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Jürgen Stoldt: «forum est une plateforme pour le débat sociétal»

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Photo: Isabella Finzi

La revue mensuelle forum jette un regard critique sur les sujets sociétaux qui concernent le Luxembourg et entend lancer le débat de manière constructive.

Jürgen Stoldt est, depuis 2004, le président de l'association sans but lucratif qui édite forum, für Politik, Gesellschaft und Kultur (11 numéros par an). Le prochain numéro à paraître début mai sera le 318e.

Entretien avec notre journaliste
Jean Rhein      
 



Qu'est-ce qui vous a conduit au Luxembourg?


Jürgen Stoldt: Mes parents m'y ont amené. C'était en 1964. Mon père est venu à Luxembourg pour occuper, jusqu'à son décès en 1973, le poste de directeur du tout jeune programme allemand de RTL. Il fut le prédécesseur de Frank Elstner.

J'ai passé mon adolescence au Limpertsberg et j'ai fréquenté l'École européenne.

Vous n'êtes donc pas un néo-arrivant.

Le Luxembourg est mon pays. C'est le pays auquel je m'identifie. Mais j'en ai découvert la langue seulement à l'âge de 25 ans, et je regrette de ne pas très bien la maîtriser.

On vous adresse la parole en allemand?


Pas nécessairement. La plupart des gens d'ici me parlent aujourd'hui en luxembourgeois, même si je ne suis pas toujours en mesure de bien répondre correctement. Ma vie professionnelle se déroule en langue française. Comme ma vie privée, d'ailleurs.

Il me semble que l'allemand devient une des langues principales à l'Université du Luxembourg.

Cela dépend des domaines. Cette impression n'est justifiée que dans quelques branches seulement.

Je constate qu'il y a des noyaux qui se développent autour de tel ou tel professeur qui regroupe des collaborateurs qui parlent la même langue que lui. Dans les sciences sociales ou pédagogiques, il y a aussi bien des groupes de travail germanophones, que francophones; quelques-uns communiquent de plus en plus en anglais.

Je doute que l'allemand acquière une position importante à l'Université du Luxembourg. Je constate plutôt que certains chercheurs allemands ont tendance à renoncer à l'emploi de leur langue, au profit de l'anglais, qu'ils maîtrisent parfaitement.

Avez-vous adopté la double nationalité?

Oui. En 1989, au moment de la réunification de l'Allemagne, j'ai pensé à renoncer à la nationalité allemande, car cette grande Allemagne qui venait de renaître me faisait peur. Mais je me suis rendu compte que la nationalité est également une affaire culturelle dont on ne peut pas se défaire simplement. La double nationalité est une chose magnifique. Elle me permet de rester attaché à la littérature allemande et à la musique de Bach tout en participant pleinement à la vie politique de mon pays.

Je suggère vivement que De Reenert soit enseigné dans les classes supérieures des écoles luxembourgeoises. Ce serait la meilleure promotion pour l'identité culturelle luxembourgeoise.

Par contre, on pourrait renoncer à Faust, qui pour moi est une production assez douteuse.

Dans l'interprétation de Faust, tout le monde trouve quelque chose pour son compte!


Je ne le pense pas. Dans Faust, vous retrouvez certes le prototype de l'homme moderne, sans répit, toujours insatisfait. C'est un livre écrit par un homme, pour les hommes. Cela doit être difficile pour une jeune femme de s'y intéresser. La même remarque vaut d'ailleurs pour Homo Faber, de Max Frisch, deuxième œuvre au programme du baccalauréat en allemand.

Et le programme de la classe de fin d'études de l'enseignement secondaire classique n'est pas mieux en littérature française.

Ma fille doit subir actuellement ce programme d'enseignement d'un autre âge. Je proposerais pour l'enseignement du français un ouvrage de Simone de Beauvoir, par exemple.

Comment avez-vous découvert forum?

Je l'ai découvert en tant que lecteur, après mes études, à mon retour au Grand-Duché. C'était au milieu des années 1980. Puis en 1997, forum a recherché un rédacteur et j'ai postulé pour ce poste, que j'ai occupé jusqu'en 2002.

J'avais acquis antérieurement une certaine expérience dans le domaine de la communication, en travaillant pour les institutions européennes: le Parlement, la Commission, le Conseil de l'Europe. J'ai toujours été passionné par la transmission d'idées politiques et sociales.

Et vous en avez fait votre profession!


En 2003, nous avons créé Stoldt Associés, un bureau de conseil en stratégie et communication.

Nous assistons et conseillons nos clients essentiellement dans le domaine de la communication institutionnelle.

Conseilleriez-vous des partis politiques?


Non.

Combien de temps consacrez-vous à forum?


Actuellement, je consacre au moins une dizaine d'heures par semaine à forum.

Forum est une association sans but lucratif, dont je suis le président.

Le projet forum existe depuis 1976, l'association, en tant que structure juridique, depuis 1983. Son but associatif est l'édition du magazine. La réalisation incombe aux membres de l'association proprement dite. Mais forum est en fait un grand réseau d'auteurs, de lecteurs et d'amis, qui évolue en permanence.

La revue forum est un projet d'auteurs. Il s'agit de motiver ces auteurs à communiquer au grand public à propos des sujets sociétaux d'actualité. Nous offrons une plate-forme pour un vaste débat sociétal.

forum ne se considère pas comme une revue pour spécialistes. Nous désirons traiter des sujets complexes pour un public averti et le plus large possible. Chaque numéro est consacré à un thème principal (le dossier) pour lequel nous recherchons les auteurs.

Les conférences de rédaction se réunissent deux fois par mois, les sujets de dossier y sont préparés et discutés. Actuellement, le staff de forum se compose de deux collaborateurs à plein temps (Bernard Thomas et Laurent Schmit).

D'aucuns considèrent forum comme la revue des "catholiques de gauche"? Est-ce toujours vrai?


forum a dépassé ce stade probablement déjà dans les années 1990. Cette terminologie vient de France, et s'appliquerait dans le contexte du quotidien La Croix, par exemple. Il est vrai que forum est né dans le milieu de la "Jugendpoor Lëtzebuerg" qui a tiré son enthousiasme notamment de Vatican II. Dans le même giron, d'autres associations, comme l'ASTI, ASTM, etc. sont nées.

Dans la continuité de Mai 68, les associations de jeunes catholiques étaient toutes aussi mobilisées que les trotskistes, par exemple, et d'autres mouvements de la gauche.

Le fait que la signature du "Koschter" n'apparaît plus est-il une rupture?

Le "Koschter" (NDLR: "le sacristain" est le pseudonyme d'un des fondateurs de forum, Michel Pauly) écrit toujours pour forum. Mais il est vrai que pour le moment, il n'utilise pas cette figure.

Dans forum, les sujets religieux ne sont pas traités dans une perspective de croyance, mais dans l'optique sociologique, anthropologique, voire politique.

D'ailleurs, les sujets religieux ne sont plus aussi importants pour la société luxembourgeoise. Les jeunes ne vivent plus les pressions religieuses qui existaient encore dans les années 1970. L'Église catholique luxembourgeoise n'a plus le rôle et les positions dominantes qu'elle avait à cette époque, n'en déplaise à la maison d'édition Editpress.

Je n'ai pas vraiment compris la fixation de la société luxembourgeoise à ce sujet.

La religion est-elle une affaire pri

vée.

Je le pense. La foi est une affaire personnelle. D'origine protestante, je n'ai pas vécu les souffrances de la socialisation dans un environnement catholique comme la plupart des Luxembourgeois plus âgés que moi.

forum traite des dossiers d'actualité sensibles et ne s'adonne pas au mainstream de la parole unique. C'était le cas dans le récent dossier sur la réforme de l'enseignement secondaire.

En effet, nous avons imprimé et vendu un millier d'exemplaires supplémentaires. Le dossier a été traité sous des angles variés, pas seulement celui de la réforme de l'enseignement secondaire.

Forum organise des conférences publiques sur les sujets d'actualité. Dans quel but?

Les "public forums" ne constituent pas des tables rondes académiques. Il s'agit d'une excellente occasion de nous rencontrer entre auteurs et lecteurs. Et nous apprécions que la presse se joigne à ces réunions publiques.

Suite à la parution du prochain numéro, le "public forum" du 14 mai sera consacré au sujet des droits de l'Homme dans les situations de dépendance et de soins.

Arrivez-vous à joindre les deux bouts, financièrement?


Un cinquième de notre budget, à savoir 20000 à 25000euros, est subventionné par le ministère de la Culture. Puis forum est soutenu par une communauté de donateurs, dont certains apportent des montants considérables pour faire continuer le projet, mois après mois. Le revenu publicitaire n'est pas non plus négligeable, mais l'essentiel des recettes provient de nos abonnés. La vente au kiosque contribue à la visibilité du magazine.

Est-ce que l'Université vous apporte une nouvelle dynamique?


L'Université apporte beaucoup à la société luxembourgeoise. Elle suggère de nouveaux sujets, elle conduit à un nouveau style dans l'analyse du développement du Luxembourg.

Et forum peut ouvrir la vie académique à ses lecteurs.

Osez-vous plaisanter dans le cadre de forum?


Il est vrai que forum développe ses sujets de manière sérieuse.

Mais nous rions beaucoup lors de nos réunions rédactionnelles.

Pouvez-vous imaginer faire autre chose dans la vie que ce que vous faites maintenant?


J'ai encore beaucoup de projets auxquels je voudrais me consacrer encore.

Pourriez-vous imaginer de quitter le Luxembourg?


Oui. Si le Luxembourg – terre d'accueil et médiateur européen par excellence – cesse d'exister.

Peut-on imaginer un autre Grand-Duché?


Le Luxembourg risque de devenir une sorte de porte-avions pour l'économie et l'industrie financière mondialisées.

Il n'y a guère d'interrogations chez nous sur la provenance de notre richesse. Il y a seulement le désir que cela continue comme à l'accoutumée.

Mais la façon de créer les richesses peut induire un malaise dans la société. Il y a peu de pays où le secteur public et l'économie se rencontrent de façon aussi hostile qu'au Grand-Duché.

Je m'imagine toujours un Luxembourg qui serait plus innovateur en matière de développement durable, avant tout dans le domaine de l'agriculture. Un pays qui prendrait plus au sérieux sa vocation européenne, même au détriment des intérêts de sa place financière.

Finalement, le Luxembourg se prêterait bien à développer un véritable modèle de société ouverte et plurielle.

 

afp

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