Vous avez perdu votre référé à l’encontre de Canal+. Que vous inspire cette décision de justice ?
Par expérience, je n’attends pas justice de la France actuelle. Le magistrat qui oserait prendre une décision courageuse me concernant risque d’être mis au ban du système.
Plus généralement, pensez-vous qu’il soit légitime, comme vous le faites, de demander un droit de regard sur ce qui s’écrit, se dit ou se montre vous concernant ?
On a écrit n’importe quoi sur moi, gagne-pain des médiocres, c’est sans importance. Mais je ne peux pas approuver un film biographique qui falsifie l’histoire de façon calculée. Les faits historiques établis doivent être respectés, surtout par les médias audiovisuels.
Votre avocat, Isabelle Coutant-Peyre, a réclamé qu’une copie de l’œuvre lui soit remise, ainsi qu’un délai de trois mois pour « faire respecter les droits de la personnalité et à la présomption d’innocence de son client ». Quel est le plus important : votre image ou la présomption d’innocence ?
Mes avocats ne demandent que l’application de la loi. En France, la présomption d’innocence n’existe pas pour les prisonniers politiques. Mon image est criminelle pour les nantis et héroïque pour nos peuples, qui résistent contre la barbarie impérialiste et sioniste.
Quand vous meniez vos activités, vous souciiez-vous de ce qu’en diraient les médias ? Les avez-vous utilisés ?
Ma première interview date d’octobre 1997, à L’Amateur de cigare. Je n’ai jamais publié un communiqué avant ma séquestration. Nous faisions attention aux médias sans leur donner trop d’importance, car les nouvelles sont éphémères.
La présomption d’innocence n’existe pas pour les prisonniers politiques. Mon image est criminelle pour les nantis et héroïque pour nos peuples.
A cette époque, avez-vous pris contact avec des journalistes ?
Nous avions, effectivement, des camarades journalistes.
Fin 1979, vous avez accordé un long entretien au journaliste et poète Assem Al-Joundi. C’était une première de votre part. Vous l’auriez fait pour venir en aide à ce monsieur alors dans le besoin. Celui-ci a publié ce texte dans le journal Al Watan Al Arabi. Vous en avez été très mécontent. Le 19 juin 1980, Assem Al-Joundi échappait par miracle à un attentat. Vous lui aviez fait parvenir la dédicace suivante : « Pour un merveilleux poète, de la part d’un poète apprenti. » Vous entreteniez des rapports pour le moins étranges avec certains journalistes...
Assem Al-Joundi était poète, pas journaliste. Peu avant qu’il ne meure, une de ses filles, productrice à la télévision belge, a réalisé un documentaire-entretien avec lui. Il y déclara sans ambiguïté que je ne lui avais pas donné d’interview, mais qu’il avait recueilli des « informations » qu’il avait mises en forme d’interview, croyant avoir mon autorisation. À Bagdad, Assem Al-Joundi était connu parmi les exilés pour sa gouaille irrévérencieuse et son penchant pour l’alcool et la fête. J’ai dû lui avoir laissé un carton de whisky en cadeau, car il n’était pas riche.
Vous avez entretenu des rapports difficiles avec telle ou telle faction de la mouvance moyen-orientale. Le « mythe » Carlos, largement entretenu par les médias, ne vous a-t-il pas parfois aidé et même sauvé ?
En suivant l’exemple du FPLP, notre Organisation de révolutionnaires internatio- nalistes (ORI) a refusé de s’immiscer dans les querelles internes qui af- faiblissent la cause arabe. La surmédiatisation du mythe « Carlos » ne m’est jamais montée à la tête ; néanmoins ce mythe-là nous a ouvert des portes en maintes occasions.
Aujourd’hui pour les médias, en France notamment, vous êtes une « brute sanguinaire ». Cette mauvaise image importe à vos yeux ? Qu’avez-vous envie de répondre ?
Même Le Monde ne publie plus mes « droits de réponse » sérieux. Si les médias français continuent à éviter les questions qui fâchent, ce n’est pas moi qui serai moralement dégradé. Les clichés malintentionnés restent des clichés.
Vous avez écrit dans La Vérité, le journal de Marc-Édouard Nabe. Avez-vous aimé cette activité de chroniqueur ?
La mouvance trotkiste-CIA a réussi à faire fermer le mensuel La Vérité après quatre numéros. Cela ne m’empêche pas de continuer à commenter l’actualité ailleurs, et au génial Marc-Édouard Nabe de publier en auto-édition « Internet » (une première) son vingt-huitième livre. J’ai commencé à écrire des « chroniques » politiques dans le journal de mon lycée, à Caracas, en 1964.
« Je lis surtout la presse et je remarque sa détérioration : trop de réclames, dépendance du grand capital, diminution de la liberté de parole. »
Vous êtes, nous a-t-on dit, un gros consommateur de médias. Que lisez-vous, qu’écoutez-vous, que regardez-vous ? Et surtout, qu’en pensez-vous ?
Je lis surtout la presse parisienne, et je remarque sa détérioration : trop de réclames, dépendance du grand capital, diminution de la liberté de parole. Je « zappe » entre journaux télévisés, surtout France 3, Arte et i>Télé. J’écoute Radio Orient et France-Info. Je regarde les débats télévisés, et des films et séries en VO.
Vous avez apporté votre soutien à la liste de Dieudonné lors des élections européennes de 2009. Estimez-vous que cette liste a été un échec ou une réussite dans ce que vous appelez le « combat antisioniste » ?
Dieudonné est un grand de l’humour, très courageux dans son rejet de la bien-pensance. Son combat antisioniste est aussi le mien.
Dans le courrier annonçant votre soutien à Dieudonné, vous dénonciez l’« abrutissement d’origine médiatique ». Que vouliez-vous dire ?
En France aussi, les médias s’affairent à détourner le peuple de la révolte contre le pouvoir en place.
L’antisionisme est, en réalité, aux yeux de certains, l’autre nom de l’antisémitisme. Qu’en pensez-vous ?
Le sionisme est une hérésie du judaïsme, une idéologie criminelle et raciste. Les sionistes sont des charognards de la souffrance des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, à qui ils volent la mémoire. « Antisémitisme » est un misnomer. Dites plutôt antijudaïsme, parce que la plupart des Juifs ne sont pas d’origine sémite. L’antisémitisme idéologique est d’origine française, adopté par des nationalistes allemands. La plupart des sionistes ne sont pas juifs, la plupart des Juifs ne sont pas sionistes. Je suis philo-sémite et antisioniste.
Vous vous êtes converti à l’islam. Est-ce une démarche religieuse ou politique ?
À l’origine, ni l’une ni l’autre. Je l’ai fait sur la demande pressante, en octobre 1975, des fedayins musulmans sous mon commandement, qui voulaient que je les conduise, le cas échéant, au paradis [voir « L’islam révolutionnaire », page 23]. Ma foi islamique, je l’assume avec fierté ! Allahou Akbar !
Que pensez-vous des débats actuels autour de l’identité nationale, de la burqa, du voile islamique ?
Ces « débats » deviennent obscènes, de la démagogie de bas étage. Rétablissez les cours de « morale et civisme », chantez La Marseillaise et saluez le dra- peau à l’école chaque lundi matin, ça suffira ! Les gens ont le droit de s’habiller à leur guise, sauf atteinte à la pudeur ou à la sécurité (cagoules interdites). Tout le reste n’est que polémique artificielle.
Sur Internet, mais pas seulement, se propagent les thèses conspirationnistes. En particulier concernant le 11-Septembre et les attentats contre le World Trade Center. Vous partagez le point de vue de ceux qui expliquent que ce sont les Américains eux-mêmes qui ont organisé ces attaques et non Al-Qaïda ?
L’idée d’écraser un avion contre le World Trade Center vient du martyr Mir Murtaza Bhutto. Elle a été émise au mois de mars 1991, j’en suis témoin. Je ne partage pas les « thèses » conspirationnistes. Ce n’est pas parce que le gouvernement états-unien ment sur tout, tout le temps, que les opérations de sacrifice du 11 septembre 2001 sont l’œuvre de la CIA ou du Mossad. Elles sont des actions djihadistes !
« En France aussi, les médias s’affairent à détourner le peuple de la révolte contre le pouvoir en place. »
Vous êtes vénézuélien. N’avez-vous pas le sentiment que Chavez vous a laissé tomber ?
Le président Hugo Chavez est le plus grand leader politique de mon pays de- puis « El Libertador », Simon Bolivar. Chavez est très solidaire et courageux dans ma défense, depuis 1998. Nous lui en sommes reconnaissants.
Nicolas Sarkozy s’est plaint des conditions d’arrestation de la Fra.nçaise Florence Cassez au Mexique, lesquelles n’auraient pas respecté les lois de ce pays. Que cela vous inspire-t-il sur votre propre arrestation ?
Le corps diplomatique vénézuélien est très contre-révolutionnaire, opportuniste, lâche et/ou corrompu : j’en paye le prix. Mon état de séquestration ne s’éternisera pas.
Sans préjuger du résultat des procès à venir, pouvez-vous comprendre la douleur des familles de victimes ? Et qu’auriez-vous envie de leur dire ?
Les innocents et leurs familles méritent notre compassion et la révélation de toute la vérité, occultée par les autorités.
De qui vous sentez-vous proche aujourd’hui politiquement ? En France ? À l’étranger ?
Je suis fier de mes camarades chinois, vietnamiens, cubains, palestiniens, des résistances libanaise, irakienne, afghane, des communistes vénézuéliens. Mais je ne suis proche de personne en France. Les dernières élections régionales ont montré que, outre la majorité d’abstentionnistes, le vote à gauche n’est pas nécessairement le triomphe de la gauche. Le Français reste à droite, tendance plutôt « maréchaliste-gaulliste ». Eh oui ! Le vote est contre les dérives de l’anti-France aux manettes de l’État. Les Français votent contre la perte des acquis sociaux, contre la prépotence de la bureaucratie courtisane mondialiste de l’Union européenne, contre la soumission au commandement US de l’OTAN (anti-historique pour les Français). Par contre, le vote FN est plus sincère, nationaliste, vraiment français, dans la tradition du père, après la cagade opportuniste de la fille qui a fait élire Sarkozy. Enfin, les Français en ont marre. Et moi aussi !