consacrée à Roland Yuno Rech. Suivant la tradition, il comprend cinq parties : le titre, l’image, la phrase, le symbole, le pari.
Le titre : « non deux = Dieu »
La non dualité est une valeur de base du bouddhisme, et du zen en particulier. Un geste traditionnel comme le gassho (le salut mains jointes, yeux dans les yeux), par exemple, manifeste l’union de la main droite (l’ego, les attachements) et de la main gauche (la nature de Bouddha, Dieu). De même, saluer quelqu’un en gassho, c’est dépasser l’opposition entre lui et moi, devenir un avec lui. Par ailleurs, la méditation assise (le zazen) permet de revenir à l’unité primitive de l’être, celle qui préexiste aux oppositions dualistes qui dominent la pensée occidentale depuis Platon. Elle permet par exemple de réconcilier corps et esprit par l’importance de la posture et de la respiration, ou encore ciel et terre puisque l’on « pousse le ciel avec la tête, la terre avec les genoux ». On peut dire enfin que, dans l’esprit zen, il n’y a plus d’opposition entre l’acte de méditer qui serait perçu comme un moyen et le satori, l’Éveil, qui serait vu comme un but. Dans le zen, « la pratique elle-même est le satori ».
L’image : « La Voie »
L’image choisie par Roland Rech est une photo de Maître Deshimaru entouré de ses disciples, en 1975, à la Gendronnière. Elle symbolise la rencontre de l’Orient et de l’Occident, puisque Taisen Deshimaru est venu en Europe en 1967 pour transplanter la graine du zen dans un terreau frais. Cette partie de l’émission comporte un extrait d’un reportage consacré à Maître Deshimaru par Arnaud Desjardins. Elle évoque notamment la pratique de zazen face au mur et le rôle du kyosaku (le « bâton d’enseignement »). Roland Rech insiste aussi sur l’importance de la transmission i shin den shin qu’il a reçue de Maître Deshimaru, et le sentiment de responsabilité qu’il éprouve à l’idée d’être devenu Maître à son tour.
La phrase : « Étudier la voie du Bouddha, c’est s’étudier soi-même. S’étudier soi-même, c’est s’oublier soi-même. S’oublier soi-même, c’est s’éveiller avec toutes les existences. »
La phrase en question est de Maître Dogen (1200-1253), le fondateur du zen soto, qui, à la différence du zen rinzai, ne cible pas la méditation sur l’étude de ces phrases énigmatiques que l’on appelle des koans, mais insiste sur la connaissance de soi-même à travers la pratique de zazen et la vigilance quotidienne. Cette phrase évoque le « γνώθι σεαυτόν » de Socrate mais insiste sur l’oubli de soi, le « lâcher prise », car le « moi » auquel nous nous identifions souvent n’a pas de réalité immuable. Il n’existe qu’en interdépendance avec l’univers entier. D’où la compassion universelle, la sagesse, la mise en évidence des facultés du cerveau droit, celui de l’intuition, de la globalité, et non plus seulement du cerveau gauche, celui de la rationalité, de l’analyse discursive.
Le symbole : « Prie et travaille »
L’objet symbolique choisi par Roland Rech est un kesa d’apparat offert par ses disciples à Maître Deshimaru. Il comporte plusieurs symboles. Il est d’abord signe d’humilité : c’est le vêtement, fait de plusieurs bandes de tissu ramassées au bord du Gange à l’endroit où l’on incinérait les morts, que le Bouddha se confectionna quand il quitta ses habits princiers ; c’est donc l’un des signes de la métamorphose qui transforme un homme en moine ; c’est aussi un symbole de transmission puisqu’il est remis au nouveau moine par son maître lors de l’ordination ; enfin, il est cousu à tout petits points, à l’image de notre vie dont la ligne est faite d’une multitude d’instants. Par ailleurs, ce kesa est orné de montagnes et de nuages : les unes représentent la posture de zazen, les autres les pensées qui vont et viennent dans notre esprit et qu’il s’agit d’observer un instant, « sans attachement ni rejet ».
Le pari : « Ma sœur la Terre »
Au terme de l’émission, Roland Rech exprime sa confiance en l’être humain qui, vivifié par une pratique spirituelle comme le zazen, devrait pouvoir lutter contre les menaces qui pèseront sur la planète au XXIe siècle. Une conscience juste de la place de l’homme dans le monde, et notamment des relations d’interdépendance qu’il entretient avec les autres êtres, devrait lui permettre de respecter la Terre. Par exemple, Roland Rech se déclare partisan du végétarisme, aboutissement logique, selon lui, d’une réflexion sur le respect de la vie.
Shin Shu, Pratiquant au dojo de Mons